Auteur : kitsu34

Origine : Saint Seiya

Couple : Milo x Camus

Disclaimers : l'univers de Saint Seiya appartient à Masami Kurumada Sensei, je ne fais que m'en inspirer pour cet UA.

Note : Bonjour à tous ! Red Love a atteint les 20 chapitres et n'est pas prêt de s'arrêter ! Merci à tous de votre soutien et de suivre cette histoire ! Merci pour vos hits et vos commentaires, surtout !

Les choses se précipitent et la fin du premier arc s'approche à grands pas. Finalement j'aime trop cette histoire pour m'arrêter comme ça : je compte donc l'écrire jusqu'au bout, jusqu'à la fin du second arc qui verra l'affrontement de Saori et des bronzes contre Iéros puis contre Inferni^^. (Saint Seiya powaaa!) Le tout bien entendu avec Red/Milo et Camus au beau milieu, of course.

Red Love - Chapitre 20

La musique électronique retentissait couvrant tous les autres sons et les lumières de la scène tranchaient violemment les ténèbres de la salle de concert. Les adolescents et jeunes adultes enfermés dans la salle trépignaient, sautaient en cadence, portables allumés brandis au-dessus de leurs têtes comme autant d'yeux tournés vers leurs idoles.

Saori cria à plein poumons et, tenant Sayako et Michiru chacune par un bras, se mit elle aussi à sauter en rythme, hurlant de plus en plus fort. Elle était en nage et ses longs cheveux décolorés lui collaient à la peau, épousant ses épaules, son dos et ses seins en mèches collantes. Elle s'amusait comme une folle !

Entre deux chansons, les jeunes filles reprirent leur souffles en riant, enlacées toutes les trois, quand Saori sentit un frisson étrange lui remonter le long du dos. C'était comme l'impression d'un regard coulant sur elle. Elle se retourna machinalement, tout en se disant que dans cette foule et cette obscurité, elle ne verrait rien, de toute façon. Mais elle le vit. Ce fut un tressaillement de tout son être, comme le signal déroutant d'une urgence soudaine. Sans comprendre exactement, sans se l'expliquer, elle sut que le garçon qui croisait son regard était venu pour elle. Il avait à peu près son âge et n'était pas loin de sa taille. Elle était grande pour une fille, son grand-père la taquinait souvent sur le sujet, la sachant concernée et mécontente de sa taille. Il était brun mais ses cheveux étaient indisciplinés et un peu longs sur la nuque. Son regard brun était chaud et intense, dirigé droit sur elle.

Saori frissonna malgré la chaleur et, voyant que le garçon se frayait un passage vers elle, elle eut peur. Elle ne le connaissait pas, mais il pouvait très bien appartenir à l'Ordre et être là sur les ordres de son grand-père, pour la ramener au bercail. Les yeux de jade de la jeune fille se durcirent. C'était hors de question. Pour une fois qu'elle avait réussi à échapper à cette foutue organisation et qu'elle s'amusait avec ses amies, elle ne laisserait personne venir tout gâcher !

Résolue, elle saisit les mains de ses deux amies et les entraîna au cœur de la foule, plongeant encore plus profondément au sein du public déchaîné des Little Kitties.

La musique reprit mais au bout d'à peine deux chansons, elle s'arrêta complètement à la grande incompréhension et à la stupéfaction générale. Puis un message retentit dans les haut-parleurs, informant les fans qu'une des chanteuses du groupe se sentant mal, le concert était annulé et reprendrait un autre jour. Naturellement tout le monde pourrait obtenir gratuitement de nouveaux billets. Puis des employés vêtus de noir apparurent et entreprirent de guider la foule pour la faire sortir au plus vite de la salle de concert.

Saori fronça les sourcils et croisa le regard dubitatif de Michiru.

« Toi aussi, tu trouves cela bizarre ?

- Oui, carrément. Même malade à crever Aya-chan chanterait.

-Oui, il doit y avoir autre chose…

- Les filles, pas le choix, on doit quitter les lieux. Ils évacuent toute la salle. Eh Saori ! Où vas-tu ?

- Ne t'inquiète pas Saya-chan, je vous rejoins dehors !»

Sa curiosité piquée au vif, Saori se coula dans la foule et réussit à approcher un groupe de quatre employés de la salle qui chuchotaient à voix basse. Elle tendit l'oreille mais ne réussit pas à entendre grand-chose. En revanche, l'un des videurs qui guidaient les visiteurs vers l'extérieur l'aperçut et l'interpela.

« Mademoiselle, mademoiselle, il faut sortir. Vous n'avez rien à faire ici !

- Oui, oui, je viens, je remets juste ma chaussure. »

Elle se baissa et concentra toute son attention, tentant désespérément de capter une bribe de conversation au passage. Elle réussit effectivement à comprendre quelques mots qui lui glacèrent le sang, au moment où la main du videur s'abattait sur son avant-bras.

« Oui… découverte… en place… bombe… faire sauter toute la salle…. Juste à temps… équipe de déminage… vite, partir... »

Le videur l'évacua sans ménagement, agacé par cette gamine qui se payait sa tête, et la jeune fille se laissa conduire à l'extérieur, pétrifiée de peur.

Une bombe ! Au concert des Little Kitties ? Comment c'était possible ? Pourquoi ? Dans quel but ?

