Bonjour à tous !
Voilà la suite de cette histoire. Encore un gros gros merci à tous pour vos reviews adorables qui m'ont motivée à me dépêcher de peaufiner ce chapitre suivant pour pouvoir vous le poster !
Sur ce... ENJOY !
Giovanni secoua la tête.
- Je n'en reviens pas que Gabriel ne t'ait rien dit pendant toutes ces années. Enfin bon, tu as tout de même le droit de savoir qui je suis et ce que tu fais ici, et vu que ton cher père n'a pas daigné s'en charger… Il faut bien que quelqu'un le fasse.
Il prit l'une des chaises le long du mur, la tira devant Adrien et s'assit dessus à califourchon, face à lui.
- Je vais en avoir pour un moment, c'est une assez longue histoire. Donc… Il y a vingt-cinq ans, j'étais en dernière année de HEC à Paris, la plus prestigieuse école de commerce du pays. Jeune, venant d'une famille aisée, major de promotion… Tout me souriait, et j'avais déjà le projet que, dès mon diplôme en poche, je fonderai mon entreprise, qui deviendrait l'une des plus grandes du pays. Je n'avais que des pistes quant au domaine de cette entreprise, il y en avait plusieurs qui m'intéressaient. Celui qui attirait le plus mon attention était celui de la mode, il y avait à l'époque dans la mode française un potentiel énorme dont personne ne semblait vouloir profiter. J'y réfléchissais en finissant ma dernière année en compagnie d'une camarade de ma promotion qui, au fil des années, était devenue une très bonne amie. Amélie Graham de Vanily.
- Tante Amélie ? s'étonna Adrien.
- Oui, ta tante. Nous étions assez proches. De très bons amis, de très bons partenaires de projets dans nos études. A force de travailler ensemble, nous avons passé un peu de temps chez elle et c'est là que j'y ai rencontré sa sœur, Émilie. Ta mère. Amélie et elle se ressemblaient terriblement, mais Émilie avait… Je ne sais pas, ce quelque chose d'indéfinissable en plus. Gentille, attentionnée, drôle… Elle m'a tout de suite tapé dans l'œil, nous nous sommes fréquentés pendant toute cette dernière année, et quand je suis sorti de l'école, major de promotion et diplôme en poche, je l'ai demandée en mariage.
- Vous étiez fiancé avec ma mère ? répéta Adrien, incrédule.
- Exact. Notre couple était… Parfait. Nous nagions dans le bonheur, nous nous sommes installés ensemble dans mon appartement du 1er arrondissement. Émilie avait arrêté les études de comédie et rompu son contrat avec son agent, ses projets de devenir actrice semblaient donner sur une impasse. Officiellement, elle affirmait que c'était temporaire, juste le temps des préparatifs du mariage, mais quelle raison aurait-elle eu de recommencer après ? Je lui offrais tout ce qu'elle voulait, et j'y mettais les moyens pour qu'elle ait droit au plus grand mariage qui déboucherait sur son bonheur parfait : J'avais fait faire des alliances absolument uniques, j'avais repéré l'un des châteaux les plus demandés pour ce genre de cérémonie, tout se profilait à la perfection. Les préparatifs prenaient du temps bien sûr, mais cela me permettait de tout préparer dans les moindres détails. Encore un ou deux ans et nous aurions été mariés, l'un des couples le plus heureux de la haute société. Et, en parallèle, je travaillais sur mon projet de créer une grande entreprise de mode française. Je connaissais tous les mécanismes de gestion d'une entreprise pour la propulser au sommet, mais il me manquait les connaissances dans la mode. Je me renseignais, je suivais quelques cours par correspondance, et surtout je fréquentais les défilés de mode. Et à l'un d'eux, j'ai rencontré un jeune styliste qui sortait de l'école mais pointait avec une précision terrifiante les erreurs et les réussites sur chaque vêtement des plus grands couturiers. Qui qu'il soit, ce type était un génie, avec des idées de génie. Et c'est là que j'ai eu la révélation : Pourquoi passer encore des années à travailler dans ce domaine pour acquérir ces compétences, alors qu'il me serait beaucoup plus facile et rapide de m'associer avec un styliste de génie qui n'avait pas suffisamment de connaissances de gestion pour lancer sa propre marque ? J'ai donc abordé ce jeune styliste. Gabriel Agreste.
- Mais mon père a monté sa boite seul… nota Adrien.
