Me revoilà pour un nouveau chapitre ! J'espère qu'il vous plaira :)

Enjoy !


Adrien bougea légèrement et se repositionna plus confortablement contre l'oreiller du lit. Après avoir alterné entre tourner en rond dans la chambre, s'étendre sur le lit, jeter un œil aux livres disponibles et en avoir feuilleté quelques uns, il s'était allongé de nouveau en vérifiant les angles des caméras de surveillance pour discuter avec Plagg. Si les kwamis demeuraient invisibles sur les vidéos, Adrien s'était légèrement contorsionné pour que le mouvement de ses lèvres ne soit visible sur aucune image et chuchotait pour ne pas être entendu.

- Donc tu comptes rester ici à te la couler douce pendant encore un moment ? s'étonna Plagg.

- Je serais plus rassuré si j'étais à l'extérieur… Mais oui. Le seul moyen que j'ai de sortir d'ici est de me transformer. En supposant que j'arrive à trouver un angle mort aux caméras pour qu'ils ne me voient pas en train de me transformer, ils comprendront tout de suite si Chat Noir déboulait de l'intérieur de la pièce. C'est déjà un miracle qu'il ne m'ait pas démasqué depuis le temps qu'il me suit et m'espionne. Et Ladybug l'a répété suffisamment de fois, si on est démasqués, c'en est fini de nos Miraculous et de nos pouvoirs. Donc… Si je me retrouve dans une situation désespérée, que Giovanni me colle un flingue sur la tempe ou je ne sais quoi d'autre, oui je me transformerai pour sauver ma peau. Mais tant que je peux l'éviter et que j'ai une chance de rester Chat Noir après ça… Non.

- Et… Tu es certain que tu sauras reconnaître cette situation désespérée ? demanda Plagg d'un air inquiet. Il peut se contenter de te laisser mourir de faim dans cette pièce ou…

- Il n'aura aucun intérêt à le faire, assura Adrien. Il a besoin de moi pour faire plier mon père, mort je ne lui servirai à rien. Je ferai attention, je te le promets.

- Tu sais qu'on pourrait sortir de là sans que tu te transformes ? Je passe à travers les murs, je cataclysme la maison et…

- Me faire sortir de là ou me tuer ? Je pourrais rester sous les décombres !

- Il y a toujours un risque non-négligeable de dommages collatéraux mais…

- C'est non, trancha Adrien. Je te serai reconnaissant d'éviter de me tuer encore plus vite que lui ! Maintenant, si tu n'as pas d'idée plus lumineuse, cache-toi deux secondes s'il te plaît.

Le verre d'eau que Giovanni lui avait fait amener avec son repas avait à peine suffi à étancher la soif qui le tenaillait de plus en plus. Il avait hésité pendant quelques instants avant de se résigner. Si Giovanni lui avait dit qu'il pouvait demander ce qu'il voulait aux gardes devant sa porte, il n'y avait probablement pas de risque à ce qu'il essaie au moins. D'autant plus qu'il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était. Restait-il trois minutes ou trois heures avant qu'ils lui amènent un autre repas ? Il préférait ne pas se poser la question – et ne pas avoir la gorge desséchée en attendant. Il frappa légèrement à la porte de la chambre qui s'ouvrit rapidement.

- Quoi ? demanda sèchement l'un des gardes.

Adrien déglutit devant le ton agressif et se souvint de pourquoi il aurait préféré qu'ils entrent spontanément pour une autre raison.

- Je peux avoir de l'eau s'il vous plaît ?

L'un des hommes s'éloigna pendant que l'autre le surveillait en bloquant l'encadrement de la porte. En attendant qu'il revienne, Adrien tenta :

- Je peux aussi vous demander quelle heure il est ?

- Non. Interdiction du patron de répondre à tes questions.

Adrien n'insista pas mais ne put s'empêcher de s'interroger. De quoi Giovanni avait-il peur ? Et quel était l'intérêt de l'empêcher de connaître l'heure de la journée ? Le retour du deuxième garde l'arracha de ses pensées. Il lui tendit le verre d'eau et Adrien eut à peine le temps de le prendre avant que la porte ne se claque à nouveau et ne soit verrouillée de l'extérieur. Il revint vers le bureau et se laissa tomber sur la chaise avant de boire une gorgée. Il avait effleuré l'idée de n'en boire qu'un peu pour en garder plus longtemps mais ne résista pas au soulagement de sa gorge qui s'apaisait un peu plus à chaque nouvelle gorgée. Le verre fut vide beaucoup trop vite à son goût et il regretta subitement de ne pas avoir tenté de leur demander une bouteille entière.