Perdue dans ses pensées, Saori se laissa entraîner par ses amies râlant que leur super soirée était foutue. Désappointée, Mi-chan proposa un karaoké pour oublier leur déception. Sayako se montra bruyamment enthousiaste et Saori opina sans réellement réaliser ce qu'elle acceptait. Elle restait préoccupée par ce qu'elle avait entendu et n'osait pas en parler à ses amies, de peur de les paniquer. Et puis ça avait l'air si gros, si invraisemblable comme situation… Elles ne la croiraient sans doute pas… Elle-même avait du mal à croire à ce qu'elle avait surpris…

La jeune fille reprit brutalement pied dans la réalité en entendant les pas. Elle tourna la tête et vit une ombre menaçante derrière elles. Elles étaient suivies. Elles hâtèrent le pas, se précipitant sans prendre garde à leur itinéraire. L'homme derrière elles était grand et ses puissantes enjambées le rapprochaient rapidement d'elles. Apeurées, elles se mirent à courir mais débouchèrent dans une impasse. Saori poussa ses amies qui criaient leur panique et se plaça devant elles. Le sang yakuza en elle bouillonna et elle se rappela brusquement ce qu'elle avait pu voir des entraînements des combattants de son grand-père. Pour la première fois, elle regretta sincèrement de s'être montrée si réfractaire à son enseignement et si dilettante dans l'apprentissage des arts martiaux et techniques de combats.

L'homme s'était arrêté dans l'ombre, juste avant un réverbère. Il parla soudain d'une voix grave mais jeune, à l'accent étranger.

« Bien mademoiselle Kido. Je constate que vous savez vous conduire face au danger. Veuillez me suivre sans faire d'histoire et rien n'arrivera à vos amies.

- Et vous pensez que je vais vous croire ?

- Que voulez-vous ?

- Laissez-les d'abord partir toutes les deux. C'est moi que vous voulez.

- Très bien. Qu'elles partent. »

L'homme s'écarta, comme pour inviter les deux jeunes filles à partir. Mais dans un premier temps, Sayako et Michiru refusèrent, s'accrochant en pleurant aux mains de Saori, quasiment hystériques toutes les deux. La jeune fille les calma et les convainquit en leur demandant d'aller vite chercher des secours une fois qu'elles seraient sorties de ce piège. Sayako hocha la tête en gémissant et Michiru sécha ses larmes en hoquetant puis elles s'élancèrent après avoir promis d'appeler la police et de joindre l'Ordre du Sceptre. Au moment où elles gagnaient la sortie de la ruelle, des flèches qui semblaient venues de nulle part les clouèrent au sol. Saori hurla sans retenue, mains croisées sur sa bouche. Mais rapidement une fureur aveugle surpassa sa peur et elle se rua toutes griffes dehors vers l'homme qui fit un pas dans la lumière de l'unique réverbère de la rue. C'était un homme jeune et beau mais au visage fermé. Ses yeux verts ne dégageaient aucune chaleur et malgré ses boucles blondes et courtes et son visage de dieu grec, il n'inspirait que l'effroi. Son aura cruelle s'étendait, puissante et animale, et quand il fit quelque pas pour venir au-devant de Saori et esquiver ses coups, ses mouvements étaient fluides, comme ceux d'un grand félin. Comme la grâce sauvage et dangereuse d'un tigre. Ou d'un lion.

Son bras armé d'un couteau se leva et s'abattit comme un éclair fulgurant. Saori ferma les yeux. Et soudain, elle se sentit poussée en arrière d'un coup sec qui lui coupa presque le souffle.

« Saori-san ! Reculez ! Je vous protégerai quoiqu'il arrive ! »

Elle étouffa un cri. Tombée à terre, sur le sol sale de la ruelle, elle leva les yeux : devant elle, en protection, se tenait le jeune homme du concert, armé d'un nunchaku. Il lui adressa un regard fier et rassurant et se lança dans la bagarre. Une étrange chaleur se répandit en elle et Saori se sentit absurdement en sécurité, protégée, sans pouvoir s'expliquer d'où lui venait ce sentiment ridicule. Mais un coup violent projetant le garçon contre un mur lui arracha un cri, faisant voler en éclat sa béatitude incongrue. Relevée et debout, aux aguets, tendue comme la corde d'un arc, la jeune fille assista, impuissante, au massacre.

L'affrontement fut terrible. Rapidement, l'évidence s'imposa : l'homme était plus fort. Beaucoup plus fort. Il était rapide et précis et ses coups étaient puissants, faits pour blesser ou tuer sans appel. Le garçon n'avait pas l'ombre d'une chance, même s'il était courageux et résistant. Il encaissait beaucoup trop de coups. Saori se mordit la lèvre inférieure, étreinte par l'urgence de la situation. Son sauveur allait mourir ! Que pouvait-elle faire ? Si seulement elle n'avait pas séché les cours d'auto-défense et d'arts martiaux que lui imposait son grand-père… Quelle idiote ! Comme elle regrettait son opposition puérile à présent... Soudain, elle poussa un cri. Le nunchaku voltigea dans un coin de l'impasse, arraché des mains du jeune homme par une clé redoutable. Jeté à nouveau à terre, le garçon qui avait volé à son secours n'arrivait plus à se relever, cette fois. Il tenta de façon dérisoire de se redresser encore, mais ses forces le trahirent et il glissa définitivement au sol, à la limite de l'inconscience. L'homme s'avança et s'apprêta à l'achever.