- Que tu crois. J'y viens un peu après. Au début, il a été emballé par ma proposition. J'avais vu juste sur ses ambitions : Un jeune styliste étonnamment doué, qui se savait doué, mais qui ne pouvait espérer que piétiner des années au plus bas échelon des grandes boites de mode en attendant que l'un de ses supérieurs daigne remarquer son talent. Ce que je lui offrais à la place, c'était de l'or pour lui : Quelqu'un qui lui proposait, dès maintenant, de monter sa propre boite de stylisme en la propulsant dans la cour des grands. J'avais les connaissances en gestion, il avait les connaissances dans la mode. Nous avons signé ce partenariat et créé cette maison de stylisme ensemble, GA², en référence à nos initiales et notre collaboration. Nous avons commencé à travailler ensemble, activement, sans jamais compter nos heures. Mais… Cela nous prenait tellement de temps, je culpabilisais de délaisser Émilie aussi souvent. Je ne pouvais pas gérer à la fois notre projet et les préparatifs du mariage et je refusais de laisser Émilie s'en charger seule. Le mariage a été reporté plusieurs fois, ça me paraissait être un moindre mal nécessaire pour être sûr qu'il serait parfait, plutôt que de le bâcler. Mais je m'en voulais. Ma plus grande hantise était qu'Émilie finisse par penser qu'elle serait plus heureuse sans ce fiancé fou d'elle mais trop absent. J'ai fini par lui proposer de se joindre à nous pour suivre l'avancée de notre projet et éviter qu'elle s'ennuie ou m'en veuille de mon absence. Nos soirées de travail étaient assez agréables, le courant passait bien entre nous trois, je leur détaillais tous les mécanismes de gestion d'une entreprise, tout ce qui permettait de la créer et de la faire prospérer. Nous avons convenu ensemble que pour qu'une marque reste dans les esprits, il lui fallait un mannequin vedette, un visage qui la représenterait éternellement. Émilie aurait été parfaite dans ce rôle. Tout se profilait pour le mieux. Cette situation a duré cinq ans et encore aujourd'hui, je pense pouvoir affirmer qu'il s'agissait des plus belles années de ma vie. Et puis…
Le visage de Giovanni se ferma et sa voix devint un peu plus sèche en continuant :
- Il m'a trahi. Ils m'ont trahi. Un soir, Émilie a annoncé qu'elle me quittait. Je… Je me souviens mal de ma réaction exacte à ce moment-là, j'étais abasourdi… Et dubitatif. Elle avait coupé les ponts avec sa famille, elle ne connaissait personne dans les environs, où aurait-elle pu aller ? J'étais confiant sur le fait qu'elle ne pourrait pas partir comme ça et que j'aurais tout le temps de m'expliquer avec elle d'ici qu'elle puisse matériellement partir de chez moi. Mais non. Elle est partie le soir même, sans affaires, sans rien d'autre que les vêtements qu'elle portait, juste avec quelques papiers dans la poche de son pantalon… Là encore, quand elle a claqué la porte, j'ai pensé à la rattraper mais je n'ai pas essayé. A nouveau, je me concentrais sur le fait qu'elle reviendrait d'elle-même parce qu'elle n'avait nulle part où aller. Sauf que Gabriel l'attendait en bas en voiture. Que faisait-il ici, lui avait-elle parlé de ce projet de me quitter, sortaient-ils ensemble avant même qu'elle ne soit effectivement partie, je n'en sais rien et je ne l'ai jamais su. Ils m'ont trahi et se sont enfuis ensemble. Quelques mois plus tard, la maison de stylisme Agreste voyait le jour et grandissait à une vitesse folle grâce à tous les mécanismes de gestion que j'avais enseignés à Gabriel.
