Auteur : Dancelune

Email : karrakolnyahoo.fr

Disclaimer : Les persos ne m'appartiennent pas, ils sont la propriété exclusive de Yuki Shimizu et de son sensationnel manga Love Mode. Seul l'élément perturbateur est de ma création.

Série : Love Mode.

Genre : réaliste dans la mesure du possible.

Prenez moi avec vous

Chapitre 4 : Accuser le coup.

« Rena-Chan ? Il est temps de se lever ! fit Kashima du couloir en frappant à la porte.

- Hmmm, j'arrive ! » répondit la jeune fille sans bouger d'un poil.

Rena laissa le temps à son esprit d'émerger doucement. Elle se sentait trop bien dans la chaleur des couvertures. Elle avait bien dormi, probablement parce qu'elle savait que la journée qui l'attendait serait agréable. Aujourd'hui elle devait retourner chez Seiichi et Katsuki pour aller s'inscrire à une école d'art, aller acheter son nouvel uniforme et faire le planning des cours de civisme et de bonne éducation qui seraient dispensés par Seiichi lui-même. Ces activités paraissaient idylliques à Rena. Personne ne s'était autant occupé d'elle depuis que ses parents étaient morts. Bien sûr, elle avait déjà eu des uniformes et autres choses nécessaires, mais jamais rien de neuf et surtout, toujours le minimum.

La jeune fille ne savait pas quels étaient les motifs des familles d'adoption. Certaines faisaient véritablement des efforts, même si parfois ils étaient maladroits, mais d'autres l'avaient accueilli comme un fardeau. Pourtant elle ne leur avait rien demandé. C'était probablement pour récupérer un peu de l'argent que l'Etat allouait aux familles décidant d'aider à la réinsertion des orphelins.

Rena s'étira finalement. Elle ne voulait pas faire attendre Kashima-San. Elle se leva, prit sa trousse de toilette et se dirigea vers la salle de bain. Elle se doucha puis revint dans sa chambre pour s'habiller comme la veille. Elle n'avait pas beaucoup de vêtements à elle. Ces derniers étaient tous noirs. Même sa lingerie. Elle prit ensuite sa trousse à maquillage et se dirigea à nouveau vers la salle de bain. Depuis plus de trois ans maintenant elle ne passait pas une journée sans être maquillée. C'était puéril mais le maquillage lui permettait de rester un peu cachée. Les gens ne savaient pas à quoi elle ressemblait démaquillée, nue. Son visage restait un secret. Elle aimait bien cette idée. Après tout, elle n'avait rien d'autre pour se protéger d'autrui. Se maquiller était un moindre mal.

Lorsqu'elle descendit à la salle à manger, une bonne odeur embaumait encore la pièce. Kashima-San savait décidément comment s'y prendre pour éveiller les papilles de ses hôtes.

« Bonjour Rena-Chan ! la salua le domestique en entrant dans le salon avec un plateau bien garni.

- Bonjour Kashima-San, répondit Rena se penchant un peu en avant en signe de respect.

- J'espère que vous avez passé une bonne nuit.

- Très bien merci, dit la jeune fille en s'asseyant à table et en découvrant les merveilles que le jeune homme avait préparé.

- Kiichi-Sama et Haruomi-San vont rentrer en milieu d'après-midi. Ils seront là pour le dîner de ce soir. Préparez-vous à être harcelée par Kiichi-Sama. Il voudra tout savoir de ce que vous avez fait pendant ces deux jours, fit Kashima en riant.

- D'accord, acquiesça Rena en souriant.

- Je ne vais pas pouvoir rester avec vous pendant que vous prenez votre petit déjeuner, il faut que je prépare des papiers pour Reiji-Sama avant de vous conduire chez Seiichi-San.

- Oh ce n'est pas grave, rassurez-vous ! s'empressa de répondre Rena qui était tout de même un petit peu déçue.

- Parfait. J'en ai pour une petite demi-heure, ensuite je vous conduirais à votre rendez-vous.

- D'accord.

- Oh ! Et, rajouta Kashima avant de s'éclipser, s'il vous plaît ne rangez pas votre assiette ni vos couverts aujourd'hui. Laissez tout en plan !

- D'accord ! répondit Rena pour la troisième fois.

- Parfait. » conclut Kashima sur un sourire avant de quitter la pièce.

