[RàR]
Guest : Merci pour ton retour!
Les scènes de romance sont massivement modifiées pour mieux correspondre aux personnages et à leur personnalité donc je suis contente que ça puisse plaire :)
Chapitre 11
Dernière semaine de novembre
Je n'eus aucune idée de la manière dont je réussis à atteindre, et encore moins à gravir, la tour ouest de la salle commune. Pendant un instant, je crus presque ne pas pouvoir répondre à l'énigme du heurtoir – qui, visiblement, commençait à perdre patience à cette heure tardive. Il me fallut m'y reprendre une bonne dizaine de fois avant d'arriver à un semblant de réponse qui lui convenait.
Lorsque je pénétrais enfin dans la salle commune, je ne m'attendais cependant pas à y croiser Emily installée dans un fauteuil près de la statue de Rowena.
- Alice s'inquiète pour toi, expliqua Emily devant mon regard surpris. Elle se doute que tu lui as menti. Elle n'arrive pas à dormir et bouge toutes les trente secondes, c'est insupportable. Elle me stresse trop donc je suis descendue le temps de tomber de fatigue… devant la botanique, soupira-t-elle en me montrant d'un geste de la main son parchemin.
- Mhm…
Je me laissai tomber sur le canapé libre près du fauteuil, les étoiles peintes au plafond me semblaient réellement briller. Je n'avais peut-être jamais remarqué qu'il ne s'agissait pas de simples peintures ; non, c'était définitivement des peintures. Je perdais la tête et j'étais épuisée, du genre des bonnes fatigues. C'était comme si les émotions de la soirée avaient été si fortes que mon corps s'était engourdi et avait décidé de ne plus rien ressentir pendant quelques instants ; le temps que le tout se tasse.
- Le mot… c'était Parker ? demanda soudainement Emily.
- Mhm mhm, répondis-je.
- Et… ?
- On a parlé.
- Et … ? répéta-t-elle.
- C'était si pénible, Emily. De lui dire ce que je ressentais. Si pénible. La première fois, je n'avais pas fait exprès. Je veux dire, je ne regrette pas, mais je ne me suis jamais sentie aussi vulnérable. Je suis crevée.
- Sérieusement, Eyrin, s'impatienta-t-elle, qu'est-ce qu'elle t'a dit ?
- On s'est embrassées.
- Elle était donc bien intéressée par toi, je le savais ! Elle était en colère parce qu'elle était inquiète ! Je veux dire, tu venais tout juste de tomber de ton balais…
On aurait dit qu'elle venait d'avoir tout juste à un examen. Je lui fus cependant reconnaissante de ne pas poser de questions supplémentaires. Je n'avais aucune envie de parler plus en détails de ce qu'il s'était passé, ça aurait été trop étrange. Il y avait des choses que je préférais garder pour moi.
- Je l'ai fait rire, ne pus-je m'empêcher d'ajouter avec une certaine fierté.
- Oh, nous savons maintenant que Parker est capable de rire comme tout autre être humain. C'est étonnant.
Je tournai ma tête vers le fauteuil qu'elle occupait, même si je n'arrivais pas à la voir dans cette position.
- Je suis stupide, c'est ça ?
- Ce n'est pas stupide d'être émue.
- On dirait toujours ma mère, râlai-je.
Elle soupira avant de se lever. Je me relevai lentement sur mes coudes, ne comprenant pas bien ce qui lui prenait tout d'un coup. Elle revint rapidement avec du papier en main. Les photographies que Théo lui envoyait de temps en temps par le biais de ses parents. Il s'agissait surtout de bâtiments Moldus. Certaines étaient plutôt jolies, elles avaient des lumières et couleurs intéressantes, même si je ne comprenais pas réellement l'intérêt de prendre des immeubles en photographie.
