[RàR]

coco1810 : merci pour ton gentil retour! j'espère que tu apprécieras la réécriture :)


Chapitre 7

Première semaine de novembre


Pomfresh avait insisté pour que je passe la nuit à l'infirmerie afin de vérifier que mon épaule se remettait correctement. Si tout allait bien, je pouvais quitter les lieux dès le lendemain matin – ce que j'espérais très fortement, la Serpentard étant juste à quelques lits du mien. L'infirmière avait fini par réussir à la retrouver en fin de soirée et l'avait sévèrement réprimandée d'être partie sans l'avoir consultée. Visiblement, si mon épaule avait été disloquée – ce qui semblait bizarrement plus simple à réparer pour Pomfresh, c'étaient les tendons et ligaments de la Serpentard qui avaient amorti le choc de son côté. Parker n'avait pas prononcé un mot et n'avait pas regardé une seule fois dans ma direction ; je me sentais vraiment stupide et ne savais plus quoi faire de moi-même. Au moins, il semblait clair qu'aucune de nous deux n'avait envie d'être ici.

Les filles et James avaient passé la majeure partie de la soirée en ma compagnie - et quelques joueurs de l'équipe qui étaient passés par alternance, me distrayant volontiers de la Serpentard et des larmes que je retenais depuis la fin du match. Les émotions avaient été nombreuses et confuses et je ne savais vraiment pas quoi en faire. Pleurer me semblait être une solution inenvisageable au vu de la situation et j'étais bien contente qu'Alice me fasse temporairement penser à autre chose.

Alice, Emily et James étaient déjà partis lorsque le frère de Parker entra à son tour dans l'infirmerie. Il n'était pas très grand et semblait plutôt frêle. Avant lui, il n'y eut que le capitaine de l'équipe de Serpentard qui était passé la voir et l'échange avait été très formel. Il s'était rapidement inquiété de son état, ils avaient échangé de courtes phrases vis-à-vis de Nast puis avaient parlé des « Parker » exactement comme Amos l'avait fait au dernier entrainement. Ils avaient semblé négocier quelque chose puis le capitaine s'en était allé.

Le frère et la sœur discutaient si doucement que je n'en entendis pas un mot malgré l'infirmerie complètement vide à cette heure-ci. À leur tour, ils avaient l'air de négocier quelque chose. C'était à croire qu'il y avait des enjeux aux actes de Parker qui m'échappaient complètement et je me sentis quelque peu coupable. Peut-être que cela expliquait sa colère.

Les filles devaient me tenir compagnie le lendemain matin – et m'apporter quelques petites choses du déjeuner de la Grande Salle ; Emily arriva plus tôt qu'Alice. Elle jeta un œil autour d'elle et, constatant l'absence de Parker qui était partie extrêmement tôt, sembla soudainement stressée. Elle s'assit sur le bord du lit et après m'avoir demandé comment j'allais, inspira un peu trop fortement pour que la situation soit anodine. Elle avait définitivement quelque chose à l'esprit.

- Est-ce que je peux te poser une question qui pourrait être… déplacée ?

Ne comprenant pas bien ce qu'elle entendait par là, j'acquiesçai – ce qui ne fut pas nécessairement la bonne chose à faire.

- Il y a quelque chose entre Parker et toi ?

Je me sentis défaillir, mais heureuse d'être assise.

- De quoi…, commençai-je avant de me racler la gorge, de quoi est-ce que tu parles ?

- Elle a l'air de garder un œil sur toi ces derniers temps. Et tu la cherches souvent du regard.

Je vérifiai d'un coup d'œil qu'Alice n'était pas en train de passer la porte de l'infirmerie – et mon ventre se serra à cette réalisation.

- Je ne la cherche pas du regard.

Elle sourit doucement avant de fixer ses yeux dans les miens. Je détournai le regard et soupirai.

- Il n'y a rien entre nous, répondis-je finalement.

M'entendre prononcer « nous » était étrange. Après tout, il n'y avait pas de nous. Mon cœur se serra.

- Mais est-ce que tu voudrais qu'il y ait quelque chose ?

