Le craquement du feu dans l'âtre de la cheminée réveilla Severus Snape en sursaut. Il poussa un grognement et se redressa vivement. Son visage représentait parfaitement l'homme fatigué qu'il était, les cernes sous ses yeux faisaient des kilomètres, ses lèvres bleuies par le froid de la nuit étaient craquelées et ses cheveux pendaient lamentablement de chaque côté de son visage.
Il fit quelques pas dans la pièce sombre et exiguë, et finit par rencontrer son reflet dans un vieux miroir poussiéreux. Dans un soupir abattu, il constata les dégâts causés par la malnutrition et l'abus de pouvoir. Il en avait plus qu'assez d'Albus, Voldemort et compagnie. Il désirait plus que tout au monde avoir une vie tranquille, une retraite avec une femme et des enfants par dizaines dans un grand manoir avec un parc plus qu'immense, et des chevaux de dressage.
L'homme sentit le goût amer de la défaite dans sa bouche, et un rire jaune s'échappa de sa gorge tel une plainte rauque. Ah, elle était belle l'image qu'il donnait de lui ! Ô combien de souffrances avait-il enduré, et allait-il endurer ! Sa vie était un triste morceau d'horreur, de mensonges, de chagrins et de folie. Pas une trace d'énergie positive, de sentiments brûlants tels que le bonheur ou l'amour. Vive la vie !
Un cliquettement dans la serrure de la porte le fit se retourner. Le battant de bois s'ouvrit en grand, livrant le passage à Bellatrix Lestrange. Ses yeux, enfoncés dans leur orbite, croisèrent ceux du professeur, noirs ébène et sombres comme sa vie.
-Que se passe t-il ? Lança t il sèchement. Que fais-tu ici ? Tu t'es enfin décidée à m'interroger ou préfère-tu une tentative de meurtre ?
La jeune femme plissa les yeux et transforma ses cheveux noirs en une longue queue de cheval d'une blondeur couleur soleil. L'incroyable chevelure miroitante fut aussitôt accompagnée d'une magnifique paire d'yeux bleu fond d'océan et d'un ravissant petit nez trompette. Les lèvres fines et transparentes de Bellatrix Lestrange se transformèrent en un joli cœur rouge et avenant.
-Cessez de faire l'imbécile, professeur, et suivez-moi. J'ai été envoyée par l'Ordre pour vous récupérer.
Stupéfait, l'homme scruta le visage inconnu et repéra l'étincelle de malice qu'il recherchait.
-Nymphadora ! S'exclama t il.
Il se tue et l'observa un instant, déstabilisé.
-Vous êtes vraiment très jolie comme ça, laissa t il tomber bien malgré lui.
Les pommettes de la jeune femme se colorèrent de rouge et elle se détourna sans rien dire. Songeur, Severus Snape la suivit dans le dédale du Manoir des Jedusor. Peut-on refaire sa vie en une seule parole ?
Albus était assis à la table des professeurs, Minerva à sa droite et Severus à sa gauche. Son regard était planté sur son thé et sa tartine de confiture de lait (humm !). Son silence était aussi bruyant que les élèves assis en plein breakfast devant lui. Les deux enseignants se regardaient avec effarement, l'air de se dire « mais-qu'est-ce-qui-se-passe-ici-c'est-quoi-encore-son-problème-à-çui-là-et-pourquoi-y-tape-pas-la-converse-comme-d'habitude ? ».
-Alors Severus, vous vous êtes remis de votre petit séjour au Manoir des Jedusor ? Fit brusquement Albus sans quitter sa tartine des yeux.
Grimace de la part du concerné.
-Et vous Minerva, cela s'arrange avec votre ménage ?
Grognement et soupir du côté droit.
-Hum… Murmura le vieil homme, concentré sa nourriture.
