Chère Almayen,
C'était une petite pluie fine d'été qui s'était mise à tomber pendant que Geralt et Jaskier étaient sur la route. L'atmosphère était très lourde et étouffante depuis plusieurs semaines et cet interlude ferait du bien à tout le monde, aussi bien aux cultures qu'aux gens.
Jaskier sourit et leva la tête vers le ciel pour laisser le rideau fin et léger ruisseler sur son visage et nettoyer un peu la terre qui s'y accrochait. Il faisait si chaud que les monstres ne sortaient pas non plus de leurs tanières, ou pratiquement pas, et que les deux voyageurs s'épargnaient les dépenses de lit dans les auberges. Dormir à deux sur le même matelas tournait vite au calvaire avec de telles températures et, comme ils n'avaient presque plus d'argent, tous les prétextes étaient bons pour économiser un peu.
Le résultat, c'était que le barde avait les cheveux pleins d'entrelacs de lierre jauni par le soleil – que Geralt ne se donnait absolument pas la peine de lui signaler le matin venu – et le visage de poussière. C'était donc un réel plaisir de se décrasser un peu à l'aide de cette pluie fraîche et revigorante.
« Si ces averses n'avaient pas la fâcheuse manie d'abîmer mon luth, lança-t-il au Sorceleur qui l'observait sans réagir, je composerais de ce pas une chanson en l'honneur de ces charmantes gouttelettes ! »
Il rangea son instrument, qu'il portait en bandoulière, dans une housse protectrice et Geralt répliqua :
« Elles risquent pourtant de nous donner une pneumonie si la saucée dure trop longtemps.
-Allons ! Les Sorceleurs n'attrapent pas de pneumonie.
-Les bardes oui.
-C'est gentil de te soucier de moi, mais cette averse ne me dérange absolument pas.
-Je n'ai pas envie de passer plusieurs jours à péguer si elle commence à s'infiltrer dans mon armure et à se mélanger à la terre et à la poussière.
-Passer plusieurs jours à quoi ?
-À coller. »
Jaskier leva les yeux au ciel et poussa un soupir d'impatience.
« Très bien, redoutable chasseur de démons ! lança-t-il. Prends donc ma pelisse et cache-toi dessous avant de sentir le loup mouillé. »
Geralt marqua un moment de pause et lança un regard particulièrement désabusé, voire un peu indigné, à son ami.
« Et puis même si je tombe malade, nous sommes en vacances forcées, ajouta le barde en jetant sa veste bleu vif à son camarade d'aventures. Nul besoin de partir en chasse aux aurores ! Nul besoin d'être à son maximum !
-Toi, tu ne chasses pas les monstres, plaça Geralt. »
Finalement, comme il eût été un peu ridicule que le Sorceleur s'abrite et pas le barde, Geralt rangea la pelisse dans son sac et continua de suivre Jaskier sous les petites gouttes fines et fraîches. Que le vêtement reste sec lui serait bien utile quand il devrait couvrir le barde trempé à la fin de l'averse et éviter qu'il se plaigne… et, surtout, le garder en bonne santé.
Bisous,
Daisy.
