Chapitre 21
Fin décembre/début janvier
« Mon petit boursouflet,
Considérant tes résultats « époustouflants » en soins et créatures magiques, il est vrai que tu es tout à fait en mesure d'évaluer mes compétences dans cette matière.
Je pense que ce genre d'inquiétude est rarement illégitime. Tu connais ton frère. À ce sujet, il me semble aussi que ta famille est particulièrement hiérarchisée. Il y a bien quelqu'un « au-dessus » de ton oncle et ta tante qui pourrait leur faire entendre raison s'ils refusent de t'écouter. J'espère sincèrement que la situation s'améliorera. Tu as toutes mes pensées.
Comment se sont passées tes fêtes et cette fameuse rencontre avec notre cher directeur du Département de la Justice Magique ?
Je te remercie pour tes conseils. Nous les avons suivis et cela a beaucoup ému Emily. Aussi, je lui ai transmis tes remerciements. Je les ai quelques peu traduits, j'espère que tu ne m'en voudras pas : je ne voulais pas qu'Alice passe la soirée à rire parce que tu m'as vouvoyé dans une lettre. Enfin, je ne voulais surtout pas devoir lui expliquer pourquoi tu en es venue à me vouvoyer. En un sens, je t'ai rendu service.
Je pense que vous vous entendriez bien toutes les deux. Je veux dire, Emily et toi. Peut-être pourrions-nous passer un moment toutes ensemble à Poudlard ? Cela me ferait plaisir que les filles puissent te rencontrer. Ca ne veut pas dire que vous êtes obligées de bien vous entendre, bien entendu. Je ne m'attends pas à des miracles entre Alice et toi.
Je tenais à te remercier de m'avoir « envoyé Edgar ». Cela m'a fait très plaisir de le voir. J'ai beaucoup apprécié cette découverte, c'était une très bonne idée. Les premières pages étaient un peu particulières et, finalement, une fois que le récit commence véritablement, c'est très intéressant à lire. J'ai hâte que l'on puisse en discuter toutes les deux !
Je dois avouer avoir été un peu surprise par le livre de Dragonneau. Je ne m'attendais pas à ce qu'il s'ouvre sur une illustration de toi.
Tu me manques,
Je pense à toi,
Eyrin.
PS : je ne me suis très certainement pas mordu la lèvre à la lecture de ta dernière lettre très émouvante.
PPS : et, au risque de te décevoir, je n'ai pas rougis non plus. »
Avec les filles, nous avions pris l'habitude de faire un repas de fêtes à trois – entre Noël et Nouvel-An, et passions généralement notre première journée ensemble à le préparer, afin de nous échanger nos cadeaux en soirée après une traditionnelle promenade nocturne sur le lac gelé qui bordait la maison.
Nous avions passé la majeure partie de notre seconde journée à discuter bien au chaud dans le salon, en nous partageant quelques biscuits que nous avions cuisiné le matin-même. Mon père avait repris le travail selon ses horaires habituels et nous avions la maison pour nous toutes seules. Je partageais le canapé avec Emily, qui était très concentrée sur la neige qui tombait par la fenêtre – la température s'était réchauffée aujourd'hui, et Alice avait pris le fauteuil près de la cheminée.
Cette dernière avait eu un Noël très habituel ; son grand-frère avait passé la soirée à lui verser discrètement du Whisky Pur-Feu dans sa bièraubeurre et elle s'était retrouvée complètement ivre à 22h. Alice nous avait assuré ne pas s'en être rendue compte, mais j'avais du mal à comprendre comment il lui avait été possible de confondre une bièraubeurre avec de l'alcool fort – elle était peut-être déjà légèrement alcoolisée lorsque son frère avait commencé son rituel, cela dit. Leur mère les avait sévèrement réprimandés – sans trop de succès, et Alice avait fini par raconter les pires conneries de son frère à sa nouvelle copine pour se venger ; et probablement parce que, dans son état, elle aurait été bien incapable d'inhiber quoique ce soit.
