Hey! Y a-t-il encore des lecteurs?

En tout cas, voici une nouvelle petite fic -une tentative pour de l'humour. Cette fic sera constituée de 14 chapitres (déjà rédigés) dont je publierai au moins un chapitre une fois par semaine (ou plus souvent peut être). J'espère qu'elle vous plaira, même s'il n'y a là aucune connaissance préalable pour le domaine/métiers de l'édition et de l'archéologie.

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Courbaturée, épuisée, de la terre lui maculant le visage, Viola se tenait pourtant debout, souriante et victorieuse. L'artefact était en sécurité dans sa besace.

Voir ce sourire valait toutes les égratignures et épreuves que Natsuki avait endurées à ses côtés.

Viola le rejoignit finalement avec cette tranquille assurance qui la caractérisait alors que Natsuki se retrouvait incapable de se déplacer.

Excitée par sa réussite, elle l'embrassa aussitôt arrivée à sa portée et Natsuki se perdit en elle, dans son odeur, la douceur et le goût de ses lèvres. Il glissa ses mains dans ses cheveux et…

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Et c'était à chier!

Natsuki se laissa aller au fond de sa chaise de bureau, relevant ses lunettes sur le dessus de la tête et se massant l'arrête du nez.

Elle se détestait. A quel moment avait-elle cru bon de nommer son personnage masculin Natsuki ? C'était trop bizarre même pour elle.

Ça ne menait à rien d'insister ce soir-là.

Elle referma l'écran de son ordinateur portable après avoir sauvegardé ses vaillants efforts du jour. Elle jeta ses lunettes sur le bureau et quitta la pièce où elle avait travaillé, la verrouillant derrière elle. Son appartement était vaste et lumineux, financé par ses 4 livres dont la popularité inexplicable avaient conduit à des ventes phénoménales.

Elle bloquait cependant sur le 5ème tome, comme elle avait bloqué sur les tomes précédents.

Sa série littéraire s'appelait, banalement : Viola, l'exploratrice japonaise. A sa décharge, ça n'avait été qu'un titre provisoire qu'elle avait noté par manque d'inspiration -d'autant que son héroïne n'était pas nippone à 100%.

L'histoire se déroulait toutefois à travers le regard de Natsuki, un jeune japonais pure souche, un peu paumé au passé compliqué -une sorte de copie masculine d'elle-même- qui finissait malgré ses mauvais choix par croiser la route de l'envoûtante et très intelligente Viola -une sorte de Lara Croft japonaise.

Elle avait publié librement la plupart des chapitres de son premier tome sur internet. Elle les avait postés au gré de son temps libre alors qu'elle s'ennuyait ferme au fond d'un musée.

Ils avaient plu et elle avait gagné son comptant de fan. Il y avait eu, parmi eux, un éditeur qui l'avait repéré et lui avait proposé un contrat pour qu'elle termine et publie son livre avec Garderobe. Le contrat lui en commandait même un second. Elle avait eu besoin d'argent à cette époque ainsi que d'une échappatoire à sa vie professionnelle. Autant dire que ce contrat avait été un cadeau du ciel.

Vu sa popularité et l'engouement de ses lecteurs pour ses deux personnages, on lui avait proposé de renouveler son contrat à travers 3 tomes supplémentaires. Elle avait négocié une somme rondelette pour ça, associée à un pourcentage sur les ventes, même si elle avait dû faire certaines concessions. Des concessions dont elle préférait ne pas parler.

Elle regrettait ce foutu compromis.

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Natsuki avait 27 ans.

Et sa vie, si elle devait la résumer, n'avait rien eu de classique ou de normal.

Elle avait perdu sa mère dans un accident de voiture, elle-même était restée un an dans le coma suite à cela. A son réveil, elle avait passé son enfance/adolescence à chercher les responsables. Elle avait pris des risques, créé un réseau illégal, fait des choses illégales. Au moins, tout cela avait quelque chose d'encore réaliste et du domaine du concret… mais il y avait eu, ensuite, toute cette histoire rocambolesque d'Hime, d'être cher, de Childs, de Carnaval, de Seigneur Obsidien… Si elles n'étaient pas si nombreuses à avoir partagé ses événements, Natsuki aurait probablement fini par trouver une façon de rationaliser les choses : un mauvais trip ou une hallucination nécessitant un suivi psychiatrique important, par exemple.

