Bonsoiiiir !
AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.
AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya
Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi
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- Acte 1 : Attraper ses rêves -
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Scène 18
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― J'vais m'en griller une, m'an.
― Laisse la porte ouverte pour faire entrer un peu d'air, d'accord ?
Touya hoche la tête, alors qu'Izuku et Hitoshi regardent ensemble un film d'animation, confortablement installés dans le canapé, un chocolat chaud entre les mains. Hitoshi a perdu son air froid pour un sourire sincère d'enfant et cela rassure un peu l'adolescent, alors qu'il sort un paquet de cigarettes de sa poche et sort sur la coursive qui relie tous les appartements de l'étage.
Il ne fume plus aussi souvent qu'avant, mais il est difficile de se séparer de cette addiction. Heureusement que sa consommation n'a jamais été particulièrement grande. Il a lu les dangers du tabagisme passif et il met désormais un point d'honneur à ne jamais fumer en présence du reste de sa famille. Cela lui demande des efforts, certes, mais il ne mettra pas ses proches en danger pour un désir égoïste.
Parfois, il est nécessaire de faire des concessions.
Il enflamme le bout de ses doigts pour allumer sa cigarette, observant un bref instant les flammes bleutées lécher sa peau sans la brûler, avant de les éteindre et de porter sa cigarette à la bouche. La nuit est paisible dans ce quartier surtout résidentiel, bien qu'il ne soit pas forcément des mieux fréquentés.
La fumée rejoint les nuages depuis de longues minutes et sa cigarette est presque consumée lorsqu'une ombre se dessine au bout de la coursive. Touya fait mine de l'ignorer, mais il continue d'observer en coin la silhouette qui se rapproche, bien trop conscient du risque potentiel que peut représenter l'inconnu.
Deux éclats de rire provenant du salon lui parviennent, alors que la lumière de l'appartement qui éclaire faiblement la coursive permet à Touya de reconnaître la personne. Un sourire lui échappe, alors qu'il salue d'un signe de tête Giran. L'homme a l'air épuisé, alors qu'il tourne la tête vers l'intérieur de l'appartement.
― Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas entendu rire…
― Tu veux en parler ?
― Je ne… Je ne suis pas présent pour lui et il est trop souvent seul.
Touya ne saurait décrire l'air qui plane sur le visage de Giran, mais cela remue quelque chose dans son cœur. La tristesse qui s'en dégage et la douceur dans le regard parme pourtant si perçant d'habitude lui fait penser que s'il le pouvait, l'homme ferait autrement.
― Au moins, tu en as conscience. Tu… Il n'y a vraiment aucune solution ?
― C'est trop dangereux de le garder à côté de moi pendant que je travaille. Je veux le garder en-dehors de tout ça.
― C'est tout à ton honneur. Mais ça ne lui suffira pas, tu sais ?
― Je sais. Je ne le sais que trop bien, sale môme.
Un instant de silence. Touya lui tend son paquet de cigarettes, que l'adulte décline. Son regard dirigé vers l'appartement exprime assez bien ses désirs pour que l'adolescent ne le fasse pas plus attendre. Il écrase son mégot contre la rambarde, invitant d'un geste Giran à le suivre. Il repousse la porte derrière l'homme sans la fermer totalement, la calant avant l'une de ses chaussures pour assurer une rentrée d'air. Les rires des deux enfants résonnent dans le hall d'entrée et lorsque Touya se redresse, il est persuadé que des larmes brillent dans les yeux de Giran, retenues par toute la froideur et le détachement que l'homme se donne.
― Tu n'as pas mis longtemps, Touya, un prob... Oh. C'est vous.
Sa mère surgit au bout du couloir, son tablier noué autour de la table, et elle adresse un regard indéchiffrable à Giran. Touya ne saurait pas mettre le doigt sur les émotions qui habitent les yeux émeraudes, alors qu'Inko soupire et secoue la tête.
― Vous voulez que je prévienne Hitoshi que vous êtes là ?
― Non, non, ce n'est pas la peine ! Qu'il profite, je ne veux pas le déranger.
Le visage d'Inko s'adoucit légèrement et Touya mettrait sa main au feu qu'elle compatit avec le receleur, quand bien même cela le surprend. Il n'ose cependant pas poser de questions, alors qu'il traversent discrètement le salon, passant derrière le canapé où les deux enfants regardent leur film, pour trouver refuge dans la cuisine. Sans un mot, Giran s'installe sur une des chaises et l'adolescent observe avec intérêt sa mère ouvrir son placard à thé, hésiter un instant devant la série de boîtes, avant de le refermer et de se tourner vers lui.