La jeune fille prit son petit déjeuner en rêvassant. Elle remonta se laver les dents. Une fois devant le miroir, une idée lui vint en tête. Elle rougit puis sourit d'excitation. Elle courut jusque dans sa chambre, ouvrit sa valise et en sortit une petite boite en carton où était marqué « Parfum d'été, de Kenzo ».

Rena adorait les parfums. Elle passait des heures dans les parfumeries à les sentir, à s'enivrer de leur douceur et rêvant de devenir une jeune femme glamour qui aurait tous les hommes à ses pieds. Il y a trois ans, elle avait mis de côté afin d'acheter une petite bouteille de ce précieux liquide. Elle avait ensuite veillé sur le bien-être de sa bouteille de parfum comme sur la photo de ses parents. C'était le premier véritable cadeau qu'elle se faisait. Depuis ce temps, elle n'avait pas eu l'occasion de l'ouvrir.

Aujourd'hui elle avait soudain eut envie de se parfumer. Elle prit la bouteille avec des mains tremblantes. Elle l'ouvrit et se vaporisa un petit peu de parfum derrière les oreilles et sur les poignets. C'était un peu comme une prière, un geste inhabituel qui se voulait précurseur de bonnes choses. Cette journée pouvait être belle. Rena souhaitait de tout cœur qu'elle se passe bien, ainsi que la suite de son séjour chez les Aoe. Ces derniers avaient l'air décidé à lui offrir une nouvelle vie. Elle voulait prendre cette opportunité à bras le corps, à cœur ouvert.

La jeune fille redescendait dans le salon alors que Kashima se dirigeait vers le vestibule.

« Ah ! Rena-chan ! Je suis prêt !

- Moi aussi, répondit Rena en souriant.

- Vous aviez quel manteau hier ? Je ne m'en souviens pas.

- Heu... J'en avais pas.

- Comment ? s'exclama Kashima offusqué. Mais il faut vite arranger cela. Attendez un minute.

- Heu, Kashima-San, c'est bon, ce n'est pas la peine de vous mettre en retard pour cela.

- Bien sûr que si ! fit le domestique en fouillant dans l'une des armoires du hall d'entrée. Hier il faisait beau mais le ciel est couvert aujourd'hui. Si vous attrapez un rhume Kiichi-Sama me rôtira tout vif ! Ah ! Voilà ce que je cherchais ! termina le jeune homme en souriant et en exhibant un manteau noir mi-long en velours.

- Wouahou ! ne put s'empêcher de s'exclamer Rena.

- C'est l'une des vestes d'adolescent de Reiji-Sama, je suis sûre qu'elle vous ira parfaitement !

- Reiji-Sama... reprit Rena avec une grimace.

- Elle ne vous plaît pas ?

- Oh non, c'est pas ça mais... Ca ne va pas l'embêter que je porte une de ses vestes ?

- Mais non ! Il aura probablement son regard de merlan fris lorsqu'il s'apercevra que vous portez ses affaires, mais je suis sûr que dans le fond il sera ravi.

- Hmm, fit Rena peu convaincue.

- Ne vous en faites pas ! Je prend la responsabilité de cette affaire. Et maintenant allons-y sinon on va finir par vraiment être en retard. »

Kashima déposa Rena devant l'immeuble de Seiichi et Katsuki et repartit aussitôt. La jeune fille monta rapidement les marches jusqu'au troisième étage, toute heureuse de pouvoir se présenter bien habillée chez les deux hommes. Elle s'apprêtait à sonner lorsque Katsuki ouvrit la porte.

Loin des habits décontractés qu'il portait la veille, le jeune homme était vêtu ce matin d'un costume trois pièces classique très bien coupé et de très bonne facture. Il s'était attaché les cheveux de façon stricte, ce qui augmentait l'impression de gentleman. Il était rasé de près. Sa cravate était parfaitement attaché, la soie rouge tranchant radicalement avec le gris anthracite de l'ensemble. Rena en resta bouche bée.

« Rena-chan ! Comment vas-tu ? fit le jeune homme en souriant. Entre, je t'en prie. Seiichi prépare du thé, il t'attend.

- Bonjour. » répondit Rena en rougissant légèrement.

Les hommes qu'elle côtoyait en ce moment étaient décidément très beaux.

« Je suis désolé je ne peux pas rester avec vous aujourd'hui, j'ai du travail, expliqua Katsuki en s'effaçant pour laisser passer Rena.

- D'accord.

- On se verra probablement demain, continua-t-il avec un sourire. Seiichi ! J'y vais ! Pense à acheter ce qu'il faut pour le petit déjeuner de demain !