Visiblement, aux alentours d'une heure du matin, le frère, la sœur et le père étaient partis dans un concours de métamorphose complètement ivres ; le sapin de Noël n'était plus qu'un amas de bois sec impossible à faire revenir à son état initial, les coussins étaient devenus un semblant de nourriture – majoritairement des toasts qui avaient tâché tout le canapé, et les verres de champagne s'étaient mis à courir – enfin à « sauter comme à pied joint » dans la cuisine lorsque son père avait préféré enchanter plutôt que métamorphoser les objets. Alice était persuadée d'avoir gagné leur concours et était très satisfaite de ses prestations, surtout vu son état d'ébriété bien avancé. Dû à ce même état, elle avait cependant passé le reste de la soirée à avoir peur que le Ministère vienne l'arrêter pour avoir pratiqué ce genre de magie tout à fait intentionnelle sans être majeure – avec l'appui évidemment très convaincant de son frère qui n'avait pu s'empêcher d'accroître sa peur, jusqu'à ce qu'elle s'endorme d'elle-même sur le canapé.
Des fêtes de famille somme toute assez normales chez les Stevens. Peut-être que la plus grande surprise de ces fêtes était que la copine du frère n'avait pas pris les jambes à son cou le lendemain matin.
Mais, évidemment, Alice avait trouvé mon Noël bien plus drôle à en croire le grand éclat de rire dans lequel elle était partie lorsque je lui avais raconté le « fameux » repas, devant le regard amusé d'Emily.
— En même temps, c'est normal qu'elle veuille la rencontrer, fit Alice alors que nous discutions de ma grand-mère. Elle ne sait pas depuis quand vous êtes ensemble, en plus tu ne lui as jamais présenté personne donc elle est toute excitée, et tu lui as vendu la copine parfaite. J'aimerais trop être là quand tu le diras à Parker pour voir sa tête, reprit-elle avant de repartir dans un grand éclat de rire.
— Je me suis laissée emportée avec le stress, soupirai-je. Elle oubliera peut-être d'ici les vacances.
— Oh, non, s'amusa Alice, ta grand-mère n'oubliera certainement rien. Mais bon, elle risque d'être déçue, quand même.
— Comment ça ?
— Très jolie ? Si tu aimes les reines de glace, alors Harper est très jolie, mais Parker est… jolie. Point. Et très intelligente ? insista Alice. Elle est cultivée, ce n'est pas pareil, tu sais.
— Tu n'es quand même pas sérieusement en train de dire qu'Harper est plus jolie que Lilith ? m'offusquai-je non sans un sourire. Et tu ne la connais même pas, je te signale, tu ne lui as jamais parlé ! Elle est intelligente et cultivée.
— Eyrin, dit-elle d'un air tout à fait sérieux, je pense que tu as un grave problème de perception. Si ça se trouve, tu as besoin de lunettes. Il ne faut pas déconner avec ça, tu sais, la vue c'est important. Va falloir consulter avant que ta vue baisse trop drastiquement et que tu te mettes à trouver Campbell « très » jolie.
Je ne pus m'empêcher de rire et la culpabilité me prit aussitôt ; c'était d'une méchanceté absolument gratuite. Au moins, Emily m'avait accompagné dans cette déplorable crise de rire.
— Tu sais, commençai-je en récupérant un biscuit sur la table basse, peut-être que tu pourrais l'appeler par son prénom.
— Tu viens toi-même de dire que je ne la connaissais pas, rétorqua Alice. C'est trop bizarre de l'appeler par son prénom.
— Oui mais Parker, ça me fait penser à sa famille plutôt qu'à elle.
— Et nous n'aimons pas sa famille.
— Nous n'aimons vraiment pas sa famille.
— Ok, très bien, soupira-t-elle en se laissant tombée contre le dossier du fauteuil. Mais je veux lire une de ses lettres.
Je soupirai ; elle était là depuis deux jours à peine et c'était déjà sa sixième tentative.
— Hors de question, répondis-je fermement.
— Allez ! implora-t-elle. Je suis sûre que même son écriture doit nous prendre de haut.
— Elle écrit bien, rétorquai-je, il n'y a rien de condescendant là-dedans.
— Eyriiiiiin, s'agaça Alice dans un long soupir.
— Aliiiiiiice, l'imitai-je aussitôt.
