Auteur : kitsu34
Origine : Saint Seiya
Couple : CaMilo, parce que ce sont les seuls qui conviennent niveau caractère avec ce que je veux faire… J'ai essayé avec d'autres, notamment mes jumeaux préférés, mais ça ne marche pas… Par contre, il y aura des couples secondaires qui apparaîtront petit à petit.
Disclaimers : Rien à moi dans l'univers Saint Seiya…
Note 1 : J'ai voulu me lancer dans un nouveau défi ! Après l'humour (hem…), je tente l'UA. Je ne garantis vraiment rien car c'est un genre qui m'échappe beaucoup, je pense, mais c'est en forgeant qu'on devient forgeron paraît-il, alors je me lance ^^ ! Qui sait je deviendrai peut-être écrivain, du coup ^^ !Depuis longtemps, j'imagine une couverture de Milo espion/assassin en reporter photographe jet-setter et globe-trotteur (un peu mode Léon/City Hunter). J'ai décidé de coupler cette vision de lui avec un Camus étudiant en littérature française à la Sorbonne (non ne riez pas…)...
Note 2 : J'ai posté puis supprimé cette fic la semaine dernière. Je n'étais pas sûr de pouvoir la poursuivre correctement vu les circonstances, alors je me disais qu'il valait mieux ne pas la commencer... Et puis Red est une sale bête, qui réclame d'exister : il a pris corps et n'en fait qu'à sa tête... Son histoire existe à présent et me hante. Il me faut la sortir de ma tête ^^.Et puis, dans cette baisse générale de motivation et de santé, des amies sont venues me réconforter et m'ont poussé à reprendre le fil des mots. Je les en remercie vivement et leur dédie cette histoire, si elles l'acceptent. Merci Saharu-chan, ton soutien me donne des ailes, vraiment, et m'est infiniment précieux. Et merci Lily Aoraki, merci Svoboda, merci Glaieul !
Merci aussi à celles qui avaient laissé des reviews sur la brève version de cette histoire, Hue-Fang et Cat-a-Combe, ainsi qu'à tous les autres qui lisent et qui me soutiennent. Sans vous tous, cette fois, j'aurais peut-être vraiment tout laissé tomber... Le soutien des lecteurs est essentiel pour un auteur, alors à vous tous, sincèrement, du fond du cœur, merci !
Si vous êtes prêts à prendre le risque, bienvenue à vous ! Nous allons décoller, attachez vos ceintures ^^ !
Red Love – Chapitre 1
L'avion amorça sa descente vers la terre, traversant des nuages blancs poétiques illuminés de lumière d'or avant de se retrouver secoué dans une grisaille épaisse et triste. Décidément, le climat était bien ingrat dans cette partie du globe… A chaque fois qu'il y venait, il pleuvait et il faisait froid. Alors pourquoi revenait-il au fond ?
Les lèvres pleines ébauchèrent un sourire légèrement ironique et le regard transperçant se fit plus aigu. La mer de nuages bas et sombres se déchira et la ville apparut, déjà en partie illuminée par la tombée proche de la nuit.
La Ville Lumière. Éternelle et sans âge, à la beauté immarcescible, qui a traversé toutes les épreuves du temps. Elle l'ensorcelait. Voilà pourquoi, dans sa quête de beauté immuable et de permanence rassurante, il revenait toujours vers elle, attaché par le cœur. Il avait beau traquer le scoop, affronter les extrêmes, photographier le danger, les grands de ce monde ou les anonymes abîmés, il revenait toujours à Paris, sans se l'expliquer. Il l'aimait, cette ville, tout simplement.
