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On retrouve encore une fois Darovit, qui suit sa petite vie tranquille d'intrigue parallèle ;)
24 – Devenir
Cycle I – Tome 3 : Dessel (#13)
Rattachée au chapitre n°81 : Combat aérien
Darovit avançait d'un pas lent, mais régulier, sur le sol craquelé du champ desséché par le soleil. Sa main gauche serrait un bâton de marche, tandis que le moignon bandé – là où aurait dû se trouver la droite – était pressé contre son ventre. Deux bondissants de Ruusan l'accompagnaient. Leurs corps ronds sautillaient de chaque côté pour rester à sa hauteur, telle une paire de ballons verts et velus. Ils avaient de grands yeux mélancoliques, mais pas de bouche ou de nez visibles. Leurs longues queues plates flottaient derrière eux, comme des rubans dans la brise.
Les bondissants l'avaient trouvé dans la caverne où il gisait depuis des jours, dans un état de prostration proche de la catatonie. Recroquevillé sur lui-même, il avait renoncé à tout espoir. À leur arrivée, il ne voulait que mourir.
Les créatures, télépathes et compatissantes, avaient décrit des cercles au-dessus de lui, en s'adressant directement à son esprit pour lui envoyer des pensées de réconfort et de soutien. Elles avaient apaisé son trouble, et si elles n'avaient pas pu guérir ses blessures, elles avaient réussi à atténué ses souffrances physiques.
Elles l'avaient guidé à travers les tunnels et jusqu'à la lumière du soleil et l'air libre. Ensuite, elles l'avaient mené à un bosquet où il avait trouvé de l'eau fraîche pour étancher sa soif, et des baies douceâtres pour calmer la faim qui le tenaillait. Elles lui avaient même révélé une cache abandonnée contenant du matériel militaire, dont une trousse d'urgence, et il avait alors pu nettoyer et bander son moignon pour éviter l'infection.
Plusieurs jours durant, le jeune homme était resté à l'abri du bosquet, le temps pour lui de recouvrer ses forces et de se remettre quelque peu de sa terrible blessure. Il redoutait trop d'être reconnu par l'un des Sith pour oser partir à la recherche des autres, et d'ailleurs, il avait trop honte de ses actes et de son bras blessé pour leur faire face.
Cependant, sa fureur était plus puissante que sa peur ou sa honte : Rain l'avait amputé d'une main ! Sa propre cousine l'avait trahi et mutilé ! Des pensées de vengeance le consumaient. Dans ses rêves agités, il se voyait en train de la traquer, pour finalement l'anéantir.
Pourtant, à mesure que son corps guérissait, sa rage s'estompa. Parce qu'il voulait désespérément se raccrocher à sa haine, il avait ressassé tous les détails de sa rencontre avec Rain, jusqu'à ce que la vérité lui apparaisse soudain.
En réalité, elle avait essayé de lui sauver la vie !
Aidé par la présence amicale des bondissants, Darovit fut enfin capable de comprendre ce qu'elle avait fait. Le Sith auprès de sa cousine l'aurait abattu sans la moindre hésitation. En le rendant infirme, Rain lui avait évité de périr. C'était là un dernier acte de miséricorde, avant qu'elle ne tombe sous l'emprise de son nouveau Maître du Côté Obscur.
Avec la compréhension, vint l'acceptation. La main de Darovit n'était plus. Rain n'était plus. Ses rêves de rejoindre les rangs des Jedi, ou ceux des Sith, n'étaient plus. Il n'avait plus que les bondissants.
Darovit était reconnaissant de leur gentillesse, mais il ne parvenait pas à comprendre pourquoi ces créatures l'avaient aidé ainsi. Peut-être parce qu'il n'y avait plus personne d'autre. Les Sith avaient été décimés, leurs adeptes avaient fui ce monde ou étaient devenus prisonniers de guerre, ce qui revenait au même. Les Jedi et les soldats de la République servant l'Armée de la Lumière étaient tous repartis. Deux nuits auparavant, il avait aperçu le miroitement des vaisseaux qui passaient dans l'hyperespace au cœur du ciel étoilé. Leur flotte avait quitté sa position en orbite autour de la planète. Même ceux qui vivaient sur Ruusan étaient retournés à leurs fermes et leurs villages, en désertant le site de la grande bataille entre les ténèbres et la lumière. Depuis plusieurs jours déjà, il n'avait pas vu d'autres créatures vivantes, sinon les bondissants à qui il devait de respirer encore.
Il comprenait qu'ils lui avaient offert une seconde chance de vivre. Il pouvait tourner le dos à son passé et recommencer de zéro – mais quel serait son but ? Les bondissants parlaient souvent de l'avenir, comme s'ils possédaient la capacité d'entrevoir ce qui allait se produire. Comme la plupart des oracles, toutefois, ils employaient des formules aux allures d'énigmes vagues ou bien des généralités, et il n'y découvrait aucun indice quant à son propre destin.
Darovit triste, dit l'une des créatures à son esprit, et c'était une constatation plus qu'une question.
- C'est seulement que je ne sais pas ce que je devrais faire, maintenant, répondit-il à haute voix.
Bien que capables de projeter leurs pensées et de sentir par empathie les émotions principales chez autrui, les bondissants ne pouvaient lire les pensées. En fait, il était nécessaire de parler pour converser avec eux.
- Quel genre de destin sera le mien ? poursuivit-il, et il exprimait là l'interrogation qui le taraudait. J'ai échoué à devenir un Jedi. J'ai échoué à devenir un Sith. Que pourrais-je espérer devenir, à présent ?
Homme ?
La réponse l'abasourdit, et il s'immobilisa.
- Un homme ? répéta-t-il.
Pas un Sith, pas un Jedi. Pas un mercenaire, ni un soldat. Rien de plus qu'un homme ordinaire, tout simplement. Il hocha la tête et reprit sa marche dans cette zone désertique. Il avait l'impression qu'un grand poids venait de lui être ôté des épaules.
- Simplement un homme. Pourquoi pas ?