Emily éclata de rire sur le canapé et la blonde lui lança un coussin – enfin peut-être avait-elle essayé de me viser moi, car elle eut l'air déçu que le coussin arrive à destination d'Emily qui l'évita de justesse. Nous éclations de rire tandis qu'Alice tentait péniblement de s'excuser.
— Tu sais que les lettres sont sur ton bureau, reprit-elle finalement.
— Serait-ce une menace ?
— Je constate simplement que j'aurais pu les lire hier soir pendant que tu prenais ta douche.
— Eyrin, s'amusa Emily, je pense qu'Alice imagine que tu la récompenseras en la laissant lire tes lettres sous prétexte qu'elle s'est retenue de les lire.
— Oui, et c'est tout à fait normal, répliqua Alice. Si Eyrin était bien élevée, c'est ce qu'elle ferait.
— Il est hors de question que tu lises quoique ce soit.
— Mais tu passes tellement de temps à lui répondre, de quoi est-ce que vous parlez ? demanda Alice en sautillant presque d'impatience sur le fauteuil. Et tu sais, si ça avait été un garçon, je t'aurai pris la lettre des mains sans me gêner. Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas la lire.
Nous eûmes le réflexe de répondre dans le même temps, Emily et moi.
— Parce que si elle lui répondait en 5 minutes, dit Emily, tu ne serais pas curieuse ?
— Ca n'a rien à voir avec le fait qu'elle soit une fille, tu n'oses pas lire les lettres de Lilith à cause de son statut et tu essayes de m'embobiner avec la première connerie qui te vient à l'esprit.
La blonde leva les yeux au ciel – deux fois vaincue, avant de se tourner justement vers Emily pour l'un de ses habituels changements de discussion ; je n'eus cependant aucun doute quant au fait qu'elle continuerait d'essayer dans les jours à venir. Aucune lettre de Lilith n'était en sécurité dans cette maison.
— Et toi, chez la famille de Theo, ça s'est bien passé ?
— Je crois qu'ils pensent que je fais partie d'une secte.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda Alice.
Emily nous expliqua succinctement qu'il s'agissait d'un groupe de personnes qui pouvaient manipuler d'autres à les rejoindre pour de soi-disant croyances ; visiblement, une fois le groupe rejoint, celui-ci avait tendance à les y enfermer et à faire en sorte qu'ils ne puissent plus en sortir. Les victimes donnaient aussi ce qu'ils avaient – argent, patrimoine, au groupe.
Visiblement, la famille de Theo lui avait fait remarqué que l'isolement qu'il voyait chez Emily – le fait qu'elle ne pouvait réellement parler de Poudlard ou de la magie, était un signe qu'elle avait besoin d'aide. Personnellement, cela me fit surtout penser aux mangemorts.
— Mais ce n'est pas ce que Theo croit, pas vrai ? vérifia Alice.
— Non mais c'est difficile pour lui de comprendre la situation et de pouvoir se défendre auprès de sa famille tant que je n'ai pas le droit de lui montrer réellement la magie, répondit Emily. Au moins, ça le rassurerait sur le fait que ce soit sans danger, par exemple.
— Mais ça fait une éternité que vous êtes ensemble ! s'indigna la blonde.
— Trois ans, Alice.
— C'est ce que j'ai dit !
Je ne pus empêcher un sourire devant l'air exaspéré d'Emily.
— Il faut que vous soyez mariés, c'est ça ? demandai-je. Pour avoir le droit de faire de la magie devant lui, je veux dire.
— Oui, répondit la brune en se reversant du thé.
— Mais s'il le sait déjà, fit Alice, le Ministère s'en fout, non ? Qu'est-ce que ça change si tu fais vraiment de la magie ou non, à partir du moment où Theo te croit sorcière ? Le Secret Magique est rompu dans tous les cas.
— Je ne sais pas Alice, j'imagine que je n'avais pas réellement le droit de lui dire en réalité, répondit Emily. Mais c'est trop étrange de nous forcer à mentir dans ce genre de cas et j'ai préféré lui dire la vérité. De toute façon, Theo est très curieux. S'il n'a pas toutes les réponses, il va forcément les chercher. Il a déjà essayé de chercher l'école privée dans laquelle je suis censée être avant que je lui demande d'arrêter. Je ne voulais pas qu'il se passe quelque chose dans sa tête, qu'il aille chercher là où il ne devait pas, et qu'après il se retrouve à être oublietté ou quelque chose.
