Me revoilà pour ce nouveau chapitre !

J'ai accumulé un peu de retard dans mes réponses aux reviews et je m'en excuse le plus sincèrement au monde. Je vais faire tout mon possible pour répondre à tout le monde dans les jours qui viennent. Sachez en tout cas que je les lis et qu'elles me font infiniment plaisir, un gros gros merci à tous !

ENJOY !


Le claquement de la porte fit sursauter Adrien, le tirant du demi-sommeil dans lequel il avait fini par sombrer. Le mouvement réveilla la douleur dans sa nuque et dans ses bras dont les liens étaient trop serrés. Giovanni l'avait laissé plusieurs heures ici, peut-être toute la nuit. La pièce n'avait ni fenêtre ni horloge, il avait rapidement perdu la notion du temps. Le seul réconfort qu'il avait tiré avait été Plagg qui l'avait rejoint peu de temps après que Giovanni soit parti, en lui jurant que personne ne l'avait vu. Plagg lui avait plusieurs fois proposé de défaire ses liens, de le transformer, de l'aider à s'enfuir d'ici avant que la douleur et l'épuisement ne l'en empêchent. Adrien avait toujours refusé. Quand il se sentait sur le point de craquer et de ne plus supporter l'immobilité ou la fatigue, la même question revenait. Était-il suffisamment désespéré pour sacrifier son identité de Chat Noir ? La réponse avait toujours été non. Il pouvait en supporter encore un peu plus avant de craquer.

Grimaçant de douleur, il releva la tête vers Giovanni qui lança ironiquement :

- Bien dormi ?

Il ne répondit même pas. Ses yeux papillonnaient d'épuisement, son corps entier était douloureux. Et, pour la première fois depuis qu'il était arrivé ici, il avait peur. Peur de ce que Giovanni pourrait lui faire, peur de devoir en supporter encore davantage, peur d'en arriver au point où il devrait renoncer à son identité secrète pour se sauver. Giovanni ricana légèrement.

- Au moins, la nuit a suffi à t'apprendre à te taire.

L'un des gardes de Giovanni entré en même temps que lui pianotait sur un ordinateur et annonça :

- C'est quand vous voulez monsieur.

- Allez-y.

A l'écran, la fenêtre d'un appel en visio-conférence apparut et, à peine quelques secondes plus tard, l'appel fut décroché et Gabriel apparut à l'écran.

- Bien le bonjour Gabriel ! Tu as passé une bonne nuit ?

Gabriel s'apprêtait à répondre mais son regard se riva sur Adrien attaché à la chaise. Celui-ci se força à garder les yeux ouverts et la tête droite pour ne pas inquiéter son père, mais il se doutait qu'il était évident en voyant son visage qu'il avait passé la nuit ici.

- Qu'est-ce que…

- Oh, ça, nota Giovanni d'un ton nonchalant. Ton fiston a été insolent hier soir, et puisque tu n'as à l'évidence jamais pris le temps de t'en charger, je lui ai donné quelques leçons de respect, à ma manière.

- Détache-le, ordonna Gabriel.

- Cède-moi ton entreprise, répondit Giovanni sur le même ton.

- Pour la dernière fois Giovanni, j'y suis prêt en échange de garanties qu'Adrien et moi seront en sécurité même après cette session.

- Tes garanties tu les as, soupira Giovanni, l'air excédé. Est-ce que tu veux bien regarder un peu plus loin que le bout de ton nez et te demander quel intérêt j'aurais à me débarrasser de toi ? Ce que je veux, et ce depuis vingt-cinq ans, c'est être à la tête d'une entreprise qui fonctionnera grâce à un styliste de génie. Je te veux, toi et ton talent, à mon service exclusif. Explique-moi quel intérêt j'aurais à te supprimer et à détruire en même temps le potentiel de cette entreprise ? Ou à supprimer ton fils qui sera alors la seule chose que tu auras à perdre ? Si tu tiens tant que ça à ce qu'Adrien soit en sécurité, alors signe-moi cette cession, signe ton CDI comme directeur artistique et accepte le fait que ce sera désormais moi qui tirerai les rênes de ta vie et de ton entreprise. Et je n'aurais alors plus aucune raison de me débarrasser de l'un de vous deux.