Adrien écoutait Giovanni silencieusement, stupéfait par son récit et ne sachant quoi en penser. La pression sur sa tempe s'était atténuée et il rebaissa son bras qui tenait la poche de glace désormais fondue. Giovanni se leva et s'avança vers lui pour reprendre la glace, qu'il jeta sur une chaise inoccupée. Il fit quelques pas dans la pièce, semblant tenter de mettre de l'ordre dans ses souvenirs, avant de se rasseoir à califourchon sur sa propre chaise et de reprendre :
- A nouveau, j'étais confiant. Il y avait des preuves de notre travail commun, des documents siglés GA² dans lesquels j'avais élaboré la stratégie de notre future entreprise, l'idée d'une révolution dans la mode… Des preuves que Gabriel était en train de s'approprier mon travail, j'en avais des tas. Mais avant d'avoir pu lancer une procédure contre lui, ils m'ont pris de vitesse. Émilie a déposé plainte contre moi en m'accusant des pires horreurs que je lui aurais infligées quand on était fiancés. Elle a toujours été trop gentille et honnête pour faire quelque chose d'aussi bas, c'était évident que Gabriel était derrière tout ça. Mais ses talents d'actrice ont fonctionné à merveille. Elle m'a dépeinte comme un monstre dans les médias, les journaux, les tribunaux, Gabriel lui a engagé les meilleurs avocats… Ça a tellement bien fonctionné que j'ai été condamné à lui verser une fortune de dommages et intérêts, la totalité des économies que j'avais durement mises de côté. Ma famille a cru à tous ses mensonges et a refusé de me soutenir, me laissant seul, à la rue, avec à peine de quoi survivre, surtout pas de quoi payer un loyer. Elle, elle utilisait cet argent pour reprendre ses cours de comédie et percer en tant qu'actrice, pendant que moi, j'étais ruiné, désespéré, anéanti. La seule chose sur laquelle je comptais pour réussir m'avait été volée, et tenter de monter cette boite quand même aurait aussitôt été accusé de plagiat sur Gabriel, je ne m'y connaissais pas assez dans la mode pour me démarquer de lui. J'étais… Au fond du trou. Je ne sais pas combien de nuits blanches j'ai passé à fixer mon plafond en me demandant pourquoi je ne me tirai pas une balle dans la tête tout de suite. Tu n'as pas idée de l'état dans lequel on peut être dans ces moments-là. Si je peux te donner un conseil, Adrien, ne tombe jamais amoureux. C'est la pire des conneries.
Adrien déglutit difficilement, ne sachant comment réagir, mais Giovanni ne semblait pas attendre de réponse. Il reprit :
- Petit à petit, je me suis quand même ressaisi. J'ai trouvé un boulot de commercial dans une boite, loin d'être épanouissant mais suffisant pour survivre, me retrouver un appartement. Et patienter. La seule chose que Gabriel et Émilie ne m'avaient pas volée en s'enfuyant ensemble, c'était ma patience. Pendant qu'il devenait un grand nom de la mode et elle, un grand nom du cinéma, pendant que leur mariage était suivi et célébré par la presse internationale, je me reconstruisais doucement en épiant ce qu'ils laissaient voir de leur vie de couple. Ils sont devenus célèbres l'un comme l'autre et, quand l'agent de communication d'Émilie a annoncé qu'elle était enceinte, le monde entier a attendu leur enfant avec autant d'impatience qu'eux. Moi aussi. Parce que je savais que si je voulais les faire s'effondrer autant que je m'étais moi-même effondré, cet enfant – toi – serait mon occasion rêvée.
Giovanni parut se détendre, comme si la haine qu'il éprouvait contre Gabriel et Émilie s'était dissipée au fur et à mesure de son récit.
- Tu es né, tu as été vénéré par le monde du stylisme et du cinéma, tu as fait quelques apparitions publiques avec eux assez remarquées… Je n'étais jamais très loin, suffisamment proche pour étudier la situation et mettre mon plan en place, suffisamment loin pour qu'ils ne se doutent de rien. Et puis, enfin… Tu as eu trois ans. Tu es entré à l'école. Et je me suis rapproché. Là encore, pas assez pour qu'ils se méfient. Mais le jour où ta classe est partie en sortie scolaire, j'étais là. Deux rues que vous deviez remonter à pied avant l'arrêt du bus, une trentaine d'enfants pour quatre ou cinq accompagnants… Je savais que je n'aurais pas de plus belle occasion. Mes hommes ont arrêté leur voiture à côté du groupe et t'ont embarqué en cinq secondes, un peu comme aujourd'hui – quoi que, à priori, tu t'es sûrement plus débattu qu'à l'époque – sans que personne n'ait le temps de réaliser quoi que ce soit.
- Quoi ? s'exclama Adrien. Mais… Je m'en souviendrais si vous m'aviez déjà enlevé à l'époque ?