— C'est un vrai risque, ça ? demandai-je. Ou c'est comme métamorphoser un sapin le jour de Noël quand on est mineure, techniquement interdit mais pas réellement appliqué ? m'amusai-je en lançant un regard à Alice qui leva les yeux au ciel.
— J'étais à deux doigts de choisir de métamorphoser les cadeaux, en plus, répliqua la blonde, mais j'ai préféré prendre le sapin parce qu'il avait l'air triste avec ses petites décorations toutes désordonnées. Mon père est vraiment nul en enchantements. Elles bougeaient toutes en décalage, ça m'a perturbée toute la soirée. Aucune boule n'était synchronisée avec une autre, aucune, répéta-t-elle sidérée. C'était tellement triste à voir.
Nous rîmes ; Alice avait dû être particulièrement ivre, tout de même. C'était incroyable que, dans un état pareil, elle avait tout de même été en capacité de métamorphoser un sapin entier. Même sobre, je devrais m'y prendre à plusieurs reprises pour arriver à quelque chose de potentiellement potable. Elle avait une maitrise de la magie bien supérieure ; à part en potions, respecter des instructions l'avait toujours ennuyée et, plus la potion nécessitait d'étapes de préparation, plus elle perdait de concentration au fil de sa lecture. Lorsque nous étions en binôme, il lui était déjà arrivé de presque s'endormir en pleins travaux pratiques si ce n'était pas moi qui organisait notre travail.
— Après, reprit la blonde, il y a des Moldus qui ont dû être oubliettés après une rupture. Donc j'imagine que c'est un vrai risque, quand même.
— Vraiment ?
— Ouais ouais, répondit Alice, y'a eu un scandale il y a quelques années quand ils se sont rendus compte qu'une bonne partie des oubliettes était liée à des relations amoureuses qui se sont mal terminées. Ces idiots n'arrivaient pas à être assez précis pour leur faire oublier l'annonce, alors ils ont simplement fait disparaître la relation. D'un côté, c'est pratique, pas vrai ? s'amusa Alice. Pas d'ex chiant à gérer. Mais bon, tu imagines des Moldus qui ont pu être parfois pendant des années avec quelqu'un ne soudainement plus se souvenir de la personne en question ? reprit-elle, ahurie. Les Moldus ont failli inventer une maladie du cerveau, comme celle d'Emily, pour expliquer le phénomène avant que le Ministère intervienne de manière un peu plus intelligente pour contenir la chose. J'ai lu ça la semaine dernière. Maintenant qu'ils ont fini de nettoyer les ravages de la Guerre, ils reviennent aux affaires habituelles et ils ont peur que les oubliators soient un peu trop exténués pour faire du travail de qualité. L'histoire est remontée à titre d'exemple…
Au final, ces histoires étaient assez surréalistes ; les sorciers ne pouvaient se permettre de dire la vérité à toutes les personnes Moldues qu'ils côtoyaient, mais devoir attendre le mariage pour dire la vérité – puisque c'est ce qu'Emily sous-entendait lorsqu'elle disait qu'elle n'avait peut-être pas eu le droit de le lui dire, était réellement étrange. Le Ministère avait probablement besoin d'utiliser un indice pour décréter qu'un couple était stable et se projetait suffisamment dans le futur pour pouvoir partager le Secret Magique, mais cela nécessitait forcément de passer par le mariage. Si c'était un symbole fort dans les deux cultures, moldue comme sorcière, ça restait très contraignant pour les personnes ne souhaitant pas se marier. Peut-être notre société aurait-elle pu gérer le Secret Magique différemment ; après tout, comment construire une relation basée sur la confiance s'il fallait qu'Emily mente afin de pouvoir dire la vérité plus tard. C'était assez contradictoire – comme nos relations avec les Moldus de manière générale. Et, bien sûr, le Ministère usait constamment d'oubliettes comme si ce n'était pas un problème éthique de pouvoir s'amuser avec la mémoire des Moldus. Nous en avions peur mais nous avions pourtant l'avantage sur eux sans réellement le reconnaître.