- Et quand je serai effectivement salarié de ton entreprise ? demanda Gabriel d'un ton sceptique. Tu me promettais hier que mon salaire resterait le même mais tu ne me feras pas croire que tu ne chercheras pas tôt ou tard à me remplacer par quelqu'un qui te coûtera moins cher.

Giovanni laissa échapper un ricanement sarcastique et sembla réfléchir quelques secondes à sa réponse. Son regard se posa sur Adrien. Il se rapprocha de lui et lui passa une main dans les cheveux. Gabriel se crispa et Adrien tenta de se dégager de son contact, réussissant juste à raviver la douleur dans ses cervicales.

- Dis-moi Gabriel… Je t'ai suivi de loin pendant toutes ces années et… A ce que j'ai cru comprendre, je ne suis pas le seul ennemi que tu t'es fait pendant ton ascension. Tu es devenu une figure réputée de la mode, mais également une figure haïe.

La main de Giovanni se referma sur les cheveux d'Adrien et le força à lever la tête vers son père. Adrien ne put retenir un gémissement de douleur pendant que Giovanni reprenait :

- A ton avis… Combien d'entre eux seraient prêts à me payer une petite fortune en échange du droit de casser la gueule de ton fils devant cette caméra en ayant l'assurance que tu n'en manqueras pas une seule seconde ?

Les yeux de Gabriel s'étaient écarquillés d'horreur et son visage avait perdu le peu de couleurs qu'il lui restait. Lentement, il souffla :

- Tu ne ferais pas ça…

Giovanni éclata de rire et répondit :

- Bien sûr que non, je ne le ferai pas. Parce que j'ai largement assez d'argent, en amasser encore plus ne m'intéresse pas et encore moins si la santé d'un gosse qui n'a rien demandé doit en pâtir. Notre entreprise sera largement assez rentable pour nous faire vivre tous les deux, à partir de là, la somme que tu me coûteras restera toujours négligeable à mes yeux.

Il lâcha les cheveux d'Adrien et sa main glissa dans sa nuque pour masser rapidement ses cervicales endolories. Même si le contact de l'homme le révulsait, Adrien se surprit à soupirer de soulagement en sentant la douleur s'atténuer sous son geste. Giovanni retira sa main et reprit :

- Crois bien que si j'avais voulu me faire de l'argent sur le dos de ton fils tout en te faisant du mal, je l'aurais déjà fait. J'aurais pu laisser n'importe qui le fracasser devant cette caméra, j'aurais pu le louer à prix d'or à n'importe quelle maison de stylisme qui aurait recherché un mannequin, j'aurais pu le vendre à une maison de passe d'un pays moins regardant, j'aurais p…

- Tais-toi, souffla Gabriel entre ses dents.

A l'écran, Adrien percevait que son père tremblait de rage et d'inquiétude et ne supportait plus d'entendre Giovanni énumérer tout ce qui pourrait lui arriver. Giovanni ricana légèrement avant de reprendre :

- Je ne ferai rien de tout ça. Ce que je veux c'est ton entreprise – et toi. Adrien peut passer la nuit prochaine chez toi, dans son lit et en sécurité, ça ne dépend que de toi. Tu voulais des garanties, tu les as. Maintenant c'est moi qui vais te demander une preuve de ta bonne volonté. Je te laisse encore douze heures, Gabriel, et ça ne te sera pas de trop pour préparer tous les papiers dont tu auras besoin pour me céder les actions de la maison de stylisme. Je te rappelle à 21 heures et si tu n'as pas au moins préparé la majorité de ces formalités, c'est Adrien qui en paiera le prix, je me suis bien fait comprendre ?

Gabriel acquiesça d'un hochement de tête. La menace de Giovanni semblait avoir achevé le peu de hargne qu'il lui restait et sa voix était plus abattue, presque suppliante, quand il demanda :

- Détache-le d'ici là.

- Je n'avais pas besoin que tu me le demandes, assura Giovanni.

Giovanni adressa un geste de la tête à l'homme qui l'accompagnait et celui-ci détacha Adrien en quelques gestes. Adrien ne put retenir un soupir de soulagement en dépliant ses bras ankylosés. Il se releva mais une décharge de douleur traversa son dos et ses jambes, le bloquant pendant quelques secondes. Son corps se raidit et il manqua de tomber mais la main de Giovanni se referma sur son épaule, l'aidant à se stabiliser le temps qu'il parvienne à tenir debout.