Plusieurs rides soucieuses avaient barré son front, et ses yeux s'étaient plissés douloureusement. Il releva enfin la tête et observa le jeune Harry Potter à la table des Gryffondors. Préoccupé par apparemment quelque chose, le jeune homme touillait son porridge d'un air pas vraiment convaincu. Il leva soudain les yeux et son regard croisa celui du professeur Dumbledore.
L'adolescent et le vieil homme s'étaient légèrement éloignés depuis la bataille au ministère et leur mystérieuse discussion dans le bureau du professeur. Seulement, le regard qu'ils échangeaient donnait l'impression du contraire. Incompréhension, désespoir, fatigue cumulée, mais aussi une lueur d'espoir, tels étaient les ingrédients qu'on pouvait lire dans les deux paires d'yeux qui se fixaient.
Harry baissa enfin les yeux et entreprit difficilement de manger une partie de la gamelle devant lui.
L'échange silencieux était passé invisible aux yeux de la majorité de la grande salle. Seules trois personnes avaient étés les vrais spectateurs. Minerva, Severus et Drago étaient à présent emplis d'effroi devant le mot qui leur venait à l'esprit suite à l'échange : Inévitable.
Qu'est-ce qui était inévitable ? La mort. Le désespoir. La promesse d'une rencontre. Inévitable.
Albus entreprit, lentement, de manger la tartine confiturée. Son thé était tiède quand il le porta à sa bouche. Enfin, il s'essuya les mains et la bouche avec une serviette et se laissa aller dans le siège. Le chant mélodieux de Fumseck fit sursauter la grande salle. L'oiseau se posa sur la table, devant son compagnon, et tendit patiemment le cou, bec grand ouvert. Le Directeur fit apparaître papier et plume, et, vite-fait, bien-fait, glissa quatre morceaux de papier griffonnés dans le bec du Phénix. Puis, il se leva et disparut derrière la porte du fond.
Les deux professeurs se re-regardèrent, puis Minerva se leva et suivit les pas de son directeur et ami. Severus s'empressa de prendre le chemin vers les cachots, tandis que Drago, perturbé par la réaction de ses enseignants, prenait le chemin de son dortoir.
« C'est une nuit sans lune, ce soir », songea le vieil homme en se caressant la barbe d'un mouvement familier. Pouvait-on dire que le soleil couchant était d'une beauté rare ? C'était le même que d'habitude. Le sorcier poussa un soupir. Il se sentait décidément très vieux, trop vieux. Il était plus que temps qu'il laisse sa place à plus jeune que lui.
Mais avant, il avait quelques petites choses à faire, plus ou moins importantes.
Toc, toc, toc. Entrez!
Minerva Macgonagall entra dans la pièce, serrée de près par Severus Snape. Derrière eux entrèrent, avec hésitation, Harry Potter puis Drago Malfoy. Le vieil homme s'assit et fit signe aux quatre personnes d'en faire de même.
-Je peux savoir pourquoi vous nous avez fait venir, Albus ?
-Du calme, Minerva.
-Albus, je suis attendue autre-part.
-Je sais, justement.
Minerva regarda son vieil ami avec effarement.
-Je me fais vieux, jeunes gens. Et j'ai décidé de faire quelques petites choses avant de mourir.
-Albus, voyons ! Ce que vous pouvez être pessimiste !
-Minerva, j'aimerai que vous me fassiez la promesse de bien vous occuper de Miss Granger.
-Albus, vous m'avez confié une mission, je l'exécuterais jusqu'au bout.
-Donnez-moi votre main.
Minerva Macgonagall tendit sa main sans hésiter. Albus sortit sa baguette et lui prit la main avec douceur.
-Je jure sur le Serment du Feu de prendre soin à jamais de Hermione Granger, tant qu'elle aura besoin de moi.
Une langue de feu sortit de la baguette du directeur et entoura les mains des deux professeurs.
-Bien. A présent, Severus, Drago, j'aimerais que vous fassiez équipe.
-Pour quoi faire ?
