[RàR]

Khalima : Merci beaucoup pour ton retour. Normalement, à part le nom des textes, cela devrait rester un peu près identique à l'original. Encore merci pour ton retour qui me fait bien plaisir.


Chapitre 2

Deuxième semaine de septembre


Il y avait quelque chose de gênant dans la vie qui reprenait son cours à Poudlard comme si la vie ordinaire était si fragile que le moindre grain de sable pouvait faire remonter l'horreur. On riait, on chantait, on se taquinait ; mais avec une certaine prudence et pudeur, de peur de dire la chose de travers qui nous obligerait à repenser à des choses impensables. Le silence était toujours de mise et par moment, cela ressemblait presque à du déni. Et puis venaient des semaines où la Gazette des Sorciers inondait ses pages d'enquêtes sur ces mangemorts qui auraient réussi à fuir l'Angleterre - que les Aurors tentaient de traquer, et la soudaine recrudescence d'élèves perdus dans des mètres de parchemins à la bibliothèque prenait tout son sens.

Je soupirai et me reconcentrai sur mon devoir d'Histoire de la magie. Binns n'y allait pas de main morte cette année. Le chapitre sur les révoltes des Gobelins était intéressant, mais commencer l'année par autant de parchemins à rédiger était épuisant. Potions, Histoire de la Magie, Botanique, Runes… à croire qu'ils s'étaient tous donné le mot pour nous tenir occupés en ce début d'année.

La bibliothèque autour de moi perdait peu à peu ses travailleurs qui lui préféraient la Grande Salle et son buffet à cette heure-ci. Alice était repartie dans la Salle Commune chercher « quelque chose » qu'elle avait oublié et Emily avait terminé depuis longtemps de rédiger son essai de botanique. Je me retrouvai seule avec mon parchemin ; il ne me manquait pas grand-chose, quelques lignes à réécrire dans la deuxième partie et la conclusion, mais aucun de ces mots ne semblaient réellement vouloir s'imprégner sur le papier. Et Parker était tellement concentrée, face à moi. Il était difficile de ne pas se demander ce qu'elle faisait, au moins 3 livres étaient éparpillés grands ouverts devant elle et elle semblait alterner entre deux parchemins différents pour sa prise de notes. Je ne me souvenais pas de l'avoir vu si souvent dans les parages – ou à la bibliothèque tout court, d'ailleurs ; et nous avions pourtant pris l'habitude avec les filles de travailler ici en début de soirée plutôt que dans la Salle Commune, où il y avait toujours trop de bruits à ces heures-ci.

Elle dut se sentir observée car elle releva soudainement les yeux, mes joues chauffèrent et je déglutis, prise sur le fait. Parker sembla surprise. Son regard quitta le mien pour se poser autour d'elle, comme si elle réalisait enfin que la bibliothèque était désertée minute après minute. Puis, son regard se reconcentra sur ses parchemins pendant quelques minutes – que je n'avais pas pu mettre à profit pour faire avancer ma conclusion, avant qu'elle ne pose sa plume sur la table en soupirant. La Serpentard récupéra silencieusement ses affaires et quitta à son tour la bibliothèque.

Cela eut l'avantage de me permettre de finir mon parchemin en l'espace de quelques minutes. Une fois le papier roulé sur lui-même, je récupérai à mon tour mes affaires pour rejoindre les filles.

En sortant de la bibliothèque, mes plans pour la soirée évoluèrent quelque peu tandis que je tombais sur James, adossé contre le mur. Il n'avait pas l'air bien du tout. Ses yeux étaient gonflés et rouges, on aurait dit qu'il avait passé une bonne partie du début de soirée à pleurer. Il m'entendit m'approcher et se frotta les yeux.

- Est-ce que tout va bien ? demandai-je.

- Oui, oui, ne t'inquiètes pas.

- C'est à cause de Clyde ?

- Quoi ? Non. Vraiment Jonsson, ne t'inquiètes pas.

J'acquiesçai lentement, ne sachant pas quelle position adopter. J'étais sur le point de le laisser tranquille – c'était visiblement ce qu'il voulait, lorsque ses sanglots reprirent doucement. Il semblait tenter de se contrôler ; sa mâchoire se dessinait étrangement sur son visage.

- Hey, peu importe ce qu'il s'est passé, tu ne devrais pas retenir tout ça, soufflai-je en rompant la distance.

Je récupérai un vieux mouchoir en tissu dans la poche de mon pantalon et le lui tendis tandis que je m'installais à côté de lui. Il récupéra le bout de tissu et je l'entendis sangloter avec moins de retenue qu'auparavant.

- Est-ce que tu as besoin… mhm, d'un câlin ou quelque chose ?

