[RàR]
Kipoki :
Oh, si, ça m'intéresse beaucoup de savoir ce que vous pensez de tout ça :D
Je te remercie d'ailleurs beaucoup pour ton retour!
Je suis vraiment très contente si la réécriture de Lilith plait. J'ai commencé par refaire les Parker et Lilith en premier ; c'est la toute première chose sur laquelle j'ai travaillé. J'ai voulu en faire un personnage bien plus travaillé qu'il ne l'était avant. Mais forcément, toucher à un élément aussi fondamental de l'histoire et de la romance était un peu "risqué" donc c'est vraiment trop chouette si elle plait et ça me rassure :D
Je m'en suis rendu compte en cours d'écriture pour Matt. Si sa relative mise en retrait est pas gênante, tout va bien alors :) On le verra un peu plus normalement par la suite mais c'est sûr qu'il est moins présent qu'avant pour le moment.
Et c'est vraiment chouette si ça plait pour les autres personnages sur lesquels j'appuie un peu plus ou que j'ai pas mal modifié dans cette version! Je suis contente :)
Ah... Alice! Son personnage va évoluer au fur et à mesure. Désolée si ce n'était pas un passage très agréable à lire.
Encore merci pour ton retour o/
Je suis très contente que l'histoire plaise et j'espère que la suite te plaira toujours!
Chapitre 19
Troisième semaine de décembre
« Lilith,
Ou peut-être devrais-je commencer à te nommer pour ce que tu es, un boursouflet, parce que ta réponse était absolument adorable.
Pour répondre à ta question, nous n'avons pas votre millénaire de patrimoine, mais nous avons évidemment des traditions pour les fêtes de Noël. Nous nous retrouvons généralement chez la génération la plus âgée deux jours avant Noël (donc chez mes grands-parents, mais ce sont les plus « jeunes » qui s'occupent du repas et de tout préparer) ; et le lendemain, certains repartent dans les belles-familles. La veille de Noël, nous passons la journée à cuisiner tous ensemble pendant que mes grands-parents nous regardent avec leurs tisanes inquisitrices (dans lesquelles je suis persuadée qu'il n'y a très certainement aucune tisane), et nous jouons à des jeux de sociétés le soir (mes grands-parents sont persuadés de me laisser gagner une partie sur deux, mais je les bats à la loyale). Nous passons généralement le jour de Noël à table, depuis le levé jusqu'au coucher.
Cette année, nous allons chez mes grands-parents du côté de ma mère (dans la banlieue de Birmingham). Mes grands-parents paternels (qui habitent toujours à Uppsala) viennent aussi, parce qu'ils sont vieux et veulent profiter de « toutes les occasions ». Nous prendrons le réseau nord-européen de cheminées. C'est toujours très long et agaçant. Nous sommes obligés de passer par le nord de la France car la distance entre la Norvège et le Royaume-Uni n'a pas encore permis d'établir une ligne directe de cheminées de ce côté de la mer.
Du côté de ma mère, j'ai une tante et un oncle, ainsi que deux cousins. Je suis un peu plus jeune qu'eux et ils sont moldus. La plupart du temps, j'essaye de faire semblant de comprendre ce dont ils me parlent. Plus les années passent, plus ça devient compliqué. Avant, je pouvais m'en sortir en connaissant les noms de quelques programmes télés ou groupes de musique. Mais de nos jours leurs modes changent trop souvent - même leur langage change année après année, ce qui fait que je suis globalement toujours perdue. Ce que j'ai appris les années précédentes ne sert plus à rien les années suivantes. Au moins, ils savent que mon « collège » n'autorise aucun accès aux médias (ce qu'ils trouvent toujours « ouf »). Cela me donne une excuse toute faite. Lorsque quelques mots sorciers m'échappent ou que j'ai l'air particulièrement perdue, ils ont tendance à mettre ça sur le dos de la différence culturelle (je ne prends jamais la peine de leur rappeler que mon « collège » est en Écosse, que ma langue maternelle est l'anglais et que je suis anglaise). Je suis un peu la cousine bizarre, j'imagine.
À vrai dire, je suis un peu stressée à l'idée de passer les fêtes avec eux. Nous ne l'avions pas fait l'année dernière au vu des circonstances et cela me fait un peu bizarre de les revoir comme si de rien était. Tellement de choses se sont passées, il y a eu une Guerre avec tellement de morts...et, pour eux, notre absence n'était due qu'à des « indisponibilités ». C'est assez étrange et inconfortable en même temps.
Je dois avouer être quelque peu anxieuse à l'idée de découvrir d'autres « traditions » des Parker, mais j'ai très envie de savoir comment tu vas passer les fêtes.
Comment va ton frère ? Et Mr. Kristof ? J'espère tout de même qu'il ne fait pas tout votre repas de Noël. Quelques enchantements sur une dinde, ce n'est franchement pas la fin du monde, Lilith.
Je pense à toi,
Eyrin. »
J'avais eu bien plus besoin de vacances que ce que j'avais voulu admettre. Nous avions beaucoup discuté avec mon père de l'état de Poudlard - que je n'avais pas réellement mentionné dans mes lettres les plus récentes, et mes journées étaient agréablement ponctuées par l'échange de lettres que nous avions avec Lilith. La distance rendait nos échanges à la fois plus froids - je n'avais plus sa voix particulièrement posée, ses sourires amusés ou - parfois satisfaits, ni ses yeux curieux - ou d'autres fois perçants, mais, paradoxalement, passer par l'écrit rendaient nos échanges également moins pudiques et me donnaient l'impression que nous nous rapprochions différemment.
