Chapitre 58


~ Lieu inconnu, heure inconnue ~

Une forêt sombre et silencieuse semble apparaître sous une brume de petit pois. Un vent frais souffle entre les feuillures des arbres, jouant entre les branches qui craquent et chantonnent un air calme. Dans le creux d'un trou, un corps se crée à l'aide de minuscules particules de lumières. Quelques animaux sautillent joyeusement autour avant de s'arrêter pour observer l'étrange phénomène. Une masse humaine finit par se créer complètement et ce corps, semble inanimé, mort sans forme de vie. Puis, un rayon de lumière passe à travers les arbres et vient délicatement se poser sur le corps, lui redonnant vie par magie. Les poumons se remplissent d'air, le cœur abat à nouveau et deux yeux gris clair s'ouvrent. Ils se plissent puis le corps commencent à se mouvoir alors que le sang vient se glisser dans chacun des membres engourdis. Quelques mètres plus hauts, deux silhouettes observent la jeune venue dans ce demi-monde.

Ce corps qui commence à se réveiller et à prendre conscience qu'il est vivant, c'est moi. La première chose qui me vient à l'esprit, me fait sursauter et je me redresse violemment pour constater que je ne suis plus à Dressrosa. L'endroit est bien plus calme, reposant et c'est un lieu rempli de verdures et aux odeurs particulières apaisantes comme je n'ai jamais senti auparavant. Une fraicheur jamais ressentie m'envahit les navires et remplissent mes poumons d'un air pur. Aucune odeur nauséabonde ou l'odeur d'un humain… Celles qui me faisaient le plus peur quand j'étais là-bas. Je me refusais de respirer pour ne pas sauter à la gorge d'un innocent m ais on dirait que c'est de l'histoire ancienne. Après tout, je ne peux pas être ici pour une autre raison que je me suis interposée devant un moldu pour le sauver d'un sortilège mortel. Un sentiment d'avoir fait une bonne action me remplit le cœur et je ne peux m'empêcher de sourire malgré la situation dramatique.

- J'espère qu'ils vont bien. Je me sens… bien ?

Je reste assise sur un banc de mousse et observe les majestueux arbres qui m'entourent comme un air de déjà-vu. L'endroit est vaste, sombre et quelques rayons de soleil parviennent à s'infiltrer très légèrement faisant scintiller des flaques d'eau qui reflètent la lumière.

- C'est bizarre. Cet endroit, ça me rappelle…. La forêt Interdite à côté du château de Poudlard, chuchotais-je. Mais c'est impossible, je suis….

- Morte ? m'interpelle une voix derrière moi. En effet, tu l'es. Mais est-ce vraiment le cas ?

Je me fige en entendant la voix douce mais imposante dans son intonation. Cette voix… Je me retourne vers lentement pour voir à quelques pas deux hommes. Devant moi, se tiennent les deux anciens directeurs de Poudlard : Albus Dumbledore habillé d'une robe argentée et de sa longue barbe et Severus Rogue avec sa tenue noire et sa longue cape trainante derrière lui. Mes yeux débordent déjà de larmes quand mon corps refuse de bouger, trop incrédule pour faire un mouvement.

- C'est impossible… Vous…. Vous êtes….

- Morts et enterrés ? répond sarcastiquement Rogue. En effet, merci de votre remarque, miss. Nous le savons depuis quelques temps.

- Severus, soupire Dumbledore. Soyez plus indulgeant, elle vient de vivre un évènement difficile, il lui faut du temps pour se reprendre. C'était votre élève et vous avez tenté de la protéger jusqu'à vos derniers instants.

Je les regarde, perplexe face à la remarque d'Albus. Je finis par me lever, les jambes tremblantes pour me diriger vers eux. Les deux hommes cessent de s'observer et leurs regards se posent sur ma fine silhouette devenue plus frêle après le temps passé chez les moldus. Sans crier garde, je me jette sur Rogue et tente de lui asséner des coups dans l'estomac et au visage. Mais c'était sans compter que je me suis plus une créature de la nuit et que je ne peux plus me déplacer aussi vite et avec une forcé herculéenne. Rogue réussit à me contrer sans difficulté devant le regard ennuyé de Dumbledore qui laisse son ancien professeur me maitriser en me bloquant les deux bras dans mon dos sans me faire mal. J'essaie de me débattre mais inutile : il est bien plus fort que moi.

- C'est un traître ! Il vous a assassiné !