- Je ne comprends pas trop pourquoi il fait ça, commença-t-elle. Mais j'aime les recevoir. Quand je les regarde, j'ai l'impression de le voir. J'ai l'impression de voir Théo qui se prépare le matin, fait ses recherches, se promène dans les rues, jusqu'à trouver quelque chose qui lui plait. Il tourne autour du bâtiment, s'installe, choisit son angle, fait des essais. Et même si je ne comprends pas ce qu'il y trouve de… beau, dans ces bâtiments, quand je les regarde, ça me rends heureuse. Quand je les regarde, j'ai l'impression de partager quelque chose avec lui, même s'il n'est pas là.
- Oh, donc ce que tu veux dire, c'est que nous sommes toutes les deux stupides.
Emily leva les yeux au ciel et je reconcentrai mon attention sur les étoiles – définitivement peintes sans magie, cette fois-ci j'en étais persuadée. Je soupirai.
- Il faut que je le dise à Alice.
- Rien ne t'y obliges, Eyrin. Tu peux prendre le temps dont tu as besoin.
- Je lui ai menti, Emily. J'ai menti à Alice. Et si on est tout à fait honnêtes toutes les deux, ça fait des semaines que je me comporte bizarrement avec elle.
Le silence s'installa doucement. À entendre les bruits de grattement, Emily avait repris l'écriture de son parchemin de botanique.
- C'est une bonne personne, tu sais, dis-je soudainement.
- De qui est-ce qu'on parle exactement ?
- Lilith. Parker. C'est vraiment une bonne personne.
- Tu as peur qu'Alice ne l'apprécie pas ?
- Elle ne va pas l'apprécier, c'est une certitude. Et ça risque d'être réciproque.
- Mais ce n'est pas ce qui t'inquiète.
Mon ventre se serra brusquement ; j'étais donc encore capable de ressentir quelque chose. Cette réalisation acheva de me décider et je me relevai soudainement du canapé.
- Tu sais quoi, je n'ai vraiment pas envie de penser à ça. J'ai eu une super soirée et je vais aller au lit sur ce sentiment.
- Range ton grand sourire avant de monter, Eyrin, parce que ta super soirée ? Elle se voit sur ta tête et Alice ne la loupera pas. Ca me fait plaisir de te voir comme ça, ajouta-t-elle alors que je me dirigeais vers les escaliers.
Je rougis.
Alice n'avait rien dit ; ni lorsque je m'étais couchée ni les jours qui suivirent. Elle s'était contentée de prétendre qu'elle n'était pas restée éveillée jusqu'à ce que je rejoigne mon lit et le week-end était arrivé tout en silence. Ce dernier en disait long sur l'état de notre relation. Je me sentais coupable, j'étais après tout celle qui instillait une certaine distance entre nous, mais me retrouvais incapable d'y faire quoique ce soit pour autant.
Et nos recherches sur la maladie moldue me distrayaient bien volontiers. Il était d'ailleurs fort probable qu'une partie des Septièmes Années en souffre. Même leur refus de participer aux discussions, comme l'avaient pourtant fait les autres élèves, correspondait à un symptôme de ce stress « post-traumatique ». Visiblement, il s'agissait d'un problème de mémoire. Ce qu'il s'était passé durant la Bataille Finale avait été trop stressant pour que le cerveau des Septièmes Années puisse en traiter correctement les souvenirs.
Après nos lectures des documents de Théo – auxquels les informations de mon père s'étaient ajoutées, nous avions entrepris de vérifier la bibliothèque. Peut-être avions-nous un remède sorcier à ce genre de maladie. Il ne s'agissait après tout que d'une question de mémoire et ne serait-ce que dans le domaine des potions, nous avions largement de quoi faire.
Peter préférait en avoir le cœur net avant d'en parler à Miller. Il avait peur que les préfets utilisent cet argument pour nous faire perdre du temps et retarder le rendez-vous avec les professeurs. Pour une quelconque raison, il était persuadé que l'aspect officiel de la démarche effraierait certains préfets et préférait que nous ayons toutes les réponses aux questions qui pourraient être les leurs.