Le sourire ironique s'accentua, se faisant plus mordant à son propre égard. Aimer, lui ? La bonne blague ! Il fallait que ce soit une ville, parce qu'il était incapable d'aimer, autrement… Sans doute avait-il trop affronté et mis à nu la misère et la laideur de l'âme humaine pour cela…
« Excusez-moi ?… Euh… Je voulais vous demander... Êtes-vous... Red, le photographe ?… »
Il se détourna à regret de la contemplation du hublot. Ah oui… La jeune femme de l'autre côté de l'allée centrale, qui le dévorait discrètement du regard, par moments, depuis le décollage de New York… Elle l'avait reconnu, il s'en était rendu compte rapidement. Mais depuis le début du vol, elle hésitait à l'aborder, incertaine que ce soit lui, au fond. Intérieurement, il se félicita de son déguisement. Après tout, à part elle, personne se semblait l'avoir identifié. Il faut dire que la barbe de quelques jours, les cheveux lissés, noués en queue de cheval, et les lunettes transformaient assez bien son apparence, en effet. Bon, restait toujours son fichu regard d'eau translucide miroitant et hésitant entre le vert et le bleu… Son regard hypnotique qui faisait sa célébrité, souvent reproduit sur les pages colorées des journaux à scandales qui détaillaient avec délectation ses liaisons célèbres… Il aurait pu mettre des lunettes noires, mais dans la carlingue d'un avion, au milieu des lumières artificielles criardes, cela aurait paru étrange. Alors il avait préféré des lunettes austères, à gros montants d'écailles sombres, espérant que cela masquerait ses yeux trop célèbres…
Raté, en partie du moins. Il se tourna vers la passagère, un doigt discret sur sa bouche harmonieuse et lui lança un clin d'œil complice. Elle s'empourpra violemment et baissa précipitamment la tête sur son décolleté avantageux, qu'il apprécia au passage. Pourquoi se priver ? Après tout, il était célèbre pour ses conquêtes tapageuses des deux sexes et les noms de certains de ses amants ou maîtresses… Bien plus que pour ses photos ou ses reportages, en fait. Une certaine amertume le saisit tout à coup, qu'il secoua bien vite. Allons ! Autant se montrer à la hauteur de ce que le monde attendait de lui ! Il était Red, le séducteur. Red, le journaliste qui obtenait ses scoops et ses photos grâce à sa beauté sulfureuse et ses moeurs légères. Red au coeur vide et au regard froid, que rien ne touchait...
Il sourit crânement à la jeune femme éperdue et saisit son smartphone qu'elle lui tendait, se retournant et prenant un selfie avec elle avant de le lui rendre en lui effleurant les doigts. Un bredouillement inintelligible lui répondit et sur un dernier « chut » de connivence, il s'absorba à nouveau dans la contemplation mi fascinée mi amère de la ville qu'il aimait.
Oui… Autant suivre le rôle qui était le sien et que tous s'attendaient à voir… C'était au moins le signe qu'il avait parfaitement tissé sa couverture. Personne ne soupçonnait sa seconde activité… Et ce, même si, au sein de ce mensonge tape à l'œil, il n'était pas que ce séducteur aux yeux clairs, aux photos hardies que les journaux s'arrachaient… Même s'il rêvait d'autres images, plus belles, plus secrètes, qui dévoileraient une partie de ce qu'il pensait du monde et de ses habitants… Même s'il se disait parfois qu'il deviendrait bien à plein temps ce beau photographe roulant sa bosse de par le globe et livrant son interprétation du monde…
Mais voilà, ce n'était pas à lui de choisir. Quelqu'un l'avait fait pour lui, il y avait longtemps déjà… Et ce quelqu'un ne plaisantait pas… Il n'avait aucune liberté, en fait. Aucune marge de manœuvre… Il n'était qu'un outil, un bel et redoutable instrument, manié cruellement dans l'ombre...
