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Bane s'apprête à avoir une drôle de surprise... mais ça risque fort de ne pas le faire rire du tout...


37 – Les dessous d'un guet-apens

Cycle I – Tome 3 : Dessel (#26)
Rattachée au chapitre n°121 : Retour à la réalité


- Nous devrions avoir des piques de force pour ce genre de boulot, grommela le capitaine Jedder. Elles ont deux fois plus de jus que ces maudits fusils incapacitants.

- Les piques de force peuvent tuer, si on ne fait pas attention, lui rappela la Chasseuse, bien qu'elle ne prêtât qu'une oreille distraite à la conversation. La princesse veut qu'il soit capturé vivant. Et puis, vous n'arriveriez jamais assez près pour vous servir des piques.

Ils se trouvaient dans la demeure de Sepp Omek, dont la tueuse doutait que ce soit le vrai nom, mais ce détail avait peu d'importance. Elle n'avait pas eu besoin de son identité pour remonter sa piste jusqu'à la propriété de Ciutric IV. Le Seigneur Sith avait bien couvert ses traces en dissimulant sa véritable identité par une multitude d'intermédiaires et d'agents, ce qui rendait quasiment impossible tout lien entre lui et les événements survenus sur Ambria. Mais pour méticuleuses qu'elles soient, toutes ces précautions ne pouvaient le protéger des pouvoirs uniques de l'Iktotchi. Guidée par un instinct infaillible et les images qu'elle glanait dans ses rêves, la Chasseuse avait localisé sa cible, comme toujours.

- Combien de temps encore avant qu'il n'arrive ? voulut savoir le capitaine Jedder.

- Bientôt, répondit-elle. Dites à votre équipe de se mettre en position.

Ses visions lui avaient montré que la demeure serait déserte à leur arrivée, mais aussi que son propriétaire y reviendrait plus tard cette même nuit.

- Vous pouvez être plus précise ? demanda Jedder. Vingt minutes ? Une heure ? Deux ?

- Ça ne fonctionne pas comme ça, répondit-elle d'un ton absent, tandis qu'elle repérait les endroits où poster les hommes pour l'embuscade.

Elle avait déjà exploré la demeure en détail et mémorisé la disposition de chaque pièce à mesure qu'elle y passait pour désamorcer les systèmes d'alarme, de même qu'elle avait neutralisé les dispositifs anti-intrusion placés au-dehors. Elle avait même réussi à pirater le panneau de sécurité défendant le petit bâtiment situé à l'arrière de la propriété. Tout d'abord, elle avait cru qu'il s'agissait d'une armurerie, mais une fois la porte déverrouillée, elle avait constaté que c'était une bibliothèque. Les étagères croulaient sous le poids d'ouvrages anciens à reliure de cuir et autres rouleaux de parchemin jauni.

Il y avait une chose en cet endroit qui lui donna à réfléchir. Posée sur un piédestal, au fond de la bibliothèque, elle remarqua une petite pyramide à quatre faces. La Chasseuse n'avait aucun besoin de dépouiller ses victimes – d'ailleurs, elle avait ignoré toutes les œuvres d'art hors de prix qu'on trouvait partout dans la demeure –, mais dans cette pièce se trouvait un objet étrangement attirant. Incertaine de ce dont il pouvait s'agir, elle s'était sentie comme aimantée par la pyramide, qu'elle avait glissée dans l'une de ses poches, avant de continuer sa reconnaissance des lieux.

Lorsqu'elle eut achevé son inspection, elle fit signe à Jedder et aux autres qu'ils pouvaient entrer et entamer les préparatifs.

- Quelque chose ne va pas ? s'enquit le capitaine.

- Non, répondit-elle en s'en voulant de se laisser distraire. Je cherchais simplement où placer vos hommes.

Cette mission ne ressemblait à aucune de celles qu'elle avait acceptées auparavant. Ce n'était pas seulement les mercenaires avec lesquels elle travaillait, ou le fait qu'elle était censée garder sa cible vivante. Depuis qu'elle s'était rendue au petit campement, sur Ambria, le grand homme chauve et la jeune femme blonde hantaient ses nuits. Une partie de ce qu'elle avait vu en rêve l'avait aidée à venir ici, sur Ciutric IV, mais il y avait d'autres images, des visions déroutantes, troublantes, qu'elle ne parvenait pas à décrypter.

Elle avait été témoin de dizaines de combats entre ces deux-là. Elle avait vu l'homme tuer la femme, mais aussi la femme tuer l'homme. Elle comprenait que c'étaient là des visions du futur, et que chacune représentait une réalité possible. En temps normal, néanmoins, lorsqu'elle avait un aperçu de l'avenir, elle percevait un sens, et les visions l'aidaient à définir ses actes. Ici, ce collage erratique d'images avait pour seul résultat de la déconcerter, aussi avait-elle fait de son mieux pour les ignorer afin de se concentrer sur sa mission.

