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Retour aux sources, c'est-à-dire le tome 2, pour cette nouvelle Chronique centrée sur Zannah.
27 – Marionnettiste
Cycle I – Tome 3 : Dessel (#16)
Rattachée au chapitre n°83 : Fabrication d'Holocrons
- Qui est-ce ? questionna l'homme à la porte, en considérant Zannah d'un regard ouvertement soupçonneux.
Son visage glabre et sa tête rasée étaient recouverts de tatouages verts et pourpres, qui rendaient ses traits peu lisibles. Il portait une chemise bleu clair et un pantalon de la même couleur, mais plus sombre. Plus petit que Kel, il était aussi beaucoup plus musclé.
- Elle est avec moi, Paak, déclara le Lethan en écartant l'autre de la main.
Il franchit le seuil, Zannah derrière lui.
La pièce était petite et sombre, sans aucun meuble. De la musique et des rires sonores parvenaient de la taverne qui occupait l'étage supérieur, juste au-dessus de leurs têtes, mais ceux qui s'étaient rassemblés dans la cave parlaient tous par murmures. Quatre autres personnes étaient présentes, et elles s'étaient disposées en un cercle étroit – deux autres jeunes hommes, une femme à peine plus âgée que Zannah, et une femelle Chiss à la peau bleue et aux yeux rouges.
Paak entra derrière les deux arrivants. Il ne semblait pas disposé à en rester là.
- Tu ne peux pas l'amener ici ! insista-t-il.
Kel lui débita la fausse histoire que Zannah lui avait racontée, lors de leur première rencontre :
- Elle travaille à l'ambassade. Elle peut nous aider.
L'autre saisit le Twi'lek par le coude et l'obligea à se retourner pour lui faire face.
- Ce n'est pas à toi de prendre les décisions ! Hetton est notre chef, pas toi !
- C'est moi qu'Hetton a chargé de cette mission, lui rappela Kel d'un ton irrité.
- Seulement parce que tu as proposé d'acheter ces faux laissez-passer pour pénétrer dans l'ambassade ! répliqua Paak. Il t'a confié la mission parce qu'il a besoin de tes crédits !
- Hetton n'a besoin des crédits de personne, lâcha le Lethan avec une pointe de dédain. Il m'a chargé de cette mission parce qu'il en avait assez de devoir se coltiner des lourdauds dans ton genre.
Les lèvres de Paak se retroussèrent sur un rictus menaçant, mais Kel s'était déjà détourné, mettant ainsi un terme à cet échange avec un inférieur. Zannah attendit de voir si l'homme tatoué allait s'en prendre au Twi'lek. Le gardien de la porte eut simplement une grimace de dégoût et repartit occuper son poste de sentinelle.
Kel s'avança vers les autres, qui élargirent leur cercle pour l'accueillir. Zannah remarqua qu'ils la regardaient avec curiosité, et elle préféra rester légèrement en retrait. Elle soutint leur examen, même si elle avait déjà deviné tout ce qu'elle avait besoin de savoir sur eux.
Comme Kelad'den, c'était des révolutionnaires – jeunes, idéalistes et pitoyables. Faciles à duper et à manipuler. Il avait suffi au mystérieux « Hetton » de quelques discours enflammés et d'une rhétorique simpliste pour les embrigader dans le Front de Libération Anti-République – un parmi les centaines de petits mouvements séparatistes qui parsemaient la galaxie.
Pour un tel groupe, toutefois, le FLAR était particulièrement bien financé, et on trouvait dans ses rangs un pourcentage inhabituel d'individus très expérimentés, et donc potentiellement dangereux. Des guerriers d'élite comme Kel, ou des êtres ayant suivi une formation militaire avancée, y étaient la norme, et non l'exception. Pour quelque raison encore obscure, tous avaient juré fidélité à Hetton et à son organisation.
Zannah imaginait qu'ils se prenaient pour des héros, ou même d'éventuels martyrs de leur glorieuse cause, ce qui ne l'empêchait pas de n'éprouver que du mépris pour eux. En dépit de leurs antécédents martiaux, ce n'étaient que de grands enfants se réunissant dans des sous-sols ténébreux pour tramer des plans secrets et préparer des actes terroristes mesquins contre un gouvernement galactique qui ignorait jusqu'à leur existence.