- Ouais, ouais ! fit une voix de l'intérieur de l'appartement.

- J'ai toujours une fringale monstre quand je rentre de bosser, fit Katsuki avec un clin d'œil. Tu es ravissante aujourd'hui ! Cette veste est superbe ! Bon aller j'y vais ! A plus ! » termina-t-il en descendant les marches quatre à quatre, laissant une Rena les joues roses et des milliers de questions en tête.

La jeune fille referma doucement la porte, ôta ses chaussures puis entre dans le salon. Elle regarda un peu partout puis décida d'aller s'asseoir sur le fauteuil. Elle se demanda dans quelle branche travaillait Katsuki... et par la même occasion Seiichi, vu que ce dernier était le Sempaï du jeune homme blond. En tous les cas, cela devait être un travail important, vu comment Katsuki était habillé élégamment ce matin. Elle aurait bien aimé poser la question directement à Seiichi mais elle savait déjà qu'elle n'oserait pas. Elle décida d'amener le sujet mine de rien dans la conversation.

« Le thé est presque prêt !, lança Seiichi de la cuisine.

- D'accord ! » répondit Rena.

Elle n'osa pas aller jusqu'à la cuisine pour le saluer. Elle attendit patiemment qu'il arrive, ce qu'il fit moins d'une minute après en tenant un plateau portant une théière et deux tasses.

« Bonjour Rena-Chan, fit le jeune homme en souriant.

- Bonjour Seiichi-San » répondit Rena en souriant à son tour.

Elle était réellement heureuse de le revoir. Le jeune homme portait un jeans et un simple pull en col en V. Il avait attaché ses cheveux dont la plupart retombaient en mèches désordonnées. Aussi beau que son colocataire, songea Rena.

« Tu aimes le thé j'espère ? demanda Seiichi.

- Oui bien sûr.

- Tant mieux. Je suis un thé-addict ! J'en bois sans arrêt. C'est très bon pour l'organisme, surtout le thé vert. »

Rena acquiesça.

« J'ai un peu réfléchi à notre planning, et je pense que je vais commencer par t'apprendre l'art de la cérémonie du thé. Cela permettra en même temps de toucher au kimono et au maquillage, ainsi qu'au maintien du corps et à la discipline de l'esprit, déclara le jeune homme.

- D'accord. »

Rena leva les yeux au ciel. Il lui semblait avoir trois ans et deux mots de vocabulaire... en comptant le d apostrophe...

« On va aller à l'école ce matin pour t'inscrire. Il va encore falloir faire des millions de papiers, j'te jure l'administration... Ensuite on verra pour ton uniforme.

- C'est génial, fit Rena avec une petite lueur malicieuse dans les yeux.

- N'est-ce pas ! fit Seiichi en souriant.

- Vous êtes vraiment au petit soin avec moi, continua la jeune fille avec une idée bien précise en tête.

- C'est normal. Tu es la petite protégée de Kiichi, si jamais je m'occupe mal de toi Dieu seul sait ce qu'il pourrait me réserver comme horrible sort.

- Tiens Kashima-San a dit quasiment la même chose ce matin, répliqua Rena.

- Ah ah ah ! Tu m'étonnes ! Kiichi est le maître incontesté de ses lieux, il est même au-dessus de Reiji quand on y réfléchit bien.

- Vraiment ?

- Ouaip !

- Kiichi-San est docteur, mais que fait Reiji-San ? demanda innocemment la jeune fille en buvant son thé.

- Il gère des bars et autres, répondit vaguement Seiichi en s'installant plus confortablement dans son canapé.

- Et Haruomi ?

- C'est le garde du corps de Kiichi.

- Vraiment ? Mais pourquoi est-ce que Kiichi a besoin d'un garde du corps ? » demanda Rena ébahie.

La jeune fille visualisa mentalement Haruomi en train de se battre contre au moins cinq hommes pour défendre un Kiichi prostré dans un coin. Elle ne doutait pas un instant qu'Haruomi s'y connaisse en self-défense. Mais il avait l'air si gentil, c'était dur de croire qu'il puisse se montrer impitoyable envers des ennemis. Rena frémit. Elle aimait décidément bien cet homme : doux et protecteur.

« Ca... Je crois qu'il a été victime d'un enlèvement dans sa jeunesse... continua Seiichi.

- Waouh...» fit Rena sans rentrer dans les détails.