L'avion se posait majestueusement sur la vaste piste de l'aéroport international Charles de Gaulle et Paris pleurait sur son hublot, comme il pleuvait dans son âme, depuis bien longtemps à présent. C'était peut-être ces larmes, si semblables à celles, invisibles, qui coulaient derrière le bleu limpide et lumineux de ses yeux, qu'il aimait et qu'il était venu chercher dans cette ville au charme suranné et intemporel ?…
oOoOo
« Eh ! Euh… Machin ! Enfin, toi, là ! Oui, toi avec tes longs cheveux rouges et ton air renfrogné ! Je ne sais pas comment tu t'appelles ! Attends-moi !
- Aloïs.
- Quoi ?
- Je m'appelle Aloïs. Mais je préfère qu'on m'appelle Camus.
- Comme l'écrivain ? T'es étudiant en littérature à la Sorbonne et tu prends Camus comme pseudo ? T'es un comique, toi !
- Bon, qui es-tu et qu'est-ce que tu me veux ?
- Tu ne me remets pas ? On a un module en commun. Je m'appelle Lilian. Ça fait un moment que je cherche à te parler. J'étais chez Gibert derrière toi, la dernière fois, quand tu discutais avec la petite vendeuse du rayon littérature. Tu sais, quand tu lui as demandé s'ils embauchaient des étudiants.
- Et alors ? Je ne vois pas en quoi ça te regarde ! Tu n'avais pas à écouter, c'est impoli.
- Ben heureusement que j'ai écouté, hein ! Parce que j'ai un job pour toi, si tu veux. Mon patron m'a demandé si je connaissais un gars qui pourrait faire l'affaire et tu conviendrais parfaitement.
- Un job ? Quel Job ? Pourquoi moi, que tu ne connais pas du tout alors que tu as plein d'amis, en général ?
- Ah, bah tu vois que tu m'as reconnu ! Mes copains ne conviennent pas pour ce job.
- Pourquoi ?
- Il faut bien présenter et avoir de la classe. Mais genre, vraiment. Comme toi, quoi. Tu sembles sorti de Balzac la plupart du temps. Tu aurais mieux fait de choisir Rastignac comme pseudo… Tu seras parfait ! Et c'est pas trop dur et bien payé.
- Ce que tu me décris aurait plutôt tendance à me faire fuir…
- Mais non ! Mon patron est un traiteur renommé et pour certaines soirées branchées, il a besoin de serveurs élégants et efficaces. Et puis discrets, surtout. On est payés en conséquence : tu bosses toute la nuit, par contre, mais au final, ça te fait un bon petit pactole !
- Quel genre de soirées ?
- Des vernissages, des expositions dans des galeries d'art, des soirées entre diplomates, ce genre de choses. C'est réglo, je te promets ! Avec contrat de travail et tout. Tu en es ?
- Je vais y réfléchir.
- Ça marche ! Tiens, je te donne mon numéro de portable, file-moi le tien ! Parfois les missions tombent un peu au dernier moment.
- Tiens, voilà mon numéro.
- Allez, à plus Camus !
- Euh Lilian ?
- Oui ?
- Merci pour le job.
- Bah, si on ne s'entraide pas entre étudiants, où va-t-on ? Et puis, je vais me faire bien voir du patron grâce à toi ! Allez, ciao ! »
Camus serra le morceau de papier froissé dans sa main. Est-ce que la chance tournerait enfin ? Les fins de mois étaient de plus en plus dures et il avait besoin d'un job pour parvenir à manger en ce début d'hiver qui s'annonçait rude. Sa bourse et les APL ne suffiraient pas et sa mère ne pouvait pas l'aider davantage. Il devait s'en sortir seul. Mais jusque là, il n'avait trouvé que des petits boulots dans la restauration, exigeants, fatigants et mal payés. Et s'il devait manger, il fallait aussi qu'il réussisse ses études, ou tous ses efforts ne serviraient à rien. Il savait déjà qu'il allait sans doute accepter ce travail miraculeusement tombé du ciel. Il en avait trop besoin, il n'avait pas le choix.