- Adrien, ça va aller ? s'inquiéta Gabriel.

Son cou était trop douloureux pour qu'il puisse hocher la tête et il doutait d'avoir la force d'esquisser un sourire rassurant.

- Oui père. Ne vous inquiétez pas pour moi. Je… Faites attention à vous plutôt.

La menace de Giovanni et ses changements brusques de ton et de comportement avaient achevé de le terrifier, et il comprenait tout à fait que son père également se méfie. A quoi ressemblerait leur avenir si Giovanni dictait chaque fait et geste de Gabriel ? Il préférait ne pas se poser la question – quitte à rester ici plus longtemps en attendant que son père trouve une autre solution. Giovanni sembla avoir compris le sens caché de sa phrase. Sa main se crispa sur son épaule, lui arrachant une grimace de douleur, et il lança :

- Comme c'est mignon. Désolé d'avoir à interrompre cette réunion de famille. Ramenez-le dans sa chambre, ordonna-t-il à son garde, et amenez-lui un petit-déjeuner.

De la main qui le tenait encore, Giovanni poussa Adrien en avant vers son garde. Déséquilibré, il trébucha sur quelques pas avant que l'homme ne le rattrape.

- Doucement ! rugit Gabriel.

Le garde poussa Adrien en dehors de la pièce et referma la porte avant que Giovanni ne se retourne vers la caméra.

- Quelque chose à dire sur la façon dont ton fils est traité ? Je dois t'avouer que je suis très déçu par son comportement. Je te laisse préparer tout ce dont tu auras besoin pour me céder ton entreprise. Pendant ce temps, je vais avoir une petite conversation avec lui pour lui faire passer l'envie de t'encourager à me tenir tête.

- Ne lui fais pas de mal ! s'écria Gabriel.

- Bien sûr que non ! Tu me connais ! lança Giovanni.

Il coupa la visio-conférence avant que Gabriel n'ait eu le temps de répondre et soupira. Il ne pouvait pas affirmer que la situation lui échappait. Il avait prévu que Gabriel chercherait à jouer la montre, il avait prévu de menacer ouvertement Adrien dans ce cas-là et cela fonctionnait visiblement. Avait-il prévu qu'Adrien lui tiendrait tête, en incitant son père à lui résister ? Oui, à la réflexion. Il ne s'était que très peu attardé sur ce scénario mais il ne pouvait pas décemment dire qu'il ne s'y attendait pas. Son esprit avait juste beaucoup trop gardé en mémoire le Adrien de trois ans terrorisé qui n'osait pas dire un mot pour considérer ce scénario avec la rigueur qu'il aurait mérité. Oui, une part de lui espérait sincèrement qu'Adrien se tiendrait à carreaux et ne lui poserait pas de problèmes. Mais ce n'était pas grave. Il y avait tout de même vaguement réfléchi et savait comment réagir. Bien qu'Adrien ait décidé de lui tenir tête, il semblait tout de même impressionné. Achever le peu de résistance dont il parvenait à faire preuve ne devrait pas être trop compliqué.

Une sonnerie l'arracha de ses pensées. Il recevait un nouvel appel sur l'application de visio-conférence, d'un contact inconnu. Il hésita quelques secondes avant de décrocher, affichant l'image de la personne l'appelant à l'écran.

- Salut Gio ! Ça faisait une éternité, pas vrai ?

Il haussa les sourcils de surprise mais esquissa un sourire.

- Amélie Graham de Vanily, ça pour une surprise, souffla-t-il. J'ai appris que tu étais sur Paris en ce moment ?

- Bien évidemment, j'arrive à l'instant. Toi qui sors de l'ombre après dix ans, Adrien enlevé, Gabriel au bord du gouffre… Tu te doutes bien que je ne manquerais ça pour rien au monde !

- Tu es chez eux ?

- Oui. Pas d'inquiétude, Gabriel est dans son bureau, ma chambre à l'opposé. On est tranquilles. Gabriel n'a pas été très loquace, tu peux peut-être m'en dire plus sur tes exigences et si elles ont une chance d'aboutir ?

