Petit mot de l'auteure : Ce texte a été écrit en une heure pour la 130enuit du FoF sur le thème " hégémonie", c'est-à-dire la domination d'un Etat (et par extension de n'importe quelle personne ou élément) sur les autres.
Je remercie Angelica, jakrster, Marina, Wizzette et Yohnee pour leurs review sur l'OS précédent !
Ses deux points tambourinant sur la porte résolument close de la petite école, Anne fulminait. Elle ne put retenir sa colère plus longtemps et finit par lâcher un nouveau cri de protestation :
- Ouvrez cette porte ! Tout de suite !
Elle sentit la main de Matthew se poser sur son épaule dans une tentative de la calmer – en vain, bien évidement. Mais comment pourrait-il en être autrement alors que sa chère amie était retenue prisonnière à quelques pas d'elle ?
Prisonnière.
Ce mot était effrayant à formuler, semblait presque irréel. Et pourtant, malgré son incroyable registre linguistique, Anne n'en voyait pas d'autres. Ka'kwet était prisonnière de cette soi-disante école – car quel genre d'école empêchait ses élèves de sortir, voir leur famille, les retenaient contre leur grès ? Oui, cette école n'était rien d'autre qu'une prison et son amie était désormais l'une de ses prisonnières. Ce qui était tout bonnement intolérable. Jamais elle ne laisserait Ka'kwet plus longtemps dans les murs de cet enfers. Tout comme Matthew, Aluk et Oqwatnuk, elle ne partirait pas tant qu'elle n'aurait pas assisté à sa libération.
Du moins, c'est ce qu'elle croyait, car elle compris rapidement que respecter sa volonté serait peut-être plus compliqué : deux responsables de l'école venaient en effet d'en sortir, armes à la main.
Anne ne comprit pas tout de suite ce qui se passait devant elle. L'idée que des hommes les menacent en braquant une arme à feu sur eux, tout cela pour garder en leurs murs des enfants... C'était une chose qu'elle n'arrivait pas à concevoir. Ce fut l'urgence dans la voix de Matthew quand il l'intima de reculer, puis la vision de son corps se plaçant devant elle pour la protéger, qui fit comprendre à Anne que oui, les choses étaient sérieuses. Très sérieuses, même – les membres de l'école ne plaisantaient manifestement pas.
- Partez, répétaient-ils, leur armes toujours pointées sur eux.
Ce qui lui fit le plus mal, ce fut de réaliser qu'ils ne tremblaient absolument pas. Menacer un vieil homme, des parents inquiets et une gamine ne leur faisait ni chaud ni froid, tout comme retenir en captivité des dizaines d'enfants. Mais comment par le bon dieu en étaient-ils arrivés là ? Ils gardaient enfermés des enfants innocents comme d'horribles criminels, les séparaient de leur famille, et tout ça pour quoi ?
Pour les « remettre sur le droit chemin » ?
C'était une autre chose qu'Anne ne parvenait à comprendre. Ka'kwet n'avait pas besoin d'être remise sur le droit chemin. Aluk, Oqwatnuk et le reste de leur peuple non plus, car ils étaient déjà sur le droit chemin – leur droit chemin était simplement un peu différent du leur, il n'était pas guidé par un dieu répondant au nom de Jésus et ne passait pas par des maisons ou églises de pierre. Mais même si leurs chemins étaient différents, au final ils étaient surtout semblable, remplis d'une envie de faire son maximum pour que les siens soient heureux. C'était une vérité si élémentaire qu'Anne ne comprenait pas comment ces adultes, censés être intelligents, ne pouvaient pas le comprendre.
Mais peut-être, qu'au fond, ils ne souhaitaient tout simplement pas le comprendre – il était après tout plus facile de se complaire dans ces schémas dominateurs qu'on leur avaient enseigné, où eux, blancs civilisés, se devaient d'éduquer ces sauvages indiens. Il était tellement plus facile de vouloir dominer l'autre plutôt que de chercher à se mettre à leur place, à essayer d'apprendre leur langue ou comprendre leurs savoir-faire.
S'ils n'étaient pas en train de mettre la vie de son amie en danger, Anne aurait pu ressentir de la pitié pour eux. Avec leur vision des choses, jamais ils n'auraient une amie comme Ka'Kwet avec qui se tresser les cheveux. Jamais ils rigoleraient sous les arbres, tresseraient des paniers et souriraient de toutes les ressemblances qu'ils se découvraient.
Mais voilà, ils faisaient du mal à Ka'Kwet, aux gens qui l'aimait et sûrement à bien d'autres personnes, alors Anne ne ressentit aucune pitié à leur égard, mais juste une envie brûlante de les réduire en cendres.
Je ne vous laisserai pas gagner, leur promit-elle du regard. J'informerai le monde entier de ce que vous faites ici, et bientôt il vous jugera pour vos actes.
Petit mot de fin : voilà pourquoi j'aime d'amour cette série. Elle est gentille, tranquille, est pourtant traite avec grande justesse de tellement, tellement de sujets si importants. Bref, j'espère que ce petit texte vous aura plu !