Serrant son manteau, un peu léger pour la saison, sur son corps, il se hâta pour aller se mettre à l'abri dans son repaire. Le froid ne le dérangeait pas trop, il y était habitué et peu sensible, mais il n'aimait pas l'humidité. En poussant la porte vitrée et chromée de la brasserie, il huma avec délice ce parfum si particulier, chargé de senteurs de café, de pain grillé et de chaleur humaine, qu'il aimait tant.
« Eh, Camus ! Bienvenue ! On se demandait si on allait te voir aujourd'hui, Saga et moi !
- Salut Kanon. Ton frère est là, lui aussi ? C'est rare que vous soyez de service en même temps ! Je croyais que Julian n'aimait pas vous avoir tous les deux ?
- Ahah, la vérité, c'est qu'il se goure tout le temps entre nous deux, voilà pourquoi ! Mais cette semaine, il va y avoir du taf, alors tout le monde est sur le pont !
- Ah ? Pourquoi cela ?
- Tu n'es pas au courant ? La vente aux enchères du tableau découvert dans un grenier, enfin ! Ils n'arrêtent pas d'en parler aux infos !
- Tu sais bien que je ne regarde pas la télé... »
Camus avait prononcé la dernière phrase d'un ton poliment ennuyé, haussant légèrement les épaules avec détachement. Mais Kanon se mordit légèrement les lèvres. C'était maladroit d'avoir dit ça. Il savait que l'étudiant n'avait tout simplement pas les moyens de suivre la marche du monde sur petit écran. Camus n'avait pas de télé, pas d'ordinateur et pas de smartphone. Son portable était un vieux modèle acheté en seconde main, à compte bloqué pour ne pas trop dépenser, et lorsqu'il avait besoin d'un ordinateur pour ses études, il allait au café internet du coin.
« Ma table est libre ?
- Évidemment enfin ! C'est ta table ! On ne l'attribue qu'en dernier recours, quand on est bondés. Mais là, au petit-déjeuner, comme tu vois, il n'y a pas foule ! Allez, va t'asseoir, je t'amène ta commande ! Tu prends quoi ?
- Comme d'habitude.
- Ça marche ! »
Camus regarda le serveur s'éloigner à grandes enjambées énergiques vers une table d'étudiantes qui gloussaient entre elles et rougissaient en se poussant du coude, les yeux luisants. A n'en pas douter, celles-ci étaient là pour le beau serveur, songea l'étudiant avec un léger sourire. Surveillant discrètement l'échange entre les jeunes filles et Kanon, Camus nota avec amusement le jeu de séduction entre eux et les rires perlés des jeunes filles aux blagues du serveur qui prenait son temps pour prendre la commande. Il sortit ses notes et ses documents et se mit au travail, s'absorbant dans l'univers d'A la recherche du temps perdu. Un instant atemporel passa et quand la voix grave retentit près de lui, il sursauta, brutalement tiré de son univers littéraire et onirique.
« Ta commande, Aloïs.
- Merci. Mais… Saga, je n'ai pas commandé tout cela. Je ne prends qu'un café, comme d'habitude.
- Ce sont des viennoiseries et du pain de la veille, on allait les jeter vu qu'on n'a pas le droit de les servir normalement. Je les ai mis de côté pour toi. Tu ne peux pas les refuser. Ou alors, ça part à la poubelle.
- Bon alors si c'est cela, ça va, j'accepte. Merci beaucoup.
- Comment tu m'as reconnu ?
- Tu as utilisé mon vrai prénom. Ton frère ne le fait jamais.
- Je vois. Tu bosses sur quoi ?
- Proust, pour le module de littérature du XXème. J'ai une dissert pour la semaine prochaine et le prof est exigeant.
- Sodome et Gomorrhe ? Bon courage ! J'ai beaucoup aimé, mais c'est ardu. De toute façon, Proust est difficile, je trouve.
- Déjà, que tu l'aies lu m'impressionne. Pour un étranger, tu as une maîtrise du français vraiment impeccable.