Kel lui-même n'échappait pas à ce jugement. Elle devait cependant admettre qu'il y avait bien quelque chose de spécial chez le Lethan. Lui permettre de tomber amoureux d'elle n'était pas nécessaire à l'accomplissement de sa mission, mais elle avait souhaité – et même désiré – attirer son attention. Cette attraction dépassait le strict domaine physique. Il possédait une énergie sauvage, brûlait d'une arrogance débridée, et la jeune femme se délectait de ce feu intérieur lorsqu'ils étaient ensemble.
Elle se savait attirée par le Twi'lek en partie à cause du contraste qu'il offrait avec la froideur constante de son Maître. Bane avait été son gardien dix années durant. Il l'avait élevée, protégée et formée à la manière des Sith. Néanmoins, elle ne voyait pas en lui un père de substitution. S'il ne s'était pas montré cruel, ni abusif, il n'avait pas non plus très souvent trahi la moindre affection pour elle, rarement un soupçon d'empathie ou de compassion. Il l'estimait non comme une personne, mais comme son héritière.
Elle n'était rien qu'un réceptacle destiné à perpétuer l'héritage Sith après la mort de son Maître.
Enfermé dans une armure d'orbalisks, le Seigneur Noir n'était quasiment plus humain. La colère, la haine, l'amour, le désir – tout cela ne représentait plus pour lui que des moyens destinés uniquement à alimenter son pouvoir. Zannah, de son côté, avait toujours besoin d'éprouver des sentiments. Elle était avide de la passion brute qui accompagne les émotions réelles.
Et c'était ce qu'elle avait trouvé chez Kel. Il lui avait donné la seule chose que son Maître ne pouvait lui offrir – mais jamais elle n'avait envisagé d'abandonner Darth Bane. Elle avait été témoin de sa maîtrise absolue de la Force. Elle avait goûté le pouvoir du Côté Obscur en lui. Il était le Seigneur Noir des Sith, et le jour viendrait où Zannah prendrait sa place. Rien – aucune notion fantasque, aucune tentation de plénitude affective, pas même l'amour – ne pourrait l'empêcher de réclamer ce qui était de droit l'accomplissement de sa destinée.
À l'aune de telles visées, Kel et les autres séparatistes rassemblés dans cette pièce n'étaient que des êtres anodins, qui menaient des vies d'une banalité affligeante. Leur seule utilité résidait dans le potentiel que Bane voulait utiliser chez eux, et il était du devoir de Zannah de s'assurer que ce qu'ils complotaient cadrerait avec le dessein de son Maître.
Au cours d'un dîner en tête à tête, Kel s'était laissé aller à lui dévoiler leur projet : l'enlèvement de quelques officiels locaux de rang inférieur, qu'ils ne libéreraient ensuite que contre rançon. Ils croyaient sincèrement que l'intérêt généré dans les médias par leur haut fait serait le catalyseur qui unirait les peuples de la Bordure Extérieure, et les pousserait à se soulever afin de renverser le Sénat.
Leur naïveté était pathétique. Zannah avait choisi ces imbéciles pour être des pions dans sa propre mission. C'étaient des instruments à utiliser, puis à jeter une fois leur rôle terminé... et leur rôle était de mourir, afin qu'elle puisse exécuter les directives de son Maître.
- Mes chers amis patriotes, commença Kel en élevant la voix comme un orateur professionnel lors d'un discours public, nous sommes unis par une seule et même cause : la destruction totale de la République. Mais qu'avons-nous fait, jusqu'à maintenant, pour atteindre ce but ? Nous parlons de révolution, mais nous avons peur de faire ce qui est nécessaire pour la voir arriver. Tout cela va changer bientôt. Dans trois jours, nous obligerons la République à nous écouter !
- Trois jours ? protesta Cyndra, la Chiss. Qu'est-ce que tu racontes, là ?
- Hetton veut que nous frappions pendant les Commémorations de l'Armistice, fit Paak. Nous attirerions plus l'attention si nous agissions lors de l'anniversaire de la Réforme de Ruusan.
- Pourquoi attendre des mois, alors que l'occasion parfaite se présente à nous ? fit Kel en répétant les arguments dont Zannah s'était servie pour le convaincre. Personne ne se souciera du sort d'un simple ambassadeur. Nous devons donc définir une cible qui forcera la galaxie entière à nous remarquer !
- Qui donc ? demanda l'un des jeunes hommes.
- Le Chancelier Valorum.
- Le mandat du Chancelier Valorum est arrivé à expiration il y a deux ans ! cracha Paak depuis la porte.