- Mes exigences sont pourtant simples. Son entreprise contre son fils. Je suis confiant, il joue la montre mais il va craquer.

- A moins qu'il ne prépare autre chose ? J'ai entendu dire à demi-mots que Ladybug avait fait une apparition chez lui il y a quelques heures…

Giovanni ricana légèrement.

- Je n'en attendais pas moins de lui. Si elle veut venir au secours d'Adrien, qu'elle vienne. Je l'attends.

- Contrer Ladybug, faire plier Gabriel, le tout en t'assurant qu'Adrien ne te file pas entre les pattes, ça va te prendre du temps tu ne crois pas ? Qu'est-ce que tu dirais d'une solution plus simple ?

- Je t'écoute ?

- Je ne doute pas une seule seconde que tu as tout prévu si Gabriel accepte tes conditions et que tu as une idée très précise de la manière dont tu t'assureras qu'il ne sera plus un problème pour toi sur le plus ou moins long terme. Ce qui m'embête dans cette histoire, c'est que comme tu l'as dit, Gabriel est suffisamment borné pour jouer la montre et qu'Adrien est un gosse beaucoup trop adorable pour payer le prix de la stupidité de son père. Je te connais Gio, je sais que tu vas tôt ou tard le torturer pour faire plier Gabriel.

- Ne t'inquiète pas pour lui, je vais y aller doucement. Je ne pense pas avoir besoin de trop insister pour qu'il craque et se tienne à carreaux.

- Laisse-moi au moins te proposer autre chose, souffla Amélie. Tu t'acharnes depuis dix ans à lui prendre son entreprise en mettant en danger la vie de son fils, mais pourquoi s'acharner quand tu peux en monter une qui l'écrasera et le noiera doucement mais sûrement ? Associe-toi avec moi. Ensemble, nous montons notre maison de stylisme.

- Elle ne sera pas viable sans un styliste de génie, nota Giovanni.

- Oh mais nous en aurons un ! Je suis toujours la bienvenue chez les Agreste, je te le rappelle. Tous les six mois, une visite ici et je repars avec toutes les idées de Gabriel pour la saison suivante. Je ne me suis jamais intéressée à la mode jusque là, impossible qu'il me suspecte avant plusieurs saisons de perdues, quand il sera trop au fond du gouffre pour pouvoir s'en relever. Une chute lente, une chute humiliante quand ses défilés qui lui permettraient de remonter la pente se verront aussitôt accusés de plagiat, une chute rageante parce qu'il saura pertinemment que tu lui voles ses idées mais qu'il ne trouvera jamais comment tu fais ni comment le prouver.

Giovanni l'avait écoutée silencieusement mais son regard intéressé lui montrait que cette idée lui plaisait. Il laissa cependant passer encore quelques secondes de réflexion avant de demander :

- Pourquoi tu ferais ça, Amélie ?

- En mémoire du bon vieux temps ! répondit-elle avec un grand sourire. HEC, notre duo qui écrasait la promotion entière quand nous travaillions ensemble parce que personne n'égalait notre complémentarité et notre entente.

- Il va te falloir plus que des souvenirs pour motiver ta volonté de faire chuter ton beau-frère.

- Gabriel et moi, c'est… Une longue histoire, admit Amélie. Une histoire qui remonte à il y a vingt ans, quand nous finissions nos études. Quand, malgré l'efficacité de notre équipe, tu partais vivre avec ma sœur et monter ton entreprise avec ce mec rencontré par hasard. Tout ça pour avoir une fiancée qui mourrait à petit feu parce qu'elle était incapable d'apprécier la vie à tes côtés et un partenaire qui convainquait la dite fiancée qu'elle serait plus heureuse sans toi. Malgré la rancœur que j'avais à l'époque, ton couple avec Emilie m'apportait un avantage principal : Tu tenais à choisir vos alliances et donc, faute d'une jumelle plus âgée de quelques minutes qui les revendiqueraient, les anneaux jumeaux des Graham de Vanily me reviendraient.

- Tu m'avais déjà parlé de ces bijoux à l'époque, qu'ont-ils de si spécial ?