Mon père avait pris des congés particuliers du Ministère pour ces vacances. Ce matin, nous avions majoritairement discuté de la situation des Deuxièmes Années - dont il m'avait pressé de faire remonter l'information aux professeurs qui, selon lui, devaient déjà se douter de quelque chose ; il était pour lui inenvisageable que l'état de la promotion ne se reflète pas sur leurs notes. Vu la manière dont notre dernière réunion avec les professeurs s'était déroulée, cela me semblait également être une évidence.
Il avait cependant semblé satisfait de la manière dont nous avions essayé de gérer la situation - modifier nos rondes avaient été une bonne idée selon lui car cela avait dû permettre d'instaurer un semblant de cadre ; il y avait des façons dont on ne pouvait pas se comporter à Poudlard ou face à des préfets, mais mon père m'avait également indiqué que cela risquait de déplacer les comportements problématiques des Deuxièmes Années dans d'autres endroits et lieux – voir de les faire changer de mode d'expression. Il avait également été très clair sur le fait qu'il serait peut-être impossible de percer leur bulle à notre niveau et que nous devrions plutôt nous préparer à agir rapidement lorsque quelqu'un percera la bulle de l'intérieur avant que la brèche ne se referme ; ce qui était pour lui le scénario le plus probable.
Je ne m'étais cependant pas attendue à ce que notre conversation prenne un tout autre tournant en fin de matinée, alors que nous étions installés dans la cuisine.
- Est-ce qu'il y a autre chose dont tu aimerais me parler ? demanda soudainement mon père.
Je relevai les yeux, quelque peu anxieuse ; ce genre de question n'était jamais anodin.
- Peut-être quelque chose qui a un rapport avec ton grand sourire dès que Libellule te rapporte une lettre ? Ce qu'elle a l'air de faire régulièrement ces derniers jours…
- Mhm… euh… C'est juste Alice qui m'envoie des choses qu'elle a lu sur les participants de la course cette année et d'autres… lettres que je reçois de temps en temps.
- Lorsqu'Alice t'envoie un hibou, tu lis la lettre directement dans le salon. Tu ne files pas dans ta chambre avec un grand sourire comme tu le fais avec ces « autres lettres ». Je suis ton père, Eyrin, ajouta-t-il devant mon regard surpris, je remarque ce genre de choses. Mais de toute évidence, tu ne souhaites pas m'en parler donc je n'insisterai pas. Tu pourras m'en parler quand tu en auras envie. Tu sais que tu peux tout me dire, pas vrai ?
J'acquiesçai mécaniquement. Il se retourna pour broyer les grains de café - les suédois avaient vraiment un soucis avec cette chose immonde qui retournait l'estomac, et le bruit m'enleva un instant à mes réflexions. J'eus l'envie soudaine de tout lui partager sans vraiment réfléchir, comme j'en avais normalement l'habitude, même s'il ne m'entendrait probablement pas avec tout ce bruit. Et puis, depuis que nous avions pu en parler avec Alice, une partie de moi avait envie de le crier sous tous les toits. C'était assez absurde.
Pour autant, lorsque le café fut enfin moulu, l'idée-même resta étrangement terrifiante et mon estomac n'eut pas besoin d'ingérer la caféine de mon père pour être complètement retourné.
- Ce n'est pas que je n'ai pas envie de t'en parler, c'est juste que je ne sais pas trop comment le faire, avouai-je après m'être raclé la gorge.
Mon père finit de préparer son café dans un enchaînement de gestes étranges, comme à chaque fois, et se tourna vers moi. Il posa la cafetière sur la table avant de planter ses yeux dans les miens. C'était l'heure des grandes discussions.
- Peut-être que tu peux commencer par me dire comment elle s'appelle.
Mon cœur rata un battement et je déglutis ; j'allais finir par croire être réellement transparente aux yeux de tout le monde. C'était particulièrement gênant.
- Eyrin, tu réalises qu'il y a d'autres gens qui partagent le même espace de vie que toi, pas vrai ? continua mon père. Quand Libellule ou une autre chouette ramène du courrier et que je le récupère pour te le donner ou te le laisser avant de partir au travail, je vois certaines enveloppes. Notamment celles qui portent ton nom et dont l'écriture est particulièrement féminine et soignée. Ce n'est certainement ni Alice ni Emily qui calligraphient leurs enveloppes. Les mêmes enveloppes qui te font sourire et rougir ?
- Ca, c'est sexiste papa. Peter a une écriture très soignée.
Visiblement, j'amusais beaucoup mon père.
- Tu as raison, sourit-il, mais je ne pense pas que ce soit ton collègue préfet qui t'envoie ces lettres.
- Non…
- Eh bien, saches que lorsque tu seras prête à m'en parler, je serai très curieux d'en apprendre plus.
J'acquiesçai et il s'en alla récupérer quelques biscuits et son yaourt blanc. Je jouais nerveusement avec la anse de ma tasse tandis que sa tête était toujours dans le frigo.
- Lilith. C'est… Mhm… son prénom. Tu as dit que je pouvais commencer par te dire comment elle s'appelait, ajoutai-je rapidement.
- Lilith ? répéta-t-il en se retournant. Elle est de la même année que toi ?
- Oui, pourquoi ?