Sans grande conscience de ce qu'elle faisait, Saori ramassa le nunchaku perdu dans un coin. Elle visualisa avec une force et une précision dont elle se pensait incapable l'entraînement des hommes de son grand-père et fit tourner lentement d'abord puis de plus en plus vite l'arme qui, au maximum de sa vitesse émit un sifflement sinistre.

L'homme entendit le bruit et sentit le déplacement d'air. Mais il ne fut pas assez rapide. Il se retourna et le nunchaku s'abattit de toute la puissance de sa rotation sur sa tempe gauche. Il s'effondra comme une masse au sol, juste à côté de son adversaire inconscient couvert de coups. La jeune fille s'empara avec promptitude du couteau et, saisissant les boucles solaires avec fermeté, le plaça sur la gorge de l'homme évanoui.

Puis elle se retourna aux aguets et lança avec détermination en direction de l'ombre à l'entrée de la ruelle :

« Montrez-vous ! Je sais que vous êtes là. Je vous ai vu blesser Sayako et Michiru. Montrez-vous ! »

Un homme armé d'une arbalète se détacha de l'ombre et s'avança dans la lumière du réverbère. Saori étouffa un cri de surprise. C'était le portrait, en brun et en plus âgé, de l'homme qu'elle venait d'assommer. Le même visage, la même carrure. Ils devaient être parents, sans doute frères. Elle resserra instinctivement sa prise sur les cheveux blonds. L'homme dut sentir sa résolution et sa nervosité. Il posa son arbalète sur son épaule et s'arrêta à bonne distance.

« Bien joué, mademoiselle Kido. Vous êtes bien plus dangereuse que vous n'en avez l'air, je l'avoue. Leo aurait dû se méfier : après tout vous êtes la petite-fille de Mitsumasa Kido. Il y avait des chances pour que vous ayez appris à vous battre un minimum.

- N'approchez pas, ou je l'égorge.

- Oh vraiment ? Vous le feriez ? »

Sous la voix chaude emprunte de sarcasme, avec résolution, sans trembler ni hésiter, Saori entailla la peau de l'homme à terre qui poussa un gémissement sourd. Le sang gicla, tachant le visage de l'homme évanoui et les mains de la jeune fille. Celui en face d'elle se figea et son visage se durcit.

« Je vois. Vous le feriez en effet. Vous n'avez rien d'une frêle jeune fille.

- Vous avez raison. Je suis la petite-fille du chef de l'Ordre du Sceptre et un jour je prendrai la suite de mon grand-père à la tête de l'organisation.

- Je crois qu'il ne convient plus de parler « d'un jour », mais que ce jour est venu... »

L'homme sourit de façon sinistre. Saori se sentit étreinte d'horreur. Comme dans un espace-temps figé et sinistre, elle vit la scène comme hors d'elle-même, dédoublée. Une autre Saori faisait face au monstre, tandis qu'elle-même sombrait et se noyait en silence dans son désespoir intérieur. Elle se sentit perdre pied dans son être profond et le vide et le froid la gagnèrent. Elle recula, incrédule, en secouant la tête en signe de dénégation et le couteau trembla dans sa main.

L'homme s'élança et frappa d'un coup sec. Le couteau vola dans les airs et Saori poussa un cri de douleur, serrant son poignet contre sa poitrine. L'homme tendit la main pour la saisir à la gorge quand il fut lui-même repoussé violemment par un coup de pied lancé en plein abdomen.

Le jeune homme évanoui s'était relevé et s'était mis en position de combat. Il était couvert de sang et de traces de coups, mais il tenait à nouveau debout.

« Je vous protégerai, Saori-San. Même si je dois y laisser la vie ! »

Il émanait de lui une telle conviction, une telle force, que l'homme recula d'un pas, comme fasciné. Il fit un geste de la main.

« Tu es un garçon valeureux, bravo. Le courage et la loyauté sont des vertus bien rares. Sauve ta vie, je te la laisse. Enfuis-toi. Ce combat n'est pas le tien. Tu ne dois rien aux Kido. Les monstres de l'ombre se dévorent entre eux, c'est la loi.»

Mais le garçon redressa la tête fièrement et sourit à l'attention de Saori. Le cœur de la jeune fille bondit sous ce sourire de lumière. C'était le sourire puissant et assuré de la certitude absolue, que rien ne peut ébranler.

« Tu te trompes. Je sais qui tu es. Tu viens de la part de Iéros et comme tous tes semblables tu ne veux que tuer ceux qui se dressent contre ton organisation de mort. Je ne vous laisserai pas faire.

- En quoi tout cela te concerne-t-il ?

- Il y a douze ans, quand j'avais quatre ans, ma famille a été tuée par vous. Mon père était un homme politique intègre et il a refusé de plier sous vos ordres. Alors vous l'avez tué, lui et ma mère. Ma grande sœur m'a caché et j'ai survécu. Ce sont les hommes de l'Ordre du Sceptre qui m'ont trouvé avant l'arrivée de la police. Il m'ont emmené à l'Ordre et Kido-Ojiisan a pris soin de moi comme si j'étais son fils. Aujourd'hui je paie ma dette et je commence ma vengeance contre cette entité du mal qu'est Iéros.

