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Les événements s'accélèrent...


41 – Des destins à portée de main

Cycle I – Tome 3 : Dessel (#30)
Rattachée au chapitre n°128 : Une force de la nature


Dès qu'elle fut hors de vue des gardes qui surveillaient Dess, Lucia se mit à courir. Elle savait qu'elle disposait de peu de temps avant qu'il ne s'échappe, et il fallait qu'elle trouve la princesse au plus vite. Mais deviner où Serra était allée n'était pas chose facile.

Des dizaines de passages partaient des deux côtés du couloir principal, menant à d'autres groupes de cellules de cette aile ou à des zones complètement différentes du complexe carcéral. Par chance, seule une petite partie de la Prison de Pierre avait été remise en service. La plupart des couloirs devant lesquels Lucia passa étaient plongés dans l'obscurité, et déserts. La garde du corps ne pensait pas que la princesse se serait aventurée dans l'un de ceux-là.

Malgré tout, l'éventail des possibilités restait très étendu. Elle avait commencé par le bureau administratif de l'aile de haute sécurité, qu'elle avait trouvé vide. Ensuite, elle était revenue en arrière et avait parcouru rapidement tous les passages éclairés, en appelant Serra de temps à autres d'une voix qu'elle espérait calme et normale.

Il fallait qu'elle la retrouve, mais elle ne voulait pas non plus éveiller ses soupçons. Lucia n'avait pas l'intention de lui révéler ce qu'elle venait de faire. Elle avait aidé Dess parce qu'elle estimait que c'était juste de le faire, mais elle doutait fort que Serra puisse comprendre.

Son espoir était d'avoir rejoint la princesse lorsque l'alarme retentirait. En sa qualité de garde du corps et d'amie, il serait parfaitement logique qu'elle veuille mettre Serra en sécurité dans ces conditions, et sa maîtresse ne découvrirait jamais la vérité concernant l'évasion de Dess.

Hélas, la première partie de son plan échoua lorsque la sirène se mit à hurler, quelques minutes plus tard.

Elle jura, mais se dit que rien n'était encore perdu : si elle trouvait Serra assez rapidement, elle pourrait la convaincre de quitter les lieux sans avoir à dévoiler sa trahison. Mais désormais, elle se savait en compétition avec Dess, qui lui aussi devait déjà s'être lancé à la recherche de la princesse.

Où peut-elle être ?

Le vacarme de la sirène n'aidait pas à réfléchir. Lucia s'arrêta et prit le temps de rassembler ses esprits.

Du couloir à sa droite lui parvint un cri : sa maîtresse qui s'exclamait « Non ! » assez fort pour supplanter la cacophonie ambiante.

Elle devait être tout près... Lucia fonça dans la direction de la voix. Elle arriva à une autre intersection. Elle avait le choix entre aller à gauche, à droite, ou suivre le même axe. Elle tendit l'oreille, mais n'entendit aucun autre cri.

En repensant aux plans qu'elle avait mémorisés lors de son arrivée dans la Garde Royale, elle se souvint que le passage de gauche se perdait dans les profondeurs du complexe, vers une zone qui était toujours fermée. Ce qui ne laissait que deux options.

Elle continua tout droit. Elle savait que ce couloir était rectiligne sur une vingtaine de mètres encore, avant de tourner en angle droit pour aboutir à un vieux dortoir pour gardiens. L'ensemble appartenait au même circuit de distribution énergétique que l'aile de haute sécurité, et il serait donc éclairé. Mais ce dortoir n'était pas utilisé, les mercenaires ayant été logés dans l'autre partie de ce secteur.

Lucia imaginait que la princesse avait pu se rendre là pour s'isoler, le temps de maîtriser ses émotions. Elle se trompait. Le dortoir était désert, et il lui fallut rebrousser chemin jusqu'à l'intersection et prendre le dernier embranchement, ce qui lui fit perdre un temps précieux.

Elle s'élança dans le couloir au pas de course, et tourna à l'angle sans presque ralentir. Elle manqua de percuter la Chasseuse, qui s'écarta vivement pour éviter la collision. Surprise, Lucia perdit l'équilibre et finit par tomber. Son genou heurta durement le sol et glissa sur la pierre rugueuse, déchirant son pantalon et arrachant un lambeau de peau.

- Avez-vous vu la princesse ? demanda-t-elle en se relevant aussitôt, sans se soucier du sang qui coulait déjà de sa blessure.

- Elle sait ce que vous avez fait, répondit l'assassin. Elle sait que vous l'avez trahie.

L'accusation était tellement inattendue que Lucia fut prise au dépourvu. Elle n'essaya même pas de nier.

- Comment ?

- Je lui ai dit.

Lucia était abasourdie. Elle ne comprenait pas comment son secret avait pu être percé. Puis, elle se rappela les rumeurs selon lesquelles les Iktotchis étaient capables de voir dans le futur et de lire dans les pensées. Elle allait demander à la Chasseuse pourquoi elle l'avait laissée faire pour ensuite la trahir auprès de la princesse, mais elle se souvint à qui elle avait affaire.