Il rit doucement ; enfin, en tout cas, cela ressemblait à un rire.

- Non, mais merci.

Au moins, les heures passées à la bibliothèque ces derniers jours avaient portés leurs fruits. Shadlakorn avait pris soin de nous faire des retours en classe entière ; elle avait apprécié ma « touche personnelle » de Sisymphe dans mon antidote et me félicita pour l'initiative de quelques points attribués à Serdaigle. Elle avait également utilisé nos antidotes individuels – ainsi que nos parchemins, pour former des groupes de niveaux afin de nous préparer au mieux aux A.S.P.I.C.S. Je n'étais pas bien sûre de comprendre en quoi cela allait nous être d'une quelconque aide, mais elle semblait persuadée que nous évoluerions plus vite ainsi. Si Emily et Alice se retrouvèrent ensemble, mon nom – lui, fut associé à celui de Parker. Je me retrouvais maintenant à devoir changer de place dans les cachots pour m'installer, avec une certaine appréhension, auprès de la Serpentard.

Nous nous lancions dans les travaux pratiques après quelques explications de la part de notre professeure. Nous n'avions pas échangé un seul mot ou ne serait-ce qu'un regard ; le travail s'était réparti naturellement. Elle s'occupait d'une partie de la solution et je m'occupai de la seconde. Je n'étais pas une grande habituée du silence – ça aurait été difficile de l'être avec Alice et Emily autour de moi, mais celui-ci était reposant. Je n'avais pas besoin d'expliciter quoique ce soit ; Parker savait pourquoi je faisais les choses. Elle anticipait – ayant déjà coupé les racines de mandragore ou préparé la céramique pour que je puisse y glisser les plumes de jobarbille ; ce qui n'était probablement possible qu'à cause de sa maîtrise des potions. Nous gagnions beaucoup de temps à fonctionner ainsi et les deux heures passèrent paradoxalement plutôt vite – et, je devais bien l'admettre, furent assez agréables.

Alors qu'il ne nous restait plus qu'à mélanger les solutions avec les ingrédients soigneusement agencés sur la table – la Serpentard semblait avoir à cœur que chaque chose ait sa place, elle se retourna soudainement vers moi.

- Une autre audace dont tu voudrais faire preuve ?

Elle me prit au dépourvu. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle finisse par m'adresser la parole – ou même un regard, avant que le cours ne prenne fin.

- Je ne pense pas que ça marchera cette fois. Elle ne va pas nous donner des points à chaque fois qu'on refuse de suivre le bouquin… Sinon Clyde passerait ses A.S.P.I.C.S les yeux fermés, ne pus-je m'empêcher d'ajouter, soudainement nerveuse.

Je me retins de rire bêtement à ma propre blague et si elle l'avait entendu, cela ne se vit pas sur son visage.

- Je n'entendais pas par rapport à la note. Je suis… curieuse, hasarda-t-elle. Tu sembles avoir une certaine aisance à faire des choses qui sortent du cadre. Que pourrions-nous faire pour améliorer cette potion ?

- Les plumes de jobarbille infusent mieux la potion si on les trempe dans du sang de salamandre avant de les utiliser.

- Pourquoi ?

- Je crois que c'est une question… enfin, quand on tourne la potion, les plumes s'écartent moins de l'axe de rotation, tu vois, vu que le sang de salamandre les fixe et les alourdit ? Du coup, quand on mélange les plumes restent vers le centre et s'écartent moins.

- Est-ce que nous ne devrions pas au contraire privilégier que les plumes s'étalent dans la solution afin de nous assurer qu'elles puissent infuser l'ensemble du chaudron ?

Elle paraissait sincèrement perplexe et je ne pus empêcher un sourire.

- Dans la mesure où ce qui nous intéresse, c'est que les plumes tournent 3 fois dans un sens puis 9 fois dans le sens contraire, pas vraiment. Tes plumes du milieu auront déjà fait deux tours que tes plumes à l'extérieur n'en auront fait qu'un seul. Avec du sang de salamandre, la potion risque d'être légèrement plus… pure.

- Comment peux-tu avoir connaissance de ce genre de choses ? demanda-t-elle presque plus pour elle-même que pour moi. Je ne me souviens pas avoir lu quoique ce soit à ce sujet…

- Mhm… Ma mère était… intéressée, si on peut dire, par ce genre de choses

- Il me semble qu'elle était moldue, non ? vérifia-t-elle, visiblement confuse par le fait que ma mère ait pu être d'une quelconque aide dans un domaine sorcier.

Sa connaissance de ce genre d'informations me surprit. Elle dut le percevoir car elle baissa rapidement les yeux pour se reconcentrer sur sa découpe de puffapod, pourtant déjà suffisamment émincés. Je me sentis rougir ; encore.