Kiichi victime d'un enlèvement. Décidément, la famille Aoe semblait loin d'être banale. Rena se demanda quel pouvait être le motif de l'enlèvement. A priori ces hommes vivaient paisiblement. Ils étaient peut-être plus riches qu'elle ne le pensait. Elle ne voyait pas d'autres motifs pour un enlèvement qu'une demande de rançon. Elle faillit rire. Un peu de plus et elle aurait pu se croire au cœur d'un polar noir des années cinquante.

« Et Kashima-San, il est depuis longtemps au service des Aoe ? interrogea la jeune fille.

- Il était déjà là quand j'ai rencontré Reiji pour la première fois, je crois que sa famille sert celle des Aoe depuis longtemps maintenant.

- Je vois. Et Katsuki ?

- C'est un hôte. »

Silence.

Rena regarda Seiichi avec des yeux ronds. Elle resta interdite un moment.

« Ooops. » réalisa soudain le jeune homme.

Devant la mine ébahie de Rena, il devina qu'elle avait bien comprit de quoi il s'agissait.

« Hôte... murmura-t-elle. Alors votre job... c'est de faire... fit la jeune fille en secouant la tête et en fixant Seiichi, lui demandant indirectement si elle ne rêvait pas.

- De faire l'amour à des hommes, oui.

- A DES HOMMES !? » s'exclama la jeune fille d'une voix aigue.

Seiichi sursauta et faillit renverser sa tasse de thé.

« Ah oui, c'est vrai que logiquement on pense à une femme et un homme pour ce genre de chose », réalisa Seiichi en grimaçant un sourire.

Rena ne put retenir un énorme soupir de déception.

« Alors vous êtes homosexuels aussi.

- Effectivement.

- Je m'en doutais mais... soupira à nouveau la jeune fille.

- Je suis désolé, répondit Seiichi. Le cœur de Katsuki est déjà pris. »

C'est pas Katsuki... pensa Rena.

« Et vous aussi... donc...vous...

- Oui, oui, répondit Seiichi en rougissant légèrement.

- Oh... Et vous le faites souvent ?

- Ca dépend...

- Oh... Et qu'avec des hommes ?

- Oui.

- Vous le faites où ? Dans des hôtels ?

- Généralement oui, fit Seiichi en fronçant les sourcils.

- Vous travailler où ?

- Au Blue Boy, le club de Reiji.

- REIJI-SAN TIENT UN BORDEL !!?? » s'exclama à nouveau Rena qui en serait tombée à la renverse si elle n'avait pas été assise.

Seiichi renversa du thé cette fois-ci.

« Tu savais pas.

- Nan. »

Les deux jeunes gens restèrent silencieux un moment.

Seiichi était tendu. Il se demandait bien ce que pouvais penser d'eux la jeune fille. Généralement les gigolos n'avaient pas une bonne réputation. Ils étaient assez mal perçus par la société, la plupart des couples détruits leur rejetant la faute. Il ne fallait cependant pas oublié qu'ils ne faisaient pas la chasse aux clients. Ils attendaient de voir venir et procuraient une nuit de plaisir à celui ou celle qui en avait besoin. Ils ne se permettaient jamais d'entrer dans l'intimité de la vie de leurs clients. Ils n'étaient pas stupides au point de ne pas savoir que c'était généralement un acte d'adultère : les clients ne prenaient généralement pas la peine d'enlever leur alliance. Ce cas était plus répandu chez les femmes. Les hommes qui fréquentaient le Blue Boy étaient généralement célibataires ou bien n'entretenaient pas de relation suffisamment sérieuse avec un partenaire pour être marié. Quoiqu'il en soit, peu de gens décidaient de regarder un peu plus loin que le bout de leur nez et dispensaient une réputation honteuse aux hôtes. Seiichi n'en avait que faire. Son métier lui plaisait, il adorait le sexe. Ses clients étaient généralement de bonne famille, soigneux et surtout respectueux. Ils savaient ce qu'ils voulaient et il n'avait aucun mal à les satisfaire. Il avait aussi des clients réguliers avec qui il devenait presque agréable de travailler... Presque...