Il sembla réfléchir un instant avant d'écarquiller les yeux. Mon père referma la porte du frigo, yaourt en main, et se réinstalla face à moi.
- Lilith Parker ?
- Comment est-ce que tu…
- Eh bien, il n'y a pas beaucoup de Lilith, tu sais, et ça correspond à peu près en terme d'âge, répondit-il avant de partir brusquement dans un grand éclat de rire.
Il me laissait complètement sidérée à rire dans ce genre de situation, je ne comprenais pas bien ce qu'il se passait. Peut-être devrais-je m'inquiéter de cette soudaine crise de rire. Après tout, certaines maladies pouvaient se déclencher à son âge. Enfin, j'avais cru comprendre.
- Quoi ? Papa ? Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?
Mon père s'arrêta de rire mais garda une tête particulièrement amusée qui donnait l'impression qu'il riait toujours.
- Oh non, répondit-il en pressant le café, c'est juste que je viens de réaliser que ma fille avait des goûts très sophistiqués.
- Ce n'est pas drôle, répliquai-je.
Ce n'eut pas l'effet escompté. Il continuait de sourire - ces mêmes sourires qui disaient qu'il riait intérieurement, et je soupirai ; il n'y avait vraiment rien de drôle dans cette histoire.
- Ce n'est objectivement pas drôle, papa.
- Je suis vraiment très curieux de savoir comment ma fille a fini avec la fille Parker. Tu sais, reprit-il en se servant une tasse, je l'ai rencontrée une fois… Elle devait avoir 14 ans, quelque chose comme ça. C'était avant la Guerre, en tout cas.
- Tu as rencontré Lilith ? répétai-je, ahurie.
- À un gala, oui, répondit-il en ouvrant son yaourt comme si ce n'était pas grand-chose. J'ai aussi eu directement affaire avec Adam Parker sur les questions territoriales lapones il y a quelques années. Les Parker sont impitoyables lorsqu'il s'agit d'avoir ce qu'ils veulent. Ce ne sont jamais des rencontres très agréables. En tout cas, ils doivent les entrainer très tôt parce qu'à son jeune âge, elle était déjà plus à l'aise que ton père dans ce genre d'évènements. Et ça fait 20 ans que je travaille dans la Coopération Magique Internationale, ajouta-t-il en avalant une cuillère de son yaourt.
C'était des plus étrange d'entendre quelqu'un qui ne soit pas Lilith parler des Parker. Je ne doutais pas de ce qu'elle m'avait dit sur sa famille, et certains élèves à Poudlard semblaient toujours en parler de manière très respectueuse, mais que mon père lui-même en ait entendu parler ; voir même qu'il semblait effectivement donner un certain prestige à cette famille, était assez surréaliste. La société sorcière, même internationale, était petite mais... tout de même. Je commençai doucement à réaliser ce que le nom signifiait réellement et j'eus une sensation de vertige.
- Qu'est-ce que les Parker faisaient en Suède ? demandai-je en attrapant un des biscuits qu'il avait ramené.
- Je vais te répondre, ma chérie, mais après je veux vraiment savoir comment c'est arrivé. Ma fille avec la fille Parker ? Je veux tout savoir, s'amusa-t-il avant de se reprendre. Les Parker craignaient que notre façon de gérer le problème des Centaures allait donner des idées à d'autres Ministères et préféraient que nous soyons plus discrets dans nos affaires. Notre Directeur a fini par leur donner raison.
- Donc ils ont juste à venir, dire ce qu'ils veulent, et ça y est, ils obtiennent gain de cause ? demandai-je, la voix bien plus empreinte de colère qu'elle n'aurait dû l'être.
- C'est un peu plus complexe que ça, mais j'imagine que tu devrais le savoir mieux que moi, étant donné que tu sors avec leur fille. Ah. Je n'en reviens toujours pas, reprit-il en riant à nouveau.
- Nièce, corrigeai-je alors qu'il se calmait enfin.
- Quoi ?
- C'est leur nièce. Lilith a perdu ses deux parents.
- Oh, oui. C'est vrai. L'accident de transplanage. J'avais oublié, continua-t-il en secouant la tête. À l'époque, ça avait fait grand bruit dans le microcosme de la Coopération Magique Internationale pourtant.
- Pourquoi ?
- C'était deux grands noms qu'il était difficile de pas connaître dans ce milieu et puis ce genre d'accident est quand même assez rare, tu sais, en tout cas il est rare que les accidents de transplanage soient mortels dans un état de sobriété. Alors deux morts en un seul transplanage ? Un couple qui laissait des enfants orphelins derrière lui ? C'était quelque chose, à l'époque. Puis, tu sais, ça effraie toujours les gens de se rappeler que des choses qu'ils font au quotidien peuvent être porteuses d'un certain risque. Et quand ils sont effrayés, les gens discutent beaucoup. Aussi, il y a eu une enquête à l'époque, si je me souviens bien, ce qui n'a pas aidé à taire les discussions sur le sujet.
- Une enquête ? Pourquoi ? Tu te souviens de ce que ça avait donné ?
- Je me souviens vaguement que leur Elfe de Maison avait avoué avoir entendu le couple se disputer. Le père aurait tenté de retenir la mère alors qu'elle allait transplaner pour mettre fin à la dispute. Il y a eu quelques débats dans la communauté quant à la classification d' « accident domestique ». Tu sais, les diplomates adorent ce genre d'histoires. Certains pensaient qu'il aurait fallu reconnaître la responsabilité du père, les Moldus ont à ce sujet un concept assez intéressant d'« homicide involontaire », et les diplomates se sont amusés à en débattre dans les cocktails et à faire des parallèles avec les relations intercommunautés magiques qui avaient cours à l'époque. Je ne me souviens pas de grand-chose d'autre.
