Nick était avachi en salle d'attente, les bras croisés, comme pour se rassurer, pour tenir, comme s'il allait s'effondrer s'il ne serrait pas assez étroitement ses bras contre son torse. Un peu plus loin, Tori reposait sa tête contre l'épaule de Mickael qui était arrivé rapidement après son message. On aurait presque dit qu'elle dormait mais à la façon dont sa main s'agrippait à celle de son ami, Nick savait qu'il n'en était rien.
Il avait l'impression qu'ils étaient là depuis des heures, mais en réalité, les minutes s'écoulaient avec une lenteur exacerbée.
- Nikky ?
Le blond releva la tête pour apercevoir sa mère dans le couloir, il se leva et fit quelques pas vers elle avant de se laisser étreindre avec force.
- Ho mon chéri.
Il voulu essayer de lui dire à quel point cela avait été horrible mais les mots restèrent coincés dans sa gorge. Il était à deux doigt de s'effondrer comme un enfant et il lui fallait monopoliser toutes ses ressources pour ne pas craquer.
- Comment va Charlie ?
- Je ne sais pas, ils ne nous ont pas encore laissé le voir. Dit-il d'une voix blanche.
- Ses parents ne sont pas là ?
- Ils sont partis hier en vacances avec Oliver, Tori ne les a pas encore prévenus.
Elle acquiesça sans un mot et serra doucement l'épaule de son fils pour lui transmettre un peu de courage.
- Merci d'être venu…
- Je serai toujours là pour toi, mon chéri.
Et il savait que c'était vrai. Il n'avait jamais été aussi proche d'elle que depuis son coming out. Partager ses doutes et ses peurs avec elle, notamment en ce qui concernait les problèmes de Charlie, l'avait beaucoup aidé et n'avait fait que renforcer leur lien. Il se sentait tellement chanceux d'avoir ce roc dans sa vie.
Ils attendirent en silence pendant ce qui lui sembla encore une éternité avant qu'un médecin vienne leur donner des nouvelles.
- Il va bien. Il est un peu shooté à cause des calmants mais sa vie n'est plus en danger pour l'instant. Il va rester quelques jours en observation et notre psychiatre va le rencontrer. Il va sûrement lui prescrire un traitement.
- Des anti dépresseurs ? Demanda Michael.
- Probablement, nous avons généralement de bons résultats avec ce genre de cas.
- Est-ce qu'on peut le voir ?
Il les accompagna jusqu'à la chambre et leur conseilla de faire vite.
Nick resta à l'extérieur tandis que Tori et Michael rejoignaient Charlie. Il se sentait mal et redoutait de voir l'état de son petit-ami.
- Je vais aller nous chercher du thé, tu veux quelque chose à grignoter ? Proposa sa mère.
- Non, je n'ai pas faim, merci Maman.
Elle déposa un baiser sur son front et s'éloigna. Il prit son courage à deux mains et poussa la porte mais resta sur le seuil, les observant de loin. Charlie était toujours pâle, mais moins que lorsqu'il était étendu dans la salle de bain. Ses poignets étaient bandés et il était perfusé.
Lorsqu'ils quittèrent son chevet, Nick hésita à les remplacer. Il se sentait instable et avait peur de sa réaction. Il n'arrivait pas encore à réaliser qu'il aurait pu le perdre et cette simple idée le terrorisait.
Il prit une profonde inspiration et finit par s'asseoir près du lit. Il prit prudemment sa main entre les siennes et essaya de sourire quand le brun glissa le regard vers lui.
- Nick ? Tu es venu ?
- Bien sûr que je suis venu.
- Pourquoi ? Tu dois me détester…
- Quoi ? Charlie, mais non, arrête. Jamais je te détesterai.
- Moi je me déteste… Je sais pas pourquoi j'ai fait ça… je sais pas pourquoi je gâche toujours tout…
- Hey, dis pas ça. Tu es malade, c'est pas ta faute.
- T'as pas à subir ça, c'est pas juste. Tu es… merveilleux et moi… moi je suis rien… rien qu'un monstre…
Nick secoua la tête, les larmes aux yeux, la gorge nouée alors que son petit-ami pleurait contre son épaule en se dénigrant toujours plus. Comment en étaient-ils arrivés là ? Charlie se voyait toujours comme un moins que rien et mettait son aîné sur un piédestal injustifié. Sa vision des choses était tellement déformée et loin de la réalité. Comment ne pouvait-il pas voir qu'il était tout pour Nick ?
- Dis pas ça, Char', s'il te plaît, supplia-t-il en passant une main dans les cheveux de son amoureux. C'est pas vrai.
- Je suis un cas désespéré, Nick… je sais pas être heureux… j'y arrive pas…
- Mais non, tu vas aller mieux, ça va aller.