Étendu sur le lit, Plagg lança :

- Tiens, j'ai eu une autre idée ! Dans l'Egypte ancienne, j'avais provoqué une nuée de sauterelles, et si tu m'autorisais à reproduire ça dans la maison…

- NON !

Il s'en voulut d'avoir parlé à Plagg aussitôt après avoir prononcé ce mot. Il n'avait plus qu'à espérer que les gardes de Giovanni se mettent en tête qu'il parlait parfois tout seul. Avant d'être revenu sur son lit, la porte de la chambre s'ouvrit à nouveau sur les deux gardes.

- Tu viens avec nous.

Adrien se figea légèrement. Était-ce dû à son éclat contre Plagg ? Celui-ci avait juste eu le temps de plonger sous la couette du lit quand la porte s'était ouverte et il ne pourrait pas le rejoindre sans attirer l'attention des deux armoires à glace. Adrien déglutit lentement et les suivit. Ils descendirent un étage et revinrent dans le hall, où ils bifurquèrent vers la salle où il avait rencontré Giovanni. Celui-ci s'y trouvait déjà, debout face à l'écran du vidéoprojecteur, en pleine visio-conférence avec Gabriel. Adrien remarqua qu'il n'avait jamais été autant soulagé de voir son père à travers un écran et, avant d'avoir pu dire un mot, Giovanni tira une chaise à côté de lui et ordonna d'une voix douce :

- Entre Adrien. Assieds-toi.

Il s'avança lentement et prit place sur la chaise au moment où Gabriel demandait :

- Adrien, tu vas bien ? Il ne t'a pas fait de mal ?

Le regard de son père vrillait d'inquiétude et Adrien se força à esquisser un léger sourire rassurant.

- Non père. Je vais bien, je vous le jure.

L'inquiétude dans les yeux de Gabriel ne s'atténua que légèrement et Giovanni reprit :

- Maintenant que tu as l'assurance que ton fiston se porte à merveille, peut-on passer à la suite des négociations ? A l'époque, je te demandais 50% des actions de ton entreprise. Tu te doutes bien qu'avec les intérêts cumulés sur dix ans que j'attends ce moment, le prix a augmenté…

- Qu'est-ce que tu veux, Giovanni ? lança sèchement Gabriel.

- Le contrôle total de ton entreprise. 100% des actions. Elle m'appartiendra entièrement. Et si tu acceptes mes conditions suffisamment rapidement pour que je ne m'impatiente pas, je consentirais à te proposer de rester directeur artistique. Tu ne seras qu'employé, mais ça ne changera rien à ton quotidien ni à ton salaire. Ta sécurité financière et celle d'Adrien resteront assurées dans tous les cas.

- Et en supposant que j'accepte, quelles garanties j'aurais que tu ne nous tueras pas tous les deux à la seconde où j'aurais signé ces papiers ?

- Ma parole la plus sincère ! assura Giovanni en écartant les bras avec un large sourire.

- Absolument aucune, donc, conclut Gabriel. Offre-moi des garanties fiables et solides sur le fait qu'Adrien sera définitivement en sécurité après cette cession et je serai prêt à considérer ton offre.

- Tu étais moins méfiant et borné à l'époque où on travaillait ensemble, nota Giovanni avec un air faussement déçu. Qu'est-ce qui t'a rendu comme ça, dis-moi ?

- Le fait que c'est la deuxième fois que tu enlèves mon fils ? Que tu nous épies et prépares ton coup depuis dix ans ? Que l'on sait tous les deux que tu es capable de tuer quelqu'un ? Choisis.

- Tout de suite les grands mots… Elle était une excellente actrice si elle a réussi à te faire croire que je l'aurais tuée ce soir-là.

- Elle t'a annoncé qu'elle te quittait, m'a demandé d'être dans le coin au cas où ça tourne mal et est ressortie en courant sans affaires avec le nez cassé et le visage en sang, tu appelles ça comment ?

- Un talent d'actrice hors du commun ? proposa Giovanni en haussant les épaules. Elle n'a jamais été en danger et tu le sais très bien.