- Je vois. Je vais donc te combattre avec toute ma force. Prépare-toi. »

Saori frémit. Dans l'état où il était, le jeune homme n'avait aucune chance. Il allait se faire tuer, c'était certain. Mais au moment où le tueur s'élançait, son élan fut coupé par le vol acéré et mortel de shurikens qui se plantèrent dans le mur tandis que trois autres garçons faisaient irruption dans la ruelle, derrière le tueur, coupant toute retraite possible.

« Seiya ! Ça va ?

- Hyoga ! Juste à temps ! Attention, c'est un des douze !

- Oui, je sais. Vu l'arbalète, je dirai Sagittarius. On ne sera pas trop de quatre. Shiryu, Shun, préparez-vous ! »

Le garçon aux cheveux blonds décolorés qui venait de parler brandit à nouveau des shurikens à l'éclat sinistre, tandis que ses deux compagnons se préparaient eux aussi à l'affrontement, dégainant pour l'un un katana et pour l'autre, un tessen, cet éventail de combat meurtrier, lié à son maître par une fine chaîne serpentine.

Sagittarius jeta un long regard pensif aux quatre garçons prêts à en découdre et à la jeune fille cachée derrière celui qui s'appelait Seiya. Il jaugea longtemps les cinq volontés farouches qui se dressaient devant lui. Puis son regard tomba sur son frère, toujours inconscient au sol. Malgré leur courage, ce n'était que des gosses. A lui seul, il pouvait tous les tuer. Facilement. Et pourtant. Il plongea à nouveau dans le regard brun de Seiya. Un regard assuré, inébranlable et pourtant ouvert, dépourvu de haine. Songeur, il prit sa décision. Si le garçon avait la bonne réponse, il les laisserait tranquilles. Parce qu'au fond, il en avait assez de tout ce sang. Parce qu'il était las. Parce qu'il avait envie de voir jusqu'où ces cinq-là iraient… Oui, il était vraiment curieux...

« Seiya, c'est ça ?

- Oui.

- Réponds-moi. Quel est ton but ultime, si je vous laisse la vie ?

- Je ferai tomber Iéros. J'empêcherai que qui que ce soit souffre ce que j'ai souffert. Il est temps que le mal soit arrêté.

- Donc tu comptes nous massacrer ?

- Non. Vous arrêter. Ce n'est pas la même chose. Même s'il faut tuer pour cela, je le ferai, mais toujours parce qu'une autre issue n'aura pas été possible. S'il y a bien une chose que j'ai comprise ce jour-là, quand ma famille m'a été ravie, c'est que toutes les vies, toutes sans exception, sont précieuses bien au-delà de tout ce que l'or ou le pouvoir peut acheter.

- Et c'est en rejoignant les yakuzas que tu prétends à ce noble idéal ? Tu n'es pas à une contradiction prêt, on dirait.

- L'Ordre du Sceptre est différent. Certes, c'est une organisation qui peut être impitoyable, mais elle n'est pas sans morale, contrairement à vous. Vous ne savez plus ce que bien et mal signifient. L'Ordre du Sceptre le sait et si elle doit enfreindre le Bien et faire ponctuellement le Mal, elle le regrette et accepte d'en payer le prix. Kido Ojiisan était ainsi. Et je sais que Saori-san en sera la digne successeuse. Je n'ai pas le moindre doute. »

Sagittarius eut un long frémissement en rencontrant une fois de plus le regard résolu de Seiya, puis en croisant les regards de ses compagnons venus à la rescousse. Des regards fermes, convaincus. Des regards purs. Il eut un léger rire d'autodérision. Il avait été ainsi, au départ. Il y avait cru, lui aussi. L'équilibre des pouvoirs et des états, en sous-main. Le rôle nécessaire de régulateur. Le Mal parfois nécessaire. Le code moral, suranné mais rassurant…

Quand avait-il cessé d'y croire au juste ?... Quand s'était-il transformé lentement en cette machine à tuer sans âme ?... Quand avait-il cessé de rêver en un futur meilleur ?… Quand avait-il cessé de se voir et de voir son propre frère comme des être humains digne de mieux que cette ombre permanente ?...

Il embrassa lentement les jeunes visages du regard. Il allait leur laisser la vie, il le savait. Il avait envie d'y croire. A nouveau. Quelque chose de racorni au fond de son âme s'était réveillé. Et il avait vraiment envie de voir...

Voir jusqu'où ils iraient, ces cinq fous !

Comme ce jour lointain, oublié, qui émergeait lentement de sa mémoire, ravivé doucement par ce sentiment plénier d'espoir fou. Ce jour sanglant sur le sol nippon, où son âme avait vacillé. Lentement, il releva les yeux sur la silhouette frêle, protégée par Seiya.