- Rien qui t'intéresse, crois-moi. C'est une affaire personnelle. Mais bref, tu commences à saisir pourquoi je lui en veux particulièrement ? Il me vole mon partenaire d'affaires et incite ma sœur à me voler les anneaux qui auraient fait ma fortune et mon bonheur. Félix a réussi à lui voler l'un des deux la dernière fois que nous nous sommes vus, mais il se méfie à présent. Donc si tu acceptes notre projet, notre entreprise commune avec notre efficacité de l'époque, et la meilleure des agents doubles chez ton ennemi juré pour mieux le poignarder… Je pense que quand il sera au fond du gouffre, il acceptera volontiers de me céder l'anneau en échange d'une aide ou de fausses informations sur ta manière de fonctionner. Tu n'auras plus qu'à manger du popcorn quand je partirai avec l'anneau en le laissant s'effondrer. Bien sûr, si tu acceptes, cela inclut la libération d'Adrien, je te laisse trouver une justification convaincante pour expliquer à Gabriel que tu laisses tomber et que tu pars sur un autre projet. Qu'en dis-tu ?

Giovanni ricana légèrement.

- J'en dis que tu n'as pas changé depuis vingt ans. Ton idée m'intéresse mais elle nécessite de la réflexion, l'élaboration d'un plan pour être sûr que tout se passe comme prévu, et du temps. Laisse-moi faire mijoter Adrien un petit moment, je suis confiant sur le fait qu'il ne tiendra pas 24 heures avant de craquer et de provoquer volontairement la reddition de son père. Comme promis j'y irai doucement quand même. S'il s'obstine à me résister et que Gabriel continue à tourner autour du pot, alors oui, je te suis.

- Entendu ! A dans 24 heures, alors ! Passe une bonne journée ! salua-t-elle avec un petit geste de la main.


Adrien sombrait dans le sommeil quand le claquement violent de la porte de sa chambre le fit sursauter, réveillant une vague douloureuse qui vrilla dans la totalité de son corps. Il retint un gémissement d'épuisement et de douleur et se redressa difficilement vers Giovanni qui venait d'entrer dans sa chambre.

- Oh, je te réveille ? lança-t-il ironiquement.

Adrien ne répondit rien, se contentant de s'asseoir un peu plus confortablement sur le lit pendant que Giovanni lui tendait un verre d'eau :

- Mes gars m'ont dit que tu voulais boire ?

Sa nuque lui faisait trop mal pour qu'il parvienne à acquiescer mais son regard envieux posé sur le verre répondit à sa place. Il n'avait eu que deux verres depuis qu'il était arrivé ici la veille, et le petit-déjeuner amené sur son bureau ne contenait rien à boire. Sa gorge le brûlait trop pour qu'il se sente capable de manger quoi que ce soit et, quand il avait tenté de demander de l'eau aux gardes devant sa porte, ceux-ci lui avaient répondu qu'il leur fallait l'accord de Giovanni. Il bredouilla un remerciement en prenant le verre et il ne résista pas à la tentation de le boire d'une traite. Malgré le soulagement évident de sa gorge pendant qu'il buvait, le verre fut vide bien trop vite à son goût. Giovanni sembla remarquer sa déception.

- Je peux t'en amener d'autre, mais je tenais à avoir une petite discussion avec toi avant.

Giovanni s'assit sur le lit à côté de lui avant de reprendre :

- Je suppose que je te dois des excuses pour la nuit passée sur la chaise. C'était certainement une réaction trop violente mais… Ça m'a beaucoup contrarié de t'entendre prendre le parti de ton père. Je ne peux pas t'en vouloir, ça fait treize ans qu'il te retourne le cerveau en te faisant croire qu'il tient à toi…

- Il tient à moi ! protesta spontanément Adrien.

- Il tient à toi et laisse les négociations s'enliser autant ? Ton père est absolument ingérable, te brutaliser a été le seul moyen de le faire réagir. En même temps, je dois avouer que j'ai mal choisi mon moment, tu n'avais aucun défilé de prévu dans les jours à venir. Si la Fashion Week approchait, il aurait au moins eu une motivation à te récupérer rapidement, il aurait trop eu besoin de son mannequin vedette…

Il aurait voulu protester, dire à Giovanni qu'il mentait. Ses mots restèrent bloqués dans sa gorge. Une part de lui voulait effectivement croire qu'il se trompait, que son père tenait à lui pour ce qu'il était et pas pour son activité de mannequin. Une autre part, celle qui était la plus affectée par la soif, la douleur et la fatigue, ne pouvait s'empêcher de douter. Et de se dire qu'effectivement, si son père avait eu un défilé le soir même, il l'aurait déjà fait sortir.