- Mais il sert toujours le Sénat en qualité d'émissaire diplomatique, et c'est sa prétendue Politique d'Unification qui a ramené tant de mondes dans la sphère d'influence de la République. Il est responsable de tout ce contre quoi nous luttons, il est le symbole de tout ce que nous souhaitons détruire. C'est donc la cible rêvée.
- Et comment l'approcherons-nous ? fit Cyndra.
- Il a prévu une réunion secrète avec les chefs des familles nobles les plus puissantes de Serenno. Nous pensons qu'il va tenter de les convaincre de prendre des mesures pour anéantir les mouvements séparatistes sur cette planète, des mouvements comme le nôtre.
- Comment as-tu découvert cette information ? voulut encore savoir la jeune femme.
D'un mouvement de tête, Kel désigna Zannah. Celle-ci s'avança et prit enfin la parole :
- Je m'appelle Rainah. Je suis assistante administrative à l'ambassade de la République.
C'était le mensonge qu'elle avait utilisé pour attirer l'attention de Kel, et aussi une couverture adaptée pour expliquer les renseignements glanés auprès de l'un des mystérieux contacts de Bane...
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- Tout est en place, Seigneur Eddels, croassa le Muun en tendant un datapad à son Maître. Tout ce dont vous avez besoin se trouve ici.
Zannah n'avait encore jamais vu un Muun, et elle jugeait l'apparition de celui-ci très perturbante. Il était assez grand pour regarder Bane droit dans les yeux, mais sa tête, son corps et ses membres étaient allongés et très fins, comme s'il avait été horriblement étiré jusqu'à atteindre sa taille actuelle. Sa peau était pâle, d'un blanc maladif, avec des reflets rosâtres. Ses traits étaient plats, ses yeux enfoncés et ses joues creusées, les commissures de ses lèvres abaissées comme dans une expression de constante désapprobation, et il ne semblait pas posséder de nez. Son crane était chauve, et il portait une tenue marron assez lugubre. Sous les soleils jumeaux de Tatooine, le Muun paraissait extrêmement mal à l'aise, mais aussi trop professionnel pour exprimer son inconfort.
Plus tôt, Bane avait expliqué que cette rencontre dans l'immensité sableuse de la Mer de Dunes constituait le point culminant d'un plan mis en branle près d'un an auparavant, peu après qu'ils se furent posés sur Ambria. Un plan dont elle avait été le catalyseur, sans le vouloir. Griffonnée au dos du manuscrit qu'elle avait découvert et remis à son Maître, au camp Sith sur Ruusan, figurait une longue liste incompréhensible de nombres – en réalité, des comptes anonymes avec le Clan Bancaire InterGalactique.
Le Seigneur Qordis, lui avait expliqué Bane, avait rempli l'office de collecteur de trésors rares et très coûteux. Au fil des ans, il avait ainsi détourné une fortune incroyable sur les comptes de la Confrérie de Kaan, sommes qu'il avait mises en sûreté, et dans lesquelles il puisait lorsqu'il faisait l'acquisition d'un autre trésor pour satisfaire sa monomanie. La Confrérie disparue, Bane était désormais le seul encore au courant de ces agissements, et il aurait été en droit d'exiger la restitution intégrale de tous ces fonds - mais la richesse matérielle n'avait aucun attrait pour le Maître de Zannah, au-delà de ce qu'elle permettait d'accomplir.
- Le renseignement est une marchandise. Il peut être échangé, vendu ou acheté. En fin de compte, la seule valeur des crédits réside dans celle des secrets qu'ils permettent d'acquérir.
Durant l'année écoulée, Bane s'était mis à dépenser ces crédits. Des agents administratifs, occupant des postes clés, avaient été soudoyés pour lui donner accès à des dossiers confidentiels, des espions gouvernementaux et des criminels notoires engagés pour devenir ses agents. Grâce à cette fortune, il mettait sur pied un réseau d'informateurs qui seraient ses yeux et ses oreilles sur cent mondes différents.
Mais Bane n'avait jamais aucun contact direct avec ces gens. De par sa qualité de dernier des Sith, il était vital pour lui de conserver le masque de l'anonymat. Tout ce qu'il avait fait, l'avait été par l'entremise d'un courtier : le Muun qui se tenait maintenant devant eux.
- Vous avez suivi mes instructions à la lettre ? lui demanda-t-il.