Il se rappelait. C'était elle... Ce jour-là, treize ans auparavant, il avait failli la tuer, comme ses parents, comme aujourd'hui. Les supplications de la jeune mère mourante ne l'avaient pas atteint alors qu'il levait le bras pour faucher la vie de la petite fille. Mais quelque chose d'autre, un souffle, une voix intérieure secrète ou l'écho affaibli de l'être humain qu'il avait été, avait suspendu son bras juste au dessus de l'enfant qui le contemplait sans frémir, intensément, de ses grands yeux de jade. Et, désobéissant aux ordres d'Arès, sur une impulsion inexplicable, il l'avait emmenée pour éviter que Capricorn ne lui règle son compte. Il avait déposé la petite sur les marches d'un orphelinat avant de quitter le Japon et avait oublié ensuite cette étincelle de compassion qui avait sauvé une vie.

Et aujourd'hui, elle avait grandi et se dressait à présent contre lui et son camp, à la tête désormais d'une organisation dangereuse. Etait-ce le karma ? Avait-il senti dans l'enfant d'autrefois une force mystérieuse du destin en marche ? Ou n'était-ce rien d'autre que le hasard, se jouant des hommes. Son rire moqueur s'accentua et il ferma les yeux un instant.

Oui, il avait envie de jouer avec le Destin. De voir ce qu'il leur réservait à tous. Cela faisait si longtemps qu'une telle envie de vivre et de voir, de parier l'impossible et d'attendre le cœur battant, ne l'avait plus habité… Il avait pris sa décision. Ces enfants avaient la bonne réponse. La seule réponse possible face à l'Hydre. Il s'inclina.

Lentement, levant son arbalète droit vers le ciel étoilé en signe de non-agression, Sagittarius attrapa d'une main le bras de son frère et le hissa difficilement sur son épaule. Puis, passant entre les garçons qui se rangèrent, aux aguets, leurs armes bien dirigées contre lui, il quitta lentement la scène.

Au moment de partir, il lança un dernier regard incisif droit sur Saori. La jeune fille ne flancha pas. Au contraire, elle se redressa avec une fierté mêlée d'une douceur puissante et inquiétante par l'assise inébranlable de la force qui l'habitait.

« Au revoir mademoiselle Kido. J'espère que vous savez apprécier ces jeunes courages autour de vous.

-N'ayez crainte, Sagittarius. C'est le cas. Je mesure pleinement l'extraordinaire qualité de ces jeunes gens. Et je saurai m'en montrer digne !

- Je vois. Dois-je considérer que vous prenez effectivement la suite de votre grand-père.

- Si les hommes de la branche du Kantô de l'Ordre du Sceptre choisissent de me suivre, j'en serai fière et honorée.

- Très bien. Vous savez ce que cela signifie ? A notre prochaine rencontre, je ne vous épargnerai pas. »

La jeune fille eut un sourire serein et Sagittarius sentit monter un long et puissant frisson des limbes de son être. Un frémissement comme il n'en avait plus senti depuis bien longtemps, depuis qu'Arès avait remplacé Shion, à vrai dire. Il se sentit parcouru par ce tremblement intérieur qui saisit celui faisant face à la vraie autorité, aux fondations profondes, impossible à remettre en cause. La légitimité et sa force invincible... Ému malgré sa dureté, il salua d'un signe de tête la frêle jeune fille à la force inconnue et stupéfiante, puis, son frère sur l'épaule, il tourna les talons et s'enfonça dans l'ombre.

Le Destin était en marche.

oOoOo

« Tiens, ton verre. Tu admires la vue ? Époustouflante, n'est-ce pas ?

- Époustouflante, c'est le mot en effet », murmura Red, les yeux attachés invinciblement sur l'artère qui longeait l'hôtel Drouot, au loin, tandis que son corps se raidissait de répulsion sous le contact d'Io, derrière lui.

Il serra les dents, inspira, expira et se retourna contre le jeune homme avec un sourire charmeur. Les bras de ce dernier le ceinturèrent et le parcoururent tandis qu'il fondait sur sa bouche pour l'embrasser profondément. Tout en réprimant son dégoût pour rendre langoureusement le baiser, Red fit mine d'enlacer le cou de son partenaire et se serra contre lui. Il sentit le sourire et la satisfaction d'Io contre lui. Mais cela ne dura pas longtemps. D'une pression précise et experte, il paralysa le système nerveux du jeune homme contre lui. Le corps inerte d'Io s'avachit entre ses bras et il l'accompagna dans sa chute pour le coucher au sol. Il eut le temps d'apercevoir la stupéfaction peinte sur le visage de l'autre avant qu'il ne l'achève d'un coup bien ajusté le plongeant dans l'inconscience.

Avec satisfaction et une pointe de cruauté, Red rangea les bras le long du corps et contempla Io un instant. Puis il s'essuya la bouche d'un geste rageur et commença à se redresser quand un infime grésillement dans le silence ouaté de l'appartement suspendit son action.

Son regard d'eau claire se durcit, se fit transperçant et il se pencha rapidement à nouveau sur le corps inerte. Il glissa les mains dans les vêtements d'Io, lèvres serrées et sourcils froncés, à la recherche d'un quelconque dispositif d'écoute, mais ne trouva rien sur la peau tiède du jeune homme. Il se mordit la lèvre inférieure et saisissant la tête d'Io, la tourna pour accéder aux oreilles. Rien à droite. Il la retourna et un juron en langue étrangère lui échappa. Elle était là, lovée dans le pavillon de l'oreille gauche. Une oreillette.