― Je crains que rien ne soit assez fort là-dedans. Hikari, tu peux ouvrir le placard au-dessus du micro-onde ?
― Je crois que tu ne mettais rien là parce que c'était trop haut pour toi ? demande-t-il tout en lui obéissant.
― Rien n'est trop haut avec un escabeau et puis, ce n'est pas comme si j'avais souvent besoin de ce qu'il y a dedans.
Touya hausse un sourcil, alors même qu'il ouvre la porte du dit placard. Sa bouche s'ouvre sur un souffle étonné qui reste muet ; des bouteilles d'alcool fort se dévoilent à son regard, couvertes d'une légère couche de poussière. Il ignorait qu'Inko en possédait et cela ne lui serait pas venu à l'esprit, à vrai dire. Il ne l'a jamais vu boire. Enfin, devant lui en tout cas. Et jamais Izuku ne lui a parlé de quelque chose qui s'en approcherait plus ou moins.
― Vous n'êtes pas obligée, je...
― Quelque chose me dit que vous en avez besoin pour le réconfort que ça vous apporterait. Même si je ne suis pas pour la consommation d'alcool comme peluche, ce n'est pas à moi de vous interdire quelque chose.
― Vous êtes une dame bien étrange, sourit tristement Giran.
― La dame bien étrange a votre fils en otage, attention, je pourrais décider de ne pas vous le rendre, réplique Inko.
― Ce serait peut-être mieux pour lui.
Touya observe le match de tennis verbal qui se déroule devant lui, la main toujours sur la poignée du placard sans trop savoir comment réagir à l'aveu de Giran. Inko observe un instant l'homme, plissant les yeux, avant de venir lui asséner une claque derrière le crâne, sans se soucier nullement des conséquences. La mâchoire de l'adolescent se décroche alors que Giran tressaille violemment, portant par réflexe sa main sur sa hanche, avant de la reposer sur la table.
― À moins que vous ne battiez ou ne négligiez cet enfant, je pense qu'il est mieux avec vous que dans placé un foyer et croyez-moi, je sais de quoi je parle. Votre fils a besoin de...
― C'est mon neveu. Pas mon fils, corrige Giran. Vous auriez du Bourbon ?
― Monsieur a des goûts de luxe, mais Monsieur est bien tombé. Hikari, tu peux sortir la bouteille ronde, avec le bouchon où il y a un cheval dessus ?
Touya s'exécute, refermant le placard avant d'apporter avec précaution la bouteille sur la table. Inko sort un verre, avant de le remplir et de le poser devant Giran. Elle sort aussi la boîte de madeleines faites maison qui embaumaient encore la cuisine tout à l'heure, avant de retourner à ses fourneaux, tournant le dos au receleur. L'adolescent hésite un instant, avant de sortir sa tasse - un simple mug blanc orné d'un chat grognon, cadeau d'Inko - et de se préparer un thé. Seul le sifflement de la bouilloire retentissent pendant quelques dizaines de secondes, sa mère préparant tout ce dont elle a besoin pour faire ses crêpes avec diligence et sans un bruit.
Lorsque le lycéen pose finalement ses fesses sur la chaise en fasse de Giran, Inko lance la cuisson de la première crêpe avant de cuisinier le receleur.
― Très bien, c'est votre neveu. Comment vous êtes-vous retrouvé à vous occuper de lui ?
― Est-ce que cela a vraiment un intérêt pour vous ?
― Je suis simplement curieuse. Mais vous n'êtes pas obligé de me répondre.
Giran se saisit finalement de son verre et Touya l'observe faire tourner le liquide ambré à l'intérieur, avant de soupirer. Jamais il n'a vu le receleur dans un tel état d'abattement, comme si la situation le dépassait et qu'il ne savait plus quoi faire. Mais c'est Giran, il a forcément une solution, non ? L'adolescent le connaît avec son éternel sourire moqueur et sa confiance en lui inébranlable. Est-qu'il est possible que tout cela s'effrite lorsque cela concerne Hitoshi ?
― C'est... C'est le fils de ma sœur aînée. Elle me l'a laissé dans les bras à peine né, avant de filer à l'anglaise. Elle était poursuivie par la police parce qu'elle s'était acoquinée avec la mauvaise personne et j'ai pas pu lui dire non. Elle l'avait même pas déclaré. J'ai réussi à le placer auprès d'amies en couple qui l'ont déclaré. Elles... Elles étaient des mères merveilleuses pour Hitoshi.
Le courtier avale cul sec son verre, avant de se resservir en silence. La crêpe dans la poêle que tient Inko est rapidement retournée sur une assiette, qu'elle vient déposer avec une certaine douceur devant l'homme.