Je trempai un nouveau biscuit dans mon thé, quelque peu sonnée. Peut-être était-ce Mr. Kristof qui avait été témoin de la scène - ce qui avait dû participer à l'attachement qu'il semblait porter à Lilith et son frère. Je ne pus m'empêcher de me demander à propos de quoi ses parents s'étaient disputés.
- Je me souviens par contre, commença mon père soudainement bien trop sérieux, que tout est une question de préservation du patrimoine et du sang avec les Parker.
Je déglutis et détournai le regard, sentant clairement le vent tourner. L'attitude de mon père changea effectivement alors qu'il réfléchit. Il finit par poser ses yeux sur moi - en tout cas, j'eus l'impression de sentir le poids de son regard, et je n'osai pas avaler le biscuit. Je n'avais plus très faim. Il était évident qu'il savait ; et qu'il savait que je savais. Mon cœur reprit de plus belle et j'eus soudainement chaud.
- Maintenant que j'y pense, dit-il enfin d'une voix difficilement reconnaissable, je suis pratiquement sûr qu'au-delà de l'art de se mouvoir en société, le mariage arrangé est également une pratique qui se transmet de générations en générations dans ce genre de famille.
- Papa…, soupirai-je.
- Je ne veux pas que tu te fasses du mal, Eyrin.
- Je l'apprécies vraiment papa, je ne veux pas… Je veux juste être avec elle, c'est tout.
- Tu l'apprécies maintenant, tu tombes amoureuse ensuite, puis tu as le cœur brisé quand elle devra…
- Papa, s'il te plaît… Je suis juste bien avec elle, c'est tout. Pourquoi est-ce que tout le monde a toujours besoin de tout complexifier ?
- Je suis ton père, Eyrin. Tu ne peux pas me demander d'être d'accord avec cette… situation.
- Parce que tu crois peut-être que je suis d'accord avec cette situation ? Ce qu'ils lui font subir est franchement dégueulasse. Tout ce que je te demande, c'est de respecter mon choix.
- Tu réalises que nous ne parlons pas du tout de la même situation, pas vrai ?
Bien évidemment que nous ne parlions pas du tout de la même situation, parce que personne n'en avait quoique ce soit à faire de Lilith ; comme si la situation la plus grave était celle dans laquelle j'étais, et pas celle dans laquelle elle était prise. Je n'avais jamais ressenti ce genre de sensations envers mon père et fut déçue qu'il réagisse comme cela. Il était capable d'avoir toutes les belles paroles du monde sur Poudlard et nos professeurs, sur le fait qu'il ne fallait pas juger les personnes parce que nous ne connaissions pas réellement leur vécu, les ressources ou les choix qu'ils avaient alors à disposition, mais quand il s'agissait de voir cette situation dans son entièreté sans prendre automatiquement le parti de sa fille, il n'y avait plus personne.
Je soupirai et abandonnai soudainement ma tasse encore chaude sur la table de la cuisine avant de prendre la direction de ma chambre.
- Eyrin, il faut vraiment que tu arrêtes de fuir la discussion dès que tu es en colère, fit la voix de mon père alors que je montais les escaliers.
« Ma chère Eyrin,
Je t'interdis formellement cet affront à ma dignité.
Ce sont de jolies traditions familiales ; très intergénérationnelles. Tes grands-parents ont tout mon soutien pour votre soirée jeux. Je t'envoie tout mon courage (et mes pensées) pour pouvoir supporter tes cousins. Il est important de maintenir le contact avec la famille étendue, même si j'imagine qu'il doit être difficile de se sentir proche d'une partie de notre famille lorsque celle-ci ignore jusqu'au fait-même que nous sommes une sorcière.
Je pense pouvoir comprendre ton appréhension. D'un côté, cela est une bonne chose que cette partie de ta famille ne sache rien de la Guerre que nous avons connu : cela signifie qu'ils ont été épargnés par les morts et les dégâts qu'elle a causés.
Nos traditions de Noël n'ont rien de particulier. Nous passons la veille de Noël avec mes grands-parents, mon oncle, ma tante et mes cousins dans notre maison familiale. À l'exception de mes cousins qui ne vivent pas toute l'année avec nous, cela ne change donc pas grand-chose de la manière dont nous vivons habituellement. Nous discutons généralement des affaires de la famille pendant les jours de fêtes, dans la mesure où il est rare de pouvoir avoir mes cousins au même endroit aussi longtemps. À ce titre, la veille de Noël est un des seuls moments de l'année durant lequel les « enfants » sont conviés aux discussions des adultes concernant l'avenir de notre famille. Nous n'avons d'habitude droit qu'à un résumé de ce qui a été décidé, mais en cette journée nous pouvons également prendre part aux prises de décision. J'ai toujours beaucoup apprécié cette journée, aussi étrange doit-elle te sembler à côté de vos activités ludiques.
La plupart des familles de pouvoir britanniques sont nucléaires et ne célèbrent pas les fêtes avec leur famille étendue, alors il nous arrive d'en inviter quelques-unes à la maison le jour de Noël en fonction de nos besoins. Ils considèrent souvent cette invitation comme un honneur, mais cela tient plus à la rareté de l'invitation qu'à un réel prestige.