Immédiatement sur le qui-vive, Red se redressa d'un bond et évalua son environnement avec acuité. Il devait fuir. S'extraire de ce piège. Io était un membre des forces de l'ordre. Son regard transperçant balaya la pièce à la recherche d'une issue. Fuir à tout prix ! Hors de question de tomber maintenant, de cette façon ! Fuir !

Il s'élança vers la porte de toute sa vitesse prodigieuse, ses réflexes exacerbés par l'urgence de la situation.

Mais il n'eut pas le temps de la gagner avant qu'elle ne s'ouvre violemment sur un groupe d'hommes casqués et bardés de gilets pare-balle, armés de fusils de précision.

« FBI ! Ne bougez plus ! Mains en l'air ! Scorpio, vous êtes en état d'arrestation ! »

oOoOo

« Relax, Sorrente ! Personne n'a jamais été capable d'échapper à mon emprise. Dès qu'il aura bu son verre, Scorpio sera à nous. »

Sorrente détacha avec peine ses yeux des écrans devant lui pour saisir la tasse de café fumante que Kaasa lui tendait. Il était réellement sur les nerfs. Io jouait gros en servant d'appât pour ce tueur redouté, qui leur filait entre les doigts depuis des années. Il pinça les lèvres devant le sourire apaisant de son collègue.

« Oui… S'il boit…

- Pourquoi veux-tu qu'il ne boive pas son verre ? Il n'a aucune raison de soupçonner quoi que ce soit.

- Non, rien, si ce n'est qu'il est le meilleur dans sa partie depuis les vingt dernières années, qu'il se joue des polices et services secrets du monde entier depuis aussi longtemps et qu'il a été capable de se montrer à notre barbe sous une couverture médiatique sans qu'on ne soupçonne rien ! Scorpio était Red le photographe et on n'en savait rien ! Alors excuse-moi de m'en faire sur ce coup !

- Tu oublies que nous sommes renseignés par notre taupe interne cette fois et qu'elle est plutôt bien placée apparemment pour nous donner des infos de premier ordre.

- Oui… Et ça aussi, je trouve cela inquiétant. On devrait se méfier plus que ça de la personne qui nous balance les infos…

- Pourquoi ? Tant mieux pour nous au contraire !

- Réfléchis Kaasa : pourquoi le mec qui nous livre les renseignements le fait, d'après toi ? Par bonté d'âme ? Il a forcément un but, et vu la maison d'où il sort, certainement un truc bien mauvais… Je n'ai aucune confiance dans ce gars, ni dans ses motivations. A mon avis, il se sert de nous pour prendre le pouvoir au sein de l'organisation.

- Mmmh, ce que tu dis a du sens, en effet…

- Evidemment ! Nous savons que Gemini est le bras droit et la tête pensante de Iéros. Qui aurait alors intérêt à le supprimer, si ce n'est la personne qui veut récupérer le gâteau ?

- Mouais… Mais Julian a dû certainement envisager ce que tu dis.

- J'espère qu'il y a pensé, en effet.

- Mais oui, j'en suis sûr. Le chef n'est pas né de la dernière pluie ! N'oublie pas qu'il a une vengeance personnelle à mener contre cette organisation de la mort et qu'il ne lâche jamais rien quand il entreprend une opération.

-Oui, c'est vrai… Oh ! »

Kaasa, qui se détournait pour prendre un sachet de sucre sur la petite table près de la cafetière se retourna vivement au cri de son collègue. Sorrente venait de se lever d'un bond, visiblement saisi par ce qu'il venait de voir sur les écrans devant lui. Kaasa, en quelques enjambées, le rejoignit et poussa un juron sourd entre ses dents serrées.

Sur l'écran central, devant eux, Io venait de s'écrouler au sol. Scorpio rangeait les bras du jeune agent le long de lui et lui asséna un coup violent et précis sur la tempe, le plongeant dans l'inconscience. Sorrente serra les poings jusqu'à ce que ses jointures deviennent blanches et actionna immédiatement le signal, ordonnant le début de l'opération de sauvetage d'un ton urgent.

« Ordre à toutes les unités ! Intervention immédiate ! Je répète ! Intervention immédiate. Agent à terre. Agent à terre ! »

Aussitôt, les hommes postés dans le couloir de l'escalier menant à l'appartement terrasse se précipitèrent, donnant des signes visuels silencieux pour préparer l'assaut. Ils s'arrêtèrent à la porte de l'appartement, attendant la confirmation de Sorrente pour attaquer sans menacer la vie de l'otage.

Le jeune homme se mordait la lèvre inférieure au sang. Kaasa poussa un juron en voyant le tueur qui s'apprêtait à se relever, se pencher à nouveau sur le corps d'Io et le palper sans ménagement.

« Putain, Sorrente ! Il va le buter ! Donne l'ordre !

- Non ! Il est trop prêt d'Io ! Si nous intervenons maintenant, il n'aura qu'un geste à faire pour le tuer. Il faut qu'il s'éloigne d'abord.

- Mais que fait-il ?

- Je crois qu'on est découverts…

- Comment ça ?

- Regarde ! Il vient de trouver l'oreillette ! Il a compris à qui il avait à faire !