Cela me rappela le livre que Lilith m'avait offert. C'était l'histoire d'un Moldu – Elias Scott, qui vivait dans un appartement d'un immeuble en très mauvais état en plein Londres des années 40. Les murs étaient fins et il entendait tous les soirs les conversations de certains de ses voisins ; évidemment sorciers. Au bout d'un moment, il finissait par réaliser que quelque chose n'était pas normal et décidait de mener son enquête – nous le suivions alors qu'il tentait de faire sens des propos sorciers, dans le même temps que, en tant que sorciers, nous essayions de comprendre qui étaient ses voisins et ce qu'ils faisaient dans cet immeuble. Des résistants ? Des soutiens à Grindelwald ? Des criminels ? De simples sorciers qui essayaient de faire sens de la situation ? Nous découvrions la vérité en même temps qu'Elias, même si lui n'avait clairement pas assez d'informations pour en comprendre autant que nous ; ce qui créait un décalage assez comique à la lecture. Évidemment, venait le moment où la confrontation avait lieu – et l'éternelle oubliette. Pourtant, les sorciers étaient toujours là le lendemain et les murs étaient toujours aussi fins. Alors Elias se posait à nouveau des questions et repartait dans une nouvelle enquête. Il finissait par comprendre que son esprit lui jouait des tours et, au fur et à mesure que les oubliettes passaient, il se laissait des indices écrits ici et là ; que les sorciers ne verraient évidemment jamais car ils ne bougeraient pas de leur appartement. Finalement, les oubliettes finissaient tellement nombreuses et les oublis de mémoire si fréquents qu'Elias finissait par devoir être pris en charge par un médicomage moldu ; après avoir accessoirement perdu sa femme à cause de son obsession. Les sorciers, pourtant, n'avaient jamais changé leur façon de vivre ou de se comporter vis-à-vis d'Elias.
Si les sorciers ne s'étaient pas reposés sur la Magie uniquement – et notamment sur l'oubliette, Elias n'aurait pas eu besoin de finir dans l'état dans lequel il avait fini. La société sorcière était restée immobile et sur ses acquis ; dans un appartement, sans jamais prendre la peine de questionner sa présence dans cet immeuble Moldu en premier lieu – puisque nous n'avions, à la fin, aucun indice quant au pourquoi de leur présence. Tout comme les sorciers n'avaient jamais reconnu que le rapport de force était en leur faveur ; s'ils l'avaient fait, ils se seraient retenus d'user de tant d'oubliettes et auraient simplement déménager – ou parler moins fort. Le livre terminait sur un voisin d'Elias qui, en aidant la famille à faire les cartons pour le déménagement suite à l'internement d'Elias, retrouvait les notes et les écrits de l'enquêteur. Ses murs à lui étaient tout aussi fins et le récit se terminait sur le moment où, à son tour, il se mit à regarder avec attention l'appartement occupé par les sorciers.
Je me demandais comment Lilith avait pu avoir connaissance de ce genre de choses ; même mon père n'était pas familier de ce genre littéraire et avait eu l'air surpris par le livre, lui qui avait pourtant lu beaucoup de choses en rapport avec les Moldus lorsqu'il était tombé amoureux de ma mère. En tout cas, il ne s'était pas privé de me le piquer.
— Notre Eyrin pense à son amoureuse, s'amusa brusquement Alice.
— Quoi ? Non, répondis-je les joues rouges.
— Tu souriais effectivement, s'amusa à son tour Emily.
— Je pensais à son cadeau plus qu'à elle.
— Oh, non, je pensais à ses baisers plus qu'à elle, m'imita Alice.
Je récupérai le coussin qui était tombé à côté d'Emily pour le rendre – d'une belle envolée à travers le salon, à sa juste propriétaire qui se le prit en pleine figure. Au moins, moi, je savais viser. Les entrainements de quidditch n'avaient pas été inutiles. Nous rîmes à nouveau et Alice promit de se venger.