- J'aime la France, que veux-tu. Ah, mon frangin m'appelle, excuse-moi. Bon appétit ! »
Camus regarda la réplique parfaite du serveur qui avait tant tapé dans l'œil des étudiantes rejoindre sa copie sous l'étonnement manifeste des jeunes filles dont les yeux ronds allaient de l'un à l'autre avec incrédulité. C'était amusant de voir la surprise des gens quand ils réalisaient qu'ils avaient à faire à de parfaits jumeaux. Et Saga et Kanon en jouaient également beaucoup, au profond déplaisir de leur patron, souvent la cible de leurs plaisanteries.
Son regard revint à la baguette et aux croissants accompagnés de café fumant, de beurre et de confiture, sous ses yeux. Il avait faim. Il n'avait pas mangé ce matin. Il ne prenait jamais de petit-déjeuner. Cela faisait un repas en moins. Le café avalé dans la matinée à la brasserie lui tenait lieu de repas. De cette façon, il pouvait attendre jusqu'au déjeuner, bien souvent pris au resto U.
Fronçant les sourcils, il rejeta son ample chevelure de feu derrière son épaule et suspendit son geste, les mèches écarlates dans la main, sous le regard surpris et sceptique d'un couple entre deux-âges. Blond vénitien. Rouquin. Poil de carotte. Il avait l'habitude. Ses « camarades » s'étaient toujours moqué de lui à cause de la couleur de ses cheveux, les mêmes que ceux de sa mère. Alors, par orgueil et par défi, il les avait laissé pousser… Et aujourd'hui, sa crinière incandescente attirait beaucoup trop l'attention dans les rues grises de Paris. Mais sa fierté lui interdisait de les couper. Ils étaient sa liberté et sa révolte à la face du monde terne, sans saveur, qui le décevait sans cesse un peu plus. C'était pour cela aussi qu'il s'était plongé dans les études littéraires : les livres avaient été ses seuls amis toute son enfance et son adolescence. Quand les autres s'amusaient, faisaient des soirées, des sorties, il était toujours à part, moqué et délaissé. Les livres, eux, lui avaient toujours tendu leurs pages et il y avait découvert un monde de couleurs, bien vivant. Un monde tellement plus prégnant que la réalité, loin de ses déceptions cruelles...
Son visage s'assombrit lorsqu'il goûta l'un des croissants, qu'il reposa tout de suite avec un geste d'humeur.
« Saga !
- Oui ? Qu'y a-t-il ?
- C'est ça ! Fais l'innocent, en plus ! Ce croissant est parfaitement frais ! Tu m'as menti !
- Si je ne l'avais pas fait, tu n'aurais pas accepté ce petit déjeuner.
- Mais c'est évident ! Je ne demande pas la charité. C'est humiliant pour moi.
- Ça suffit, Aloïs. C'est parfaitement inconvenant, ce que tu viens de dire. Te rends-tu compte de ce que tu insinues ? Que je veux t'humilier ?
- Non, ce n'est pas ce que je voulais dire…
- Je t'apprécie. Et j'aime pouvoir parler littérature avec toi. Il se trouve que tu as des difficultés et que je peux t'aider. Ne veux-tu pas accepter l'aide d'un ami ? Ou me refuses-tu ce titre ?
- Vraiment, tu es un redoutable orateur… Mais je vois clair dans ce que tu essaies de me faire avaler.
- Mais juste du café et des croissants, c'est tout. Avec mon amitié, bien sûr.
- Saga…
- Et si je prends ma pause avec toi et que je mange la moitié de cette baguette ? Ça t'ira ?
- Mieux déjà, en effet.
- Alors bon appétit ! Kan' ?
- Ouais ?
- Je prends ma pause !
- Déjà ?
- J'ai fait l'ouverture, moi, ce matin, je te signale.
- Ah ouais, c'est vrai ! Okay alors !
- Bon, c'est réglé. Alors, quoi de neuf pour toi ?