- Oh, j'ai touché un point sensible ? nota Giovanni. Allons, vois le bon côté des choses, quand son entreprise ne lui appartiendra plus, peut-être qu'il daignera enfin te voir comme son fils et non comme un mannequin pouvant être remplacé d'un claquement de doigts ?

Adrien releva la tête vers lui. Il aurait voulu lui crier de se taire, de sortir, d'arrêter de remuer le couteau dans la plaie. Le verre vide dans la main de Giovanni lui rappelait qu'il avait trop à perdre en s'énervant ainsi.

- Qu'est-ce que vous voulez ? demanda-t-il simplement.

- Ce que je veux, c'est que tu m'aides à faire plier ton père, répondit Giovanni. On a vu ce matin qu'il est beaucoup plus coopérant quand tu es maltraité, et j'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'y a que deux façons de le faire craquer et de le convaincre d'arrêter de jouer la montre. La première, c'est que tu sois complètement démoli. Que quand je te ramènerai face à lui, tu ne tiennes plus debout, que tu sois méconnaissable et que tu aies besoin d'une bonne année pour pouvoir recommencer à marcher et parler normalement au vu de toutes les fractures que mes gars t'auront faites.

Adrien déglutit difficilement, renforçant la brûlure de sa gorge déjà asséchée. La poche avant de sa chemise s'était légèrement agitée et il devinait que Plagg luttait contre l'envie d'aller cataclysmer Giovanni. Avant qu'Adrien n'ait pu décider s'il aimait ou non cette idée, Giovanni reprit :

- La deuxième, c'est que ce soit toi qui prennes la suite des négociations. Que tu arrêtes de lui dire que tu vas bien, tu arrêtes de lui dire de prendre son temps. Que tu sois particulièrement convaincant quand tu craqueras en lui avouant que tu n'en peux plus et en le suppliant de te faire sortir d'ici sans délai en acceptant les yeux fermés toutes les conditions que je lui imposerai. Tu t'y prends comme tu veux, tu le supplies de la façon que tu veux, tant que sa seule réaction est de me proposer de le rejoindre immédiatement pour te ramener et signer les papiers de cession. Je me suis bien fait comprendre ?

Adrien acquiesça d'un hochement de tête qui réveilla la douleur dans sa nuque. Ce n'était pas comme s'il avait le choix, pourtant, la deuxième proposition lui paraissait aussi insoutenable que la première. Faire lui-même du chantage à son père pour l'obliger à se rendre et céder l'œuvre de sa vie à Giovanni… A cet instant, il se sentait incapable de prononcer un seul des mots qu'il exigerait de lui. Giovanni parut remarquer son hésitation et se releva :

- Je te laisse réfléchir à quelle option tu préfères. Fais-moi signe quand tu as choisi ! lança-t-il en désignant le verre d'eau vide.


Nathalie ouvrit la porte du manoir Agreste à Ladybug et la conduisit dans le bureau de Gabriel.

- Re-bonjour Monsieur Agreste. Monsieur Bourgeois, salua-t-elle.

- Bonjour Ladybug ! répondit le maire. C'est un plaisir de vous voir au rendez-vous pour protéger la population de Paris, merci infiniment.

- C'est normal.

- Installez-vous, je vous en prie, l'invita Gabriel.

Les cernes de Gabriel s'étaient encore creusés depuis le matin même et son ton était plus anxieux, plus préoccupé.

- Vous… Avez des nouvelles d'Adrien ? demanda-t-elle prudemment. On sait s'il va bien ?

- Non, il ne va pas bien, répondit-il d'un ton abrupt. Giovanni le torture probablement. Je vais être franc, Ladybug, si vous voulez tenter quelque chose c'est ce soir. J'ai déjà préparé en grande partie tout ce dont j'aurais besoin pour lui céder la maison de stylisme. D'une façon ou d'une autre, Adrien ne doit pas passer une journée de plus là-bas.

Ladybug avait légèrement pâli mais elle acquiesça d'un hochement de tête.