- Emily, fait plus durement Dumbledore. Je pense que Minerva n'a pas eu le temps de te dire toute la vérité sur le rôle qu'a joué Severus durant cette guerre. Je vais le faire si tu nous promets de nous écouter sans nous interrompre.

Je les regarde tour à tour, prête à venger la mort injuste de l'un des sorciers les plus puissants.

- Promis. Mais ça a intérêt à être lourdement justifié sinon je ne répondrais de rien même avec une promesse.

Rogue semble satisfait de ma réponse, il me relâche et Dumbledore me fait signe de le suivre sur un sentier que je n'avais pas vu, derrière eux, descendant dans une petite vallée. Dumbledore prend le pas devant moi alors que Severus Rogue préfère se tenir derrière moi, méfiant. Je ne cesse de jeter des coups d'œil derrière moi à l'affut du moindre geste de sa part signant son arrêt de mort. Même s'il est déjà. Nous marchons pendant une dizaine de minutes sur un sentier de terre avant d'arriver à ce qui semble un petit campement de fortune. Dumbledore me fait signe de m'asseoir sur un tronc d'arbre et invite Severus à en faire de même alors qu'il se met en face de nous.

- Ni moi, ni Severus, nous ne pouvons nier ton affirmation. Severus m'a bien tué ce soir-là sur la tour d'Astronomie. Mais seulement à ma demande. À la suite d'une grossière erreur de ma part, je me suis condamné à cause d'une sortilège puissant lié à un horcruxe et Severus m'a guéri un temps.

- C'était pour cela, votre main ? Il y avait tellement de rumeurs à ce sujet.

- En effet. Mais ce n'est que le prétexte qui nous amène à notre discussion. Severus a contré pendant un moment le sortilège dans ma main. Mais il allait me tuer d'une façon ou d'une autre.

- Et vous ne vouliez pas mourir simplement comme n'importe quel sorcier en prenant votre retraite, c'est ça ?! Vous avez préféré jouer le brillant acteur qui tombe d'une tour de la main d'un homme que tout le monde déteste par son passé ?! Je n'appelle pas ça un plan brillant !

- Silencio !

Severus Rogue, agacé que je ne cesse d'interrompre Dumbledore me fait taire d'un sortilège efficace. Je lui jette mon plus beau regard noir avant de me calmer.

- Le but de cette mise en scène était de rendre Severus plus proche de Lord Voldemort pour qu'il ait sa complète confiance. Ainsi il aurait pris le contrôle de Poudlard sans soucis et protéger les élèves et les enseignants des mangemorts qui auraient pu faire de terribles dégâts.

- Ça n'a pas empêché le Seigneur des Ténèbres de nommer les deux idiots de Carrow dans mes pattes, soupire Rogue. Mais j'aurais pu avoir pire qu'eux.

- Cela a permis que Severus garde Poudlard sous sa protection. Ensuite, il y avait une autre raison : je possédais l'une des Reliques de la Mort : la baguette du Sureau.

Je fais de gros yeux, surprise. Je croyais que les trois Reliques de la Mort étaient une légende inventée pour donner plus d'importance à la magie et son histoire…

- En me tuant, Severus devait permettre que la baguette ne possède plus de maître attribué, elle ne serait plus aussi puissante qu'elle ne le devait. Malheureusement, un garçon m'a désarmé avant son arrivée. C'était le jeune Draco Malefoy qui avait pour mission de me tuer pour restaurer l'honneur de sa famille.

- J'ignorais ce détail au moment où cela s'est passé, Albus, admet Severus dans un souffle. Mais avec la présence des autres mangemorts, je n'aurais pas pu arracher la baguette à l'aide d'un sortilège à Draco sans que ce soit considéré comme un acte de trahison.

- Je te comprends, Severus. Mais les choses sont bien faites. C'est finalement Harry qui a récupérée les droits sur la baguette par un mystère que j'ignore. Il a ainsi bu combattre Lord Voldemort lors de la bataille finale avec des baguettes à peu près équivalentes en termes de puissance. Nous voilà aujourd'hui, à l'instant présent, la guerre est terminée. Harry est vivant et la paix est de retour dans le monde des sorciers. Et toi, tu as fait des choix de ton côté ce qui t'a mené là. Sais-tu pourquoi ?

Je lui montre que je ne peux pas m'exprimer et Severus lève son sortilège.

- Parce que je l'ai choisi. C'est moi qui me suis jeté devant votre ami Sengoku pour le protéger d'Ombrage. Je n'aurais pas supporté qu'il meure à cause de moi. Je me sens suffisamment coupable de ne pas avoir pu participer davantage à la guerre qui a eu lieu ici…

- Ce qui veut dire… ? continue d'insister Dumbledore avec son sourire en coin.