- J'ai peut-être trouvé un job.
- Oh ? C'est une bonne nouvelle, ça ! Quel type de job ?
- Serveur pour un traiteur qui fait des soirées branchées, style vernissages, expositions.
- Hem. Tu es sûr ? Cela ne me dit rien qui vaille. Ce genre de soirée est en général assez borderline : l'alcool et la drogue peuvent circuler… Et certains invités sont peu recommandables. Comment l'as -tu trouvé, ce boulot ?
- Un gars de mon amphi.
- Comme ça ? Tu le connais ?
- Pas du tout.
- Alors laisse tomber. Crois-moi, ça vaut mieux. Si tu veux, on cherche quelqu'un ici.
- Ah bon ? Depuis quand ?
- Depuis que Kanon a enfin décidé de reprendre sérieusement les Beaux-Arts. Il va passer à mi-temps, du coup, on aura besoin d'un temps partiel. Ça te dit ? Ce ne sera sans doute qu'au smic, mais c'est déjà ça. Et puis on bosserait ensemble. Réfléchis-y ! »
Saga acheva son café et engouffra le reste de sa baguette beurrée, avant de se lever et de rejoindre son frère qui l'appelait à grand gestes devant l'arrivée d'un groupe asiatique investissant la salle en ordre. Camus contempla d'un œil aveugle les gens s'asseoir et commander et Kanon et Saga circuler rapidement entre les tables, très affairés. Les paroles de ce dernier lui passaient en boucle dans la tête. Saga avait raison. C'était plus sage de refuser cette offre alléchante mais étrange et vaguement inquiétante et risquée. Travailler ici, dans son repaire, était parfait. A deux pas de la fac, avec des gens qu'il connaissait…
Alors pourquoi son coeur chantait-il soudain à l'idée de cet emploi mystérieux ? Comme s'il allait balayer d'un seul coup toute cette grisaille… Comme si un surgissement éclatant et inattendu venait à sa rencontre… Comme s'il était à la croisée de ses chemins et que son destin se jouait sur sa décision…
Accepter ? Refuser ? Prendre le risque ?
Dérangé et brutalement ramené à la réalité par le brouhaha grandissant des touristes asiatiques qui discutaient à voix forte, Camus rassembla ses affaires et sortit en laissant bien l'argent de sa consommation et un bon pourboire. Saga allait râler. Mais il était ainsi. Il ne voulait rien devoir à personne, c'était sa fierté.
Une voiture passa rapidement, sans ralentir, dans une flaque d'eau et l'éclaboussa, trempant son pantalon et faisant rire un groupe de jeunes qui passait. Camus pesta et tenta de réparer les dégâts. Ce faisant, son sac de cours tomba à terre et son exemplaire de Sodome et Gomorrhe glissa dans une flaque d'eau. Camus poussa un cri et se jeta sur le volume détrempé déjà. Il récupéra son sac et jurant entre ses dents reprit le chemin de sa chambre de bonne, au huitième étage sans ascenseur, avec lavabo mais douche et toilettes communes sur le palier. Il en avait assez de cette vie misérable. Il aspirait à plus.
Il se retourna et embrassa la rue d'un regard déterminé : la grisaille, la pluie, la brasserie, son pantalon et son livre trempés et son cloaque qui l'attendait. Un feu vigoureux s'alluma dans son regard brun, comme un courant de lave rougeoyant, et un frisson profond le parcourut soudain. C'était décidé ! Si Lilian appelait, il lui dirait oui !
oOoOo
J'espère que ce premier chapitre vous a plu ? Je vous le livre le cœur battant, sorti de ma zone de confort, pour le coup... L'UA est un exercice délicat pour moi et j'espère ne pas faire trop de maladresses au cours de cette histoire.^^ Il est un peu lent et sert à planter le décor et présenter les personnages^^, enfin, certains. D'autres apparaîtront progressivement au cours des chapitres.