- Tu avais trois ans. Aucun enfant de cet âge n'est capable de conserver des souvenirs s'ils ne sont pas entretenus, si on ne les lui raconte pas régulièrement. Et à l'évidence, Gabriel tenait à ce que tu oublies tout. Je t'ai ramené ici et quand j'ai été à côté de toi, tes chers parents ont été obligés d'écouter la seule offre que je leur proposais pour te revoir. J'avais bien pensé à demander à Émilie de revenir mais… Non. Elle s'est fait connaître pour son tempérament et son caractère dans ses tournages, à l'évidence, Gabriel lui avait lavé le cerveau et elle n'avait plus grand-chose de la femme attentionnée et gentille que j'avais connue. Et puis si elle voulait s'évertuer à courir de plateau en plateau au lieu de la vie de confort et de tranquillité que je lui offrais, grand bien lui fasse. Non, ce à quoi je n'avais pas renoncé, c'était mon entreprise. Celle que Gabriel avait fondée sur mes conseils, elle me revenait de droit. 50% des actions de la maison de stylisme Agreste, et l'obligation de Gabriel de composer avec moi pour la gestion de son empire, voilà ce que je leur réclamais. Gabriel semblait désespéré, il a accepté de me voir dès le lendemain pour me céder les actions et avoir une chance de te sauver. Mais, avant ce rendez-vous, il s'est passé quelque chose qui dépassait l'entendement.
Giovanni sembla réfléchir quelques secondes avant de soupirer :
- Ça ne sert à rien que je te le raconte, tu ne me croirais pas sur parole. Tu étais aussi surveillé qu'aujourd'hui, mes caméras ont tout filmé.
Il se releva et sortit de sa poche une télécommande qui alluma le vidéo-projecteur et diffusa sur l'écran blanc une liste de vidéos aux noms composés de suites de lettres et de chiffres sans logique. Giovanni en sélectionna une sans hésiter – combien de fois l'avait-il regardée ? – et la lança. L'écran leur montrait une pièce similaire à celle dans laquelle ils se trouvaient, peut-être la même. Un Giovanni aux traits légèrement moins tirés et aux cheveux encore plus foncés qu'aujourd'hui pianotait sur un écran d'ordinateur. A côté de lui, l'un de ses hommes annonça :
- Vous êtes en ligne avec le manoir Agreste, monsieur. Mais ils ne décrochent pas pour l'instant.
- Ils vont décrocher, assura Giovanni.
Son regard se releva sur l'enfant assis sur une chaise au milieu de la pièce. Adrien se reconnut à trois ans. Il avait ramené ses genoux contre lui et, s'il n'était pas attaché, il semblait terrorisé. Ses mains étaient crispées sur une petite figurine de super-héros, sans pour autant oser jouer avec tellement son regard terrifié restait rivé sur Giovanni. Sur le coin de l'écran, une ombre bougea et atteignit lentement le centre de la pièce, là où la lumière l'éclaira un peu plus. Une plume bleu foncé qui s'était faufilée sous la porte et volait en direction d'Adrien. Un Amok, l'arme de Mayura, pensa Adrien en gardant son regard figé sur l'écran. En quelques secondes, et au moment où Giovanni la remarquait, l'Amok plongea dans la figurine tenue par Adrien. Le masque de Mayura s'éclaira sur son visage, et Adrien parut écouter attentivement la voix qui résonnait dans sa tête avant de crier :
- Maman ! Maman c'est toi ? Viens me chercher s'il te plaît, maman, j'ai peur !
Adrien parut à nouveau écouter ce que Mayura lui soufflait avant d'acquiescer d'un hochement de tête.
- D'accord. Je ferai ce que tu me diras, c'est promis, mais viens me chercher s'il te plaît !
La figurine qu'Adrien tenait grossit et s'échappa de ses mains. Elle atteignit rapidement la carrure et la forme d'un homme immense et musclé, comme un gorille. Le Gorille, remarqua Adrien stupéfié. Le garde du corps d'Adrien, celui qui l'accompagnait dans tous ses déplacements. Giovanni resta sidéré, comme refusant de croire ce qu'il voyait, avant d'ordonner à l'homme à ses côtés :
- Qu'est-ce que vous attendez, sortez-moi ce type d'ici !
L'homme n'eut pas le temps de bouger. En un geste, le Gorille avait pris Adrien dans ses bras, le tenant d'une seule main, pendant que l'autre main envoyait Giovanni et son homme de main voler contre un mur. Le temps qu'ils se relèvent, le Gorille avait déjà emmené Adrien loin de la pièce – et probablement de la maison de Giovanni.