- Alors ce sera ce soir.

- Je vous en remercie. Monsieur Bourgeois a pu ressortir des archives de la mairie tous les plans du manoir où je soupçonnais Giovanni d'avoir enfermé Adrien.

- En dix ans, il a déposé cinq demandes de permis de construire, résuma monsieur Bourgeois. Trois afin de faire combler toutes les fenêtres plus hautes que le rez-de-chaussée. Le seul moyen d'entrer dans la bâtisse passe par le hall d'entrée. Les deux autres concernent des aménagements de portes, notamment celle d'entrée à laquelle il a ajouté un mécanisme de doublage en métal. Une porte blindée métallique peut coulisser devant la porte classique sur une simple commande.

- Pas de doute, confirma Gabriel, c'est lui. Et il est là.

- Cependant, vous devez savoir qu'un permis de construire n'est nécessaire que pour modifier l'aspect extérieur d'une maison. J'ai bien un plan remontant à l'époque où elle a été construite, mais il a été libre de totalement la réaménager, de faire tomber des murs non-porteurs, d'en ajouter d'autres… Impossible de savoir à quoi ressemblera l'intérieur.

- Donc impossible également de savoir sur combien d'étages tient la maison ? Il aurait pu faire aménager des sous-sols, notamment pour y enfermer Adrien ? demanda Ladybug.

- Non, répondit le maire, c'est peut-être la seule bonne nouvelle. Le réseau des égouts de Paris passe sous sa maison et j'ai envoyé des agents ce matin vérifier que tout était normal. Il n'aurait pas pu creuser sous le rez-de-chaussée.

- Monsieur Agreste, demanda Ladybug, vous aviez bien dit qu'il possédait déjà cette maison à l'époque où vous travailliez ensemble ? Vous savez à quoi elle ressemblait il y a vingt-cinq ans ?

- Vous pouvez faire confiance à Giovanni pour avoir tout changé à l'intérieur justement parce que je savais comment c'était agencé. Il n'aurait pas pris ce risque. La seule chose qui ne changera pas et sur laquelle on peut se baser… C'est lui-même. Il est paranoïaque et maniaque du contrôle. On peut donc anticiper qu'Adrien est sous haute garde et que la maison est remplie de caméras de surveillance. A l'intérieur, Adrien devrait être facile à trouver. Connaissant Giovanni, cherchez la pièce la plus centrée de la maison, sans fenêtre et à distance respectable de n'importe quel mur ou fenêtre. Ajoutez au moins deux ou trois gardes devant la porte et vous serez sûre qu'il sera là.

- Tout cela est très impressionnant. Ladybug, vous êtes sûre de vouloir vous jeter là-dedans ?

Ladybug soupira légèrement. Impressionnant, c'était le terme. L'image d'Adrien violenté revint dans son esprit et son regard redevint déterminé.

- Si c'est pour en sortir Adrien, oui. Ses gardes ne me font pas peur, j'ai mon yoyo et je sauterai plus haut qu'eux, je serai trop rapide pour qu'ils m'attrapent.

- Chat Noir ne sera pas de la partie ? s'étonna Gabriel. Son cataclysme aurait pu être utile pour vous enfuir précipitamment.

- Il… A d'autres préoccupations, mentit Ladybug. Celle de disparaître dans la nature au pire moment, ajouta-t-elle en pensée. Je m'en sortirai très bien seule. De plus, en étant seule, j'ai peut-être une idée de comment entrer.

- Comment ? s'étonna Gabriel. Il n'y a qu'une porte et les rares fenêtres du rez-de-chaussée sont probablement gardées…

- Par la porte, donc ! affirma Ladybug. Il faut juste que j'arrive à mettre la main sur… Un polo et une casquette rouges et un pantalon noir. Et du tissu blanc.

- Je vous trouve ça, proposa Gabriel, ça ne devrait pas être compliqué.

- Dans ce cas il ne me reste qu'à vous souhaiter bonne chance, conclut le maire. Et à vous remercier infiniment par avance. Oh ! Non, avant que j'oublie… Nous avons eu une visite étrange en mairie ce matin. Un donateur anonyme qui se doutait que vous voudriez venir en aide à Adrien et qui m'a demandé de vous faire passer quelque chose.