- À la virgule près, Seigneur Eddels. Tous les paiements seront effectués au travers de comptes sans relation avec le reste, de sorte qu'il sera totalement impossible de remonter à leur source véritable. En retour, vous recevrez des envois réguliers, ainsi qu'un flot constant d'informations, légales et illégales. Toute instruction que vous souhaiteriez communiquer à vos agents, le sera par l'intermédiaire d'un système de messagerie sécurisée, parfaitement intraçable.
- Et personne d'autre n'est au courant de mon implication dans tout cela ?
- Vous connaissez ma réputation, lui rappela le Muun. Je m'enorgueillis de pratiquer une discrétion totale dans ces matières. C'est d'ailleurs pourquoi les gens s'adressent à moi, Seigneur Eddels.
- Alors, nos relations d'affaires prennent fin ici.
Après un bref regard à Zannah, le Muun tourna les talons et s'éloigna à pas lents en direction de son vaisseau. L'apprentie l'observait, et attendait avec un peu d'impatience de découvrir quelle mort serait la sienne. L'idée que son Maître puisse laisser le Muun repartir vivant ne l'avait pas effleurée une seule seconde. Lui seul connaissait l'identité de l'individu responsable de la création d'un réseau d'espions et d'informateurs, qui couvrait toute la galaxie. Lui seul avait vu le visage de Bane.
Le Muun atteignit son appareil sans incident et grimpa à bord. Les propulseurs s'allumèrent, et le vaisseau commença à s'élever du sol. Lorsqu'il disparut à l'horizon, Zannah tourna un visage incrédule vers son Maître.
- Vous l'avez laissé vivre ?
- Il a toujours une certaine valeur pour moi, répondit Bane.
- Mais il vous a vu ! Il sait qui vous êtes !
- Il ne sait de moi que ce qu'il a besoin de savoir : un homme riche, qui s'est présenté sous le nom de Seigneur Eddels, l'a engagé pour mettre en place un réseau anonyme d'informateurs. Il ignore qui je suis réellement, et quels peuvent être mes buts véritables, tout comme il ignore comment et en quel endroit me trouver, tant que je ne lui indique pas un lieu pour une prochaine rencontre.
Zannah se remémora alors une anecdote que son Maître lui avait racontée, au sujet d'un guérisseur sur Ambria, un certain Caleb. Bane était alors agonisant, et il était venu voir cet individu, dont il avait exigé l'aide. Caleb avait senti le pouvoir du Côté Obscur dans cet inconnu, et il avait refusé. Bane avait fini par l'obliger à coopérer en menaçant la vie de sa fille. Une fois le Seigneur Sith remis d'aplomb, celui-ci n'avait rien fait au guérisseur, lequel avait pourtant osé le défier. L'homme détenait certains pouvoirs, et le Maître Sith avait estimé qu'il avait plus de valeur vivant que mort.
- Aucun intérêt à le tuer..., murmura Zannah.
Elle se mordilla la lèvre inférieure, perdue dans ses pensées...
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- Rainah peut nous communiquer tous les détails de l'agenda du Chancelier, dates et lieux, expliqua Kel au reste du petit groupe. Lorsque sa navette se posera, nous serons là.
- Il aura des gardes, objecta Paak.
- Seulement son service de protection rapprochée, répliqua Zannah. Aucun dispositif sérieux qui risquerait d'attirer l'attention, ce qu'il ne voudra pas.
- Il tient à garder secrète son arrivée ici, renchérit Kel. Le Sénat refuse de seulement reconnaître l'existence des mouvements séparatistes. Sa mission se fera donc sous couvert d'une visite d'ordre personnel.
- Trois jours, c'est trop court, intervint Cyndra. Il nous faut plus de temps pour nous préparer.
- Tout ce dont nous avons besoin est ici, contra Kel. Nous disposons des armes nécessaires, et nous en connaissons tous le maniement. Nous savons quand et où le Chancelier va débarquer. Que nous faut-il d'autre ?
- Un ordre émanant d'Hetton, fit Paak.
Kel tourna un regard furieux vers lui.
- En avons-nous vraiment besoin ? Sommes-nous des enfants, incapables d'agir de notre propre chef ?
- Le chef, c'est lui, grommela Paak d'un air sombre. Et c'est lui qui nous dit ce que nous devons faire.
- Tout comme le Sénat de la République ! railla Zannah. Ce n'est pas précisément ce contre quoi nous luttons ? L'obéissance aveugle à un maître, quel qu'il soit, est toujours une forme d'esclavage.