La princesse lui avait proposé vingt mercenaires aguerris pour ce travail, et elle avait tenu parole : douze hommes et huit femmes avec une solide expérience militaire avaient accompagné la Chasseuse sur cette planète. Serra lui avait également adjoint l'aide du capitaine Jedder, un membre chevronné de la Garde Royale de Doan. Les maisons nobles de ce monde avaient coutume de s'offrir les services de soldats de fortune pour les expéditions particulièrement dangereuses, et Jedder avait constitué son groupe avec des individus qu'il connaissait d'expériences passées.

Sur un plan purement technique, les mercenaires obéissaient à Jedder, mais lui-même exécutait les ordres de la Chasseuse, ce qui convenait très bien à l'Iktotchi. Les mercenaires étaient connus pour filer si les choses tournaient mal, mais ceux-là ayant déjà travaillé avec le capitaine, il était plus probable qu'ils suivraient le plan établi jusqu'à la fin.

L'entrée de la demeure, spacieuse, donnait dans un salon très vaste, meublé de deux grands canapés et une belle table basse en verre. Sur le côté, un escalier courbe menait à un balcon surplombant la pièce.

- Nous devrions essayer de le capturer ici, à son arrivée, dit-elle. Il sentira tout de suite que quelque chose ne va pas, il faudra donc passer à l'action sans attendre.

- Placez deux détonateurs soniques de chaque côté de la porte d'entrée, dit Jedder dans sa radio.

Aussitôt, des soldats coururent exécuter son ordre.

- J'ai combattu les Sith, vous savez, fit le capitaine tandis que la Chasseuse pivotait lentement sur elle-même pour observer le reste de la pièce. Il y a vingt ans, pendant la guerre. J'étais encore un gamin à l'époque.

- C'est probablement pourquoi la princesse vous a envoyé, répondit l'Iktotchi d'un ton neutre.

- Je suis surpris qu'elle n'ait pas envoyé Lucia aussi, remarqua Jedder. Elle a combattu pour les Sith pendant la guerre. Elle en sait sûrement plus sur leurs tactiques que n'importe qui.

Elle se soucie de cette Lucia, songea la tueuse. Elle sait combien cette mission est dangereuse. Elle veut bien nous sacrifier, mais pas son amie.

- Positionnez deux éléments avec des fusils incapacitants sur ce balcon, en haut de l'escalier. De là-haut, ils devraient avoir une vue dégagée sur l'entrée.

- Je regrette que nous n'ayons pas des fusils à carbonite, se lamenta Jedder. Pour le geler sur place.

La Chasseuse avait déjà envisagé cette option, et l'avait rejetée.

- Même problème qu'avec les piques de force. Il faut s'approcher très près pour que cette arme soit efficace, et la carbonite ne l'immobiliserait que quelques minutes. Que ferions-nous lorsqu'il décongèlerait ?

- Les lances-filets ne sont pas mieux, répliqua-t-il. Un sabre-laser taillera dans le maillage comme dans du papier.

- Ils ne sont pas supposés l'immobiliser, expliqua l'Iktotchi, mais seulement le ralentir assez longtemps pour que je lui administre le senflax.

Pour illustrer son propos, elle exhiba une longue lame effilée qu'elle avait enduite de la neurotoxine. Selon la princesse, toute coupure suffisante pour que le sang coule ferait pénétrer le poison dans son organisme.

- Après lui avoir administré la toxine, nous devrons le garder sous pression, rappela-t-elle au capitaine. Si nous lui laissons la moindre chance de respirer, il risque de déceler la drogue dans son corps, et il pourrait la contrer en utilisant la Force.

- Combien de temps pour que la substance agisse ?

- Trente, peut-être quarante secondes.

En admettant que Serra sache de quoi elle parle.

- C'est long, pour un groupe de soldats confrontés à un Sith.

Il n'y avait rien qu'elle pût dire pour le rassurer, aussi ne prit-elle pas la peine de répondre.

- Tous les membres de votre unité doivent avoir présent à l'esprit que c'est une attaque en deux temps, lui dit-elle. D'abord, le distraire assez longtemps pour me donner une ouverture. Et dès que je l'aurai touché, l'assaillir de tous les côtés et avec tout ce que nous avons.

- Vous pouvez réellement voir dans le futur ? demanda Jedder après avoir relayé la consigne aux mercenaires.

- Parfois. Le futur est toujours mouvant. Ce n'est jamais clair.

- Allons-nous en sortir vivants ?

- Certains d'entre nous, peut-être.

Elle ne mentionna pas la vision qu'elle avait eu du corps disloqué du capitaine, gisant sur le sol en marbre de cette demeure.