Kalol'kan sourit, heureux, alors que le vent froid d'Endora s'engouffrait dans sa tresse, tentant d'en arracher quelques mèches. Il détailla le paysage. Les ruines calcinées de ce qui avait été un village longtemps auparavant, endormies sous un éternel manteau de neige. Le coureur était malin. Plus personne n'habitait ce monde depuis que les Endorians l'avaient plongé dans une semi-obscurité et un hiver sans fin à grand renfort de bombes à fusion. Mais il était aussi idiot. La neige lui arrivait presque à la taille, et même si le coureur avait une bonne avance sur lui, sa piste profonde n'avait pas encore été effacée par les lourds flocons qui tombaient sans discontinuer. Il se lança à sa poursuite d'un pas rapide et sûr dans un silence percé seulement du bruit sourd de ses bottes dans la neige. La piste le mena aux restes d'une première maison, puis d'une seconde pour y disparaître.
Il y entra prudemment, observant les traces plus nettes dans la fine couche de neige qui s'était engouffrée depuis les ouvertures béantes des portes et des fenêtres. L'humain avait allégrement piétiné autour de la cheminée, et il devina aux traces qu'il avait en vain tenté d'allumer un feu avant de ressortir par la porte arrière de la bâtisse. Il se remit en chasse avec un grondement excité.
Il y eut un bruit sec, puis une douleur fulgurante éclata dans sa cuisse, dans lequel était fiché un éclat de métal tranchant attaché au bout d'une longue tige retenue par le mince cordon qu'il avait détaché en marchant dessus.
Avec un rugissement de douleur, il arracha le piège de sa jambe, réduisant la perche à l'état de brindille avant de se remettre en marche, furieux et boitant.
Deux heures, trois pièges et un village plus loin, Kalol'kan était à bout de nerfs, affamé à force de régénérer et frigorifié, et du coureur toujours nulle trace.
S'il ne le trouvait pas rapidement, il serait obligé de faire demi-tour, ce qui n'était pas envisageable.
Il s'était vanté devant sa reine et tout le harem qu'il ramènerait la tête de ce coureur. Il ne pouvait pas échouer sans devenir la risée de toute la ruche.
Il fallait qu'il trouve ce maudit coureur.
Il se remit en marche, espérant que le mouvement éloignerait un peu le froid.
La piste le mena à une autre maison en ruine. La septième. Un piège l'attendait sûrement dedans, ou juste à la sortie. Si le coureur croyait qu'il allait se faire prendre une fois encore, il se trompait lourdement. Avec un rictus mauvais, il s'enfonça dans l'épaisse couche de neige afin de contourner le bâtiment, pour en découvrir l'arrière par lequel le coureur avait sans doute poursuivi sa fuite.
Il arrivait à la hauteur de la seule fenêtre qui s'ouvrait, puits noir sur le profil de la maison, lorsqu'il perçut un mouvement du coin de l'œil. Instinctivement, il se plaqua contre le mur, l'avant-toit le protégeant d'une avalanche de neige et de briques clairement entassées là à son attention. Cette petite proie vicieuse avait prévu qu'il n'entrerait pas dans la maison. Il comprit son erreur, un instant trop tard. Avec un rugissement de bête furieuse, le coureur se jeta sur lui par la fenêtre dans son dos, passant son épaisse ceinture de cuir autour de son cou avant de serrer de toutes ses forces.
Kalol'kan tenta de s'emparer de son arme, au fourreau sur sa cuisse, mais le coureur dont les yeux emplis d'une rage meurtrière se découpaient sous la masse noire de ses longues dreadlocks, la lui arracha des mains, lui cassant deux doigts au passage avant de la jeter dans la neige où elle disparut.
Kalol'kan essayait de lutter, à coup de poings, de pieds, de n'importe quoi, mais le coureur était fort. Aussi fort qu'un wraith. Aussi fort que lui. L'oxygène commençait à manquer. Chaque geste devenait plus difficile, plus douloureux. Comme si une petite créature malveillante attachait un nouveau poids à ses membres à chaque seconde. Et toujours ce regard, rivé au sien, haine liquide plus brûlante que le feu. Rage, colère, désespoir coulés en une dévorante envie de tuer.
Les contours de sa vision se brouillaient, d'abord flous puis de plus en plus noirs, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que ces pupilles sombres rivées aux siennes. Un regard qui le transperçait plus encore que l'esprit de la plus inquisitrice des reines, puis l'obscurité.