Cette année, je vais malheureusement devoir maintenir une conversation courtoise avec notre Directeur du Département de la Justice Magique - et son fils, tout aussi inconvenant que le père. Depuis cet été, le père prétend ne pas se souvenir de mon âge et fait l'erreur volontaire de me donner 17 ans avant de rire d'un air faussement gêné en accusant une prétendue mauvaise mémoire lorsqu'il est corrigé. J'imagine que, dans sa petite tête aussi remplie que celle d'un troll, mes 17 ans rendraient effectivement ses pensées dépravées à mon égard plus morales aux yeux de sa femme. Je n'éprouve parfois aucune hâte d'avoir bientôt 17 ans.
Je te remercie de prendre des nouvelles de mon frère. Au risque de rendre cette lettre quelque peu dramatique, il n'est pas dans un très bon état. Traditionnellement, l'apprentissage de la legilimancie commence lorsque nous sommes en deuxième année. Il vient d'avoir ses premières séances. Ce sont toujours des moments particulièrement difficiles à passer, mais Ethan n'était déjà pas dans un très bon état avant les séances. Les premières fois peuvent rendre particulièrement confus : notre cerveau a du mal à faire la part des choses entre les pensées, émotions ou souvenirs qu'il a vu chez autrui et ses propres expériences. Le rapport à la réalité peut être quelque peu altéré durant le temps nécessaire à l'adaptation de notre esprit. Nous le surveillons de près avec Mr. Kristof.
Sache que Mr. Kristof a une appétence toute particulière pour les fêtes de Noël. Il est notamment très excité par les décorations. Son enthousiasme des plus agréables a toujours su réchauffer notre maison en cette période. Nous le laissons généralement faire ce qu'il souhaite et avons pris l'habitude de découvrir ses décorations ensemble, avec mon frère, une semaine avant le jour de Noël. Mr. Kristof est toujours très fier de ses arrangements – et à raison.
Nous n'avons pas pour habitude de cuisiner une dinde pour les fêtes. Cependant, Mr. Kristof te rétorquerait que la préparation d'une bonne viande nécessite des enchantements particulièrement fins qu'un sorcier lambda serait bien incapable de réaliser, limité qu'il ait dans sa pratique de la magie par sa baguette bien trop rigide.
J'ai pris la liberté d'informer Mr. Kristof que tu avais pris de ses nouvelles, il a été particulièrement touché. Il faut croire qu'un second membre de notre famille a succombé à ton charme.
Tu as toutes mes pensées,
Je t'embrasse,
Lilith. »
J'étais assise en tailleur sur mon lit lorsque mon père toqua contre la porte. Je soupirai et reposai la lettre de Lilith – que j'avais relu pour la troisième fois d'affilée, sur la table de nuit. La tête de mon père apparut dans l'embrasure de la porte au moment-même où je rangeai mon sourire stupide.
- Eyrin.
Je relevai les yeux avant de soupirer à nouveau. J'acquiesçai et il se décida enfin à entrer. Mon père déposa ma tasse de thé sur la table de nuit et je m'enfonçai plus profondément dans les coussins.
- Tu as le droit d'être en colère contre moi, tu sais, dit-il toujours debout à côté du lit.
- Je sais et je le suis.
- Ce que je veux dire, c'est que tu peux me dire pourquoi tu es en colère contre moi au lieu de garder tout ça pour toi. Dans ce genre de situation, tu fuis toujours la confrontation au lieu de dire ce qui te passe par la tête.
- Je ne fuis très certainement pas la discussion lorsque je suis en colère, répliquai-je aussitôt.
Mon père s'approcha de mon bureau et tourna la chaise dans ma direction avant de s'y asseoir en silence. Je soupirai ; peut-être que j'avais fuis la discussion avec Alice, certes, mais j'étais tout à fait en mesure d'être en colère contre d'autres personnes sans fuir quoique ce soit. Lorsque Griffin m'énervait, je n'avais aucun soucis à lui dire ce que j'en pensais.
- Peut-être uniquement lorsque je tiens aux gens contre lesquels je suis en colère, alors, avouai-je malgré-moi.
- C'est justement de ce genre de choses dont je voulais te parler, dit-il en attrapant une plume qui trainait sur mon bureau.
Il fit passer la plume entre ses doigts, manifestement perdu dans ses pensées ; la situation n'était définitivement pas anodine.
- Ce genre de choses ? répétai-je.
Il reposa la plume sur le bureau avant de se tourner vers moi.
- Eyrin, reprit-il sur un ton très sérieux, tu te comportais exactement comme ça avec ta mère. Dès que tu étais en colère contre elle, tu allais t'enfermer dans ta chambre en silence. Tu étais incapable de verbaliser toute cette colère. Cet été, c'était pareil. Je pouvais t'entendre pendant des jours lorsque tu étais en colère contre tes professeurs ou les Carrow, mais dès que je te mettais, moi, en colère, tu disparaissais. J'ai cru que la… situation nécessitait ce genre de… je ne sais pas, stratégie de coping dirait probablement ta mère, mais de toute évidence, c'est quelque chose que tu fais toujours.
Je levai les yeux vers lui avant de les détourner. Il avait pris l'habitude de se comporter parfois à mon égard de la manière dont il pensait que ma mère se serait comportée et cela rendait ce genre de situation tout autant familière que triste ; une impression fugace qu'elle était d'une certaine façon toujours avec nous et un rappel régulier qu'elle ne le serait plus jamais. Mon cœur se serra et je déglutis.