- Elle serait morte si elle était restée à tes côtés ! rugit Gabriel.

- Et rappelle-moi ce qui lui est arrivé au bout de quinze ans à tes côtés ? demanda Giovanni avec un sourire franchement amusé. Je ne suis pas sûr qu'elle y ait gagné au change…

Gabriel semblait bouillir de fureur et Giovanni reprit :

- Trèves de bavardages à propos du bon vieux temps, tu veux ? Tu me demandes des garanties, je vais te répondre que tu n'es pas en position de poser des conditions.

Giovanni passa un bras autour des épaules d'Adrien qui se raidit malgré le geste faussement affectueux. A l'écran, Gabriel se crispa également et Giovanni reprit :

- Je te laisse réfléchir à ma proposition, tu acceptes ou non. Je vais passer un peu de temps avec ton fiston en attendant que tu daignes être raisonnable.

- Non attends !

Giovanni avait coupé la visioconférence avant que Gabriel n'ait pu continuer. Adrien garda son regard fixé sur l'écran redevenu blanc. Bien qu'il n'ait pas menti et était effectivement bien traité, il réalisait à quel point il aurait souhaité pouvoir rejoindre son père dès le soir même. Percevant son trouble, Giovanni lança :

- A l'évidence, ton père restera toujours dur en affaires… Même quand la transaction concerne son fils chéri.

Adrien ferma les yeux quelques secondes pour ignorer l'écran définitivement blanc. La pique ironique de Giovanni achevait de le convaincre de quelque chose qui le travaillait depuis son récit sur son passé avec ses parents et que Gabriel avait confirmé.

- A l'évidence, il a des raisons de se méfier, répondit-il d'une voix amère.

- Quoi, ton père te laisse moisir entre mes mains et tu es tout de même prêt à croire le ramassis de mensonges qu'il a pu sortir concernant mon passé avec ta mère ?

Non, justement, pensa Adrien. Son père ne le laissait pas moisir ici. La maison de stylisme Agreste était l'œuvre de sa vie, sa plus grande fierté, et à aucun moment, Gabriel n'avait dit non. Il demandait des garanties, il se méfiait de Giovanni, mais jamais il n'avait laissé entendre qu'il refuserait de lui céder l'entreprise si cela permettait de faire sortir Adrien d'ici.

- En fait, oui je le crois, reprit doucement Adrien. Il ne fait que confirmer les doutes que j'ai eus suite à votre histoire. Vous avez l'air calculateur, je me trompe ? Tout le récit que vous m'avez déblatéré, vous avez eu dix ans pour le préparer et ça m'étonnerait un peu que vous ayez négligé de le faire.

- Où tu veux en venir ? demanda Giovanni.

Il ne démentait pas. Et s'inquiétait de savoir ce qui avait cloché dans son récit. Adrien avait définitivement tapé dans le mille.

- Votre histoire, elle était jolie, reprit-il. Ce mariage avec ma mère que vous prépariez avec minutie, en pensant à tout. En choisissant des alliances uniques… Alors que ma mère a toujours tenu à se marier avec les anneaux jumeaux des Graham de Vanily. En la convaincant de laisser tomber ses rêves d'actrice pour une vie paisible à s'ennuyer dans votre prison dorée. En la propulsant mannequin phare de votre future entreprise sans prendre la peine de réaliser qu'elle haïssait le mannequinat au point de toujours interdire à mon père de m'en faire faire tant que je n'étais pas assez âgé pour choisir. Si on enlève les années pendant lesquelles j'étais trop petit pour avoir des souvenirs, j'ai vécu avec elle pendant sept ans, à peine deux ans de plus que vous. Et pourtant je sais tout ça, alors qu'à l'évidence, vous l'ignoriez. Alors soit vous vous trompez, soit vous mentez quand vous parlez d'une vie de rêve dans laquelle vous aviez absolument pensé à tout. La seule chose à laquelle vous n'aviez pas pensé, parce que ça ne vous intéressait pas, c'était de lui demander ce qu'elle, elle en pensait. Donc oui. J'ai plutôt envie de croire mon père quand il affirme qu'elle serait morte quinze ans plus tôt en restant à vos côtés.