Rena ne fut pas offensée le moins du monde. Elle envisageait elle-même cette profession, et de voir que deux hommes aussi bien que Seiichi et Katsuki soient des hôtes renforça son désir. C'était un travail simple qui rémunérait bien. Du moins est-ce ce qu'elle croyait. Le fait que Naoya-Kun sorte avec Reiji-San alors que ce dernier tenait un club privé prouvait aussi que ce n'était pas un travail aussi « sale » qu'il pouvait le paraître. Cela la soulageait. Le regard des autres, même si on ne voulait pas le subir, influençait toujours un minimum. Le fait de savoir que ces hommes étaient des prostitués de luxe... C'était comme si elle était soutenue. Rena ne se rendit pas compte que cette révélation lui fit extrêmement plaisir. Devant l'attitude gênée de Seiichi, elle finit par hausser les épaules.

« Si ça permet de bien vivre, je ne vois pas quel mal il y a à cela.

- Vraiment ? interrogea Seiichi en soulevant un sourcil.

- Oui. J'y ai pensé pour moi aussi.

- Pensé à quoi.

- A me prostituer, répondit en tout honnêteté Rena.

- C'EST HORS DE QUESTION ! s'offusqua Seiichi qui eut du mal à remettre en place sa tasse de thé sur sa soucoupe.

- Pourquoi ? demanda la jeune fille, sentant soudain un ancien mécanisme se remettre en marche en elle.

- Parce que ! répondit Seiichi comme si c'était évident en haussant les épaules.

- Vous le faites bien, vous !

- C'est pas une raison pour en faire autant.

- M... Mais vous avez l'air heureux, non ? Vous gagnez bien votre vie et vous ne devez quand même pas travailler tous les soirs. Pourquoi je pourrais pas faire pareil ? »

Seiichi se tut. Il se rendait compte que la jeune fille était braquée. A priori, elle n'aimait pas les interdictions. Il se demanda ce qui pouvait bien passer dans la tête d'une gamine de dix-sept ans pour qu'elle ait déjà envie de se prostituer. Lui l'avait fait par facilité. Mais cette môme est encore vierge, pensa Seiichi. Comment pouvait-elle souhaiter vendre son corps aux hommes et perdre toute la candeur de l'amour avant même d'avoir essayé ?

« Ecoute on va arrêter cette conversation pour ce matin », déclara le jeune homme.

Rena ne répondit rien mais Seiichi comprit très bien qu'elle était énervée et en colère.

« Je vais me changer ensuite on va aller à ta future école pour t'inscrire. »

La jeune fille ne répondit rien, gardant les lèvres pincées et le dos raide. Seiichi rangea les tasses de thé sur le plateau et partit le reposer dans la cuisine. Il alla directement dans sa chambre se changer. Lorsqu'il revint dans le salon, Rena ne s'était pas déridée. Il soupira.

« Ecoute, on reparlera de tout cela si tu en as envie, mais on a des choses à faire aujourd'hui. Ca te dit pas de laisser tomber ta mauvaise humeur pour profiter de la journée ? »

La jeune fille tiqua légèrement puis se radoucit.

« D'accord.

- Bien, répondit Seiichi en souriant. Tu es prête ? »

Rena acquiesça en se levant.

« J'aime beaucoup ta veste. » commenta le jeune homme.

C'est pas la mienne, c'est celle d'Aoe Reiji, pensa Rena avec agressivité. Elle était bouleversée. Ce sentiment de frustration, de méfiance et de haine était revenu avec tellement d'ardeur qu'elle avait eu peur d'elle-même. Elle ne s'était pas attendu à ce qu'il soit contre sa décision. Lorsqu'il lui avait avoué son métier, Rena avait senti un profond soulagement l'envahir. Finalement, des gens biens pouvaient se prostituer. Ils ne le faisaient sûrement pas pour rien, leurs clients devaient probablement payer de grosses sommes pour les avoir avec eux pendant une nuit. En un instant, c'était devenu pour la jeune fille le top du top, le fin du fin en matière de travail. Ce n'était pas difficile, cela ne salissait que le corps, et cela rapportait beaucoup d'argent. Elle s'était vue l'espace d'un instant habillée en vampe et s'apprêtant à faire plaisir à un riche client, un petit paquet d'argent posé sur la table de chevet. Pour quelqu'un comme elle qui n'avait aucune éducation, cela pourrait être la solution idéale. Il suffisait juste qu'elle apprenne à se faire belle et fière et le tour serait joué...

Alors pourquoi avait-il réagit avec autant de force ? Rena pensait au contraire qu'il aurait compris et qu'il l'aurait peut-être même encouragé dans cette voix. Dénigrait-il à ce point son travail ? Est-ce qu'il en avait honte ? Et dans ce cas, pourquoi ?

