Bonsoiiiir !

AVERTISSEMENT : Cet écrit aborde des sujets difficiles, tel que la maltraitance, le harcèlement scolaire, la discrimination, la vie à la rue, etc.

AVERTISSEMENT 2 : Cet écrit utilise la théorie Dabi = Todoroki Touya

Disclaimer : Tout appartient à Kohei Horikoshi


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- Acte 1 : Attraper ses rêves -

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Scène 19

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La nuit est tombée sur l'appartement dans un joyeux tintamarre. Giran et Hitoshi sont restés dîner, puis dormir, sur l'invitation d'Inko. Touya n'a pas de souvenirs d'une soirée aussi animée en rires et en discussions. Il a un goût amer dans sa bouche depuis qu'il est allé se coucher, les murmures effrénés de Hitoshi et d'Izuku résonnants dans la chambre pendant de longues minutes avant que le silence ne reprenne ses droits. Le neveu de Giran aurait dû dormir sur un matelas supplémentaire que sa mère a installé, mais il s'est endormi à l'étage supérieur du lit superposé, aux côtés d'Izuku.

Cela doit faire deux bonnes heures, maintenant. La pluie a commencé à tomber, dehors ; il entend les gouttes d'eau s'écraser contre les carreaux de la fenêtre. Et l'amertume dans sa gorge ne veut toujours pas partir. Est-ce que toutes les soirées en famille devraient ressembler à celles-ci, avec sa mère qui rit aux éclats, avec Izuku qui parle avec animation avec Hitoshi qui écoute en silence, les yeux brillants, et Giran qui observe Inko comme si elle était la plus belle femme au monde ?

Le regard du courtier sur sa mère ne lui a pas échappé. Et Touya doit bien avouer qu'il a peur, car il sait ce que l'amour peut provoquer. Il se souvient de la douleur dans les yeux de Rei, de son désespoir, de son abandon. Il se souvient du regard doux qu'elle posait sur Endeavor avant qu'il ne s'assombrisse petit à petit. Est-ce que les choses vont mieux dans son ancienne famille, maintenant qu'il n'en fait plus partie, ou est-ce que cela a empiré ?

Est-ce que ses rêves de famille risquent aussi de se briser, si Giran s'en mêle ? Touya refuse qu'il joue avec le cœur de sa mère, mais comment lui faire comprendre qu'il doit être sérieux ? L'adolescent se sent dépassé par les événements et par des émotions qu'il a vu toujours destructrices chez les autres. Il ne veut ni perdre sa mère, ni Giran, mais il ne peut pas les empêcher d'agir comme bon leur semble, il n'est qu'un enfant par bien des choses.

Il finit par se relever en silence de son lit, enfilant ses chaussons avant de se rendre dans la cuisine, espérant qu'un tisane apaisera son esprit tourmenté. Pourtant, lorsqu'il entre dans le salon, il s'aperçoit que de la lumière filtre par l'interstice de la porte entrouverte de la cuisine, alors que le canapé lit, déplié pour la nuit, est vide et sans nul doute froid. Le cœur de Touya rate un battement, mais au moins ce n'est pas la chambre de sa mère qui est illuminé, ou il n'est pas certain qu'il l'aurait supporté.

Il se rapproche à pas de loup de la porte, son cœur accélérant jusqu'à cogner contre ses côtes, avant de jeter un œil par l'entrouverture, un nœud de culpabilité dans le ventre. Il ne devrait pas ni écouter, ni regarder aux portes, mais c'est plus fort que lui. Il doit savoir. Il ne peut pas rester dans l'ignorance en se voilant la face.

À l'intérieur de la pièce, Inko et Giran se font face. Le courtier semble avoir retrouvé son détachement durant la soirée, tandis que sa mère paraît sur ses nerfs, ses mains serrées à en devenir blanches autour d'une tasse de thé. Touya s'apprête à rentrer pour sortir sa mère de la, peu importe ce qu'à pu faire Giran pour la mettre dans cet état-là, avant de figer aux mots que prononce soudain Inko.

— Ne me faites pas espérer que je pourrais m'en sortir. S'il vous plaît. Ne jouez pas avec mon cœur ainsi.

— Je ne dis jamais rien que je ne puisse pas faire.

— Et que voudriez-vous en échange, hein ? Mon corps ? Mon argent ? Je ne suis pas stupide, vous savez.

— Non, loin de là. Vous êtes une femme blessée trop de fois qui est prête à tout pour ses enfants. Je ne m'abaisserais nullement à vous demander quoi que ce soit qui vous répugnerait.

De quoi parlent-ils ? De quoi sa mère ne pourrait-elle jamais se sortir ? Touya se laisse glisser au sol, contre le mur, se recroquevillant en entourant ses genoux de s'es bras, espérant en apprendre plus, quand bien même ne devrait-il pas épier cette discussion avec tant d'indiscrétion.

— J'ai bien vu votre regard sur moi. Je...

