Daisy s'éveilla le lendemain avec les rayons chauds du soleil qui lui réchauffaient la tête. Le rideau de lin écru qui tombait devant la fenêtre était un peu entrouvert, et les bruits d'activité de la ville du désert se faisaient vaguement entendre à travers la vitre. Elle avait dormi dans une mauvaise position, affalée sur le ventre, complètement épuisée par sa soirée de la veille. Cavaler dans des antres, rechercher des trésors et réaliser les derniers souhaits des défunts, ça, elle avait l'habitude. Mais se trémousser en débardeur et mini-jupe avec les danseuses d'Ouadi ? C'était bien trop épuisant pour elle.

Avec un soupir endormi, la jeune Gardienne s'étira sur le ventre et prit quelques minutes pour se remettre d'aplomb. Puis, elle se tourna sur le dos et fit l'effort de se relever. La journée était déjà bien avancée. Elle se demanda si Victor, Anatole et Gérarnak étaient réveillés eux aussi ou bien si leur beuverie de la veille les avait assommés pour la journée. Elle avait dû les traîner l'un après l'autre et les entasser tels quels dans la petite chambre que l'aubergiste avait consenti à lui laisser uniquement parce qu'elle était "Daisy, sauveuse d'Ouadi", et cet effort avait vraisemblablement fini de la vider de ses forces. Lourdement, la Célestellienne se leva, sortit de sa chambre et se dirigea vers celle d'en face, celle de Bram.

"Bram ? appela-t-elle en tournant la poignée. Tu es là ?"

Elle passa la tête par l'entrebâillement de la porte. Personne. C'était étrange, le lit n'était même pas défait.

"Bram ? murmura-t-elle pour elle-même. Je me demande où il est passé..."

Elle referma la porte et descendit dans la salle de restauration, où elle eut la surprise de trouver Victor et Anatole en train de vider cul sec un verre de jus de tomate et jaune d'œuf, probablement pour guérir leur mal de crâne. Quant à Gérarnak, il n'était nulle part... Sans doute en train d'essayer d'arnaquer quelqu'un au grand bazar d'Ouadi.

"Salutations, marmonna-t-elle en se laissant lourdement tomber sur une chaise. Avez-vous croisé Bram, ce matin ?

-Non, ma cocotte, répondit Victor en reposant bruyamment son verre sur la table. Aucune trace du Maquisard numéro 11 !

-C'est bizarre, soupira Daisy en se servant machinalement un verre de lait avec la carafe qui était posée sur la table. Je me demande où il est passé.

-Ses pas ont peut-être croisé ceux d'un ancien de vos amis, suggéra Anatole. Bien des gens connaissent votre visage, dans ces contrées.

-À moins que Véga ait atterri ici depuis les étoiles, je ne vois pas, murmura la jeune Gardienne assez bas pour que personne ne l'entende."

Elle but une gorgée de lait.

"Je vais aller voir au Mirage Mahal, décida-t-elle. La reine, le chambellan ou Linette sauront peut-être me renseigner.

-N'oublie pas de prendre ton petit-déjeuner, d'abord ! Même s'il est plus de midi. Une bonne journée ne va pas très loin sans un bon repas, c'est ce que je dis toujours ! l'encouragea Victor.

-À se demander comment nous avons survécu à la Morteresse si longtemps."

Daisy partagea avec ses anciens compagnons d'infortune les gâteaux au miel et les baies des dunes qui avaient été déposés sur la table, puis elle partit en direction du palais d'Ouadi. Là-bas, l'effervescence était totale, tellement la jeune reine avait travaillé pour faire de sa ville un centre touristique et culturel. Les gens se pressaient dans les couloirs pour goûter à la cuisine royale, profiter des bains et des soins corporels du palais et surtout, apercevoir le lézard doré de la reine. Quand il vit Daisy pénétrer dans la grande salle du trône, Salam émit un sifflement heureux et se dégagea de sa foule d'admirateurs pour venir vers elle. Il escalada la jambe de la jeune Gardienne, puis son bras et se retrouva sur son épaule.

"Salutations, sourit-elle en caressant le lézard sous le menton.

-Ah, Daisy ! Il y avait longtemps que nous ne vous avions pas vue, déclara la reine en lui adressant un signe de connivence. Avez-vous déjà essayé le dernier massage à l'huile de baie des dunes mis au point par nos servantes ? Il est tout simplement divin !

-Pas encore, Votre Majesté, répondit poliment la jeune Célestellienne. Je suis venue ici avec Bram, mais il est introuvable depuis hier soir... L'auriez-vous aperçu ? Je sais qu'il aime beaucoup venir discuter avec vos cuisiniers.