Le regard de Giovanni était devenu de plus en plus froid au fur et à mesure de sa tirade et Adrien déglutit difficilement. Si la rancœur de son enlèvement et l'ascenseur émotionnel de la discussion avec son père l'avaient convaincu de le provoquer aussi ouvertement, il réalisait qu'il aurait peut-être préféré le faire à un moment où Plagg aurait été avec lui. Où il aurait été sûr de pouvoir tenir sa promesse de se transformer si les choses tournaient trop mal.

- Tu es bien le fils de ta mère, finit par ricaner Giovanni. Aussi caractériel, aussi insolent… Aussi ingrat de tous les efforts que j'ai pu faire pour que vous soyez bien traités. Mais en un sens, ça m'arrange. A l'évidence, ton père va avoir besoin d'un peu de motivation pour craquer et j'aurais presque culpabilisé de te malmener si tu t'étais tenu à carreaux.

Faisant un signe à ses hommes, il ordonna :

- Attachez-le à la chaise.

Adrien eut à peine le temps de bouger avant que ses bras ne soient violemment tordus derrière le dossier de la chaise. Plusieurs cordes lièrent avec férocité ses poignets entre eux et son torse au dossier et Giovanni passa une main dans les cheveux d'Adrien qui tenta de reculer la tête par réflexe.

- Je suis curieux de voir si tu seras aussi insolent demain matin. Passe une bonne nuit !

Ses hommes et lui ressortirent en claquant la porte.


Une église sonna cinq heures du matin. Il est cinq heures, Paris s'éveille, chantonna Ladybug dans sa tête. Après avoir passé son après-midi libre à faire tous ses devoirs en retard, elle s'était endormie aux alentours de 22 heures. Elle n'avait que comaté, se réveillant presque toutes les heures et culpabilisant de dormir alors qu'Adrien était en danger et, à 4h du matin, elle avait abandonné l'idée de se reposer et s'était transformée pour repartir à sa recherche. Seule. Sa solitude la dévorait, plus que jamais, elle n'était pas habituée à parcourir ces toits seule, pas quand les enjeux étaient aussi graves. Et, si la veille, elle ne ressentait qu'un léger agacement, celui-ci se transformait de plus en plus en inquiétude. Elle s'immobilisa sur un toit, prit son yoyo dans sa main et activa la fonction de téléphone. Vous êtes bien sur la boite à miaou de Chat Noir, laissez votre message après le ronron sonore ! Rrrrrrrr… Même message, même absence depuis la veille. Où es-tu, Chat Noir ?

Elle reprit sa course dans Paris. Que cherchait-elle, au juste ? Une voiture noire, à une heure où la circulation était suffisamment réduite pour qu'elle ait une chance de l'identifier ? C'était stupide, le ravisseur d'Adrien devait certainement dormir… La moitié des panneaux publicitaires avaient été remplacés par l'alerte enlèvement lancée en fin de soirée. Une photo d'Adrien, sa description physique, la signalisation de la voiture. Rien sur son ravisseur, alors que c'était la seule information qu'il lui manquait. Elle continua sa ronde pendant quelques minutes, sans même savoir ce qu'elle cherchait, quand un juron attira son regard au sol. Un kiosquier était en train de rentrer les piles de journaux qui lui avaient été livrés, et l'une d'elle s'était étalée à ses pieds. Ladybug soupira. Quitte à être complètement inutile dans sa recherche d'Adrien, autant être utile pour quelqu'un d'autre. Elle retomba au sol à côté du kiosque.

- Un coup de main ? proposa-t-elle en aidant le marchand à ramasser les journaux étalés.

- Ce n'est pas de refus, merci Ladybug !

Ils rassemblèrent tous les journaux, le visage d'Adrien s'étalant en une de la grande majorité d'entre eux. En les ramassant, elle remarqua une édition dont la une était différente. Le gros titre évoquait également l'enlèvement d'Adrien, mais, en encart, la photo montrait Félix et Amélie Graham de Vanily. Le sous-titre attira son attention. Dans l'adversité, le clan Agreste se réunit. Elle se dépêcha de réunir tous les journaux et le kiosquier soupira :

- Merci infiniment, Ladybug ! Qu'est-ce que je peux faire pour vous remercier ?

Elle s'apprêtait à répondre qu'il n'avait rien à faire avant d'être saisie d'un doute. Il y avait bien un service qu'il pouvait lui rendre. Elle désigna l'article de journal qu'elle avait repéré :

- J'ai pas de monnaie sur moi, vous permettez juste que je lise l'article rapidement avant de le remettre dans votre étal ?