J'espérais maintenant plus que tout qu'Alice traverse cette porte avec une tonne de petits pains et de corn-flakes que l'on puisse passer à un autre sujet de conversation. Emily attendait toujours patiemment les réponses à ses questions ; la blonde, elle, lorsqu'elle souhaitait me tirer les vers du nez, me faisait le plaisir de continuer à parler jusqu'à presque répondre à ma place. C'était plus agréable.

- Je lui ai dit de m'embrasser et… elle est partie. Je suis plutôt sûre que ce que je veux n'est pas très important dans l'histoire.

Elle acquiesça et je réalisai soudainement que ne pas en parler avait été difficile. Alice me manquait.

- Je ne me suis jamais sentie aussi putain de stupide, repris-je sur ma lancée. Qu'est-ce qui me prend moi aussi de dire des trucs pareils ? Emily, insistai-je complètement ahurie, elle est en train de me dire que je l'agace et je ne trouve rien de mieux à faire que de lui dire de m'embrasser. En vrai, je m'agace surtout moi-même.

- Ce n'est pas se sentir stupide Eyrin, c'est se sentir vulnérable.

- On dirait ma mère…

- Je vais prendre ça comme un compliment.

Je soupirai à nouveau. J'avais été en colère contre Carter, mais à présent je ne pouvais être en colère que contre moi-même. Nos cours de potion ne redeviendraient jamais ce qu'ils avaient été.

- Elle t'a vraiment dit que tu l'agaçais ? demanda la brune.

Je lui racontai le plus fidèlement possible ce dont je me souvenais et – bizarrement, cela la fit sourire. Je n'eus pas le temps de lui en demander la raison cependant, Alice vint enfin me sauver avec des toasts. Nous changions de sujet de conversation sans même y faire attention.

La soirée passée à l'infirmerie m'avait au moins indirectement permis de réfléchir à un plan d'action cohérent pour les septièmes années à défaut de pouvoir digérer les récents évènements. En attendant de pouvoir lâcher prise de ce côté-là, je m'enquis donc de trouver Peter. Il me paraissait évident qu'il fallait faire cela ensemble.

Ce ne fut qu'en vagabondant dans les couloirs que je remarquais que les Serpentards semblaient avoir repris du poil de la bête. Leur victoire n'avait pas été appréciée – j'entendis plusieurs Gryffondors et Serdaigles se plaindre de leur anti-jeu, mais en réalité qu'ils aient fait faute ou non, Parker aurait récupéré le Vif d'Or. S'épiloguer sur leur jeu n'était franchement pas nécessaire. Les élèves s'en donnaient tout de même à cœur-joie, ce qui ne risquait pas de calmer ce que couvait le château depuis maintenant quelques semaines. C'était comme si certains avaient trouvé dans ce match une objectification de leur mépris envers les Serpentards. Ces derniers, quant à eux, avaient maintenant de quoi crier leur fierté à nouveau. Et certains, notamment chez les plus jeunes, ne s'en privaient pas. Cela transparaissait dans la façon dont ils avaient d'échanger avec les autres maisons, ils étaient beaucoup moins sur la retenue et maintenaient bien plus le regard. D'un côté comme de l'autre, la prudence commençait à se retirer doucement des interactions sociales.

Je trouvai enfin Peter à la bibliothèque. Une fois les salutations terminées, je me dépêchai de lui présenter mon analyse de la situation ainsi que celle de mon père. Il sembla soucieux et m'écouta avec attention – ce qui fut fort appréciable.

- Ca paraît cohérent, oui, reprit-il. Ce qui me semble important, c'est que ton père donne l'impression d'avoir peur que l'on ne fasse pas confiance aux professeurs.

- Ouais…

- Je pense que c'est le cas. J'ai déjà entendu certaines remarques qui allaient dans ce sens. Tu as une idée derrière la tête, j'imagine ?

- Je me disais qu'il faudrait d'abord qu'on s'occupe des septièmes années. Ca me semble être le plus important vu la situation. Si certains ont cette maladie, il faut qu'ils soient soignés.

Il acquiesça.

- On peut aller voir Flitwick et lui en parler, proposa-t-il.

- Ou on peut d'abord parler aux autres préfets et demander une réunion avec Flitwick, O'Connell, Shadlakorn, Chourave, et McGonagall tous ensemble.

Il parut surpris.

- J'imagine que si nous avons des Directeurs de maison, commença-t-il, c'est justement pour éviter des espèces de… conseil de château ?