-Severus, j'aimerais que vous appreniez à Drago TOUT ce que vous savez sur les mangemorts, sur nous, sur vous, tout, y compris en magie.
-Puis-je savoir pourquoi, monsieur ?
-Drago et vous, Severus, êtes mes meilleurs espions. J'ai besoin que vous fassiez une équipe assez parfaite pour vous sauver l'un et l'autre, au cas ou.
-Bien monsieur, c'est comme vous voulez.
-Bien. Merci. A présent, je vais vous demander, Minerva et Drago, de prendre congé, je vous envoie Severus dans quelques instants, le temps de faire quelques réglages.
-Ne soyez pas trop cachottier, Albus, c'est très mauvais pour la santé, encore pire que les bonbons au citron.
L'homme eut un sourire, et un instant, ses yeux se mirent à pétiller, avant de redevenir sombre. Minerva sourit et sortit, suivie par Drago.
-Votre main, à présent, Severus.
L'homme hésita un instant, puis obéit. Albus brandit sa baguette une nouvelle fois.
-Je jure sur le Serment du Feu de prendre soin à jamais de Drago Malfoy, de lui enseigner tout ce que je sais, et, tant que je le peux, de le sauver des griffes du mal.
La flamme rougeâtre sortit à nouveau de la baguette et enveloppa les deux mains serrées dans une écharpe de chaleur glacée.
-Merci Severus, vous pouvez sortir. Dites à Minerva de ne pas m'attendre, et de rejoindre sa protégée.
-Bien.
L'homme sortit et descendit les escaliers. La statue se referma derrière elle dans un claquement sec. Deux paires d'yeux le regardaient fixement.
-Minerva, Albus vous demande de ne pas l'attendre et de rejoindre votre protégée.
-Ah, merci.
Elle se détourna pour partir.
-Minerva.
-Oui?
-Votre protégée, c'est Granger, n'est-ce pas?
-… Oui.
-Comment va t elle?
-Bien et très mal.
Sur ces mots, la directrice disparut dans un passage secret. Le Maître des Potions plissa les yeux puis se tourna vers Drago.
-Suis-moi, j'ai quelque chose à te montrer.
Et ils disparurent dans un tournant du couloir.
Mal à l'aise, ça, il l'était, Harry Potter. Surtout après ce qui venait de se passer. Qu'est que c'était, le Serment du Feu ? Et pourquoi Snape allait devoir s'occuper de Malfoy, et Macgonagall, de Hermione ? Et puis qu'est-ce qu'elle était devenue, hein ? Toutes ces questions sans réponses… Pauvre Harry bout-de chou, il se sentait bien délaissé.
Mais pas pour longtemps…
-Harry, si je t'ai fais venir, et ceci en même temps que les trois personnes qui sont sorties de cette pièce il y a quelques secondes, c'est pour commencer ton Education.
-Mon éducation ? Mais elle est déjà faite, monsieur le directeur.
-Pas ton éducation, ton Education, avec un E majuscule.
-Qu'est-ce que c'est ?
-Un tutorat. Tu viens d'ailleurs d'en voir deux exemples parfait.
-Quoi… Le professeur Snape avec Drago Malfoy ? Le serment que vous avez fait ?
-Et aussi Minerva et Miss Granger.
-Hermione ! Comment va t elle ? Et où est-elle ?
-Patience, mon garçon. Chaque chose en son temps. Pour l'instant, centrons-nous sur toi. A partir du moment où tu auras juré par Serment, je serai ton parrain. Et mon devoir sera de t'apprendre TOUT ce que je sais.
-Ah… Ah bon ? Ben… Moi, je suis assez d'accord.
-Tends ta main. Bien. A présent, réponds à ma question. Jure-tu, sur le Serment du Feu, de m'être à jamais fidèle, de prendre compte toutes les connaissances que je te donne, et d'en faire bon usage ?
-Oui.
-Bien. A présent, je jure être responsable de toi à jamais, et par le Lien qui nous unit, nous sommes à présent parents.