Je n'avais rien contre le fait de venir préparée à une réunion et n'avais rien objecté à l'idée de passer quelques heures à la bibliothèque pour nos recherches ce samedi. L'avantage, c'était que j'étais entourée de livres ; je n'avais pas besoin d'éviter de penser à Lilith de peur de croiser le regard curieux d'Alice. Ma concentration n'était de fait pas exemplaire, mais j'étais tout de même en mesure de vérifier l'état des connaissances sorcières concernant les potions sur la mémoire ; lire quelques tables des matières n'était franchement pas une tâche complexe et mon esprit pouvait librement vagabonder. Peter, lui, cherchait plutôt du côté des ensorcellements et sortilèges.
- Il y a une raison spécifique qui fait que ta meilleure amie nous fixe du regard de cette façon ? fit brusquement Peter.
Je relevai les yeux avant de regarder dans la même direction que lui ; Alice était effectivement très concentrée sur son observation naturelle de deux préfets en plein travail de recherche. Je levai les yeux au ciel, tout autant exaspérée que gênée. Je ne savais même pas ce qu'elle faisait à la bibliothèque aujourd'hui, ce n'était pas comme si elle avait fini la plupart de ses parchemins depuis trois jours.
- C'est juste Alice, soupirai-je agacée. Si elle le pouvait, elle me caserait avec chaque garçon qui me dit bonjour. Ca n'a rien de personnel.
- Tout va bien entre vous ?
- Pourquoi ?
- Vous avez l'habitude de rythmer la plupart des cours par des rires extrêmement ennuyants. Ces derniers temps, même le cours de sortilège est calme. Et elle a l'air… triste ?
Je ne sus pas bien pourquoi mais ce fut sa dernière remarque qui m'agaça plus que le reproche qu'il avait formulé.
- C'est juste Alice. Elle peut tout aussi bien être attristée que sa chroniqueuse préférée de Sorcière Hebdo ait dit du mal de son chanteur préféré. Ou parce qu'ils ont changé la marque des baguettes à la réglisse qu'ils servent au dessert.
- Ce n'est pas de ce genre de tristesse dont je parlais.
- Tu peux lui demander directement, tu sais, si tu t'inquiètes. Je ne suis pas dans sa tête.
Il releva des yeux surpris et je soupirai. Je n'en pouvais plus de cette situation et mon propre comportement m'agaçait. De toute manière, il était évident que cette maladie moldue n'était pas connue des sorciers. Je ne savais même pas pourquoi nous nous évertuions à rester dans les parages.
Au moins, le lendemain était jour de match. Étant fin prêts, nous avions pris rendez-vous avec Miller la semaine prochaine et j'étais à présent en mesure de pleinement profiter de l'atmosphère d'un match sans avoir la pression de devoir y contribuer de première main. Bien sûr, Tyler et Lewis en avaient profité pour nous parler à nouveau de tactique. Ils souhaitaient que l'on soit tous particulièrement attentifs lors du match afin que nous puissions développer une analyse crédible du jeu des deux équipes. Entre quelques notes à prendre et quelques cognards à éviter, je choisissais volontiers les premières ce week-end.
Nous nous installions en tribunes avec les filles. L'atmosphère était toujours particulière en jour de match, mais cette année je ne ressentais qu'une tension qui prenait aux tripes. À voir la manière dont les élèves de Poufsouffle et Gryffondor s'étaient préparés ; entre les banderoles, les nouveaux chants et cris, et les tenues qu'ils avaient dû préparer pendant des jours, il ne manquait pas grand-chose pour que tout dégringole. L'excitation me semblait presque menaçante. C'était étrange, mais j'avais l'impression qu'elle masquait une forme particulière de violence, surtout lorsque je voyais les élèves si impliqués dans le match. Comme si, au lieu de se taper dessus, les élèves se contentaient pour le moment de crier plus fort que leurs adversaires. J'avais oublié cette ambiance singulière - ce n'était pas la même tension que l'on ressentait lorsque l'on était sur un balais, et n'étais pas sûre de toujours l'apprécier. Toutes ces démonstrations de soutien commençaient à m'oppresser.
