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Chronique tirée du premier tome, écrit par Drew Karpyshyn et traduit par Fabrice Joly.


20 – Prémonition

Cycle I – Tome 3 : Dessel (#9)
Rattachée au chapitre n°53 : Temples et Holocrons


Githany se réveilla en sursaut en repoussant brutalement ses couvertures, qui tombèrent sur le sol de terre de sa tente. Elle transpirait, et son visage était rougi jusqu'aux oreilles, mais la chaleur n'était pas responsable de son état. Ruusan était entrée dans la saison des pluies et, malgré des journées chaudes et humides, les nuits étaient froides avec des températures proches de zéro.

Elle avait rêvé de Bane. Non, pas rêvé. Les détails étaient trop précis, et son expérience trop réelle et vivante, pour appeler cela un rêve. C'était une vision. Il existait un lien entre eux, un lien qui s'était tissé au fil des heures passées l'un à côté de l'autre à étudier la Force. Ce type de lien entre un mentor et son élève n'était pas rare, mais Githany ne savait plus vraiment qui avait été le Maître ou l'apprenti dans leur étrange relation.

Sa vision avait été très claire : Bane allait venir sur Ruusan. Mais il ne venait pas pour se joindre à la Confrérie - il venait pour la détruire.

Elle frissonna, la sueur rafraîchissant sa peau dans l'air froid. Elle s'extirpa de son lit, et posa sa lourde cape sur ses épaules. Elle devait avertir Kaan de sa vision, et elle ne pouvait pas attendre le matin.

La nuit était noire, la lune et les étoiles dissimulées par les nuages menaçants qui emplissaient le ciel depuis son arrivée sur Ruusan. Une légère brume avait envahi le ciel et l'atmosphère, remplaçant la bruine qui ne cessait de tomber lorsqu'elle s'était couchée.

Une poignée de soldats Sith se déplaçaient dans le campement. Quelques-uns lui adressèrent, en passant, des salutations inintelligibles, mais la plupart baissaient la tête en avançant d'un pas pesant dans la boue. L'ardeur que Kaan leur avait insufflée lors de l'arrivée des renforts avait été mise à mal par les jours de pluie et de grisaille presque interminables. Il faudrait attendre encore plusieurs jours avant que les pluies ne se calment et laissent place à la chaleur étouffante du long été de Ruusan. Dans l'intervalle, les adeptes de Kaan continueraient de souffrir de l'humidité et du froid.

Githany ne leur prêta pas attention. Concentrée sur sa mission, elle ralentit en s'approchant de l'entrée de la grande tente où Kaan avait installé ses quartiers. Elle vit de la lumière à l'intérieur. Le Seigneur Kaan était réveillé.

Elle entra timidement dans la tente. Ce qu'elle avait à dire ne regardait que lui. Heureusement, il était seul. Elle s'arrêta cependant rapidement et fixa l'apparition devant elle, comme étreinte par une fascination morbide. À la faible lueur de la lanterne qui éclairait l'intérieur de la tente, Kaan ressemblait à un véritable fou.

Il faisait les cent pas dans sa tente, de sa démarche inégale et irrégulière. Les épaules rentrées, il marmonnait et secouait la tête. Sa main gauche ne cessait de tirer sur l'une de ses mèches de cheveux, puis il l'enlevait rapidement comme s'il commettait une sorte d'acte interdit.

Elle parvenait à peine à croire qu'il s'agissait du Maître qu'elle avait choisi de suivre. Était-il possible que Bane ait toujours eu raison ? Elle allait finalement ressortir dans la nuit humide, lorsque Kaan se retourna et la remarqua enfin.

L'espace d'un instant, ses yeux se mirent à briller comme ceux d'un animal traqué éprouvant de la peur et du désespoir. Il se redressa cependant de toute sa hauteur. La terreur quitta son regard et fut remplacée par une colère sourde.

- Githany, déclara-t-il, son accueil aussi froid que son expression glaciale. Je n'attendais pas de visite.

Githany ressentit de la peur, à son tour. Le Seigneur Kaan respirait la puissance : il pouvait l'écraser aussi facilement qu'elle le faisait avec les petits scarabées qui couraient parfois sur le sol de sa tente. L'image de l'homme brisé et lâche s'enfuit, effacée de son esprit par son aura autoritaire.

- Excusez-moi, Seigneur Kaan, lui dit-elle en inclinant légèrement la tête. J'ai besoin de vous parler.

Si sa colère parut s'adoucir, son aspect impérieux, lui, ne disparut pas.

- D'accord, Githany. J'ai toujours du temps pour toi.

Ses paroles n'étaient pas qu'une simple formalité. Elles dissimulaient autre chose. Githany était une femme séduisante, qui avait coutume d'être le sujet de sous-entendus et du désir des hommes. D'ordinaire, elle y répondait avec répugnance, mais face à Kaan, elle s'empourpra. Il était le fondateur de la Confrérie, un homme de vision et de destin. Comment aurait-elle pu ne pas être flattée par ses attentions ?

- J'ai eu une prémonition, lui expliqua-t-elle. J'ai vu... j'ai vu Darth Bane. Il venait sur Ruusan pour nous détruire.

- Qordis m'a indiqué clairement la position de Bane, répondit-il en opinant du chef. On peut effectivement s'attendre à une telle chose.

- Il ne voit pas la gloire de notre cause, dit Githany en s'excusant pour Bane. Il ne vous a jamais rencontré en personne. Sa seule connaissance de la Confrérie vient de Qordis et des autres Maîtres, ceux-là même qui lui ont tourné le dos.

Kaan lui lança un regard perplexe.

- Tu es venue ici pour m'avertir que Bane projetait de nous détruire. Il me semble maintenant que tu tentes de justifier ses actes.

- La Force nous montre ce qui pourrait advenir, pas nécessairement ce qu'il adviendra, répliqua-t-elle. Si nous pouvons le convaincre de se joindre à nous, il sera un allié précieux contre les Jedi.

- Je vois, répondit Kaan. Tu penses que, si nous parvenons à le faire rentrer au bercail, ta prémonition ne se réalisera pas.

Il s'interrompit un long moment, puis lui demanda :

- Es-tu certaine que tes sentiments personnels à son égard n'obscurcissent pas ton jugement ?

Embarrassée, Githany détourna le regard.

- Je ne suis pas la seule à penser ainsi, marmonna-t-elle en baissant les yeux. Son absence dérange également de nombreux autres Sith de Korriban. Ils ont ressenti sa force, et ils se demandant pourquoi un individu aussi puissant dans le Côté Obscur rejette la Confrérie.

Elle releva la tête lorsque Kaan posa une main réconfortante sur son épaule.

- Tu as peut-être raison, Githany, mais je ne peux pas agir sur ta seule prémonition. De toute manière, personne ne sait où se trouve Bane.

- Je le sais. Il existe une sorte de... lien entre nous. Je peux vous apprendre où Bane est parti.

Kaan tendit la main pour la saisir au menton et relever légèrement sa tête.

- Alors, je vais lui envoyer quelqu'un, lui promit-il. Tu as bien fait de venir me voir, Githany, ajouta-t-il en la relâchant doucement et en lui adressant un sourire rassurant.

Radieuse et fière, Githany lui rendit son sourire.


Bon, faut croire qu'elle aussi, elle est guidée par ses hormones. Ces Sith alors...