Elle prononça ces paroles avec une conviction extraordinaire, elle-même qui ne les croyait pas. Dans le même temps, elle se servit de la Force pour atteindre chaque esprit présent dans la pièce. Il était possible d'utiliser le Côté Obscur pour dominer la volonté d'autrui, mais dans la situation présente, cela ne présentait pour elle aucun intérêt. Les effets de l'emprise mentale se dissiperaient après quelques heures, et lors de l'arrivée du Chancelier Valorum, son influence directe sur Kel et ses amis auraient complètement disparu.
Zannah préférait donc une approche plus subtile et détournée. Au lieu de recourir à la Force pour les modeler selon sa volonté, elle influença en douceur leurs pensées collectives, afin de les orienter vers une attitude plus émotionnelle et plus agressive. En lui-même, le processus était sans effet, mais en le combinant avec des propos persuasifs afin de les exciter, le résultat se révélait plus probant – et permanent – que la force brute et le simple contrôle mental.
Néanmoins, ces mots ne pouvaient pas seulement venir d'elle, qui était une étrangère dont ils se méfiaient. D'instinct, ils rejetteraient ses arguments et, dans cet état d'hyper-agressivité qu'elle induisait chez eux, ils ne tarderaient pas à se retourner contre elle. Il fallait qu'ils soient convaincus par quelqu'un qu'ils connaissaient bien – quelqu'un comme Kel.
- Vous prétendez vouloir l'indépendance, leur dit le Twi'lek, et vous affirmez être prêts à vous battre pour votre liberté, mais quand je vous offre cette chance, vous cherchez à vous éclipsez comme un chien de Kath banni de sa meute.
- Nous devrions attendre les Commémorations de l'Armistice, insista Cyndra. Il faut nous en tenir au plan d'origine.
- Un plan n'existe pas tant qu'on ne l'applique pas, répondit Kel. Nous parlons de ce que nous ferons à l'avenir, mais lorsque les Commémorations arriveront, quelle autre excuse trouverons-nous pour reculer encore ? Les réunions secrètes n'imposeront pas le changement dans la galaxie. Les plans seuls ne feront pas trembler le Sénat, pas plus qu'ils ne mettront la République à genoux. Nous devons passer à l'action, et le moment est venu !
Zannah reconnut dans ses propos ce qu'elle avait dit à Kel. Elle avait distillé son influence pendant des semaines de conversations intimes, avait planté dans son esprit les graines de ces idées, qu'elle avait regardé pousser. Aujourd'hui, il les exposait avec conviction et éloquence, comme s'il les croyait réellement siennes.
Bane serait satisfait. Là résidait le pouvoir véritable : la manipulation de l'autre pour qu'il accomplisse vos desseins, tout en restant convaincu qu'il décidait seul de ses actes. Kel était sa marionnette, mais l'orgueil et l'ego du Lethan l'aveuglaient tant qu'il n'apercevait pas les fils au bout desquels elle le faisait danser.
- Nous sommes tout proches d'un événement considérable, continua-t-il. Dans trois jours, nous porterons un coup terrible aux tyrans de la République, et ce sera la première étape de notre longue marche vers l'indépendance et la vraie liberté !
Des exclamations spontanées d'approbations s'élevèrent dans la pièce, et Zannah sut que Kel les avait ralliés à son avis. Seuls Paak et Cyndra montraient toujours une certaine réticence, mais lorsque le reste du groupe se mit à travailler sur les détails du plan visant à la capture de Valorum, même eux oublièrent leurs hésitations.
La réunion se prolongea jusque tard dans la nuit et, lorsqu'enfin elle prit fin, Kel et Zannah regagnèrent le petit appartement qu'elle louait dans le cadre de sa couverture.
- Tu as été magnifique, ce soir, lui dit-elle dans un souffle.
- C'est la dernière fois que nous nous voyons avant que tout cela ne soit terminé, lui répondit-il avec gravité. Les autres comptent sur moi. Je ne dois pas me laisser distraire de ma tâche.
En réponse, elle lui saisit le poignet et l'attira contre elle pour l'embrasser.
Il la quitta à l'aube. Zannah échangea avec lui un baiser, puis se rendormit. Plus tard, elle roula hors du lit, et entreprit de rassembler ses affaires. Sa mission ici était terminée, et elle savait qu'elle ne reverrait jamais Kel vivant. Il était temps pour elle de retourner sur Ambria.