— Je ne nie certes pas que vous me plaisez. Énormément. Mais l'amour ne s'achète pas, ni le désir. Je... Je voudrais que vous vous occupiez d'Hitoshi. Il a besoin de plus d'attention et d'amour que je n'arrive à lui en apporter. Je ne vous demanderai rien de plus.

La mâchoire de Touya se décroche. Qu'est-ce que Giran a trouvé sur sa mère pour savoir que la dette qu'elle aura à son égard s'il agit sera suffisante pour qu'il puisse lui accorder à ce point sa confiance ? C'est ainsi qu'il marche depuis que l'adolescent le connaît ; le courtier accorde sa confiance proportionnellement aux dettes que les gens ont envers lui, ou de l'utilité qu'ils trouvent à requérir à ses services.

— Je n'ai pas la place de m'occuper d'un enfant supplémentaire.

— Si je vous sors de ses griffes, vous n'aurez plus à habiter ici. Je payerai le loyer d'un appartement plus grand, si vous le souhaitez.

— Pourquoi moi ? Je suis persuadée qu'il y des milliers d'autres femmes bien plus à même de...

— Vous avez amadoué Dabi. Vous n'imaginez même pas à quel point cela a fait pencher la balance en votre faveur, n'est-ce pas ? Et puis... Un service contre un service. C'est comme ça que je fonctionne.

Il y a un instant de silence dans la cuisine. Touya y est suspendu, attendant avec une certaine angoissante les indices lui permettant de comprendre de quoi il en retourne exactement. Il ressent un certain soulagement à savoir que Giran ne semble pas vouloir forcer Inko dans une relation à sens unique, s'il saisit bien ce qu'il sous-entend, mais tout le reste lui est encore trop nébuleux pour qu'il se détende tout à fait.

— Il s'agit de l'Ambassadeur Américain au Japon. Croyez-vous vraiment que vous arriverez à le convaincre de me laisser en paix et de divorcer ? Il s'y refuse depuis tant de temps...

— Même après vous avoir abandonné avec votre fils ?

— Il continue d'espérer que je reviendrais vers lui après m'être débarrassée d'Izuku. Il refuse que son fils soit Sans-Alter, alors il préférerait le voir disparaître. Mais ça n'arrivera pas. Jamais.

Oh, l'espèce de salop. Touya ne peut même pas le retrouver et lui coller son poing dans la figure comme il le mériterait. Le lycéen songe cependant qu'il devrait peut-être trouver une image de lui, au cas où il voudrait s'approcher de nouveau d'Izuku en comprenant qu'en menaçant le fils, il pourrait influencer la mère. Il n'est peut-être qu'un adolescent, mais il ne laissera pas un homme apparemment toxique s'approcher de sa famille.

— Vous n'avez jamais essayé de déménager ?

— Il m'aurait retrouvé, de toute façon, et ça aurait déraciné Izuku. Il n'a déjà pas beaucoup d'amis, alors si je lui retirais Katsuki...

Touya se retient de penser que cela aurait peut-être été mieux. Si Inko n'était pas resté, Izuku aurait de toute façon fini dans une école qui l'aurait discriminé. Mais l'enfant ne serait pas venu trouver refuge auprès de lui. Hikari Midoriya n'aurait jamais existé. L'adolescent ne serait pas actuellement à Yuei, sponsorisé par la meilleure héroïne du Japon, prêt à participer au Championnat et à le gagner. Mais un bref instant, il songe que cela ne vaut peut-être pas toute la douleur qu'a dû endurer Inko.

— Vous le regrettez, parfois ?

— Non. Si j'étais partie, je n'aurais pas connu Hikari. Ni vous.

Il y a un instant de flottement dans la cuisine et Touya tourne la tête pour observer par l'interstice, retenant à grand-peine un rire en voyant Giran détourner la tête. L'adolescent parie qu'il a actuellement les joues légèrement rougies de gêne, quoi que de façon bien moindre que sa mère, qui est écarlate jusqu'aux oreilles à cet aveu.

— Vous admettez que je ne vous laisse pas de marbre ?

— Que voulez-vous, il semblerait que je frappe tous les hommes qui me plaisent à notre premier rencontre.

Un éclat de rire échappe à Giran, qu'il tente d'étouffer dans son poing. Touya reprend sa position initiale, un sourire amusé sur les lèvres, alors qu'il se rappelle de la discussion qu'il a eu avec le courtier au sujet de sa dent non-remplacée. Il respecte Inko, le lycéen n'en doute pas un seul instant, mais la peur de le voir la briser lui empoisonne toujours l'esprit.

Une chaise racle le carrelage de la cuisine et Touya surprend un froissement de tissu, avant de devoir tendre l'oreille pour percevoir le restant de la discussion.

— À vrai dire, je... Si vous arrivez à me libérer de lui, je vous promets de vous laisser une chance. Peut-être que je n'arriverai pas à vous aimer, ce n'est pas une promesse, mais... J'aimerais beaucoup apprendre à vous connaître et je sais qu'Izuku et Hikari vous aiment bien.

— Votre époux est bien stupide s'il ne comprend pas que vous ne laisserez personne entrer dans votre cœur si vos enfants ne l'apprécient pas. D'ailleurs, lui avez-vous parlé de...