« Mon cher strangulot,
Oh, je ne te pensais pas si compétitive. J'avais bien saisi que tu as avais une certaine fierté intellectuelle absolument ravissante, mais je ne me doutais pas que cette fierté pouvait prendre une telle ampleur. Je tâcherai de ne pas trop me vanter lorsque je récupérerai le Vif d'Or pour Serpentard lors de nos prochaines victoires. Je ne pourrais me pardonner de heurter tes sentiments.
J'ai suivi tes conseils, au plus grand déplaisir de mon oncle, et mon grand-père m'a entendue. Ils vont arrêter les séances pour ces vacances et les alléger par la suite. Je te remercie pour ta clairvoyance au sujet du fonctionnement interne de ma famille. Cela me rassure beaucoup pour Ethan.
Je n'ai pas eu besoin d'utiliser une quelconque forme de magie pour entrevoir ce qui passait à l'esprit de notre cher directeur. Je crains d'avoir utilisé ton astuce particulièrement efficace. Au bout de la troisième fois, notre cher directeur a automatiquement jeté un œil à sa femme et a changé drastiquement d'attitude. Je crains que ton astuce ne l'ait conditionné. C'était en tout cas un sentiment très agréable.
Aurais-tu peur que Stevens te découvre sentimentale ?
Je dois effectivement admettre être particulièrement rassurée que cette « histoire » de boursouflet ne dépasse pas le cadre strict de nos échanges. J'ai une réputation à tenir et un nom à honorer. Et nous ne souhaitons très certainement pas que Stevens fasse une syncope. En ce sens, j'aime à croire que tu t'es également rendu service.
Ce serait un grand plaisir de pouvoir discuter avec les personnes qui partagent la majeure partie de tes journées à Poudlard. Je tâcherai de me comporter convenablement vis-à-vis de Stevens.
À ce propos, comment se déroulent vos traditions hivernales ?
Je suis très heureuse d'apprendre que le livre t'ait plu et attends avec impatience de pouvoir en discuter avec toi. En ce qui me concerne, je ne connaissais pas les toiles astronomiques et fus très émue par ton cadeau. C'est un très bel objet. Je te remercie sincèrement de « m'avoir envoyé Libellule ».
Je ne répondrai point à ton affront quant au livre de Dragonneau.
J'aimerais tant pouvoir être à tes côtés,
Tu me manques terriblement,
Je t'embrasse,
Lily.
PS : je n'en crois pas un mot. »
Évidemment, mon père et Alice avaient parié sur le vainqueur de la course annuelle et, comme chaque année, aucun des deux n'avait gagné. Nous avions assisté au départ de la course avant de transplaner jusqu'à l'arrivée – parfois, nous prenions la peine d'essayer de nous arrêter à certaines étapes du parcours mais la dernière fois que nous avions fait une pause au niveau de la réserve des Suédois à Museaux Courts, un balais avait été complètement anéanti sous nos yeux par un des dragons et l'image me hantait encore bien trop pour que me vienne l'esprit de tenter à nouveau l'expérience.
Au moins, il n'y eut aucun blessé grave cette année. Comme d'autres spectateurs, nous profitions d'être au nord du pays pour passer la soirée à Arjeplog à la fin de la course. Nous nous étions installés au bord d'un lac avec l'habituel baril qui nous servait de cheminée improvisée. Mon père avait déjà allumé le feu et avait métamorphosé quelques rondins en bancs.
Emily discutait avec lui au bord du lac gelé – vu les températures ici, le lac était beaucoup plus gelé qu'à la maison où nous ne pouvions nous aventurer qu'au tout bord de l'eau gelée. Mon père expliquait visiblement à Emily comment savoir si la glace était assez sécurisée pour marcher dessus – sinon je ne comprenais pas bien ce qu'ils faisaient à genoux sur la glace, mais je les soupçonnais surtout de vouloir nous laisser un temps seules avec Alice.
Nous nous étions déjà installées près du feu sans les attendre. Comme chaque année, Alice semblait être frigorifiée malgré les nombreux rappels qu'il ferait particulièrement froid aussi au Nord. Je secouai la tête et me décalai légèrement pour libérer une partie de ma cape, et elle vint s'y réfugier non sans un sourire.
— J'ai mis trois couches cette fois, pourtant, se défendit-elle.