- Oui mais c'est une problématique qui nous concerne tous. L'idée, ce n'est pas de régler ça chacun de son côté. Tous les septièmes années sont concernés. C'est un problème collectif et il est nécessaire de s'en charger collectivement. Enfin, rajoutai-je rapidement, c'est ce que je pense en tout cas.

Et puis en réalité, ce serait une belle victoire sur l'année passée si nous pouvions collectivement prévenir un problème. Vu la méfiance et la colère latentes qui se jouaient dans les couloirs du château, remettre le collectif au centre des préoccupations ne me semblaient pas une si mauvaise idée. Nous étions tous les victimes d'un même système et il nous fallait accepter l'idée d'être ensemble dans cette situation. Nous n'avions certainement pas les mêmes problèmes ; les Serpentards n'étaient pas dans la même situation que les Poufsouffles, mais nos problèmes avaient les mêmes origines et causes. Entreprendre une démarche collective permettrait de faire un premier pas vers une reconnaissance mutuelle du problème. J'espérais juste que Peter partage cette idée.

- Et c'est là que les choses se compliquent, répondit-il finalement. Je suis partant mais… comment convaincre les autres ?

- Je pensais, repris-je rapidement, on attends que Théo, enfin le copain d'Emily, et mon père nous transmettent des informations. Ca ne devrait plus prendre trop de temps. On se renseigne et on fait un compte rendu à Miller. Il devrait être d'accord avec nous et les Poufsouffles également. Ensuite, on présente cela aux autres.

- Et on va voir ensuite les professeurs ?

- Mhm mhm !

- Et si quelqu'un refuse ? Qu'est-ce qu'on fait ?

Je soupirai.

- Je ne sais pas, je n'avais pas pensé à cette option. Je me suis dit que ça allait être dur de les convaincre mais je ne pensais pas pour autant que nous n'y arriverions pas.

- Ce qui est tout de même probable. J'imagine que cela dépend de qui…, fit Peter. Si c'est une seule personne, ce n'est pas très gênant. Mais si on décide de faire ça collectivement, comme tu le suggères, on ne peut pas se permettre d'aller voir tout le monde si aucun préfet de Serpentard ou Gryffondor n'est avec nous. Il faut que les quatre maisons soient représentées.

J'acquiesçai, bien d'accord avec son analyse.

- Ok essayons, conclut-il.

Après les cours de la journée, nous faisions une petite pause dans une aile du château à l'abris du vent qui se faisait particulièrement froid en cette fin d'année. James était en train de me mettre une véritable raclée à la bataille explosive ; je n'arrivais pas à me concentrer plus de quelques tours d'affilée, avant de perdre pieds avec la réalité jusqu'à ce qu'une carte m'explose presque au visage. J'avais du mal à me sortir les récents évènements de la tête. À en croire Emily, je ne devais pas être très discrète et c'était particulièrement déroutant. Il n'était pas impossible, de fait, qu'Alice ait eu la même impression que la brune. Pour une quelconque raison, cela m'inquiétait. Et puis je me sentais tellement stupide vis-à-vis de Parker. C'était la première fois qu'une chose pareille m'arrivait et je ne savais définitivement pas quoi en faire.

- Yeah ! cria James alors qu'il gagna à nouveau la partie.

Emily rit doucement avant de récupérer les chocogrenouilles qu'elle avait parié avec Alice. La blonde fit la moue devant son tas de sucreries qui rétrécissait à vue d'œil depuis plusieurs tours.

- Eyrin, je t'aime et crois en toi, mais fais un effort ! grimaça Alice. Ma loyauté a ses limites, tu sais.

J'avais beau avoir conscience qu'elle ne parlait pas des récents évènements – dont elle n'avait en réalité même pas connaissance, j'eus tout de même la sensation que ma tête tournait.

- Tu veux dire qu'elle est proportionnelle au poids du chocolat en ta possession ? s'amusa Emily.

- Je vous signale d'ailleurs que c'est moi qui fait tous les efforts ici, intervint James, je veux une commission. Sur les chocogrenouilles, ajouta-t-il rapidement, pas les dragées. Je ne sais pas comment vous faites pour manger ça.