Beaucoup de questions que la jeune fille était bien résolue à poser tôt ou tard.

Le trajet dans la voiture se fit en silence.

« Je m'excuse, fit soudain Rena, je n'aurais pas dû me mettre en colère.

- Ce n'est pas grave, répondit Seiichi en sortant une cigarette tant bien que mal, je n'ai pas été très fin non plus. »

Rena sourit. Elle avait décidé de passer outre ce mauvais moment. Quand elle le connaîtrait mieux, peut-être qu'elle comprendrait son attitude. Après tout, il était dit qu'il ne fallait pas juger les gens sur leurs faits et gestes parce qu'on ne connaissait pas leur passé. Leurs raisons étaient souvent logiques. Il fallait simplement prendre le temps de s'expliquer et de comprendre. Rena le savait mieux que quiconque. Qui, en la voyant, pourrait savoir que ses parents sont morts ? Qui pourrait savoir ce que représente son attitude et son maquillage ? Ses rébellions ? Sa froideur et son visage hautain ?

« En plus tu dois être un peu stressée, avec ton inscription dans ta nouvelle école et tout. J'ai pas été doué ce matin, déclara Seiichi en secouant misérablement la tête.

- Oh non ! Je ne suis pas stressée... Enfin un peu mais... Bon on en discutera plus tard on a dit !

- D'accord, d'accord ! Ah ! Nous y voilà. »

Rena regarda par la fenêtre de la voiture. L'immense bâtiment de l'école qu'elle allait intégrer se présenta à leurs yeux.

Encore un nouvel établissement, pensa la jeune fille. Cela ne ferait que le neuvième depuis qu'elle était en âge d'aller s'instruire. De nouveaux visages enclins aux quolibets, des murmures et des critiques. Un gars ou une fille qui viendra me parler, qui voudra être mon ami. Que de l'hypocrisie. Seul le qu'en dira-t-on compte, comme partout ailleurs. Mais ce qui compte, c'est ce que l'on va m'apprendre. Je ne décevrais pas Seiichi-San, Kiichi-San ni Haruomi-San. Je vais travailler dur pour réussir et pour qu'ils puissent être fiers de moi... Ce que Rena ne comprit pas dans son raisonnement, c'est qu'en plus qu'ils soient fiers d'elle, ce qu'elle désirait avant tout, c'est pouvoir être fier d'elle-même. Réussir quelque chose dans sa vie.

Elle se fichait des autres. Elle avait déjà trouvé quelqu'un pour la soutenir et la pousser en avant. Elle avait aussi une famille d'accueil qui pour une fois semblait vraiment prête à s'investir pour elle. Ils étaient homosexuels, soit. Cela ne changeait rien au fait qu'ils lui donnaient sa chance. Avait-elle besoin d'autre chose dans l'immédiat ? Elle ne voyait pas quoi.

L'image d'un baiser se hissa devant ses yeux. Elle la balaya d'une main mentale. Elle connaissait déjà l'amour. Ses parents lui en avait prodiguer avec tout leur cœur lorsqu'ils étaient en vie. Elle avait déjà eu de la chance. Elle ne serait pas assez effrontée pour en demander plus. Maintenant, il fallait qu'elle pense à elle. Si elle avait quelques mains tendues près d'elle, Rena était persuadée qu'elle arriverait à sortir la tête haute de cette adolescence qui n'avait été que combat pour exister et être reconnue.

Un petit sourire se dessina sur ses lèvres. Elle jeta un coup d'œil à Seiichi-San qui garait la voiture et sourit un peu plus. Finalement, elle avait de bonnes raisons pour faire de son mieux maintenant. Elle ferma les yeux un instant et pria pour que son année scolaire débute sous de bons auspices. Elle décida que ce week-end, elle irait au temple prier pour ses parents disparus et pour son futur.

Elle voulait croire en un bonheur tout proche, à porter de main. Elle l'attendait depuis si longtemps.

« Bien. Prête à affronter l'administration ? demanda Seiichi en enlevant sa ceinture de sécurité.

- Hai ! » répondit Rena en souriant avec confiance.

Aujourd'hui, la vie l'attendait.

A suivre...

Dancelune, 8 novembre 2004.

PS : Merci Amrisse pour ta review :o) Elle m'a fait super plaisir et m'encourage. Merci d'apprécier cette fic . Et je suis contente que tu aimes bien Rena. J'aime bien ce perso aussi. J'ai toujours envie de lui donner sa chance, va savoir pourquoi .