Il posa devant elle un écrin à bijou, sur lequel un post-it avait été collé. Elle rapprocha la boite d'elle et lut :

« En cas de situation désespérée. Ouvre-là si même tes pouvoirs ne te sont plus d'aucune utilité. »

Elle relut trois fois le message. Ce n'était jamais arrivé que ses pouvoirs ne lui permettent pas de se sortir des pires situations, pourquoi quelqu'un pensait-il que cela arriverait aujourd'hui ?

- Vous n'avez aucune information sur ce donateur ? Qui il était, pourquoi il a voulu me faire passer cela ?

- Aucune, répondit le maire. Il a juste insisté pour que vous ne l'ouvriez qu'en cas de danger.

Ladybug acquiesça d'un hochement de tête. Elle ne voyait pas quelle situation pourrait la conduire à en avoir besoin. Peu importe. Elle ne risquait pas grand-chose à priori à prendre cette boite et la rendre fermée au maire quand elle aurait ramené Adrien. Elle activa l'option bourse de son yoyo pour ranger soigneusement la boite à l'intérieur. Quand elle releva la tête vers Gabriel, celui-ci paraissait avoir les traits plus tirés que jamais.

- Ça va aller, Monsieur Agreste. Je vous le ramènerai, je vous le jure. Je ferai de mon mieux pour l'arracher des griffes de Giovanni.

D'abord surpris, Gabriel esquissa un pâle sourire.

- Je n'en doute pas, affirma-t-il. J'ai une totale confiance en vous concernant votre capacité à tenir en échec quelqu'un que vous affrontez.


Côté coulisses de la fic... Je n'ai pas d'extrait de conversation à vous proposer, juste un résumé du bazar ambiant qui a régné dans ma tête concernant le chapitre.

La semaine dernière, j'avais mes chapitres 5 et 6 soigneusement ficelés. Mais j'avais aussi plusieurs scènes en tête, que je tenais à rajouter, notamment deux dans le chapitre 5 et une dans le 6. Je tenais à ces scènes mais elles auraient achevé le semblant de logique en matière de taille de chapitres parce qu'elles auraient fait doubler la taille du chapitre 5 et puis j'étais pas sûre de leur pertinence mais j'y tenais trop mais ça aurait fait exploser la taille des chapitres et mon cerveau bouclait ainsi à l'infini.

J'ai fini par partir en vacances une semaine en emmenant ces deux chapitres sur mon téléphone et en me disant que j'y réfléchirai mieux avec du recul et du soleil et du repos, ce qui a effectivement eu lieu. La première trouvaille inespérée, et mieux vaut tard que jamais, c'est que cette fic a désormais une image de vignette autre que ma photo de profil.

La deuxième, c'est que sur téléphone, la taille de chapitres ne s'affichait pas, et que j'ai donc pu tranquillement écrire sur ce téléphone mes scènes manquantes auxquelles je tenais trop. J'en étais globalement satisfaite, et quand je suis rentrée à ma maison avec mon PC, j'ai découvert que oui, la taille du chapitre 5 avait doublé, au point que ce n'était plus un problème de tout simplement le couper en deux. Il en était de même pour le chapitre 6, et mon chapitre 5 initial a donc donné naissance à ce chapitre 5 que vous venez de lire et au prochain chapitre 6. Le chapitre 6, lui, s'est pour l'instant transformé en chapitres 7 et 8, mais j'ai déjà appelé Milou à l'aide pour m'aider à juger de la pertinence de ce split-là.

Voilà donc pour ce chapitre 5 qui m'a nécessité beaucoup d'arrachages de cheveux, beaucoup d'appels à l'aide à Milou qui a été cent fois trop adorable en m'aidant comme jamais à perfectionner la scène de la conversation Giovanni/Gabriel et à imaginer des méthodes de torture qui ne disent pas leur nom (en fait, ce chapitre entier est l'oeuvre de Mistou, à ce stade), et dont je doute encore aujourd'hui qu'il puisse vous plaire en l'état.

Du coup, je vous laisse me dire ce que vous en avez pensé ? J'espère tout de même que ça vous a plu :)

Le prochain chapitre arrive au mieux avant dimanche prochain, sinon pas avant dix jours (les vacances, on n'en a jamais assez !).

A très bientôt !