- Tout n'a pas besoin d'être à propos de maman, répondis-je.
- Et pourtant, certaines choses le sont.
Je secouai la tête, agacée. Je n'avais vraiment pas envie de parler d'elle. Autant en finir tout de suite.
- En quoi toute cette discussion rejoint ce dont tu voulais visiblement me parler ? demandai-je.
- Je vais te parler de quelque chose qui risque de ne pas te plaire. Promets-moi de ne pas fuir si je te mets en colère.
Son regard était particulièrement insistant ; le regard des grandes discussions, et je soupirai.
- Très bien. Je resterai sagement assise sur mon lit.
Il acquiesça et tourna légèrement sur la chaise du bureau. Au bout de quelques longues secondes, il l'avança de quelques mètres en ma direction. À voir son attitude, il était certain que je n'allais pas apprécier ce qu'il s'apprêtait à dire.
- Tu as passé la moitié de ta vie à développer une relation avec ta mère en sachant quand elle prendrait fin. Je me demande à quel point ça t'a influencée. Tu étais jeune, à un âge où on commence à construire de vraies relations en-dehors de ses parents, peut-être qu'avoir une échéance est devenu familier pour toi…
Je dus m'y reprendre à plusieurs fois pour m'assurer qu'il venait bien de sous-entendre ce que j'avais cru comprendre entre les lignes, complètement ahurie. Il resta silencieux et n'ajouta rien d'autre ; il était impossible d'imaginer une seule seconde que ça ne me mettrait pas en colère.
- Tu crois que ça m'amuse peut-être que la première fois que ce genre de choses m'arrive, je dois me faire à l'idée que ça ne mènera nul part !? C'est ma première copine, papa ! Sérieusement ?
- Ce n'est pas ce que j'ai dit, ma chérie. S'il te plaît.
- Je rêve ! continuai-je sur ma lancée, complètement hors-de-moi. Qu'est-ce que maman a à voir là-dedans ? Je n'étais pas au courant du mariage, ce n'est pas pour ça que je suis allée vers elle. Non mais sérieusement !
- Peut-être que c'est pour ça que tu acceptes.
- Non mais tu t'entends, papa ?
- Je pose juste la question. Et je pense être tout à fait en droit de la poser. Tu n'as pas besoin d'être autant sur la défensive.
- Sur la défensive ? répétai-je. Il n'y a pas de questions à poser. Si j'accepte, comme tu dis, c'est parce que j'ai vraiment envie d'être avec elle. Qu'est-ce qu'il y a d'aussi incroyable dans ma décision ? Emily est bien avec un Moldu et tu sais comment c'est compliqué. Ils partent tous dans leur école d'adultes après et c'est difficile de maintenir des relations. Personne ne l'emmerde avec ça!
- Emily n'a pas de date précise, Eyrin. Elle sait que ça va être compliqué à la sortie de Poudlard. Elle n'a pas la certitude que ce sera fini. Ce n'est pas pareil.
- Je n'ai pas de date précise non plus.
- Par Merlin, ce que tu peux être de mauvaise foi parfois.
Il se laissa retomber contre le dossier de la chaise et j'attrapai un coussin ; j'avais besoin de faire quelque chose de mes mains pour me calmer. L'envie soudaine de lui envoyer le coussin au visage me vint à l'esprit et je secouai la tête pour me débarrasser de cette image. Cette discussion était surréaliste.
- Ca peut te surprendre papa, repris-je en jouant avec les coutures du coussin sur mes genoux, mais j'ai réfléchis et j'ai pris ma décision. J'en ai marre à la fin de devoir me justifier envers tout le monde. J'ai envie d'être avec elle, elle a envie d'être avec moi, et je vais pas laisser ces connards avoir ce qu'ils veulent. Tu sais ce qu'ils leur racontent ? continuai-je en relevant les yeux vers lui. Qu'il vaut mieux ne pas trop s'approcher des gens avant le mariage, ne pas avoir d'amis trop proches, ne pas tomber amoureux, parce qu'après c'est trop difficile à vivre psychologiquement et que ça les rendrait malheureux. Non mais tu te rends compte ?
- Je ne suis pas tout le monde. Et arrête d'essayer de changer le sujet de notre conversation. Tu es le portrait craché de ta mère pour ça.
Encore une fois, il n'en avait rien à faire. Peut-être méritait-il de connaitre la douceur de ce coussin de plus près.
- De toute évidence, tu t'en fous de Lilith. Mais moi je l'apprécie vraiment. Je ne comprends pas pourquoi tu dois ramener toute cette situation à maman. Elle n'a rien à voir dans ma décision.
- Vu tes réactions, c'est un peu plus que l'apprécier, ma chérie.
- Et alors ? soufflai-je en haussant les épaules. Ca devrait juste me donner encore plus raison. Je sais très bien que la situation n'est pas normale, mais je ne vois pas pourquoi elle devrait nous empêcher d'être ensemble. Et tu sais, même sans cette… tradition des mariages arrangés, rien ne dit que je n'aurai pas fini par souffrir. Si on commence à tout vouloir toujours contrôler pour éviter la douleur, autant tout de suite arrêter de vivre. Si tu veux parler de maman, alors c'est peut-être plutôt de ça dont tu devrais parler. Tu ne crois pas ? Quand Lilith m'a invitée à Pré-au-lard, c'était la meilleure journée que j'ai passé depuis… depuis la fin de notre quatrième année. Et je suis censée faire quoi ? Ne pas en passer d'autres avec elle sous prétexte qu'à un moment donné, j'aurai le cœur brisé ? Au moins, j'aurai passé de belles journées avec elle. C'est mieux que de m'interdire d'être avec elle et de passer mon temps à me demander ce que ça ferait d'être ensemble. Je ne vois pas ce que j'ai à perdre à être avec elle.