Autant dire qu'être un auteur à succès pour une série de livres d'aventure était peut-être la partie la plus banale de sa vie.

Une vie à laquelle elle ne s'était pas du tout destinée par ailleurs.

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Pourchasser les meurtriers de sa mère n'était pas un vague hobby, ça avait été une quête à part entière qui avait forcément eu un impact important sur sa vie scolaire. Pour le dire plus simplement, elle en avait délaissé ses études, même si elle maintenait une vague présence pour profiter de la bourse complète que Gakuen Fuuka lui offrait. Certes, elle n'avait pas accepté de vivre dans le dortoir, mais la bourse lui permettait notamment de manger à l'œil midi et soir si elle faisait l'effort de s'y rendre et surtout l'Académie lui offrait l'espoir d'un avenir. Elle avait d'ailleurs conclu un accord avec son tricheur de père : ils ne se mêlaient pas de la vie l'un de l'autre, tant qu'il lui versait sa pension et qu'elle ne lui attirait pas d'ennui -elle ne devait donc pas être déscolarisée.

L'un dans l'autre, ses notes étaient déplorables et ses absences si nombreuses, malgré l'aide de la kaichou, qu'aucune université japonaise ou étrangère n'avait voulu d'elle une fois que sa quête personnelle et celle plus fantastique s'étaient terminées. Enfin pour être parfaitement honnête, aucune fac dans ses "domaines de prédilections" (les sciences et mathématiques pour ceux qui se demanderaient) n'avait voulu d'elle.

C'était donc et avant tout par dépit qu'elle avait fini dans une fac d'histoire… par dépit et avec l'aide, les recommandations et des stages de vacances en compagnie de Midori et de son professeur archéologue.

Elle avait étonnement aimé ça. C'était comme mener une enquête sur des mystères datant de milliers d'années avant sa naissance. C'était fascinant et elle avait aimé partir en expédition plusieurs semaines à droite ou à gauche, bien que ce soit loin des histoires trépidantes d'un Indiana Jones ou d'une Lara Croft.

Elle avait même décroché un doctorat en Égyptologie avant de comprendre que les débouchés sur le terrain étaient quasi-inexistants et fortement concurrentiels pour des recherches plutôt ennuyantes à l'extrême. L'expédition perdait beaucoup de son intérêt quand on restait des mois entiers sur une minuscule parcelle ensablée.

Elle avait aussi jugé que les archéologues n'y feraient probablement plus aucune grande découverte, si ce n'est écrire quelques papiers qui débattraient de points insignifiants comparativement à une culture aussi riche.

Elle pouvait donc espérer finir dans l'enseignement ou un musée.

Natsuki ne s'imaginait pas pouvoir supporter des étudiants plusieurs heures par jour, plusieurs jours par semaines et ce durant des années. Le tutorat qu'elle avait effectué durant son doctorat avait définitivement mis en évidence que les étudiants étaient plus intéressés par son physique que par ce qu'elle pouvait avoir à dire.

Elle avait donc pris un poste dans un musée et avait eu l'impression de s'y momifier tant la routine et le manque de nouveauté l'y écrasait…

Durant ces moments les plus désespérés par l'ennui, elle s'était mise à écrire. Ce qu'elle faisait déjà bien avant, pour être parfaitement honnête. Écrire avait en effet quelque chose d'apaisant. Elle avait découvert ce fait lors de sa psychanalyse, quand elle avait fini par s'y rendre, suite à des insomnies, cauchemars et stress qui ressortait sous forme d'agressivité et d'excès de colère soudain.

Elle n'avait pas retiré grand-chose de la psychanalyse à proprement parler, difficile de l'espérer quand elle ne pouvait décemment pas partager les moments les plus extraordinairement choquants de son lycée sans risquer de finir interner. Mais elle avait au moins découvert les bienfaits de l'écriture : cela avait diminué son stress et calmer les insomnies. Par conséquent, l'écriture avait apaisé l'agitation et la paranoïa qui la rendait si prompte à attaquer verbalement voire physiquement ces compatriotes.

A la base, le psy lui avait demandé de coucher sur papier ses sentiments, ses griefs et ses espoirs pour y revenir avec du recul -ce qu'elle n'avait jamais fait, elle trouvait ça stupide. A la place, elle avait dérivé vers l'écriture d'un monde plus fascinant où le héros sortait plus fort de ses combats. Et puis c'était devenu un passe temps à part entière.