- Le salaud ! Il est vraiment fort ! Oh Putain, Sorrente ! »

La rapidité presque surnaturelle de Scorpio à l'écran venait d'arracher ce cri à Kaasa. Le tueur venait de se précipiter, glissant avec une fluidité et une agilité effrayantes vers la porte de l'appartement. Sorrente réagit aussitôt. Son visage se durcit instantanément et son doigt en suspend sur le bouton du micro s'abaissa en une fraction de seconde. Scorpio avait quitté la zone dangereuse pour Io. C'était maintenant !

« Action ! Action ! Intervenez ! La cible se dirige vers vous ! Attention, il est extrêmement dangereux. Tirez à vue ! »

Les hommes lourdement armés et protégés enfoncèrent la porte.

« FBI ! Ne bougez plus ! Mains en l'air ! Scorpio, vous êtes en état d'arrestation ! »

Scorpio se figea en position d'attaque et lança un regard autour de lui. Une fraction de seconde les yeux transperçants, d'une acuité et d'une limpidité redoutable se plantèrent droit dans ceux de Sorrente et Kaasa, à travers la caméra dissimulée dans le plafond. Il frémirent tous les deux. L'expression de Scorpio était redoutable, habitée d'une détermination farouche.

Survivre. Absolument survivre. A n'importe quel prix. Survivre.

Le coeur étreint par un affreux pressentiment, Sorrente fondit sur le micro et cria :

« Feu ! Feu ! Abattez-le ! »

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La Rolls Royce entourée de berlines sombres s'arrêta devant le perron de l'hôtel Drouot et les portières des trois voitures noires qui la précédaient et la suivaient s'ouvrirent, cédant le passage à un groupe d'hommes en costumes, munis d'oreillettes, qui sécurisèrent le périmètre, aux aguets.

Kanon poussa un long soupir d'expectative, comme un homme qui s'éveille enfin. Ça y était. Le dénouement de sa toute première mission en solo pour le compte de l'Ordre touchait à sa fin. Encore quelques minutes et Scorpio tirerait, atteindrait la cible et s'exfiltrerait, comme prévu. Et lui aurait fait ses preuves auprès de Saga et d'Arès… Enfin, il recevrait l'adoubement qu'il désirait depuis tant d'années… Comme son frère, il plongerait dans les eaux noires, proche du cœur de la machine effroyable. La partie deviendrait bien plus compliquée, plus dangereuse…

Mais il était prêt. Il pouvait le faire. Il y arriverait. Il ferait tomber Arès et délivrerait son frère de cette noire et funeste influence qui pesait sur lui depuis leur naissance et leur séparation ! Il se l'était promis, treize ans auparavant…

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Il n'en revient pas… Il a un frère, un frère jumeau, qui plus est ! Lui qui a toujours vécu seul, sans personne. Lui qui pensait être orphelin… Il a un frère…

Kanon ferme les yeux sur le plafond craquelé. La plénitude l'étreint avec une force invincible. Il n'est plus seul… Non ! En fait, il ne l'a jamais été. Voilà d'où lui venait cette impression d'incomplétude, ce manque affreux, cette moitié de vide qui l'habite depuis toujours et qui l'a empêché de se lier avec qui que ce soit aux cours de toutes ces années.

Il se disait qu'il était anormal, que quelque chose ne fonctionnait pas chez lui, qu'il était cassé. Evidemment, les rares familles qui se sont intéressées à lui dans le passé l'ont senti. Rapidement, il a été mis de côté dans le processus d'adoption : pas assez facile, pas assez « séduisant » comme enfant adoptif… Et puis ensuite, il était trop vieux. Personne n'adopte les ados, encore moins un ado farouche, au regard distant, à l'attitude de défi. Encore moins un « garçon à problèmes », comme les éducs l'avaient catalogué.

Mais en fait, il y avait bien quelque chose de cassé en lui… Ce n'était juste pas sa faute. Il lui manquait son frère, son jumeau, son miroir…

La porte de la petite chambre s'ouvre et une silhouette massive s'encadre dans le rectangle de lumière. Instinctivement, Kanon perçoit le danger qui émane de l'homme dans l'embrasure de la fenêtre. Il a toujours eu un instinct infaillible, presque comme s'il lisait dans les esprits des gens face à lui. Il ferme les yeux avec force et s'applique à contrôler sa respiration.

Se calmer. Absolument se calmer. Faire en sorte que l'homme le croit endormi. Ne pas bouger. Quoiqu'il arrive.

Il l'a fait plein de fois, au foyer, pour tromper les éducs qui faisaient leur ronde et vérifiaient que tout le monde dormait bien dans son lit et qu'ils pouvaient se relâcher pour la nuit. Et ça marchait. A chaque fois. Il est doué pour tromper et manipuler les gens, il le sait. Il retient son souffle, le distillant paisiblement, comme dans un profond sommeil. Soumis à l'influence et au pouvoir de sa détermination, son coeur ralentit. Il est l'image d'un repos paisible.

L'homme se penche sur lui, il sent son souffle sur sa joue durant un instant qui lui paraît interminable, puis il se redresse et se détourne.

Kanon risque un coup d'oeil entre ses longs cils et manque de contrôler un battement de coeur.