L'écran redevint noir. Sur sa chaise, Adrien avait les yeux écarquillés, le regard tremblant, comme s'il refusait de croire à ce qu'il venait de voir. La vidéo contenait trop de choses, trop de révélations, posait trop d'interrogations… Avant qu'il n'ait pu mettre ses pensées en ordre, Giovanni reprit :
- Tu comprends pourquoi j'étais sous le choc ? Ce qui s'est passé dépassait complètement l'entendement. Je pouvais planifier toutes les tentatives que je voulais si je savais contre quoi je devais me battre… Mais rien n'aurait pu me préparer à ça. Pendant que je cherchais encore ce qui s'était passé, celui qui est devenu ton garde du corps t'a ramené chez toi, et les portes du manoir Agreste se sont refermées sur toi. Plus d'école, plus d'amis autres que la fille d'une critique de mode que Gabriel connaît suffisamment pour s'assurer de sa fiabilité, plus de sorties… Sauf pour tes défilés de mode. Même ce conseil-là, celui qu'une marque a besoin d'un visage unique pour exister, il me l'a volé. Pendant des années, j'ai continué à patienter et à me demander ce qui s'était passé. L'arrivée récente des super-héros, des super-vilains, et notamment de Mayura m'a enfin apporté des réponses. J'observais chacun de ces combats, je savais petit à petit contre quoi me préparer. A nouveau, je me suis rapproché de toi, il y a environ six mois de ça. Tu étais toujours autant surveillé, mais au moins tu allais au collège, ce qui me laissait une minuscule chance. J'ai eu plusieurs occasions, la majorité grâce à des super-vilains qui semaient la pagaille, mais à chaque fois que tu t'enfuyais dans une ruelle et que je lançais une tentative, Chat Noir n'était pas loin. Il aurait pu te sauver en détruisant notre voiture d'un cataclysme, c'était trop risqué. Jusqu'à aujourd'hui, qui a été la bonne.
Giovanni reprit légèrement son souffle et écarta les bras dans un geste théâtral en souriant :
- Voilà ! Fin de l'histoire ! Ça t'a plu ?
Ladybug sautait de toit en toit, le regard fixé sur les voitures au sol. Elle n'arrivait plus à retenir de longs bâillements, son Miraculous bippait pour la quatrième fois d'affilée et ses jambes tremblaient de plus en plus à chaque atterrissage sur un toit. De temps en temps, son corps se crispait et son regard s'immobilisait quand une imposante voiture noire passait sous elle, mais elle avait retenu les deux premières lettres de la plaque d'immatriculation de celle qu'elle recherchait, et aucune n'avait encore correspondu. Son Miraculous sonna une cinquième fois, et elle s'effondra plus qu'elle ne s'accroupit derrière une cheminée avant de se détransformer. Elle resta assise, le dos appuyé contre le mur de briques et les yeux fermés pendant que Tikki réapparaissait devant elle. Sans un mot, sa kwami plongea dans le sac de sa porteuse et en sortit deux macarons.
- Prends-en un aussi Marinette, tu es épuisée et tu as été blessée…
- Mon Lucky Charm a réparé mes blessures, je n'ai même plus mal… Mais merci, sourit-elle en prenant le macaron.
Le goût sucré du macaron à la framboise la détendit légèrement et elle prit le temps de le manger à petites bouchées avant de rouvrir les yeux.