― Vous ne devriez pas boire sans manger un peu. Étaient, vous disiez donc ?
― Elles sont décédées dans une bavure policière. Elles avaient une Alter de Mutation, ça a effrayé une jeune recrue lors d'une descente sur leur lieu de travail et... Il n'a pas même pas été inculpé. Ils ont juste mis ça sous le tapis, légitime défense, qu'ils ont argumenté.
― Ils s'agissaient d'hôtesses ou de...
― L'une, oui. L'autre était barmaid dans le même club. Ça n'aurait jamais dû arriver. Ça n'aurait pas dû...
Giran ne termine pas sa phrase, tandis qu'Inko dépose devant lui la boîte de sucre et un pot de confiture au yuzu. Touya les observe avec une tristesse teintée de curiosité et de mal-être. Il n'aime pas voir l'une des personnes auxquelles il tient se briser comme ça sous ses yeux, bien loin des apparences qu'il maintient jour après jour. Il sirote son thé, cachant son nez pratiquement dans sa tasse, avant que sa mère ne pose quelques instants sa main sur sa tête. Aussitôt, l'adolescent se sent plus détendu, et bientôt une crêpe vient aussi terminer ses maigres secondes d'existence dans une assiette devant lui.
― Quand est-ce arrivé ? demande doucement Inko, tout en continuant à faire ses crêpes.
Il y a une douce odeur vanillée qui s'installe dans la cuisine et Touya observe avec un certain intérêt la tension dans le corps de Giran se faire moins importante. Visiblement, il n'y a pas que sur lui qu'Inko a un effet apaisant. Ou est-ce l'alcool que l'homme a bu cul sec qui le détend autant, malgré le sujet ? Franchement, l'adolescent en doute.
― Il y a deux ans. J'ai eu sa tutelle, mais... Je suis dépassé. Je le surprotège sans doute trop pour éviter que mes ennemis n'apprennent son existence et ne tentent quelque chose, mais...
― Vous ne voulez pas le perdre. C'est tout à votre honneur.
― Mais je le blesse. Je ne suis pas aussi affectueux que ses mères, ni aussi disponibles ou compréhensif. Je le laisse seul. Je l'ai retiré de l'école pour qu'il n'ait pas à sortir de la maison et je lui fait cours quand je peux. Je sais que je fais tout de travers, seulement...
― Seulement, vous êtes prêt à tout pour le protéger, quitte à ce qu'il vous déteste un jour et vous quitte sans un regard en arrière, parce qu'au moins il sera encore en vie, n'est-ce pas ?
Giran relève la tête, tandis que Touya tressaille en entendant toute la douleur et la tristesse retenues dans les paroles de sa mère. Il lève son nez de son thé, pour l'observer déposer sa crêpe actuelle sur une nouvelle assiette, des larmes au coin des yeux. Il hésite à peine avant de poser sa tasse et de se relever pour venir l'enlacer dans son dos, la serrant comme si elle risquait de se briser en morceaux s'il ne la tenait pas assez fort.
― Le jour où Izuku te détestera, maman, les cochons voleront, tu le sais, au moins ?
Touya tourne à demi la tête vers Giran et esquisse un sourire, avant de désigner du menton le salon.
― Je ne pense pas qu'Hitoshi te déteste non plus. Il doit t'en vouloir pour certaines choses, mais il ne te déteste pas.
― Ne parle pas de ce que tu sais pas, sale gosse.
― C'est pour ça que j'ouvre ma gueule. Tu devrais aller le rejoindre , y'a de la place pour trois sur le canapé. Enfin, si tu n'es pas effrayé par le terrible poulpe Izuku !
Inko laisse échapper un rire joyeux, quoi qu'un peu étranglé, et même Giran finit par sourire. Il se relève alors en silence, rangeant la bouteille d'alcool dans l'armoire, tandis qu'Inko se défait de son étreinte pour continuer à faire ses crêpes. Elle a même un sourire en coin alors qu'elle désigne à son tour à Touya le salon.
― Et toi, rejoins donc ton petit frère au lieu de te moquer des adultes, tu veux bien ? Ou pas de crêpes pour toi !
C'est dans un éclat de rire que Touya fuit la cuisine pour rejoindre le salon ; l'adolescent est soudain sûr et certain en entrant dans la pièce que Hitoshi ne déteste pas Giran, à son exclamation joyeuse lorsque l'homme le salue et à sa joie immense alors que son oncle s'installe à ses côtés.
Touya espère qu'ils seront de ces histoires qui se terminent bien.
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