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Chronique tirée du roman, intrigue parallèle.


23 – Perdu dans le dédale de Ruusan

Cycle I – Tome 3 : Dessel (#12)
Rattachée au chapitre n°72 : Leçons et découvertes


Darovit gisait, recroquevillé sur le sol froid de la caverne, baigné dans la lumière irréelle qui émanait de l'objet ovoïde et argenté suspendu au centre de la chambre souterraine. Depuis près de deux heures, il n'avait pas bougé d'un pouce, paralysé qu'il était par l'émerveillement et l'horreur de ce dont il était témoin. C'était comme si le temps n'avait plus aucune signification, ici, sur le lieu de l'épicentre de l'explosion, comme si Darovit lui-même se trouvait suspendu entre la vie et la mort, pris au piège comme les esprits tourmentés des adeptes de Kaan et des Jedi qui avaient osé les affronter.

Peu à peu, néanmoins, cet état de choc se dissipa, et dans le même temps, la réalité du monde physique lui redevint perceptible. Dans la grotte, l'air était humide et glacé. Des frissons incoercibles parcoururent son corps. Son nez se mit à couler, et il approcha une main tremblante et engourdie par le froid pour l'essuyer.

Allez, Tomcat, se dit-il pour se motiver. Il est temps de bouger. Tu te relèves et tu y vas.

Au prix d'un effort considérable, il réussit à se remettre sur pied, pour aussitôt s'écrouler avec un cri lorsque ses mollets et ses cuisses tétanisés se dérobèrent sous lui, mais cette douleur aida à balayer les derniers vestiges du sort qui l'avait écrasé. Il revint brusquement au présent, et son esprit put de nouveau se concentrer.

Il se massa avec frénésie une jambe après l'autre, pour y rétablir la circulation. Il était désormais impatient de quitter cet endroit, et n'avait qu'un désir : s'éloigner de la présence maléfique des pulsations silencieuses de la bombe. Dès qu'il levait les yeux dans cette direction, la chair de poule lui venait. Pourtant, malgré la répulsion que lui inspirait cette chose, il ne pouvait s'empêcher de se sentir attiré par elle.

- Ne la regarde pas, murmura-t-il d'une voix rauque.

Il redoubla d'efforts pour détendre ses membres inférieurs.

Après une minute, il put enfin se redresser. Des picotements douloureux assaillaient la plante de ses pieds, et ses genoux flageolèrent un instant, mais il réussit à rester debout.

Il scruta la caverne dans tous les sens, à la lumière dégagée par la sphère. Plus d'une demi-douzaine de tunnels donnaient sur la chambre souterraine, et il poussa un juron en se rendant compte qu'il ignorait lequel le mènerait à l'air libre.

- Tu ne peux pas rester ici, marmonna-t-il.

Choisissant un passage au hasard, il s'y aventura d'une démarche encore vacillante. L'obscurité eut tôt fait de l'envelopper. Il dégaina le sabre-laser que le Sith lui avait donné. À la faible lueur de sa lame rubis, il put progresser sur le sol traître.

Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre qu'il faisait fausse route. Il se souvenait de l'inclinaison nette qu'il avait dévalée à son arrivée, alors qu'ici, le sol était relativement plat. Il aurait suffi de rebrousser chemin et de prendre une autre issue, mais la seule idée de retourner dans la chambre souterraine, avec sa sphère et les esprits qui s'y trouvaient piégés, l'en dissuada.

- Ce tunnel doit bien déboucher quelque part à l'extérieur, grommela-t-il. Je vais tout bonnement le suivre jusqu'à la surface.

Le plan paraissait simple, mais il se compliqua dès qu'il atteignit une fourche qui séparait le passage principal en deux boyaux d'égale importance. Il hésita un long moment, étudia l'embranchement qui partait sur sa gauche, puis celui sur sa droite. Pas plus l'un que l'autre n'offrait d'indices sur lequel le conduirait à la liberté, en admettant que ce soit le cas de l'un des deux. Avec un soupir résigné, il opta pour celui de gauche.

Quarante minutes et trois embranchements plus tard, il regrettait sa décision. Il était désormais incapable de revenir dans la caverne, même s'il l'avait voulu – les multiples bifurcations successives l'avaient complètement désorienté, et il était perdu dans ce dédale souterrain. Son estomac gargouilla, et la possibilité qu'il ne trouve jamais d'issue vint se nicher sournoisement dans un recoin de son esprit.