Le silence qui s'installa fut interminable. J'avais tellement trituré les coutures du coussin que je fus surprise qu'il soit toujours entier lorsque je le reposai à côté de moi, fatiguée d'attendre que mon père se décide. Je ramenai les jambes contre ma poitrine et soupirai. Que la situation générale lui posait soucis, c'était une chose, mais la réduire à un simple sentiment de familiarité que j'aurai hérité de ma mère était plus que déplacé. Il lui était visiblement inconcevable que ma décision tienne plus de mes sentiments pour Lilith et de mon envie d'être avec elle que cette... chose étrange qu'il sous-entendait et que je ne savais même pas comment nommer.
- J'imagine que ça fait partie de l'adolescence d'avoir le cœur brisé, dit enfin mon père.
Je relevai les yeux vers lui, soudainement rassurée.
- Mais tu sais que les Parker sont vraiment une très vieille famille, reprit-il. Ne t'attend pas à ce qu'elle…
- Je sais, coupai-je. Je sais qu'elle le fera quoiqu'il arrive. Je ne suis pas idiote. On en a discuté.
- Vous en avez discuté ? reprit-il, de toute évidence surpris.
- Oui. Je lui ai dit que j'avais besoin de comprendre pourquoi elle le ferait malgré tout pour ne pas me mettre à espérer qu'elle ne le fasse pas.
- C'est… étrangement mature de ta part. Alors, reprit-il cette fois-ci plus posé, cette Lilith, qui a visiblement une bonne influence sur toi, j'ai le droit d'en savoir un peu plus ?
J'haussai les épaules et restai silencieuse un moment ; même si mon état s'était calmé ces dernières minutes, il m'avait tout de même particulièrement énervée et la colère redescendait difficilement. Pour autant, son intérêt me faisait plaisir et j'éprouvais la même envie que ce matin de tout lui raconter. Je récupérai mon thé bien plus tiède que chaud sur la table de nuit et mon père patienta calmement que ma colère finisse par s'évaporer dans le liquide rassurant.
Il eut presque autant de questions qu'Alice - heureusement moins imaginatives et impudiques, et fut très amusé que je sois celle qui lui ait demandé de m'embrasser. Je ne sus pas trop s'il s'était moqué de moi pour ne pas m'être rendue compte de mon intérêt pour Lilith plus tôt ou s'il avait trouvé la situation attendrissante. Mais le connaissant, probablement un peu des deux.
- J'imagine qu'il va falloir que l'on actualise cette fameuse discussion maintenant que tu es avec quelqu'un, dit-il soudainement.
Je relevai les yeux - il semblait tout à fait sérieux, et me laissai tomber sur le lit dans un long soupir.
- On en a déjà parlé cet été.
- En partant du principe que ce serait un garçon.
- Qu'est-ce que ça change ?
- Rassure-moi ma chérie, tu sais qu'il y a quelques petites choses qui diffèrent entre un garçon et une fille quand même ?
- Par Merlin… Ce n'est pas ce que je voulais dire, bredouillai-je complètement rouge.
- Je sais bien, je t'embête. Et je suis d'accord avec toi sur le fait que la majorité des choses dont nous avons discuté sont toujours d'actualité. Mais il y a quand même certaines choses qui sont différentes. Notamment, ce n'est pas parce que vous êtes toutes les deux des filles que vous voulez la même chose.
Nous venions à peine de parler de Lilith durant la matinée ; c'était incroyable qu'il pense déjà à ce genre de sujet. J'attrapai le premier coussin qui passa sous ma main pour y cacher ma tête.
- Papa… S'il te plaît… On s'est juste embrassées… Ce n'est vraiment pas nécessaire.
- Le but de cette conversation, c'est qu'elle ait lieu avant que vous fassiez autre chose que vous embrasser. Vous allez être tout un semestre sans surveillance, je ne suis pas naïf. Nous partons bientôt chez tes grands-parents et les filles arriveront ensuite, nous n'aurons plus beaucoup de moments à deux d'ici à ce que tu retournes à Poudlard. Et tu vas avoir 17 ans, tu seras bientôt majeure. Tu peux bien avoir une discussion d'adulte avec ton père sans avoir l'attitude d'une enfant de 13 ans, non ?
Je retins un soupir et me redressai sur le bord du lit après m'être débarrassée du coussin, lui faisant cette fois-ci totalement face. Qu'est-ce qu'il était agaçant lorsqu'il me parlait ainsi ; la honte m'envahissait toujours et c'était franchement désagréable.
- Merci, dit-il. Ce que je veux dire, c'est que tu peux peut-être penser que certaines choses sont plus faciles parce que c'est aussi une fille. Mais ce n'est pas nécessairement vrai. Tous les corps ne fonctionnent pas de la même manière, on se l'approprie tous d'une certaine façon et ce n'est pas parce que c'est une fille que tout fonctionne exactement comme chez toi, qu'elle veut la même chose que toi, ou que son rythme est le même que le tiens. La communication reste très importante.