Saga se tient lui aussi dans l'encadrement de la porte et l'homme en deux mouvements souples, d'une puissance menaçante, se coule auprès de lui et abat son bras formidable sur son frère. Le choc est terrible. Kanon frémit de tout son être en entendant le choc du crâne de Saga contre le mur et le hoquet de souffrance qui lui échappe. Il serre les poings de tout son être et parvient miraculeusement à rester inerte. Une voix sinistre, basse, suintant la cruauté, s'élève dans un sifflement étouffé et menaçant.

« Misérable insecte ! Comment as-tu osé désobéir à mes ordres et le faire venir ici ! Tu vas lourdement regretter cette indiscipline !

- Je sais que j'ai désobéi et je dois être puni pour cela. Mais j'ai cru bien faire : le traître Shion connaissait son existence et m'a révélé que lui et son fils Ariès comptaient l'utiliser pour déstabiliser l'Ordre.

- Cela ne change rien ! Je suis le maître ! Tu n'es que mon pion. Les pions ne prennent aucune initiative ! »

Cette fois, le coup abat son frère au sol dans un craquement lugubre. Kanon sent son souffle se coincer d'angoisse dans sa cage thoracique. Non ! Il doit rester endormi. Il s'applique à nouveau à se contrôler de toute sa force. Il y parvient.

Saga n'a pas émis un son, cette fois. Il se relève péniblement et se dresse entre lui et l'homme terrifiant. Celui-ci se met à rire et Kanon sent ses cheveux se dresser sur sa tête sans rien pouvoir y faire. Le rire murmuré est affreux. C'est un rire grinçant, comme une pointe acérée sur une vitre, un crissement effroyable qui met les nerfs à vif.

« Très bien. Tu l'as voulu et tu l'as ramené ici ? Comme tu voudras. De cette façon, vous m'appartenez tous les deux et ton obéissance sera la garantie de sa vie. Si tu me déçois en quoi que ce soit, Saga, si tu me désobéis à nouveau, il mourra. Et dans d'atroces souffrances, sois-en bien certain. Tu as compris ?

- Oui… Père... »

L'homme claque la porte derrière lui et ses pas lourds décroissent et disparaissent. Le souffle irrégulier, souffrant, de son frère reste le seul bruit ténu qui perce le silence pétrifié qui vient de retomber sur la petite cellule.

Kanon a les yeux grand ouverts, mais il ne voit plus rien. Il n'entend plus rien. Il est figé d'horreur et son cerveau peine à comprendre ce qu'il vient d'entendre de la bouche de son frère.

Père… ? Ce monstre est le père de Saga… ? Mais… Mais alors… C'est son père aussi… ? Non… Impossible… Impossible !

Il refuse. Il est orphelin. Il ne lui reste plus que son frère. Il refuse. Absolument.

Sa volonté s'allume dans l'obscurité. Lui qui a toujours erré, sans but, sans racines. Il sait à présent ce qu'il doit faire, ce pourquoi il existe. Il doit tirer son frère des griffes du monstre qui étend sa noire influence sur lui.

Le protéger. Résolument.

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La cible sort enfin de l'habitacle clinquant de la Rolls Royce. L'homme d'âge mûr à la peau et aux yeux sombres, coiffé d'un keffieh traditionnel et habillé d'un qamis immaculé, s'avance parmi les flashs des photographes avec assurance.

Kanon se tend. D'un instant à l'autre, il va s'affaisser sur lui-même. La détonation viendra juste après.

Cinq, quatre, trois, deux, un…

Le cheikh passe devant les journalistes massés et pénètre dans le hall de l'hôtel Drouot.

Scorpio n'a pas tiré. Quelque chose s'est mal passé. Fuir. Fuir immédiatement !

Kanon se lève brusquement, mais il n'a pas le temps de faire un geste. Il sent une pression métallique dans son dos et une voix masculine jeune murmure à son oreille :

« FBI. Plus un geste, Gemini. Vous êtes en état d'arrestation. Suivez-nous ans faire d'histoire : nous n'hésiterons pas à vous tuer. »

Un coup d'oeil. Ils sont deux. Les deux jeunes hommes mignons qu'il avait repérés et identifiés comme sans intérêt. Un sourire amer passe sur les lèvres de Kanon. Il a foiré. Tout. Il s'est fait prendre et s'est trompé sur deux agents du FBI. Décidément, il n'arrive pas à la cheville de son frère… Sans bouger et sans manifester quoi que ce soit, il souffle :

« Très bien, vous avez gagné. Je vous suis. »

Il sent le contact métallique des menottes qui lui enserrent les mains derrière le dos et la poigne de l'agent à sa droite, le jeune borgne, qui lui saisit le bras avec force pour le contraindre à les suivre.

Il a perdu… Une bataille, pas la guerre ! Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir : c'est ce qu'il a bien compris depuis qu'il a rejoint Iéros et Saga. Et il va vivre ! Il gagnera la guerre !

Avant de quitter le café Drouot en prétextant une urgence auprès de ses amis, encadré par les deux agents souriants, comme s'ils étaient des vieux potes qui se retrouvaient soudainement, il lance un coup d'oeil vers l'appartement terrasse.

Désolé Scorpio. Je ne t'ai pas été d'une grande aide sur ce coup-là. Je ferai mieux la prochaine fois, tu as ma parole. Sauve ta vie, vieux ! Barre-toi ! Et si tu y arrives, prie qu'Arès ne te retrouve jamais...

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