- L'essentiel, fit soudainement Alice à côté de moi, c'est que les scores soient aussi petits que le dernier match. Nous n'avons que 100 points de retard sur Serpentard. Si aucune des deux équipes ne prend le large aujourd'hui, on est toujours dans la partie !
- Sauf que Parker est vraiment douée, enchérit Emily. Si Serpentard récupère à chaque fois le vif d'or, le retard montera vite à 400 points et peu importe alors les scores des autres équipes…
- Kyle était particulièrement en retard, répondit la blonde. Elle n'aura pas autant de chance pour les prochains matchs.
Il était de toute évidence coûteux à Alice de ne serait-ce qu'admettre que Lilith ait pu compter sur des capacités individuelles pour faire remporter le match à Serpentard. Je soupirai et reconcentrai mon attention sur les joueurs en vol, Madame Bibine s'apprêtait à donner le coup d'envoi.
Le match fut intense dès les premières secondes. Poufsouffle récupéra rapidement le souaffle.
« Terry pour Poufsouffle. Il évite le tacle de John et passe à Jason. Jason dévie des poings à Mattew qui s'est discrètement déplacé sur l'aile gauche pendant que tout le monde regardait le souaffle. Superbe passe transversale qui élimine entièrement les poursuiveurs de Gryffondor ! Mattew est seul face à la gardienne ! OUVERTURE DU SCORE ! 10-0 pour Poufsouffle ! Cette entame nous promet un sacré match ! Très beau sens tactique de Poufsouffle ! »
Il était peu probable que le match finisse sur un petit score ; Alice le réalisa d'un long soupir.
« Allez, Gryffondor qui se réveille ! ENFIN ! Lorris dévie un cognard puissant, le poursuiveur de Poufsouffle n'a pas d'autre choix que de s'écarter pour l'éviter. Il est accueilli dans la foulée par un beau tacle de John. Ca a l'air de faire mal ! Gryffondor récupère le contrôle du souaffle ! Beau mouvement de Gryffondor qui nous montre de quoi ils sont capables ! Toujours 50 à 10 pour Poufsouffle. »
Les Gryffondors ne reculaient jamais. Dès qu'ils démarraient collectivement un mouvement ou qu'ils s'élançaient individuellement dans une tentative, ils la déployaient jusqu'au bout, quitte à faire de sacrées erreurs ; les poursuiveurs de Poufsouffle l'avaient compris très vite. Ils les laissaient foncer têtes baissées pour les pousser à l'erreur et récupéraient ensuite le souaffle sans trop de difficultés. Pendant un instant, je crus même qu'ils essayaient parfois de les attirer dans des pièges ; leurs mouvements collectifs étaient d'une efficacité tout autant esthétique qu'angoissante. Il n'y avait que les excellents batteurs de Gryffondor pour contrebalancer l'excellent jeu des poursuiveurs de Poufsouffle. Je n'avais aucune chance.
- Ca va être dur contre Poufsouffle cette année, grimaça Alice.
J'acquiesçai lentement, incapable de formuler une réponse plus aboutie ; à croire que j'avais fini par appréhender le simple fait de devoir échanger quelques mots avec elle. Il devint évident que je ne pouvais avoir l'esprit tranquille tant que nous en restions là avec Alice. J'étais devenue tout autant incapable de penser aux récents évènements sans penser à elle que d'être à ses côtés sans penser aux récents évènements. Et mon ventre m'épuisait de douleur. Je devais lui dire.