— Non. Surtout pas avec l'Alter qu'a Hikari. Connaissait Hisashi, il serait bien trop heureux de se déclarer comme son père, d'une façon ou d'une autre. Mais je préfère que mes enfants n'aient pas de père plutôt qu'un homme pareil.

— Et... ça vous ne dérangerait pas si c'était moi ?

— Vous vous avancez bien vite, Monsieur Giran.

Touya peut sentir le sourire dans la voix de sa mère, quand bien même il n'a pas la scène sous les yeux. Il se plaque les mains sur les oreilles, sentant ses joues se colorer. Est-ce que sa mère est en train de flirter avec Giran ? Par les Kamis, il aurait préféré ne jamais entendre une scène pareille, surtout entre deux personnes qu'il aime tant. D'un côté, il serait sans nul doute heureux s'ils étaient ensemble, mais de l'autre, il craint bien trop qu'ils se blessent l'un l'autre sans le vouloir. L'amour est dangereux, l'amour blesse, il n'en a eu que trop de preuves, que ce soit chez ses géniteurs ou dans la rue.

Le lycéen finit cependant par retirer ses doigts, trouvant la position inconfortable, et le silence dans la cuisine l'intrigue autant qu'il noue son estomac. Il tourne de nouveau la tête et tressaille brusquement en apercevant Giran enlacer dans ses bras la mère de famille. Clairement, il en a assez vu pour la soirée ! Il se redresse en silence et bat en retraite vers la chambre d'enfant, l'esprit à la fois plein de questions, de crainte et de soulagement.

Il ignore comment les choses évolueront et sans doute la peur que Giran et Inko se blessent mutuellement ne quittera pas son estomac de sitôt, mais lorsqu'il lève les yeux vers le lit superposé, où dorment Izuku et Hitoshi, c'est surtout du soulagement qu'il ressent. Izuku n'aura bientôt plus la menace de son père sur ses frêles épaules ; Hitoshi ne sera plus mal à l'aise chez son oncle à cause de cris ou de bruits sourds de conflit. Il aura le meilleur de son oncle sans tout ce qui l'a finalement poussé à fuguer

— 'Kari ? T'es 'veillé ?

Touya tressaille en entendant la voix d'Izuku, avant de soupirer lorsque le visage de son petit frère apparaît au-dessus de la rambarde qui l'empêche de tomber.

— Oui, désolé si j'ai fait trop de bruits.

— Non, pas d'ta faute... Hitoshi, il a fait un cauchemar, alors ça m'a réveillé. Pi t'es revenu. On peut venir dormir avec toi ?

Touya cligne des yeux, pas certain de totalement suivre son petite frère alors qu'il débite sa phrase comme d'autres se lancent des fleurs. Il soupire, se pince l'arrête du nez le temps de réfléchir. De toute façon, Hitoshi risque de devenir une constante dans leur vie, alors pourquoi refuser de lui apporter un peu de réconfort ? Et peut-être qu'il arrêtera de trop penser si Izuku dort avec lui.

— Je ne voudrais pas vous embêter... chuchote la petite voix ensommeillée d'Hitoshi.

— Tu n'embêtes personne. Allez, descendez, ou je me rendors sans vous !

— Oui !

Izuku acquiesce vigoureusement, avant de descendre l'échelle, sa peluche All Might à la main. Hitoshi est un peu moins rapide, tenant précieusement Pumpkin sous son bras ; Touya se surprend à sourire et passe une main dans les cheveux violets pour les ébouriffer. Le petit garçon lui lance un regard surpris, mais Izuku ne lui laisse pas le temps de poser de question. Il se saisit avec autorité de sa main pour le tirer dans le lit, s'installant sur l'oreiller en serrant sa peluche contre lui.

— Tu vas voir, Hikari, il est tout chaud, il est mieux qu'une couette pour dormir !

— Dis tout de suite que je te sers de radiateur, nan mais oh !

Izuku rit doucement et Touya a mal aux lèvres à force de sourire, récupérant les deux oreilles sur le lit du haut pour venir les installer en bas, permettant à Hitoshi de s'allonger à son tour. Il enlève ses chaussons et se glisse auprès d'eux, rabattant les draps en bâillant.

— Bonne nuit, les mioches. Ne vous préoccupez de rien, si un cauchemar s'approche de vous, j'en fais un petit tas de cendres !

Hitoshi étouffe un rire dans sa peluche et Touya échange un regard complice avec Izuku, avant de fermer les yeux, son sourire gravé sur ses lèvres, d'autant plus lorsqu'il sent la masse compacte et douce de la peluche de phoque contre lui. Le lycéen se doute de la valeur sentimentale de cette peluche, alors il se sent honoré qu'il lui accorde assez de confiance pour qu'il puisse la toucher.

Ces gosses méritent tout l'amour du monde et Touya doute qu'Inko ou Giran en soit avare.

Peut-être qu'il arrivera à laisser ses angoisses de côté pour cette nuit.

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