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Cette fois-ci, même s'il s'agit toujours d'une Chronique tirée du roman, il s'agit plus d'une scène coupée entre nos deux protagonistes principaux que d'une intrigue secondaire.


25 – Leçon de patience

Cycle I – Tome 3 : Dessel (#14)
Rattachée au chapitre n°82 : Dix ans plus tard


- Secret, ruse, patience : telles sont les armes des Sith, lui avait dit son Maître.

Ils avaient alors quitté Onderon huit jours auparavant, après avoir abandonné le Star-Wake et fait l'acquisition d'un autre vaisseau auprès d'un marchand Neimoidien, afin de rallier Ambria. C'était là, sur ce monde reculé, que Bane avait entamé sa formation.

- Agis dans la précipitation, et tu donnes l'avantage à ton ennemi, lui avait-il expliqué. Parfois, la ligne de conduite appropriée la plus difficile à tenir est celle qui consiste à ne pas agir. Il arrive même au plus grand guerrier de céder à l'impatience et de ne pouvoir attendre le moment parfait pour frapper. C'est là une erreur que nous ne pouvons pas nous permettre.

Elle acquiesça. Elle absorbait chacune de ses paroles et les gravait dans sa mémoire, mais les mots n'étaient qu'une partie de son entraînement. Son Maître lui confia également une tâche à accomplir, un test qui prouverait qu'elle avait réellement compris la leçon.

Dans l'une des grottes proches du Lac Natth, à quelques kilomètres de leur campement, vivait une petite colonie de neeks, une espèce d'herbivores reptiliens de petite taille spécifique à cette planète. Hauts d'un mètre à peine, ils se tenaient sur leurs pattes arrières en utilisant leur queue comme soutien et balancier. Leurs membres antérieurs étaient courts, atrophiés, et ne leur servaient qu'à déterrer les racines proches de la surface du sol, ou à transporter de petites noix jusque dans leurs nids. Ils avaient un cou long, et une tête effilée aux mâchoires édentées qui ressemblaient à un bec.

Le jour où Darth Bane et elle avaient débarqué sur Ambria, Zannah en avait aperçu quelques-uns qui trottaient sur les sables brûlants du rivage. Pour débuter la première partie de sa formation, son Maître Sith lui avait ordonné de lui amener l'un de ces neeks, vivant et sans entraves.

La mission se révéla très vite beaucoup plus difficile à remplir qu'elle ne l'avait imaginé. Parce qu'ils servaient communément de repas aux carnivores imposants rôdant autour du Lac Natth, les neeks étaient d'un naturel très méfiant. Ils s'enfuyaient dès qu'ils l'apercevaient, et disparaissaient promptement dans les anfractuosités des rochers et dans les éboulis bordant les grottes où il avaient fait leur nid.

Impossible pour elle de simplement en prendre un au piège, car les instructions de Bane spécifiaient clairement que l'un des neeks devait venir à lui de sa propre volonté. Tout d'abord, Zannah tenta de les attirer vers le campement en laissant derrière elle une piste de nourriture. Les créatures ne touchèrent même pas à cette offrande suspecte.

Elle essaya alors de dominer l'esprit de l'un d'entre eux, comme elle avait vu son Maître le faire avec le drexl – mais jadis, près du Lac Natth, un puissant Jedi avait annihilé le pouvoir du Côté Obscur détenu par ses ennemis. Ce même pouvoir n'avait cessé de sourdre des profondeurs des eaux empoisonnées durant des siècles, ce qui avait entraîné une mutation progressive chez les neeks, et leur immunisation. Les efforts maladroits de Zannah pour les contrôler par la Force échouèrent lamentablement.

Elle en vint à conclure qu'elle devrait en apprivoiser un, en l'accoutumant à sa présence. Aussi, chaque matin, elle prit l'habitude de descendre jusqu'à l'entrée des grottes. Elle s'asseyait là, en tailleur, et pratiquait les exercices de méditation que Bane lui avait enseignés.

Elle restait immobile durant des heures, puis se levait sans mouvement brusque et retournait au campement en fin d'après-midi, pour recommencer le même manège le lendemain. Les trois premiers jours, elle resta totalement seule, mais au quatrième, les neeks commencèrent à se montrer. Ils apparaissaient un instant entre deux rochers, hors de sa portée, pour filer se mettre à l'abri aussitôt. Vers le milieu de la deuxième semaine, ils semblèrent s'habituer peu à peu à sa présence. Ils s'asseyaient à quelques mètres d'elle, et l'observaient. De temps à autre, l'un d'eux poussait un petit cri aigu à son adresse, ou émettait un trille bas.