« 90 à 20 pour Poufsouffle ! Jetons un coup d'œil aux attrapeurs… Et toujours rien, pas de vif d'or en vue il faut croire ! »
Le seul aspect positif que je voyais dans le jeu de Poufsouffle, c'est qu'ils maitrisaient surtout la conservation du souaffle ; ils jouaient tout autant avec la profondeur du terrain que sa hauteur et il était clair que cela déstabilisait grandement les poursuiveurs de Gryffondor. Régulièrement, ils plongeaient lorsqu'il ne le fallait pas ou ne partaient pas poursuivre leurs adversaires lorsqu'il le fallait. Les Poufsouffles gagnaient haut la main leur duel avec les poursuiveurs adverses, mais rencontraient plus de difficultés face aux buts. Si leurs tirs ne semblaient pas particulièrement techniques ou puissants, ils étaient cependant très tactiques ; probablement au plus grand désarroi de Tyler et Lewis qui devaient en attendre autant de nous. Les poursuiveurs attaquaient majoritairement ensemble, usant de beaucoup de feintes pour tromper la gardienne ou les derniers poursuiveurs de Gryffondor. La plupart du temps, ils éliminaient si bien la gardienne qu'ils n'avaient qu'à pousser le souaffle dans un anneau vide. Si c'était extrêmement efficace, ils avaient cependant plus de difficultés à marquer lorsque la gardienne était bien en place. Au moins, j'étais prévenue.
« C'est en réalité à un combat entre poursuiveurs et batteurs auquel nous assistons ! Les poursuiveurs de Gryffondor semblent totalement abattus tandis que leurs batteurs prennent les choses en main ! Jason évite le cognard de Murray et passe à Mattew. La passe est interceptée par le cognard de Lorris ! Le cognard dévie le souaffle ! C'est la première fois que je vois ça ! Une très grande précision de la part de Lorris, incroyable ! Récupération du souaffle par Gryffondor ! Toujours 100 à 30 pour Poufsouffle. »
Lorris avait l'air particulièrement en colère contre ses propres poursuiveurs ; ils ne jouaient plus ensemble. Plus le temps passait et plus le collectif s'effondrait. Assister à ce spectacle devenait presque pénible. Leurs mouvements étaient désordonnées, les mésententes devenaient plus fréquentes – et les cris, les cris devenaient presque audibles des tribunes. Il était facile de les voir se hurler dessus et, de temps en temps, il était possible de comprendre ce qu'ils se disaient ; quelques insultes échangées entre deux tacles. Il semblait que Murray considérait que John avait une fâcheuse tendance à se regarder dans le miroir « comme à l'entrainement ». Il était temps que le match se termine pour Gryffondor.
« Miles est parti ! Gryffondor a aperçu le vif d'or ! L'attrapeuse de Poufsouffle est juste derrière ! Oh, le cognard de Murray est mal ajusté, il ralentit Miles qui doit piquer légèrement ! Nicholls arrive à sa hauteur ! NICHOLLS S'EMPARE DU VIF D'OR. Poufsouffle gagne 250 à 30. Quelle débâcle pour Gryffondor ! Incroyable match ! Incroyable révélation ! J'espère que vous en avez profité les gens, parce qu'on a rarement eu des poursuiveurs aussi tactiques à Poudlard ! Les mecs on dirait les poursuiveurs des Pies de l'équipe de 96 ! Fou ! Sur ce, Poufsouffle prend la tête du championnat. Serdaigle et Gryffondor vont devoir se dépasser si ils veulent rester dans la course ! Pour rappel : 250 points pour Poufsouffle, 160 points pour Serpentard, 60 points pour Serdaigle et 30 points pour Gryffondor. »
La tribune des Poufsouffles explosa de joie au moment-même où l'équipe de Gryffondor implosa sur la pelouse. Les poursuiveurs, les batteurs et l'attrapeur semblaient se bousculer ; d'en-haut, il fut difficile d'apercevoir concrètement ce qu'il se passait, mais il fut clair que les joueurs de Poufsouffle intervinrent pour les séparer. Une marée de jaune s'était soudain invitée dans la masse rouge qui se délita en petits groupes.
« Professeure McGonagall me demande de vous rappeler que la violence n'est pas tolérable lors d'un match de quidditch mesdames et messieurs. J'en appelle à votre fairplay les gens, calmez-vous sérieusement. Ce n'est qu'un match » fit soudainement la voix de la commentatrice.