Mais ses mots sonnaient creux. Qu'est-ce qu'il en savait ? Il croyait que ça allait mieux, que tout était sous contrôle, et voilà ce qui arrivait. Charlie s'était taillé les veines moins d'une heure après son départ, après cet après-midi où lui, Nick Nelson, avait été tellement heureux. Le contraste était si incroyable qu'il en avait la nausée. Il n'arrivait pas à s'enlever de la tête que c'était sa faute, qu'il était passé à côté de quelque chose, qu'il aurait du voir, qu'il aurait du savoir, qu'il aurait pu faire quelque chose pour éviter cette horreur.
Charlie pleura encore un moment contre son épaule en s'excusant en boucle, lui broyant un peu plus la poitrine à chaque fois, mais il se calma peu à peu et la fatigue finit par l'emporter.
On demanda à Nick de s'en aller, ce qu'il fit avec réticence. Sa mère l'attendait dans le couloir et cette fois il ne put retenir ses larmes. Elle le serra longuement contre lui en frottant son dos avec douceur.
- Allez, viens, je te ramène à la maison.
Nick acquiesça en essuyant maladroitement ses joues. Avant de partir, il échangea encore quelques mots avec Tori et lui promit de revenir dès que possible le lendemain.
Il devait avoir l'air sacrément mal en point car sa mère l'accompagna dans sa chambre et le borda, chose qu'elle n'avait plus fait depuis des années. Alors qu'elle remontait les couvertures sur lui, elle lui caressa tendrement la joue et murmura :
- Ce n'était pas ta faute, Nicky, tu n'aurais rien pu faire.
Il le savait, du moins une partie de lui le savait même si elle avait du mal à se faire entendre cette nuit-là.
- J'ai peur… peur de le perdre, peur de pas être à la hauteur, peur de lui faire du mal…
Sa mère le regarda avec émotion et lui sourit.
- Tu l'aimes vraiment, hein…
Il acquiesça, ému lui aussi.
- Et lui aussi t'aime. Ce qui s'est passé n'a rien à voir avec toi.
- Daniel dit que c'est une amourette d'adolescent et que ça ne durera jamais… cracha-t-il soudain avec amertume. Si tu l'avais entendu, il disait ça avec tellement de mépris… mais c'est pas parce que lui collectionne les filles que je dois faire pareil !
- Ton frère peut être vraiment idiot, par moment. Ne fais pas attention à lui.
- Papa pense pareil…
C'était évident, même s'il ne lui avait pas dit en ces termes. Son père espérait que Charlie ne soit qu'une passade et que son prochain coup de coeur soit une fille pour que les choses redeviennent à la normale. Ca le blessait plus qu'il ne voulait l'admettre.
Sarah soupira et lui lança un regard équivoque sur ce qu'elle pensait de l'avis de son ex-mari. Nick sourit malgré lui.
- Et toi, qu'est-ce que tu en penses ? Demanda-t-elle avec douceur.
- Qu'ils ne comprennent rien à ce que je ressens. Même moi j'ai du mal à comprendre mais je pensais pas ressentir ça un jour. Ca va faire trois ans que je le connais, et c'est toujours aussi fort ! Ma vie est tellement plus belle maintenant….
Parce que dans sa tête, il se voyait faire sa vie avec son amour d'adolescent, il se voyait construire quelque chose de grand et de beau avec Charlie. Comme s'ils se complétaient parfaitement et qu'il n'avait besoin de rien d'autre.
Il eut un petit rire triste avant de continuer:
- Même si je me suis jamais senti aussi mal que ce soir… j'arrive pas à imaginer ma vie sans Charlie, m'man.
- Je sais, mon coeur.
- Mais je veux pas être égoïste, et si j'étais pas bon pour lui ?
- De quoi est-ce que tu parles ?
- Peut-être que c'est à cause de moi qu'il va mal, que c'est trop pour lui, tout ça, nous. Peut-être qu'il serait mieux sans moi, pour guérir.
- Ho, chéri… je suis sûre que non. Tu l'aides énormément mais c'est beaucoup de pression que tu te mets. Tu sais que sa guérison ne dépend pas de toi. Tu lui en as parlé ?
Il secoua la tête. Il n'avait eu aucune raison de lui faire par de ses craintes ces derniers mois. Malgré la distance, ils allaient bien, leur couple allait bien, ou du moins, l'avait-il cru.
- Est-ce que tu crois que ça te ferait du bien de voir quelqu'un, toi aussi ?
Il fronça les sourcils et secoua la tête, sans comprendre :
- Comment ça ?
Ca te ferait peut-être du bien de pouvoir parler avec un professionnel, ça pourrait te rassurer et te donner des pistes pour aider Charlie, tout en te sentant moins mal ?
- Tu… tu crois ?
- Ce n'est qu'une idée, réfléchis-y, mais si tu en ressens le besoin, on peut te trouver quelqu'un, d'accord ? Ce n'est pas facile ce que vous traversez et il ne faut jamais hésiter à demander de l'aide.
- Merci M'man…
- Allez, dors un peu, mon chéri.
Elle déposa un baiser sur son front avant de quitter sa chambre. Et même si Nick était exténué, il lui fallu un temps infini avant que la fatigue ne l'emporte.