-Malheureusement, je ne l'ai pas vu par ici, répondit Noria avec sympathie. Avez-vous essayé la salle de spectacle ? C'est le deuxième pôle le plus fréquenté d'Ouadi.

-C'est justement là-bas que nous nous sommes quittés la dernière fois...

-Dans ce cas, je ne sais pas quoi vous conseiller. Demandez autour de vous. Quelqu'un l'a peut-être aperçu. Mais vous êtes certaine qu'il n'a pas quitté la ville pour se rendre quelque part ? Il a pu se trouver dans l'incapacité de vous avertir.

-Je ne sais... À première vue, rien ne l'empêchait de revenir me trouver s'il y avait un problème..."

Comme les visiteurs du palais s'impatientaient, Daisy ôta Salam de son épaule et le reposa par terre. Puis, elle salua la reine et alla se renseigner auprès du personnel du palais. Mais là encore, aucun résultat.

Ce n'était pas seulement l'absence de son ami qui la troublait. Le sixième sens de Daisy, qui lui permettait de détecter la présence de ses congénères à proximité, était d'une acuité qui n'était plus à démontrer. Cependant, elle avait beau se concentrer, elle ne percevait plus la présence de Bram. Ça paraissait complètement impossible, inimaginable, pourtant, les faits étaient bien là... L'essence de son ami avait comme disparu. Frappée de stupeur, la jeune Célestellienne eut soudain l'impression d'être totalement seule au monde, dans un vide figé et froid. Et surtout, qu'il était arrivé quelque chose à son ami ! Mais, sans son aura, comment le retrouver ?

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La première chose que Bram ressentit en émergeant du brouillard, ce fut la douleur. Il avait terriblement mal à la tête, mais au cou aussi, à la nuque et à la gorge, ainsi qu'au bras, mais seulement sur une partie. Ça le brûlait et le tiraillait, comme si quelque chose l'entravait. Le jeune Célestellien poussa un grondement de douleur et essaya d'ouvrir les yeux. Au début, ça ne changea pas grand chose, à part qu'il parvint à chasser plus ou moins les dernières brumes de l'inconscience.

Il faisait noir, et le sol était rugueux et humide, comme s'il se trouvait dans un endroit très reculé et très ancien. L'air était lourd et étouffant. Bram tâtonna autour de lui pour rassembler ses forces et trouva sous ses paumes des dalles râpeuses et ébréchées, terreuses, avec de l'eau croupie qui s'insinuait entre les interstices. Il poussa sur ses bras ankylosés et sentit quelque chose cliqueter près de lui. Une chaîne. Il avait une chaîne autour du cou, attachée à un collier à pointes qui l'entravait et reliée à sa grosse ceinture de cuir de gladiateur. Et cette chaîne le brûlait. Il sentait une énergie inhabituelle qui s'échappait des maillons rouillés et froids.

"Ah, tu es réveillé, remarqua soudain une voix dans la pénombre. Un peu plus, et tu manquais le début des festivités."

Bram tourna brusquement la tête et découvrit un homme d'une trentaine d'années avachi contre le mur, non loin de là. Il était vêtu d'une armure lourde et de bottes à talions, et son visage affichait une expression maussade et renfermée. Le jeune Célestellien le reconnut comme un des gladiateurs qu'il avait vus à Ouadi.

"Où sommes-nous ? exigea-t-il en observant la longue pièce étroite, les pierres rêches et les barreaux rouillés devant eux.

-À ton avis ? soupira l'autre. Dans une prison. Et ne me demande pas où exactement. Je n'en sais rien."

Les tempes encore douloureuses, Bram se passa la main dans les cheveux en tremblant un peu. Il commençait lentement à prendre conscience de ce qui s'était passé. Il s'en voulait déjà d'avoir été aussi facilement dupé, et, avec sa tempe qui le lançait, il n'avait aucun mal à imaginer la tête d'Héphaïstos s'il avait pu voir ce qui s'était passé. Il lui aurait hurlé dessus à n'en plus finir pour son inconscience.

Bram se tourna vers son codétenu pour en savoir plus, mais une porte grinça soudain de l'autre côté de leur cellule et une lumière faiblarde s'allongea en tremblotant sur les dalles grossières.

"Bien, c'est parfait, je vois que notre nouvelle recrue s'est réveillée, apprécia l'homme en robe de soie qui était derrière tout ça. Il va pouvoir prendre pleinement la mesure de ce que j'attends de lui.