- Mhm… Oui. Quand j'étais en première année, je lui montrais les potions que j'avais apprises et elle essayait toujours de les comprendre avec la physique ou la chimie. Je n'ai jamais compris grand chose mais elle arrivait parfois à voir les choses un peu différemment… Je ne sais pas si ce que je te dis est écrit dans un bouquin, ajoutai-je rapidement, mais on a fait plusieurs essais et ça a marché à chaque fois.

Parker acquiesça et sembla considérer ses options ; ses yeux étaient absents et elle avait l'air d'hésiter. Au bout de quelques secondes – qui me semblèrent être une éternité, elle posa les puffapods doublement découpés à côté du chaudron et se leva en direction des armoires pour revenir une fiole en main. Comme ce fut le cas depuis le début de cours, je cru comprendre entre les lignes. Je lui préparai un bol de céramique dans lequel – une fois revenue à notre table, elle déversa le sang de salamandre et y trempa les plumes de jobarbille.

Nous avions cours de sortilège après le double cours de potion et pas le temps de trainer dans les couloirs. Aller des cachots jusqu'au troisième étage était éprouvant et c'est complètement exténuées que nous arrivions, enfin, dans la salle des enchantements. Alice attendit à peine que le professeur ait fini ses explications – nous allions nous entraîner sur le sortilège de l'aguamenti, pour se pencher vers moi.

- Alors, c'était comment avec l'autre ? demanda-t-elle.

Pour la 5ème fois consécutive, j'effectuai un « Z » suivit d'un « O » dans le sens des aiguilles d'une montre. Un jet d'eau jaillit soudainement de ma baguette.

- Merde, merde, merde, paniquai-je.

La pression du jet cassa un vase non loin avant que je ne retrouve mes esprits et mette fin au sortilège. Je ne m'attendais pas à réussir ce sortilège en si peu d'essais.

- Reparo, intimai-je en direction du vase qui se répara de lui-même.

- C'est un peu l'effet voulu Eyrin…, s'amusa Alice.

- Ce n'est pas marrant, Alice !

- Si si, très.

A son tour, elle essaya de lancer un aguamenti. Son deuxième essai fut le bon. Elle m'imita en gesticulant dans tous les sens avant de mettre fin au sortilège.

- Eh, Alice ?

- Quoi ?

Je lui lançai un des coussins de la salle dans la figure d'un coup de baguette – il faudrait un jour que Flitwick nous explique pourquoi autant d'objets traînaient par ici. Il était difficile de résister à s'entrainer dessus.

- Vengeance !

- Ouais ouais, c'est ça, répondit-elle après s'être débarrassée du coussin. Tout ce que j'en dis c'est : fais gaffe à tes arrières ma vieille !

- Serait-ce une menace ?

- Parfaitement !

Nous éclations de rire avant de nous calmer, rappelées à l'ordre par le professeur qui avait enfin réussi à rester sec plus de trente secondes.

- Non mais sérieux, avec la Sang-Pur ? reprit Alice alors que Flitwick nous lançait un autre de ces regards intimidants devant le bruit que nous faisions. Ca avait l'air d'être super chiant à votre table…, ajouta-t-elle en baissant la voix.

J'haussai les épaules. Parler de Parker ne me mettait pas spécialement à l'aise.

- C'était juste un cours de potion, Alice.

- D'habitude, elle est plutôt seule ou avec cette… Harper en potions, non ?

- Harper n'a pas continué potions, indiqua Emily.

- Ouais, enfin bon, reprit Alice, elles ont toutes les deux les mêmes problèmes du quotidien. Comme se réveiller le matin et aller en cours sans penser à s'enlever la baguette du cul.

Emily rit et je retins un sourire devant la spontanéité de la blonde. Qu'est-ce qu'elle pouvait être agaçante parfois. Drôle, mais agaçante.

- Elle n'a pas l'air méchante, Alice.

- Vaut mieux pour toi. Vu comment Shadlakorn a l'air de fonctionner, elle risque de vous mettre ensemble une bonne partie de l'année.

- Eh bien, tu comprends, faudrait surtout pas que les bons élèves se mélangent avec la masse, enchéris-je. Vous risqueriez d'apprendre quelque chose.

Elle me lança un regard noir et je souris, victorieuse.

- Mesdemoiselles Jonsson, Stevens et Augen, fit la voix de Flitwick, il me semble que nous sommes en train de nous essayer à l'aguamenti et non au rictusempra. Peut-être pourriez-vous enfin en prendre la juste mesure ? Et sans formulation s'il vous plait, Mr. Clyde, je vous entends hurler d'ici. Pour la cinquième fois jeunes gens, cette année nous ne lançons que des sortilèges informulés.