— Alice, il fait -16. Ce ne sont pas deux pulls qui vont y faire quoi que ce soit. Achète-toi une vraie cape.
Je sentis une partie de son corps s'appuyer plus encore contre le mien ; elle préparait quelque chose, mais je ne fus pas assez rapide. Déjà, un froid intense me brûlait la nuque et le dos.
— Alice !
Seul un grand éclat de rire me répondit. Je tentai d'enlever la neige qu'elle avait réussi à me glisser dans le dos par un quelconque miracle.
— J'avais dit que j'aurai ma revanche !
— Tu es sérieuse ? Ah putain, c'est froid. -16, Alice, répétai-je. -16 et tu me mets de la neige dans le dos ?
— Je te l'enlève attends. Tu as vraiment l'air de galérer.
Ses mains furent toutes aussi froides que la neige. J'allais finir aussi frigorifiée qu'elle avec ces conneries. Puis toute la chaleur que mon pull avait permis de garder contre mon corps s'évacua d'un coup quand la blonde comprit qu'elle n'avait d'autre choix que de soulever mes habits pour laisser la neige retomber. C'était vraiment une idée idiote.
— Désolée, la neige a un peu fondu au contact de ta peau et tes habits sont un peu mouillés.
— Non, tu crois ? soupirai-je en réajustant mes vêtements.
Évidemment, j'avais maintenant froid et le fait que mon vêtement le plus près du corps soit en partie humide n'allait pas m'aider à rester au chaud. Lorsque je me tournai enfin vers Alice, prête à la sermonner, je fis cependant face à ses yeux de chiens battus et nous éclatâmes de rire.
— Tu es vraiment chiante, Alice, soufflai-je non sans un sourire. Et mets tes gants sérieusement, tes mains sont glacées. Tu vas finir par être malade, et moi aussi d'ailleurs, avec tes conneries.
Elle soupira mais finit tout de même par remettre ses gants. Je reconcentrai mon attention sur les quelques flammes qui dépassaient du baril. Le son était agréable.
— Je suis contente de te voir comme ça, dit soudainement Alice. Tu as l'air heureuse de recevoir ses lettres et plus heureuse encore de lui en envoyer. C'est assez adorable. Un peu niais, entre nous, mais adorable.
Je ne m'attendais pas à ce qu'elle revienne sur notre discussion aussi tôt et, si mes joues prirent des couleurs, je restai silencieuse. Nos rapports étaient restés distants et quelque peu froids, même si Alice s'était comportée naturellement ; quelque chose avait juste été différent.
— Je suis vraiment désolée d'avoir pensé que tu n'aurais pas dû être avec elle en potions, continua-t-elle.
J'acquiesçai ; son choix de mots n'était pas anodin, la dernière fois elle s'était excusée de l'avoir dit mais pas de l'avoir pensé. C'était particulièrement agréable et rassurant. Je ne savais pas si c'était le feu ou l'appréhension, mais mon coeur repartit de plus belle tandis qu'elle continuait sur sa lancée. Elle avait l'air d'avoir quelque chose en tête et le début avait particulièrement bien commencé. Mais avec Alice, il était parfois difficile de savoir à quoi s'attendre.
— À vrai dire, reprit-elle d'une voix bien moins assurée, je me sens vraiment stupide. Même tes grands-parents étaient contents et j'ai été incapable de l'être et à cause de ça, tu… J'ai failli nous coûter notre amitié. C'est juste que… c'est compliqué et je n'ai aucune idée de comment régler le problème, tu sais. Et, entre nous, c'est un peu terrifiant.
— Qu'est-ce qui est terrifiant ? demandai-je.
Elle soupira avant de ramener ses jambes contre elle. Son attitude n'était pas anodine.