Dans le courant de la troisième semaine, un spécimen jeune et particulièrement curieux – qui, dressé, n'arrivait pas au genou de la fillette – s'enhardit et s'approcha suffisamment d'elle pour qu'elle puisse tendre lentement la main et le toucher.

De ce jour, elle se mit à lui apporter à manger. Elle plaçait un petit morceau de nourriture dans la paume ouverte de sa main, qu'elle posait à côté d'elle. Le petit neek aventureux s'approchait toujours plus près d'elle, avec des mouvements nerveux, et progressivement, ses craintes cédèrent au parfum envoûtant des noix odorantes dans la main de l'humaine. Elle tentait de l'attirer en émettant des sons doux, et un jour, enfin, il rassembla assez de courage pour se précipiter, saisir une noix, et filer en sécurité derrière les rochers. Elle l'entendit qui pépiait d'excitation.

Elle commença alors à s'installer de plus en plus loin de l'entrée des grottes. Chaque jour, le neek venait la voir, et il ne tarda pas à dépasser les limites habituelles de son territoire pour obtenir son cadeau. Insensiblement, elle l'attira toujours plus près du campement. Un jour enfin, alors qu'elle se relevait pour repartir, le neek la suivit.

Elle prit bien garde de marcher à pas très lents, et sans aucun mouvement brusque, afin de ne pas l'effrayer. Ce fut ainsi qu'elle mena la petite créature jusqu'à son Maître.

Le soir tombait lorsqu'elle arriva au campement, après quatre heures de progression au ralenti depuis le lac. Leur installation comptait sept tentes : en plus de celles où Bane et elle dormaient, il y en avait une pour entreposer les réserves de nourriture, une autre pour les vêtements et l'équipement, d'autres encore pour l'armement et le carburant de leur vaisseau et de leur half-track. Les tentes étaient disposées de manière à former les trois quarts d'un cercle, et tournées vers le feu central.

Bane était assis devant celui-ci, et attendait le retour de son élève. Avec une longue cuillère, il remuait d'un geste paresseux un ragoût peu odorant qui mijotait dans la marmite. Il avait ôté sa chemise dans la chaleur de cette nuit d'été. À la lumière dansante des flammes, Zannah vit que les orbalisks se diffusaient dans tout son corps. Celui situé entre ses épaules s'était prolongé, pour atteindre le biceps et le coude de son bras puissamment musclé, tandis que l'organisme sur sa poitrine s'étendait maintenant sur sa ceinture abdominale, et en partie sur sa gorge. De nombreuses bandes sombres et fines de chair apparemment plus tendre traversaient verticalement chaque coque, et la fillette se rendit compte que les créatures ne se contentaient pas de grossir : elles étaient sur le point de se scinder et de de multiplier.

Réprimant un frisson, elle héla le Seigneur Noir d'une voix douce :

- Maître, j'ai terminé ma première leçon.

Bane porta son attention sur le petit neek qui avait suivi son apprentie dans le campement, preuve visible que la fillette avait accompli la tâche demandée. Zannah tourna la tête et suivit son regard. La petite créature leva les yeux vers elle, et émit un pépiement plein d'espoir. Elle s'inclina pour lui caresser le crâne.

Alors, Darth Bane se servit de la Force pour briser son long cou gracile.

- C'est bien, dit-il alors qu'elle contemplait, horrifiée, le petit corps qui tressautait sur le sol dans les spasmes de l'agonie. À présent, ajoute-le au ragoût.

Zannah fit appel à sa volonté pour réprimer le chagrin qu'elle sentait monter en elle. Lorsque Bane lui avait confié cette mission, il s'était douté qu'elle finirait par s'attacher au petit neek. Si elle s'était montrée plus pondérée, elle aurait pu le prévoir et s'obliger à ne considérer la créature que comme un outil – quelque chose dont on se sert et qu'on peut ensuite jeter –, au lieu de laisser des liens affectifs s'établir avec le neek. La souffrance que déclenchait, à cet instant, la mort du petit animal avait valeur d'avertissement : ne jamais oublier que seul son Maître devait compter pour elle.

Elle ramassa le cadavre, le porta jusqu'à la marmite, et l'y laissa tomber. Puis, elle regarda Bane au fond des yeux.

- Je vois que vous avez décidé de m'enseigner deux leçons aujourd'hui, Maître.

La seule réponse du Sith fut un sourire froid.


Ce que je vois, moi, surtout, mon cher Bane, c'est que tu as vraiment dû avoir une enfance ignoble pour te dire qu'infliger un tel traumatisme à une gamine fait partie d'une quelconque formation. Et je ne sais pas très bien si je dois avoir des feels pour ton enfance abominable, ou bien t'engueuler pour ce que tu viens de faire à Zannah... :o