-Espèce de gros lard, qu'allez-vous faire de nous ? s'exclama Bram, furieux, en se jetant presque sur les barreaux de la cage. Vous ne vous en tirerez pas comme ça !

-Et qui va m'arrêter ? Toi ? rétorqua son ravisseur en haussant les épaules. Je ne vois pas ce que tu pourrais faire contre moi. Tu seras bien trop occupé à rester en vie.

-Comment ? Rester en vie ?"

Le jeune Célestellien regarda de nouveau autour de lui et remarqua d'autres gladiateurs et gladiatrices avachis ici et là dans différentes cellules. Avant qu'il puisse demander de nouvelles explications, les gardes déverrouillèrent les portes et vinrent saisir leurs prisonniers par les bras pour les tirer hors des cages. Aucun ne résista, si ce n'est de façon très superficielle, probablement par réflexe. Bram fut le dernier qu'on essaya de faire sortir, mais il serra les poings, prêt à se défendre. Il ne savait pas où ces hommes voulaient l'emmener, mais ça ne lui inspirait rien de bon. Malheureusement, ses ravisseurs étaient trop nombreux et il fut entrainé à la suite des autres, qui n'avaient même pas esquissé un regard dans sa direction. Ils devaient avoir l'habitude, ou bien leur sort était si funeste qu'ils n'avaient plus d'empathie pour personne.

"Allez, tout le monde avance ! ordonna le chef des gardes en poussant Bram dans le dos avec sa lance."

Le groupe de gladiateurs obtempéra sans rien dire et, même s'il bouillonnait d'envie de se débattre, Bram dut les imiter. La mine patibulaire des soldats ne lui laissait pas beaucoup de doutes sur ce qui leur arriverait si jamais ils essayaient de se rebeller. Il regarda partout autour de lui, malgré la pénombre humide qui envahissait les murs de pierre, pour trouver une échappatoire. Malheureusement, les hommes qui se bousculaient autour de lui et l'uniformité des parois ne lui donna pas beaucoup d'indices. Au bout de quelques minutes de marche hasardeuse, ils parvinrent dans une immense arène aux gradins irréguliers et recouverts de traces noires, comme des brûlures. Un immense pentacle compliqué, tout en courbes et en symboles, baigné d'une lumière rouge, était tracé au milieu de la pièce. Sur une partie de l'arène, il n'y avait pas de gradins, seulement des bancs où les soldats attachèrent les gladiateurs, à l'exception de deux, un homme et une femme. Bram regarda autour de lui. Les gradins étaient déserts, ce combat n'était donc pas une démonstration de talent... Un entrainement, alors ? Qu'avaient-ils l'intention de leur faire ?

Machinalement, le jeune Gardien tira sur ses chaînes, mais s'arrêta net quand le pentacle au milieu de l'arène se mit à briller. Comme s'il s'agissait d'un signal implicite, les deux gladiateurs s'élancèrent l'un vers l'autre. L'une avait une hache, et le second se battait visiblement avec ses mains nus. Plus agile, il esquiva sans problème le coup de hache de son adversaire et passa sous sa garde pour la frapper à la mâchoire de ses mitaines renforcées de clous de fer. Elle poussa un cri, du sang se mit à couler de sa bouche mais elle ne se laissa pas distraire et essaya de riposter en le frappant du plat de son arme. Il dut reculer, mais revint rapidement à la charge. La gladiatrice commença à reculer, mais elle garda fermement sa hache en main et, au profit d'une brève ouverture dans l'attaque de son adversaire, elle parvint à lui en administrer un grand coup au niveau de l'épaule. Il grogna de douleur, se déconcentra, et elle en profita pour lui trancher la tête. Bram poussa un cri d'horreur et, par réflexe devant ce spectacle d'un mortel en danger, il se redressa sur son banc. Les chaînes lui entaillèrent les membres et le soldat le plus proche le fit se rassoir en lui plantant sa lance dans le dos, même s'il avait déjà compris qu'il ne pouvait plus rien faire... Sous ses yeux horrifiés, le pentacle se mit à briller de plus belle et l'endroit où se trouvait le corps du gladiateur commença à fumer. Son adversaire recula, les yeux posés sur le cadavre d'un air morne, presque éteint. Les chairs commencèrent à fondre, les vêtements tombèrent en lambeaux, les os se désagrégèrent. En quelques secondes à peine, il ne restait plus rien du malheureux, et même son fantôme, que Bram vit clairement se détacher des restes fumants, se retrouva aspiré par le pentacle.