Un cri résonna soudainement derrière le Poufsouffle, suivi d'un bruit étouffé. Je levai les yeux. À une trentaine de mètres de nous, il y avait un attroupement de jeunes élèves – probablement des Deuxièmes Années. Ils étaient au moins une dizaine. Un bruit étouffé retentit à nouveau. J'eus un mauvais pressentiment ; la façon dont ils étaient positionnés, peut-être, car nous ne voyions strictement rien de ce qu'il se passait, et les bruits, les bruits n'étaient pas normaux.

Je me relevai rapidement ; Alice fit de même.

- Vous avez triché ! fit soudainement la voix d'un jeune. Vous ne savez faire que ça. Bandes de lâches !

Je me dépêchai de les rejoindre, Alice sur mes talons, et en poussai certains pour me frayer un chemin à travers la foule. Deux Serpentards étaient à terre, ils n'avaient pas l'air d'avoir été frappés mais avaient probablement été poussés au sol ; d'où les bruits que nous avions entendu. Un Gryffondor pavanait presque devant eux, visiblement fier de son effet.

- Qu'est-ce qu'il se passe ici !? demandai-je.

- Ils ont essayé de nous copier pour l'interro surprise, répondit le Gryffondor, on les a vu ! Comme au quidditch, ils peuvent pas s'empêcher de tricher !

L'absurdité était telle que je ne sus d'abord pas quoi répondre.

- Eyrin, fit rapidement Alice en me montrant d'un geste de la tête l'un des deux élèves à terre.

Il releva sa baguette vers le Gryffondor.

- ENDOLORIS ! cria le Serpentard.

Bien évidemment, le sortilège ne réussit pas. Ce n'était cependant pas nécessaire pour qu'il fasse son effet ; les élèves autour de nous se figèrent instantanément. Si la violence du Serpentard avait surtout été symbolique, mon corps lui-même sembla percevoir une menace. Les souvenirs de l'année passée – et surtout les bruits, revinrent brutalement en mémoire. J'essayai de respirer calmement et de me recentrer sur la situation.

- Va chercher Peter et Miller, fis-je à Alice. Je veux que personne ne bouge d'ici. Vous trois, vous posez vos baguettes au sol. Maintenant, ajoutai-je alors qu'aucun ne bougeait. Ce qu'il se passe ici est inadmissible, repris-je fermement.

- C'est lui qui a lancé le sort ! se plaignit le Gryffondor.

- Et c'est toi qui a décidé d'humilier des élèves que tu imagines avoir tricher. Tout ici est inadmissible et sera sévèrement réprimandé. Qu'est-ce qui vous passe par la tête, sérieusement !?

Aucun des élèves ne semblait percevoir la gravité de la situation, moins encore semblaient-ils se sentir coupables ou avoir honte. C'était comme si ce que je leur disais n'avait ni grand sens à leurs yeux, ni une réelle importance. Pendant un instant, j'eus la sensation que, de leur point de vue, je n'étais même pas en train de les réprimander simplement car il n'y avait rien à réprimander. Ils ne comprenaient pas ma réaction.

Ce ne devait pas être la première fois que ce genre de scènes se déroulait chez les Deuxièmes Années. Nous n'avions peut-être jamais réellement perçu à quel point ils avaient internalisé la violence de l'année passée. Vivre ce genre de choses à 11 ans n'était pas pareil que les vivre à 15 ans. C'était leur première expérience du château et elle avait été traumatique.

Nous avions oublié les plus jeunes. Maintenant ils humiliaient des élèves pour des broutilles ou s'amusaient à lancer des sorts, malgré leur incapacité de le faire correctement, simplement pour la violence symbolique qu'ils représentaient. Ils avaient tous internalisé la terreur que ce sortilège provoquait ; certains l'avaient eux-mêmes subis, comme ils avaient tous internalisé qu'il ne s'agissait en réalité que d'un outil pour asseoir sa dominance. Alors ils l'utilisaient lorsqu'ils ressentaient le besoin de se réaffirmer, comme le Serpentard à l'instant. Ce n'était pas grave à leurs yeux. Juste un outil. J'avais le vertige. Je n'osais même pas penser à ce que nous devions ignorer.

Miller arriva le premier.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-il, essoufflé.

- Il faut que l'on voit Shadlakorn et O'Connell tout de suite, répondis-je en montrant d'un geste de la main les trois protagonistes principaux. Et ensuite il faut qu'on parle tous ensemble.