- Vous essayez de retrouver ce pauvre gosse, pas vrai ? supposa-t-il.

Elle acquiesça d'un hochement de tête et le marchand lui tendit le journal :

- Gardez-le, c'est le moins que je puisse faire. N'hésitez pas à repasser si vous voulez fouiner dans les informations des autres journaux.

- Merci, c'est adorable !

- Merci à vous. Paris avait décidément trop besoin de gens comme vous.

Ladybug le salua et sauta à nouveau sur les toits pour s'installer contre une cheminée. Même si le jour commençait à peine à pointer, la lueur d'un réverbère à côté d'elle l'éclaira suffisamment pour qu'elle lise l'article. La confirmation de la police que cet enlèvement était une affaire personnelle entre le ravisseur et Gabriel. La mention qu'Amélie et Félix étaient en route pour Paris pour faire front commun dans l'adversité. Elle replia le journal et le rangea dans son yoyo avant de lancer celui-ci pour s'élancer à travers Paris.

Bien qu'elle ait enfin un indice sur où chercher des informations sur le ravisseur d'Adrien, elle ne put s'empêcher de penser tout le long de son chemin qu'elle risquait d'être mal accueillie en sonnant au portail alors qu'il n'était même pas 5h30 du matin. Pourtant, de la lumière passait au travers de nombreuses fenêtres du manoir Agreste et, en atterrissant devant, elle se convainquit qu'elle ne réveillerait pas grand-monde. Elle sonna et la voix de Nathalie lui répondit rapidement :

- Qu'est-ce que c'est ?

- C'est Ladybug. Je… Désolée de vous déranger à cette heure. Je suis à la recherche d'Adrien, je veux le retrouver au moins autant que vous et… Apparemment, vous avez plus d'informations que moi sur son ravisseur et où le trouver.

Seul un silence répondit mais, quelques secondes plus tard, le portail s'ouvrit automatiquement. Elle avança et la porte du manoir s'ouvrit au moment où elle montait les marches. Ce n'était pas Nathalie qui avait ouvert. Elle n'avait jamais vu Gabriel aussi pâle ni aussi cerné, et elle se fit la réflexion qu'elle ne risquait pas de le réveiller, peu importe l'heure à laquelle elle aurait sonné.

- Monsieur Agreste, salua-t-elle.

- Bonjour Ladybug. Je… Je dois avouer que votre proposition est une bénédiction. A laquelle j'ai un peu de mal à croire, avoua-t-il après une pause d'une seconde. Pourquoi voudriez-vous retrouver Adrien ?

Ladybug haussa les épaules.

- Chat Noir et moi venons en aide à tous les parisiens, qu'il y ait ou non une attaque akuma. J'étais là quand il a été enlevé et je m'en veux suffisamment de ne pas avoir pu le protéger à ce moment-là.

Gabriel acquiesça d'un hochement de tête.

- J'ai vu les images, confirma-t-il. Que voudriez-vous savoir ?

- Qui l'a enlevé. Pourquoi. Où peut-il être… J'ai cru comprendre que vous en saviez pas mal sur ces questions.

- En effet, admit Gabriel. Entrez donc.

Il la conduisit à son bureau et, une fois assis, Gabriel reprit :

- Il s'agit de Giovanni Armano, un ancien partenaire d'affaires. Nous devions monter notre entreprise ensemble mais, pour plein de raisons différentes, j'ai fini par le faire seul. Il a toujours considéré que la maison de stylisme Agreste était le fruit de son travail quand nous étions associés, et il utilise Adrien pour me faire chanter. Il veut que je lui cède la propriété de l'entreprise en échange de sa libération.

- Ce qui est hors de question pour vous, je suppose ?

- Bien sûr que non. Si j'avais l'assurance que cela pourrait conduire à la libération d'Adrien, j'aurais déjà cédé. Mais… Giovanni est… Il est calculateur, manipulateur, obstiné… Vous pouvez être sûre que chaque mot et chaque action qui se déroule en ce moment, il a passé dix ans à la planifier soigneusement. Et il est rancunier. Je ne crois pas une seconde à sa proposition de reprendre l'entreprise tout en me laissant continuer à y travailler en sécurité. Tôt ou tard, il nous tuera tous les deux. D'où le fait que votre intervention est une bénédiction, si je peux avoir le moyen de faire sortir Adrien par d'autres moyens que de me retrouver sous son emprise, ce sera probablement le moyen le plus sûr d'assurer notre sécurité à long terme. Mais… Vous êtes sûre de vouloir vous embarquer là-dedans ? Je vous l'ai dit, il est dangereux.