"Non ! hurla le jeune Cékestellien en essayant, une nouvelle fois, de se libérer de ses chaînes. Arrêtez ! Laissez-le en paix !"

Hélas, l'esprit du gladiateur disparut rapidement au milieu des rougeoiements de mort et des panaches de fumée, la bouche déformée en un rictus de pur effroi. Anéanti, Bram se laissa retomber sur son siège. La bile, acide et brûlante, lui obstruait la gorge. Il ne comprenait presque pas ce qu'il venait de se passer. Tant de violence... tant d'horreur... c'était presque insupportable. Cet homme ne partirait jamais au Paradis. Son âme... son âme avait été aspirée, dissoute, effacée de l'existence par cette... cette chose, cette arène morbide et dangereuse.

Du coin de l'oeil, le jeune Célestellien remarqua alors que des formes avaient commencé à apparaître dans les gradins. Des formes tordues, floues, monstrueuses, qui semblaient encourager et se réjouir de cette orgie de violence. Leur présence même lui provoqua un violent haut-le-cœur. De façon presque viscérale, ces choses le dégoûtaient.

"Allez, aux suivants ! lança joyeusement l'instigateur de cette macabre cérémonie. Peut-être que notre nouvel ami veut nous montrer de quoi il est capable ?"

Avant même que Bram ait pu faire un geste, ses geôliers déverrouillèrent ses entraves et l'arrachèrent du banc. Horrifié à l'idée d'approcher les hideuses créatures des gradins, le jeune Célestellien se débattit mais, évidemment, il n'avait aucune chance contre eux tous réunis. Ils le poussèrent au centre du pentacle et se retirèrent rapidement, comme s'ils avaient peur que la force macabre ne les aspire. Complètement sous le choc de ce qu'il était en train de vivre, il regarda autour de lui. Le dessin rougeâtre ne paraissait rien dégager de particulier pour l'instant, à part de la lumière... Il devait se mettre en marche au contact du sang...

Le jeune Célestellien releva la tête. Un second malheureux venait d'être poussé dans l'arène avec lui, et il tenait une hache à la main. En entendant un bruit sourd derrière lui, Bram se retourna. Une masse venait d'être jetée à ses pieds par son geôlier.

"Et donne-nous un beau spectacle, ordonna l'homme en robe de soie en s'enfonçant dans son siège. Tu as vu ce qui t'arrivera si jamais tu ne te donnes pas à fond.

-Même si je me donne à fond, vous finirez par m'occire quand même, gronda le jeune Célestellien, la rage prenant peu à peu le pas sur la peur. Vous paierez ça un jour ! Vos crimes ne resteront pas impunis !

-Ils le sont depuis des décennies, rétorqua l'homme. Et il ne s'est jamais rien passé. Et maintenant, combattez !

-Non, je refuse !"

Il avait ramassé la masse par réflexe, mais Bram savait très bien qu'il ne pouvait pas s'en prendre à ce mortel. Il était un Gardien, même s'il n'avait jamais terminé officiellement sa formation; c'était une des choses les plus sacrées pour lui : défendre et protéger les humains. Au péril de sa vie. Il ne pouvait pas lui faire du mal. Il refusait de le laisser mourir.

"Tu n'as pas le choix ! répliqua son ravisseur. Personne ne veut mourir ! Ton instinct de survie te dominera le moment venu. Et même si tu te retiens... ça m'est égal du moment que j'ai le sacrifice dont j'ai besoin. Allez, il y en a d'autres qui attendent !

-Un sacrifice ?"

L'adversaire de Bram s'élançait déjà vers lui, hache brandie. Un sacrifice... Mais oui, un sacrifice... Ça doit être pour ça, le pentacle. Et les monstres terrifiants dans les gradins... probablement des morts à qui il essaie de donner plus de puissance... Bram esquiva sans problème le premier assaut du gladiateur. Il avait visiblement beaucoup, beaucoup plus d'expérience que son adversaire, et n'eut aucun mal à saisir le manche de son arme et la lui arracher des mains. Son opposant recula, visiblement stupéfait par sa force physique. Bram jeta la hache hors du pentacle et regarda de nouveau les esprits hurlants qui les entouraient dans les gradins. Leur puissance paraissait déjà accrue par l'échange d'énergie qui pulsait à l'intérieur du pentacle. Si cet homme continuait à mener ses sinistres cérémonies, qui savait ce qu'il pourrait arriver...

"Eh bien, bats-toi ! le harangua le maître des lieux en se levant de son siège. Tu l'as désarmé, finis-en !

-Il n'en est pas question ! hurla Bram une nouvelle fois. Je refuse de tuer un mortel !