Au fond, peut-être Griffin avait-il eu raison sans le vouloir. Nous étions à Poudlard et non à Beauxbâtons. Ce genre de violence ou de conflits, tels que nous les connaissions, tels que je les voyais s'étaler devant mes yeux sur la pelouse, n'existaient pas dans l'école française – ou même, dans la plupart des autres écoles. Ils n'avaient pas de maisons. Ils n'avaient pas de Coupe des Quatre Maisons. Ils n'avaient pas de Coupe de Quidditch.
Malgré-lui, Griffin avait raison ; c'était le fonctionnement-même de Poudlard qui causait nos problèmes. Bien sûr, ce n'était pas ce qu'il avait sous-entendu, mais il avait orienté mon attention sur un détail important : ces problèmes n'existaient qu'à Poudlard. Et cela était lourd de sens. Aucun des problèmes que nous connaissions ne pouvait exister à Beauxbâtons car leurs fondateurs n'avaient pas fait les mêmes choix que les nôtres ; tout dans le fonctionnement du château ne pouvait mener qu'à des affrontements ridicules. Tout était fait pour exacerber les compétitions intermaisons tout en rendant extrêmement difficiles les relations sociales entre maisons.
Nos fondateurs étaient responsables. Ils avaient eu l'idée de génie de créer des maisons ; incapables qu'ils avaient été de discuter ensemble des élèves qui devraient investir l'école, ils avaient préféré créer des groupes d'élèves sur des critères arbitraires. Ces critères étaient si arbitraires qu'ils sous-entendaient qu'être ambitieux était nécessairement être lâche, si arbitraires que nos Fondateurs n'avaient visiblement pas conçu qu'il était possible d'être brave et sage, travailleur et rusé ; ils s'étaient complus dans une vision étrange du parfait élève-sorcier qui ne correspondait en rien à la réalité réellement éprouvée par les élèves. Aucun élève n'était le parfait représentant de sa maison, cela n'existait pas. Aucun individu ne se trouvait dans un cadran aussi défini, aucune des qualités liées aux quatre maisons n'était en réalité mutuellement exclusive l'une de l'autre. Les maisons ne correspondaient à aucune réalité psychologique. Et pourtant, tout le monde jouait le jeu en prétendant que le Choixpeau avait une réelle compréhension de la personne que nous étions ; comme si nous appartenions à une maison du fait de notre réelle personnalité, et pas parce que quatre idiots en désaccord avaient inventé de toute pièce une réalité et une vision de la personnalité qui n'existaient pas dans les faits. Nous avions accepté de jouer le jeu et nous nous distribuions dans ces maisons comme si elles avaient le moindre sens depuis des siècles.
Tout Poudlard me parut soudainement ridicule. Bien évidemment, créer ces maisons n'avait pas été suffisant, les Fondateurs avaient ensuite collectivement décider de se livrer bataille à travers ces mêmes étudiants ; ils avaient inventés les points et la Coupe des Quatre Maisons, ils avaient mis en place des matchs de Quidditch, et ils avaient favorisé l'entre-soi de leurs propres élèves en créant des salles communes inaccessibles aux uns et aux autres.
A quoi ressemblerait Poudlard si nous n'avions pas les maisons ? A quoi ressemblerait la société sorcière britannique si nous n'avions pas les maisons ? Voldemort aurait-il ne serait-ce que pu avoir autant de soutien si tout n'avait pas été fait pour que la grande maison Serpentard soit ce qu'elle était ? Le Choixpeau Magique prétendaient que certains élèves étaient plus ambitieux que d'autres faisant fi du courage, de la sagesse, ou de la loyauté qui pouvait être la leur, tandis que la salle commune de Serpentard ne faisait que favoriser l'ambition et la rendre encore plus saillante aux yeux des élèves. Si ces derniers avaient été dispatchés à travers les salles communes au lieu d'être rassemblés au sein d'une même salle commune, aurait-on connu la montée au pouvoir du Seigneur des Ténèbres ?
Il me sembla en tout cas évident que sans les maisons, Lorris et Murray ne seraient pas en train de taper sur John.