Ladybug esquissa un léger sourire.

- Combattre un type dangereux, calculateur et obstiné, ça ne me changera pas du quotidien.

Gabriel leva brièvement les yeux au ciel et ses lèvres s'étirèrent en un pâle sourire sans joie.

- Croyez-moi Ladybug, si vous trouvez le Papillon dangereux et cruel, c'est clairement que vous ne connaissez pas Giovanni. Il ne lui arrive pas à la cheville en la matière.

- Alors expliquez-moi ?

Gabriel sembla hésiter mais finit par acquiescer.

- C'est une longue histoire et vous n'avez pas l'air d'avoir beaucoup plus dormi que moi. Vous voulez un café ?

- Volontiers, accepta Ladybug soudainement tentée. Un grand avec du lait si vous avez.

Quelques minutes plus tard, Nathalie leur apporta deux grands mugs de café dont un au lait et Gabriel but quelques gorgées du sien avant de reprendre :

- J'ai rencontré Giovanni il y a près de vingt-cinq ans, à un défilé de mode. Je débutais en tant que styliste, il cherchait à monter son entreprise, nous nous sommes associés pour créer notre propre maison. Nous avons passé tellement de temps ensemble qu'il a fini par me présenter sa fiancée, Emilie Graham de Vanily. Elle nous rejoignait souvent pour nos soirées de travail et le milieu de la mode avait l'air de l'intéresser mais… Elle ne disait rien. Enfin… Elle essayait au début. Quelques remarques, et elle se taisait vite après que Giovanni l'ait foudroyée du regard. Elle s'excusait tout le temps, même et surtout pour des choses insignifiantes, elle essayait de se fondre dans le décor et de se faire oublier autant que possible… Ce n'était pas censé me concerner, mais quand je me retrouvais seul après ces soirées, je réalisais que je continuais à m'inquiéter pour elle. Un jour, Giovanni m'avait dit qu'il se rendait à des conférences toute la journée, j'en ai profité. Je suis allé chez eux pour parler à Emilie. Elle était sur la défensive au début mais… Elle a fini par tout me raconter. L'homme parfait qui lui propose une vie parfaite en apparence, un tyran en vérité qui la rabaisse, l'insulte, la frappe, l'oblige à abandonner ses rêves d'actrice, à couper tous les ponts avec sa famille. Au fil de son récit, j'ai compris que, si elle s'était confiée aussi naturellement, c'est parce que cela faisait trop longtemps que personne ne s'était inquiété pour elle ou ne lui avait demandé comment elle allait. Nous nous sommes revus plusieurs fois après cela, seul à seule, à chaque fois que l'absence de Giovanni le permettait. J'ai fini par oser lui demander pourquoi elle restait avec lui, il y avait deux raisons. La première, c'est qu'elle n'avait nulle part où aller, elle n'osait pas rappeler sa famille après des années de silence parce que Giovanni l'avait faite rester en mauvais termes avec eux. La seconde, c'était ses crises de colère. Selon elle, Giovanni était proprement terrifiant quand il se mettait en colère et elle mourrait de peur de sa réaction si elle lui annonçait qu'elle partait. Alors nous avons mis en place un plan. Malgré les années de silence, elle semblait confiante sur le fait que sa sœur Amélie accepterait de l'aider. Émilie n'avait pas de téléphone portable et Giovanni fouillait consciencieusement tous les soirs l'historique de leur fixe. Je lui ai prêté le mien pour qu'elle puisse l'appeler sans risques. Une fois qu'Amélie lui a assuré que sa porte restait ouverte pour elle, nous avons planifié sa rupture. Un jour et une heure précis. Elle était tellement terrifiée qu'elle avait tout prévu dans les moindres détails. Le minimum de papiers d'identités était dans ses poches, sur elle au moment où elle lui annoncerait. La porte d'entrée non verrouillée et les clés cachées pour qu'il ne puisse pas la retenir et l'enfermer. Je l'attendrai en voiture en bas de chez elle au cas où elle devrait s'enfuir précipitamment et je lui avais promis d'appeler la police si je n'avais pas de nouvelles au bout de dix minutes. J'étais sur le point de le faire quand elle est sortie de l'immeuble, le visage ensanglanté, les bras couverts de bleus et le nez cassé. Giovanni l'aurait tuée si elle n'avait pas anticipé sa réaction au point d'avoir tout mis en place pour pouvoir fuir. Je l'ai emmenée aux urgences, d'où j'ai appelé Amélie qui est venue la chercher quand elle a été soignée.