Il se remit en marche, et son pas accéléra à l'unisson avec la panique qui commençait à monter en lui. Il se retrouva à courir, en jetant des regards de tous les côtés, avec l'espoir que la lueur du sabre-laser révélerait quelque chose – n'importe quoi – qui lui montrerait par où aller. Il s'engouffra dans un autre tunnel latéral, et dans sa précipitation, il trébucha.

Alors qu'il levait les mains devant lui pour amortir sa chute, le sabre-laser lui échappa des doigts. Sa lame entailla la paroi rocheuse, puis l'arme rebondit au loin sur le sol inégal, avant de s'éteindre. Une obscurité totale envahit instantanément le boyau.

Darovit chuta lourdement. Il resta face contre terre dans les ténèbres, et le désespoir déferla sur lui. Il était inutile de continuer. Jamais il ne trouverait d'issue. Autant mourir ici, seul et oublié de tous.

Il roula sur le dos, et ses yeux aveugles se braquèrent sur la voûte du tunnel. Ce fut alors qu'il perçut un son, faible mais parfaitement identifiable, une voix qui provenait d'une grande distance et rompait le silence oppressant de ce monde souterrain.

Et voilà, maintenant, tu entends des voix, Tomcat, songea-t-il, mais la seconde suivante, elle lui parvint de nouveau, en éveillant des échos dans le tunnel. Quelqu'un d'autre se trouvait dans le labyrinthe !

Il ignorait si c'était un Jedi venu contempler le destin de ses défunts camarades, un serviteur des Sith ayant fui la dernière bataille, ou bien même quelque allié à un groupe complètement différent, tout comme il ignorait quel accueil lui serait réservé. Serait-il fait prisonnier, ou tué sur-le-champ ? Peu lui importait. Même la peur de retourner dans la chambre avec cette sphère impie ne le retenait plus. Tout valait mieux plutôt que mourir de faim et d'épuisement dans ces tunnels innombrables.

Rampant dans le noir, il tâtonna devant lui de ses deux mains, jusqu'à ce que ses doigts se referment sur la poignée du sabre-laser. Il le brandit triomphalement au-dessus de sa tête et l'alluma.

Il n'avait aucun moyen de savoir à quelle distance se trouvait la personne qui avait parlé. Les distorsions acoustiques des tunnels étaient déroutantes, et il n'y était pas accoutumé. Sons et échos se répercutaient à l'infini contre les parois rocheuses irrégulières, mais il était certain que la voix venait de quelque part devant lui, en hauteur, dans cette même direction qu'il avait suivie.

Avec la lame brillante pour le guider, il se déplaça avec plus d'assurance. De temps à autre, il percevait une bribe de conversation, dont la source restait toujours la même. À présent, il distinguait deux interlocuteurs, chacun avec un timbre très différent l'un de l'autre : une voix de basse profonde, l'autre beaucoup plus aiguë. Chaque fois qu'il les entendait, il pouvait constater qu'il réduisait la distance avec elles.

Après un moment, il remarqua que les ténèbres du tunnel se dissipaient progressivement. Bientôt, il n'eut plus besoin du sabre-laser pour se mouvoir, mais ce n'était pas la lumière dorée du soleil qui se déversait dans le boyau à mesure qu'il approchait de la surface – c'était un éclat argenté et froid. Avec un frisson glacé, il comprit qu'il avait décrit un cercle et qu'il revenait vers la chambre abritant ce qu'il restait de la bombe psychique. C'était là qu'il trouverait ceux qui parlaient, qu'ils soient amis ou ennemis.

La salle souterraine était désormais toute proche, assez pour qu'il comprenne enfin le sens des propos tenus.

- Les Sith ne sont plus que deux, à présent : un Maître et son disciple, disait la voix basse et grave. Il n'y en aura pas d'autres.

- Que se passera-t-il si j'échoue ? demanda l'autre.

On dirait une femme, pensa Darovit, trop concentré à se diriger vers la source des voix pour vraiment se soucier du sens de la conversation.

Non, non, pas une femme. Une fille.

- Est-ce que vous me détruirez, moi aussi ? insista la même personne.

Darovit eut un choc lorsqu'il se rendit compte qu'il connaissait ce timbre ! Il ne savait pas comment cela était possible, mais pour lui, le doute n'était pas permis.

- Rain ! s'écria-t-il en s'élançant pour retrouver la cousine qu'il avait cru perdue à jamais. Rain, tu es vivante !