Lilith était différente de moi ; ça valait le coup de subir ce genre de discussion malaisante.
- J'ai compris le message.
- Tu te souviens de ce dont on a parlé ?
- Papa, sérieusement, j'ai compris le message la première fois. Tu n'as pas besoin de refaire toute la discussion. Je te le promets.
- Je te fais confiance, Eyrin.
« Mon petit boursouflet,
Il faut croire qu'être adorable est en réalité un trait caché des Parker que Mr. Kristof partage également. Cela me fait plaisir de lire qu'il y a au moins quelqu'un chez vous pour vous insuffler un peu l'esprit des fêtes.
J'espère sincèrement que tu n'es pas obligée d'utiliser la legilimancie le jour de Noël avec ce genre d'énergumène. Quand on y pense, je n'ose pas imaginer à quoi certains idiots pensent de manière générale. Je ne suis pas sûre que la legilimancie soit une magie particulièrement satisfaisante de ce point de vue-là. Je comprends pourquoi tu l'utilises assez peu (au-delà de l'aspect moral particulièrement questionnant).
Je ne trouve pas que ce soit très sain d'être mise dans ce genre de position. Ta tante n'est pas au courant des penchants de ce type ? Ou elle te laisse quand même te démerder avec lui ? J'espère que tu pourras l'éviter ; sinon, parle-lui de sa femme à chaque fois qu'il lui vient une autre connerie à l'esprit et on verra combien de temps il continuera. J'imagine que, malheureusement, ce genre de situation doit être assez habituel pour toi.
Je suis vraiment désolée d'apprendre cela à propos de ton frère. Je dois admettre ne pas savoir quoi t'écrire. J'ai l'impression que rien de ce que je pourrais écrire ne serait vraiment correct. Et puis, c'est une situation que tu as connu toi-même, j'imagine, à l'âge de ton frère alors tu dois être très familière avec ce qu'il ressent actuellement. J'espère qu'il se remettra vite et, surtout, correctement de ses premières séances. En tout cas, je ne doute pas du fait qu'il soit très bien entouré, avec une sœur comme toi et Mr. Kristof. Dis-moi si je peux t'aider en quoique ce soit.
Je ne sais pas de quels autres maux souffrait ton frère avant ces séances (ou même avant l'année dernière), mais si j'ai correctement compris ce que tu m'as dit entre les lignes à Pré-au-lard et au risque de me mêler de quelque chose qui ne me regarde pas... As-tu déjà envisagé un médicomage moldu à ce propos ? Ma mère travaillait auprès d'enfants qui n'étaient pas très bien, elle les aidait à dépasser ce qui n'allait pas. Elle ne me parlait pas beaucoup de son travail, mais ça avait l'air d'aider les enfants. Je crois que nos professeurs sont d'accord pour au moins envisager la venue de certains de ces médicomages moldus spéciaux à l'école pour gérer quelques problèmes que nous avons. Si cela se concrétisait, peut-être ton frère pourrait-il en profiter ?
Sur une note plus légère qui j'espère ne sera pas malvenue, mon père a eu la drôle d'idée de me trouver particulièrement empressée de lire chacune de tes lettres (et non, ce n'était très certainement pas mes sourires qui lui ont mis la puce à l'oreille). Je n'avais pas envie de lui mentir quant à l'expéditrice de ces lettres et je dois avouer qu'une partie de moi avait très envie de lui parler de toi. Il m'a dit t'avoir déjà rencontrée à un gala, il y a quelques années à Stuttgart, en faveur d'un apaisement des conflits entre les communautés magiques de la Forêt Noire et les êtres de l'eau de la Rhénanie. Visiblement, tu étais plus à l'aise que lui. Je n'ai pas trop de difficultés à le croire.
En parlant avec mon père, je me suis souvenue de nos premiers cours de potions ensemble. Quand j'y pense, j'étais bien naïve ou... aveugle, je ne sais pas. À l'époque, je ne me serai jamais attendue à ce que nous finissions par échanger ce genre de lettres… ou de baisers, et pourtant, c'était probablement ce dont j'avais envie sans vraiment m'en rendre compte. Et puis, j'avais l'impression de te découvrir et de commencer à te connaître alors que nous échangions à peine quelques mots. Pouvoir anticiper ta façon de préparer notre potion m'avait donné l'impression d'être proche de toi. J'ai trouvé ces souvenirs… mignons avec le recul. Je ne sais pas, c'est peut-être idiot de te parler de cela dans cette lettre. Mais repenser à tout ça m'a presque fait autant sourire que recevoir une de tes lettres et... je suis juste vraiment très contente de pouvoir échanger ces lettres (et ces baisers) avec toi.
Alice et Emily arriveront après les fêtes. Nos relations sont toujours un peu étranges et distantes avec Alice, même par écrit, mais je suis très contente qu'elle vienne finalement. Elle m'a vraiment manqué. En y réfléchissant, je pense que nous devrions remercier Emily. Il est évident que, sans elle, aucune de nous deux n'aurait été capable d'avoir la discussion que nous avons eu. Mais je ne sais pas trop ce qui serait le plus approprié. Je dois encore y réfléchir. Peut-être qu'il faudra que j'en parle directement avec Alice quand elle sera là.
N'hésite pas à me donner des nouvelles de ton frère.
Je pense toujours à toi,
(et un peu à ton frère, mais surtout à toi)
Eyrin. »