Gabriel reprit son souffle pendant que Ladybug restait accrochée à ses paroles, sirotant son café tout en l'écoutant. Gabriel reprit :

- Après ça, autant vous dire qu'il était inutile d'envisager de continuer notre projet ensemble. Emilie a mis un peu de temps à se reconstruire, mais elle a fini par porter plainte pour violences conjugales. Giovanni était issu d'une famille assez aisée et connue, l'affaire a fait pas mal de bruit, ses parents lui ont payé les meilleurs avocats…

Ladybug perçut les poings de Gabriel se serrer de colère.

- Avec ce qui s'est passé le soir de leur rupture, il aurait dû être accusé de tentative de meurtre, il aurait dû encourir 30 ans de prison… Il s'est fait passer pour une victime dans tous les médias et au tribunal, a dépeint Emilie comme une manipulatrice qui l'avait quitté et cherchait à partir avec le maximum d'argent… C'était… Pitoyable. Emilie a tenu le coup pendant les audiences mais son numéro a suffisamment bien marché. Les faits ont été requalifiés en violence conjugale sans préméditation. Il a écopé de 1000 francs de l'époque en dommages et intérêts. Moins de 200 euros, précisa-t-il en voyant le regard hésitant de Ladybug qui le remercia d'un signe de tête. Moins de 200 euros pour cinq ans de vie qu'il lui avait volée et une tentative de meurtre. Emilie a mis du temps à se reconstruire, elle a vécu un moment chez sa sœur, nous continuions à nous voir, de plus en plus souvent et nous nous sommes mariés environ cinq ans après sa rupture. Voilà pour l'histoire.

Ladybug acquiesça d'un hochement de tête.

- Merci. Effectivement, je comprends mieux pourquoi vous vous méfiez autant de lui. Vous sauriez où il se trouve ?

- Je n'ai que des doutes. Il avait déjà enlevé Adrien lorsqu'il avait trois ans et m'avait donné rendez-vous dans un hôtel particulier du XXe arrondissement qui appartenait déjà à sa famille quand nous travaillions ensemble. J'ai moi aussi gardé un œil sur lui pendant toutes ces années. Il a revendu l'appartement dans lequel il vivait avec Émilie, et ses parents sont décédés. Le plus logique est qu'il se soit installé dans cette maison du XXe. Le maire Bourgeois a accepté de me rendre le service de dénicher dans les archives de la mairie toutes les informations que l'on a sur cette maison, si elle a été rénovée, améliorée entre temps, le plan exact actuel… Il devait passer cet après-midi vers 14 heures pour m'exposer ce qu'il aura trouvé, souhaitez-vous vous joindre à nous ? Si vous êtes motivée à vous aventurer là-bas, autant que vous soyez préparée à ce qui vous y attend.

- Entendu. Comptez sur moi, je le ramènerai.

- Je n'en attendais pas moins de la protectrice de Paris, sourit Gabriel. Je vous remercie infiniment par avance et je vous dis à tout à l'heure.

Gabriel se leva et Ladybug l'imita. Ils se serrèrent la main. C'était sans aucun doute dû à son manque de sommeil ou à la nervosité des dernières heures mais, au moment où la main de Gabriel se refermait sur la sienne, elle crut voir son regard dériver pendant une fraction de seconde vers ses boucles d'oreilles.


J'avoue que je sèche un peu sur les coulisses de la fic à vous proposer pour ce chapitre-là. Vous en aurez double-ration sur un autre chapitre si quelque chose me revient !

J'espère que ça vous a plu ! La suite va mettre un peu de temps (j'espère pas plus d'une semaine) à arriver pour cause de vacances de l'auteure.

A bientôt, et n'oubliez pas que seules les reviews permettent de savoir ce que vous en avez pensé !