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L'écriture des premières aventures de Natsuki avait commencé durant son doctorat, elles n'avaient été postées qu'ensuite quand elle avait commencé à moisir au fond de son musée. Que son héros porte son nom était probablement issu de cette fichue psychanalyse, maintenant qu'elle y pensait. Elle s'était projetée à travers lui. Après tout, une partie d'elle avait songé, pendant un temps, que sa vie aurait été beaucoup plus simple si elle avait été un homme.

Elle aimait être une femme, elle se sentait à l'aise avec son corps, elle en était même fière à vrai dire. Mais… si elle avait été un homme, elle n'aurait pas pu être une Hime, sa mère n'aurait pas mené de recherche sur ce sujet et cela n'aurait pas conduit une organisation à attenter à sa vie. Si elle avait été homme, elle aurait encore eu sa mère, aurait probablement mené une existence tout à fait normale, remplie de cours et d'activités diverses où elle ne risquait pas sa vie. Elle aurait décroché une fac de sciences -peut-être même une bonne fac.

Elle n'aurait certes pas écrit de livres qui l'aurait rendu riche mais elle aurait eu sa mère et probablement plus d'amis et moins de cauchemars.

Alors son alter ego masculin avait été une sorte d'exutoire, émergeant durant sa période de stress de l'époque : le doctorat. Et elle n'avait pas pu s'en débarrasser par la suite quand il lui avait fait gagner ces contrats, tout son argent et ce splendide appartement. Même si elle était convaincue que c'était Viola qui avait retenu son auditoire plus que Natsuki.

Son héros "Natsuki" donnait juste à ses lectrices cet espoir de trouver un homme qui puisse les voir de la façon dont il voyait Viola : parfaite. Il l'aimait tel qu'elle était, la voyant comme elle était: ses défauts faisaient partie d'elle, mais c'était des défauts qu'il avait appris à aimer et à accepter, parce que cela faisait d'elle une personne réelle et vraie. Il la connaissait et l'aimait dans son entièreté, pas seulement la facette qui lui convenait.

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C'était niais… dieu ce que c'était niais. Natsuki préférait ne pas s'y attarder.

Son alter-ego ne lui ressemblait plus depuis le tome 3 quand la maison d'édition avait convenu d'augmenter son chèque si elle approfondissait la relation de ces deux personnages. C'était tout de même incroyable de leur part de prétendre aimer ce qu'elle écrivait pour finir par lui imposer leur vision des choses. Bien sûr elle aurait pu dire non… mais Natsuki aimait beaucoup plus leur argent qu'elle n'aimait ses livres.

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La dernière chose qui lui avait permis d'accepter cet arrangement était le fait d'écrire sous un pseudo, celui de Kruger. Cela, dieu merci, lui épargnait les moqueries de ses amis notamment du Trio Roux -Nao, Midori et Mai. Elle avait trouvé plus simple d'expliquer son appartement et sa récente richesse en leur mentant: elle leur avait dit avoir gagné une jolie petite somme au loto. Beaucoup plus simple pour sa santé mentale!

Elle préférait risquer qu'elles la jalousent pour sa chance plutôt que d'entendre ces trois-là se moquer d'elle ou pire les entendre lui lire des passages de ses propres livres à haute voix…

La simple évocation de cette possibilité lui filait des frissons de terreur. Non plutôt mourir…

D'autant que Mai était fan de la série, elle l'avait d'ailleurs harcelée pour qu'elles les lisent afin de pouvoir en discuter toutes ensemble. Midori s'y était collée alors même que Natsuki avait continuellement refusé de se soumettre aux exigences de Mai.

Nao se moquait déjà quant à elle, embêtant Mai en trouvant les pires citations et extraits des livres -qu'elle devait donc avoir lu pour pouvoir si facilement localiser les dits passages.

Natsuki mourrait déjà de honte intérieurement lorsque la discussion tournait -heureusement rarement- vers ce sujet. Elle ferait tout ce qu'il fallait pour que les choses en restent là.

Avec un peu de chance et une vérification de ses finances, elle pourrait clore sa série sur ce 5ème tome et vivre de ce que cela lui avait rapporté pour le reste de sa vie.

Ou au pire, elle pourrait continuer d'écrire en partant sur quelque chose de moins… de plus… sur quelque chose d'autre, quelque chose de différent et de nouveau dont elle n'aurait pas aussi honte.