Elle l'a fait pour blesser Serra. C'est tout autant un monstre que n'importe quel Sith.

Un moment, elle songea à dégainer son blaster. Elle avait soudain une furieuse envie d'abattre la Chasseuse. Elle rendrait service à la galaxie. Mais, en dépit de sa fureur, elle savait n'avoir aucune chance face à l'Iktotchi. Cela aurait pour seul résultat sa propre mort, ce qui n'aiderait en rien la princesse.

Tu peux encore trouver Serra. Même si elle est au courant de ce que tu as fait, tu réussiras peut-être à la convaincre avant que Dess la rejoigne. Tu peux encore la sauver.

- Par où est-elle partie ? demanda-t-elle, sans être certaine que l'Iktotchi daignerait seulement la renseigner.

- Par là, répondit pourtant la Chasseuse en désignant la direction d'un mouvement de sa tête cornue.

Lucia revit les plans du complexe carcéral, et elle sut à quel endroit Serra voulait se rendre. La princesse était toujours déterminée à tuer Dess. Elle allait droit vers la salle de contrôle pour activer le système d'autodestruction de la Prison de Pierre.

Sans perdre une seconde de plus, Lucia s'élança dans le couloir indiqué par la tueuse.

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~oOo~

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La Chasseuse observa la garde du corps de la princesse qui s'éloignait. Elle savait ce qui suivrait. Dans ses visions, les murs de la prison s'étaient effondrés après une série d'explosions.

Un instant, elle avait cru que l'autre femme allait tenter de la tuer. Elle était presque déçue que Lucia n'ait pas essayé de le faire. Pourtant, elle savait la fin de cette femme inévitable – elle l'avait vue.

Elle fit demi-tour et, d'un pas décidé, s'en alla dans l'autre direction, vers le hangar jouxtant une aire de débarquement. C'était une vaste caverne, où les mercenaires avaient rangé leurs navettes. Maintenant qu'elle savait le mécanisme de destruction de la prison sur le point d'être activé, elle n'avait aucune raison de s'attarder ici. Pourtant, en arrivant au hangar, elle hésita.

L'évasion du prisonnier ne l'avait pas étonnée. Il n'était pas destiné à mourir enchaîné comme un animal. Elle l'avait vu à trop de reprises dans ses rêves, combattant la femme blonde. Cette scène l'avait obsédée, et elle pensait enfin savoir pourquoi.

Son existence était devenue creuse, figée. Elle passait d'un contrat à un autre, mais elle n'avait aucun but personnel. Malgré son aptitude à voir dans le futur, elle n'avait jamais cherché à façonner le sien. Depuis toujours, elle avait l'impression qu'une grande destinée l'attendait, mais elle ne faisait rien pour l'atteindre.

De sa poche, elle sortit la poignée du sabre-laser et la pyramide qu'elle avait prise sur Ciutric. C'étaient là des instruments de pouvoir. Elle sentait leur importance. Ils avaient une signification, un sens – un rôle à jouer.

Les Jedi affirmaient que le Côté Lumineux avait triomphé du Côté Obscur, et que les Sith s'étaient éteints. C'était là un mensonge. Les Sith vivaient toujours. Elle avait goûté à leur pouvoir, et elle l'avait trouvé enivrant.

Elle rempocha l'arme et la pyramide, puis alla jusqu'au garde-fou bordant le large balcon en surplomb de l'aire d'atterrissage. De ce point élevé, elle voyait les quatre vaisseaux en contrebas, et elle apercevait le ciel nocturne de Doan par la grande entrée de la caverne en face d'elle.

Deux des appareils étaient les navettes des mercenaires que la princesse avait engagés. Le troisième appartenait à Serra. Il était plus récent que les autres, et portait sur chaque flanc le symbole jaune et bleu de la Maison Royale de Doan. Enfin, il y avait le sien, le Stalker. Plus petit que les trois autres, sa coque d'un noir luisant et sa décoration rouge sang le distinguaient nettement.

Après un moment, elle descendit lentement l'escalier, mais lorsqu'elle atteignit le niveau inférieur, elle n'embarqua pas dans son appareil. Elle marcha au hasard entre les engins, dont elle caressa la carlingue d'une main absente.

Elle se sentait comme obligée d'attendre encore un peu. Quelque chose d'important allait arriver, quelque chose de plus crucial encore que l'implosion spectaculaire de la Prison de Pierre. Elle sentait l'événement approcher dans les courants de la Force. Elle ne parvenait pas à le définir, car parfois le futur se dérobait comme une anguille vous glisse des mains, mais elle sentait qu'il avait un rapport avec ses visions, et elle comptait patienter le temps qu'il faudrait pour en avoir le cœur net. Son destin en dépendait.