- C'était mon destin de mourir, c'est ça ?

- Pas exactement. Severus, Minerva et moi t'avons élevé de la manière la plus humaine possible afin que tu t'adaptes à tous types d'environnement et de situations. Mais un vampire ne peut pas vivre éternellement parmi de simples mortels sans en subir les foudres et encore moins quand le Ministère a connaissance de son existence. Dès lors où Ombrage a eu les documents te concernant, elle a pris la décision de te faire disparaître, même si cela allait à l'inverse de la politique du ministère sur les minorités de créatures.

- Elle était à ce point, déterminée de me faire disparaître même si j'avais été lavée de toutes accusations et en tant que moldus ?

Albus hoche faiblement la tête.

- Ombrage est l'une des membres du Ministère qui m'a donné le plus de fil à retordre ces dernières années comme directeur de Poudlard. Elle avait tant d'influences sur certains membres ou elle faisait en sorte de faire des actes de chantage pour obtenir leurs voix par la force. Ta condition de créature de la nuit n'était pas à ton avantage également. Mais, désormais, il est temps de penser à l'avenir.

- Quel avenir ? soupirais-je. Vous l'avez dit vous-même il y a quelques minutes. Vous et moi sommes décédés et nous avons quitté le monde des mortels pour rejoindre un monde où nous n'avons plus à nous soucier des problèmes passés.

- Chaque personne qui décède par la faute de la magie a deux portes de sorties : c'est pourquoi nous sommes ici. Nous avons choisi de quitter le monde des vivants et d'aider les âmes égarées à choisir le chemin qui les amènera vers le droit chemin.

- Ce que souhaite vous dire Albus de manière délicate et détournée, c'est qu'il n'y a pas de moyen pour vous de revenir à la vie, tranche Severus. Il n'y a que Potter qui a réussi cet exploit à cause de la partie du Seigneur des Ténèbres qui s'était logé en lui après le meurtre de ses parents. Vous, en revanche, vous n'étiez qu'une créature de la nuit et contrairement aux rumeurs, un vampire ne peut pas survivre à un sortilège de la mort.

- Où sommes-nous ? Cet endroit ressemble très fortement à la forêt interdite à côté de Poudlard, m'étonnais-je.

- L'endroit varie selon les individus qui arrivent ici d'une mort brutale, explique calmement Albus. Dans ton cas, je suppose que c'est l'endroit que tu appréciais le plus te retrouver en solitaire même si le règlement l'interdisait, n'est-ce pas ?

Je détourne le regard, prise sur le fait. Je n'ai jamais été fan des grands espaces et des dortoirs fermés au sein de Poudlard. Alors je préférais largement fuir dans cet endroit, si calme et vaste. Aucune créature maléfique s'y trouvant réellement, ce n'est que des rumeurs pour éloigner les plus curieux.

- C'est du passé désormais et c'est prescrit, me rassure Dumbledore avec un sourire. Maintenant que nous avons discuté, il va falloir faire ton choix.

- Vous avez parlé de deux options, lesquelles ?

- Quitter définitivement le monde et laisser votre âme et votre conscience disparaître à jamais, me répond Dumbledore.

- Ou faire comme nous, pauvres âmes en perdition, grimace Severus. Continuer à veiller sur les âmes en quête de conseils entre les deux mondes ou dans le monde des sorciers, sous forme d'un ectoplasme ridicule comme à Poudlard.

- Ce sont des membres qui ont contribué à la renommée de l'école de Poudlard, ils ont leur place au sein de l'école. Mais moi ? Je ne comprends pas ce choix… Qui voudrait réellement revivre éternellement sous la forme d'un fantôme sans consistance ?

Albus et Severus laissent ma question sans réponse alors que je me mets à réfléchir aux avantages et inconvénients de chaque chemin.

- J'ai choisi de m'interposer pour le protéger… Mais ils doivent avoir tellement de questions sans réponse me concernant. Je trouve ça cruel de les laisser ainsi… Mais devoir rester éternellement sous la forme d'un être sans but me répugne. C'est comme je devais vivre une deuxième vie comme monstre de la nature et c'est hors de question.

Mes pensées s'embrouillent dans ma tête alors je pèse le pour et le contre sans arrêt. Je relève la tête après plusieurs minutes silencieuse.

- J'aimerais partir mais je veux faire quelque chose… Aidez-moi.