-Un mortel ? Toi aussi, tu en es un, il me semble ! Et si tu continues de me résister, je vous égorge tous les deux !

-Vous n'êtes qu'un gros lard ! Venez donc essayer de me forcer !"

L'opposant du jeune Célestellien avait, lui, visiblement été effrayé par les menaces de leur ravisseur car il essaya de lui expédier un coup de poing sur la tempe. Une nouvelle fois, Bram le bloqua sans mal, mais le gladiateur renouvela sa tentative avec son autre main, et le fit reculer de plus en plus vers le bord du cercle. Le dos du jeune Célestelien se mit aussitôt à grésiller et à fumer quand il en atteignit le bord, et il poussa un cri de douleur, essayant de se dégager de cette arène dont il ne pouvait visiblement pas sortir. À moins que l'un d'entre eux ne meure, sans doute...

De plus en plus enragé par l'énergie nauséabonde qui émanait du pentacle, son adversaire passa alors à la vitesse supérieure et essaya de l'empoigner par les cheveux et de lui mettre les doigts dans les yeux. Bram passa sous sa garde pour le frapper dans le plexus et lui faucha les jambes pour le mettre à terre. Il l'immobilisa en lui mettant la main sur la gorge et serra presque inconsciemment le manche de sa masse.

Il ne pourrait pas sortir d'ici à moins que l'un d'entre eux ne soit tué. Et ce gladiateur n'hésiterait pas à le mettre à mort pour s'en sortir.

Et si encore il n'y avait que ça... Mais le jeune Célestellien ne savait pas combien d'âmes seraient encore sacrifiées par ce dingue si jamais il le laissait continuer. Daisy allait certainement le retrouver. Leurs auras célestelliennes étaient connectées, après tout. Il fallait qu'il tienne encore un peu, et pour ça...

Pour ça, il devait tuer ce mortel.

Même si c'était contraire à ses principes.

Même si c'était contraire à ses lois.

Même si c'était contraire à son âme.

Bram ne se rendit pas compte tout de suite que des larmes coulaient de ses yeux quand il leva sa masse au-dessus de sa tête. Il ne put même pas regarder son adversaire quand il abattit son arme contre sa tempe, le tuant sur le coup, parce que sa vision était devenue complètement floue. Les chairs du malheureux se désagrégèrent sous ses doigts qu'il ne parvint toujours pas à réagir. Le cercle se mit à luire, les esprits hurlèrent, l'âme de ce mortel cria de désespoir avant de se faire absorber et Bram ne bougea toujours pas. Il n'était capable que de trembler de tout son corps. Il venait de commettre la pire action qu'il n'aurait jamais pu imaginer. Mentalement, il demanda, au désespoir, à Héphaïstos et au mortel de lui pardonner.

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Daisy défonça pratiquement la porte de la taverne-salle de spectacle quand elle pénétra à l'intérieur.

"Où est la gérante de cette établissement ? cria-t-elle dans la pièce vide, seulement occupée par des employés qui balayaient les ordures et nettoyaient les tâches de nourriture sur les tables. Je dois la voir immédiatement !

-Que se passe-t-il ? demanda la vieille aubergiste, effarée par ses cris, en jaillissant derrière son comptoir. Il y a un problème ? Est-ce que ce sont tes fans de hier soir qui t'ont suivie partout dans la rue ? Si c'est le cas, je...

-Non, point du tout ! la coupa Daisy, arrivée à bout de sa patience et de son anxiété. Mon ami Bram a disparu depuis hier soir et je n'ai aucune piste pour le retrouver, si ce n'est qu'il a rendu une visite de courtoisie aux gladiateurs que vous aviez invités ! Vous devez me donner leur adresse, je dois savoir où ils sont partis !

-Les... les gladiateurs ? bégaya la femme. Quels gladiateurs ?

-C'est moi qui les ai invités, intervint son co-gestionnaire en apparaissant à son tour de derrière le comptoir. Je me suis dit qu'un peu de muscle ferait du bien aux clients de la taverne... Je vais essayer de les retrouver. C'est Nala qui a pris leur inscription."

Ni une, ni deux, il se mit à fouiller son gros registre des intervenants de l'établissement. Malheureusement, sa réaction ne fut pas celle que Daisy attendait. Son visage pâlit, et quand elle le pressa, très inquiète, il lui répondit :

"Je suis désolé, Mademoiselle... Mais ils n'ont laissé aucune adresse. Je serais bien incapable de les retrouver... et j'ai bien peur qu'il en soit de même pour vous."