- Le Lucky Charm ne te guérit pas du stress que tu as subi pendant un combat… Tu n'as pas à t'en vouloir Marinette, assura Tikki. Tu ne pouvais rien faire, le super-vilain t'avait trop retardée…
Même maintenant qu'elle avait rouvert les yeux, la scène continuait de se répéter en boucle sous ses yeux. Le super-vilain. L'attaque sur leur groupe. Sa transformation avant que les élèves ne se cachent par groupes dans les ruelles. Adrien pris pour cible, qu'elle protégeait en lui ordonnant de s'enfuir. Son cri terrorisé quand la berline noire s'était arrêtée à côté de lui et que trois hommes l'avaient obligé à monter. Son propre cri d'effroi. Elle s'était détournée pour tenter de lui venir en aide, mais le vilain l'avait attrapée et avait été à deux doigts de lui enlever sa boucle d'oreille, lui griffant la joue pendant qu'elle se débattait. Puis il l'avait relâchée et s'était élancé en direction de la voiture, la laissant faire de même. Pourquoi ? Était-ce un ordre du Papillon ou une décision propre de la personne akumatisée ? Aucune idée. Ce laps de temps pendant lequel il l'avait attrapée et blessée avait suffi à donner suffisamment d'avance à la voiture et aucun d'eux n'avait pu identifier la direction qu'elle avait pris. Quand il était devenu évident qu'ils ne la retrouveraient pas, le super-vilain s'était retourné contre elle. Elle avait espéré que Chat Noir était quelque part, prêt à la rejoindre pour l'aider ou coursant la voiture qui avait enlevé Adrien sans la perdre de vue. Mais non. Chat Noir avait brillé par son absence et, si elle avait réussi seule à libérer l'akuma, le combat et les chocs émotionnels qu'elle avait subis l'avaient vidée de ses forces.
- Les cours ont été annulés après l'enlèvement d'Adrien ? demanda Tikki. Tu ne ferais pas mieux d'aller te reposer ?
- Je dois le retrouver… soupira Marinette. Il est là, quelque part…
- Quelque part, mais trop bien caché, ajouta lentement Tikki. Tu ne l'aideras pas en te détransformant d'épuisement au prochain combat contre un super-vilain. Rentre te reposer Marinette. Son ravisseur va forcément donner signe de vie, demander une rançon ou quelque chose… Quand il se manifestera et qu'on en saura plus sur lui, on y retournera. D'ici là tu as besoin de manger plus qu'un macaron et de te reposer.
Marinette était forcée d'admettre que Tikki avait raison. Elle ne l'aiderait pas en tombant d'épuisement, et l'annulation de ses cours lui donnait une plage de temps inespérée dans son quotidien beaucoup trop chargé.
- OK, on rentre, admit Marinette. Transforme-moi.
Ladybug se redressa et repartit de toit en toit, plus lentement qu'en arrivant. Tout en rejoignant la boulangerie de ses parents, elle ne put empêcher son regard de dériver sur le sol et de s'immobiliser sur les voitures noires. Où es-tu, Adrien ?
- Vous… Tenez le coup, monsieur ? demanda prudemment Nathalie.
Elle avait posé sa main sur l'épaule de Gabriel, mais celui-ci ne répondit pas, plongé dans ses pensées. Plongé dans les images qu'il avait vues à travers les yeux de son super-vilain. Ladybug qui protégeait Adrien en lui ordonnant de s'enfuir. Le cri d'effroi d'Adrien. Ladybug qui se détournait soudain du combat, sa création qui en profitait pour l'attraper. Il avait jubilé pendant un quart de seconde avant de voir pourquoi elle s'était détournée, avant de voir les trois hommes qui enlevaient Adrien. Il avait ordonné au vilain de la relâcher et de rattraper la voiture, mais trop tard, elle avait déjà pris trop d'avance. Il avait bien ressenti, plus intensément que jamais, la terreur d'Adrien au moment de son enlèvement mais il ne pouvait pas l'akumatiser, pas avec déjà un super-vilain en liberté. Et maintenant qu'il pouvait à nouveau envoyer un akuma, il ne ressentait plus aucune émotion d'Adrien. Plus de peur, de terreur ou d'anxiété suffisamment significative pour la reconnaître. Est-ce que cela signifiait qu'il n'était pas maltraité, ou juste que Giovanni l'avait emmené trop loin pour qu'il puisse ressentir sa présence ?
A nouveau, son regard se posa sur l'horloge de leur salon. Onze heures. Cela faisait une heure qu'Adrien avait été enlevé. Nathalie venait de raccrocher avec le commissariat de police le plus proche, mais il savait que c'était bien trop tôt pour que Giovanni le contacte. Il le connaissait, il connaissait ses méthodes. Le faire patienter. Le laisser dans l'incertitude pendant plusieurs heures, laisser les délais s'étaler, parce que rien n'est plus douloureux que de ne rien pouvoir faire. Et Gabriel se connaissait lui-même, il savait qu'il ne tiendrait pas longtemps face à de telles méthodes. Qu'il devrait tenter de trouver un juste milieu entre avoir un accord dès la première fois que Giovanni l'appellerait et s'assurer que les conditions de cet accord protègeraient tout de même Adrien sur le long terme.
- Monsieur, reprit Nathalie. Je peux tenter d'envoyer un amok si vous le souhaitez, ils n'ont pas besoin d'émotions particulières pour apporter une aide à la personne visée et…
Pour la première fois depuis qu'il avait vu Adrien être enlevé, Gabriel réagit.
- Non. Pas à ce prix.
Le regard de Gabriel se leva sur le portrait d'Émilie au-dessus de lui. Il avait l'impression que c'était hier qu'elle le prenait dans ses bras en lui assurant qu'il y avait peut-être un autre moyen que de céder son entreprise à Giovanni. Qu'elle pouvait tenter quelque chose pour ramener Adrien et le mettre en sécurité sans qu'ils soient obligés de céder à son chantage. A cette époque, l'idée avait été tentante, beaucoup trop tentante. Et ils avaient tous les deux beaucoup trop été charmés par cette idée pour s'inquiéter du prix qu'ils auraient à payer. Dix ans plus tard, il savait que c'était probablement l'une des pires décisions de sa vie. Que céder ses actions à Giovanni n'aurait pas été cher payé si cela avait permis à Adrien d'être en sécurité et à Émilie d'être toujours en vie. Il ne refera pas cette erreur deux fois. Sa voix devint plus ferme et plus catégorique quand il reprit :
- Plus jamais à ce prix.
Les coulisses de la fic :
J'avais plusieurs pistes pour la partie "Les coulisses de la fic" de ce chapitre-ci. Ça aurait pu être le récit de l'IRL où j'ai lancé en travers du salon d'Alixe "Au fait Milou, est-ce que le Gorille est un sentimonstre créé par Émilie pour protéger Adrien ?" et que quatre paires d'yeux écarquillés m'ont soudainement fixée pendant que je sifflotais gaiement. Ça aurait pu être le récit de l'IRL lorsque cette idée naissait tout juste avec mes interrogations sur pourquoi Adrien est enfermé et ce depuis bien avant la mort d'Émilie... Mais, dans vos reviews, vous avez été beaucoup à m'interpeller sur le nom de Giovanni et comme j'ai longtemps séché sur comment il allait s'appeler, je vais revenir sur le récit, raconté à Milou en IRL, de "Pourquoi Giovanni Armano ?" :
Donc, comme dit, j'ai longtemps été dans le flou le plus total sur son nom. Cette situation m'a rappelé une autre interrogation de nom, quand j'écrivais "Opération Sauvetage de Bugginette" où mon grand méchant s'appelait Electrode. A l'époque, c'était le nom le plus "instinctif" que je voyais mais je bloquais car Electrode était avant tout un nom de Pokémon et que j'ignorais à quel point ça passerait. J'avais gardé ce nom faute d'autre chose et comme personne ne m'en avait fait la remarque dans les reviews de cette fic, je m'étais dit "Cool, en fait c'est passé".
Du coup, quitte à avoir réussi à assumer une référence à Pokémon dans une précédente fic, j'ai décidé de l'assumer jusqu'au bout : Mes fics (autres que les OS) sur Miraculous auront des références à Pokémon. Et dans Pokémon, notamment l'appli mobile Pokémon Go, le grand boss de la Team Rocket, inaccessible car toujours planqué derrière ses hommes de main qu'il orchestre d'une main de maître, s'appelle Giovanni. Dès que j'ai eu cette idée, je l'ai assez vite acceptée et conclu que mon méchant s'appellerait comme ça.
Restait le nom de famille. Il est venu du déclic "Gabriel et Giovanni ont la même initiale de prénom, si je trouve à Giovanni un nom de famille en A, je fais d'une pierre deux coups en ne me posant pas la question du nom de leur boite, ce sera GA²". Giovanni étant un prénom à consonance italienne, le Dieu Google m'a aidée à trouver des noms de famille italiens commençant par A. Je ne voulais pas qu'il finisse par un I car je n'aimais pas la répétition de I entre son prénom et son nom. J'ai aligné devant Giovanni les quelques noms qu'il me restait, italiens, commençant par un A et ne finissant pas par un I, et Armano était celui dont j'aimais le plus la consonance.
Voilà pour ces coulisses de la fic et la description du bazar ambiant qui règne dans ma tête :D
J'espère que ce chapitre vous aura plu !
N'oubliez pas que seules les reviews permettent de savoir ce que vous en avez pensé !