— Ces vacances, commença-t-elle, je me suis rendue compte de la manière dont mon père et Alex se comportaient. Je sais que c'est stupide et que tu ne comprendras pas mais… Je n'avais jamais vraiment remarqué, avant. Tous ces commentaires sur les garçons ? Depuis que je suis petite, ils m'embêtent dès que je suis proche d'un garçon, comme si cela voulait nécessairement dire plus, tu vois ? Et depuis quelques années, c'est encore pire. Tout est si vite sexualisé. Je pensais que c'était parce qu'ils étaient ouverts, mais en fait… Ils sous-entendent constamment qu'un garçon ne peut vouloir que ça et qu'il ne peut me voir que par ça. Je n'avais jamais réalisé à quel point c'était présent, discret, mais présent. Tous ces commentaires, toutes ces blagues et réflexions… Je crois que ça m'a influencée plus que d'autres personnes, comme si j'avais internalisé le fait que je n'existais que par ça. Pendant un instant, j'ai vraiment été en colère contre eux, avoua-t-elle.
Je me tournai vers elle, manquant de peu, cette fois-ci, de complètement tirer la cape de mon côté. Je ne me rappelais plus de la dernière fois où nous avions parlé comme cela ; une éternité. J'eus l'impression de la retrouver ; elle, et ce sentiment d'intimité qui avait disparu de nos interactions ces derniers mois – à l'exception de notre discussion dans les escaliers. Je réalisai à quel point cette disparition avait été importante, bien avant que Lilith arrive dans le tableau. Peut-être aurions-nous dû discuter de ce qu'il s'était passé l'année dernière.
— Tu as le droit d'être en colère contre eux, répondis-je finalement.
— Oui mais c'est terrifiant de se dire que sa famille a pu… avoir, je ne sais pas, des conséquences négatives comme celles-ci. Parce que… Enfin, je les aime et ils sont gentils et chiants, mais gentils et de se dire… Je ne sais pas, soupira-t-elle avant de revenir au sujet principal comme elle le faisait si souvent. Et puis en grandissant, j'ai vu ce dont ils parlaient dans les yeux des garçons. Et c'était vraiment agaçant parce qu'à chaque fois que je me liais un peu d'amitié, comme tu te souviens avec Michael ? demanda-t-elle sans attendre de réponse, pas juste dans le sens être une camarade de classe, eh bien à chaque fois que je me retrouvais à leur dire non, ils ne comprenaient pas parce qu'on était proches et qu'ils pensaient que ça voulait dire quelque chose. Qu'est-ce que ça change, si on est proches ou non, ça devrait vouloir dire que je leur dois quelque chose ? C'est toujours si… bizarre, à chaque fois j'ai l'impression d'être… instrumentalisée, comme un objet. Ils s'inquiétaient pour moi uniquement parce qu'ils pensaient qu'il y avait quelque chose à la fin. Je déteste cette sensation. Alors j'ai juste essayé de séparer les choses, pour ne plus me sentir comme ça, et je crois que j'ai fini par devenir ce que mon père ou Alex voient chez les garçons. Je me comporte exactement en réponse à la manière dont ils pensent qu'un garçon me voit et peut-être que, parfois, ça a l'effet inverse. Vu que je sépare tout, soit on est ensemble, soit on ne l'est pas, être proche avec un garçon véhicule forcément l'idée qu'il y a plus. Du coup, tout se mord la queue. C'est vraiment idiot.
Les fêtes chez les Stevens avaient dû être bien moins normales ce que j'avais d'abord pensé ; en tout cas, pour Alice. Je déglutis. Elle donnait l'impression d'être concentrée dans ses pensées, l'air un peu ailleurs, mais il devenait évident que la situation l'avait pesé ces derniers jours. Paradoxalement, elle semblait avoir plus réfléchi à son rapport à l'autre et sa sexualité que moi. Je n'étais pas sûre d'appréhender pleinement tous les enjeux qu'elle mentionnait, surtout qu'elle m'avait prise par surprise à parler de tout cela, mais, en tout cas, elle n'avait pas menti lorsqu'elle avait dit qu'il y avait des choses sur lesquelles elle devait travailler et qu'elle essayait réellement de le faire.
— Je ne pensais pas que le fait que je sois avec Lilith pouvait faire… remonter autant de choses chez toi.
— Je sais, c'est bizarre.
— Non, je trouve que ça fait sens. Je pense que je comprends un peu mieux ce que tu entendais par reconnaître la situation dans laquelle tu es.
Elle détacha ses yeux des flammes pour les poser sur moi, mais resta silencieuse. Ce qu'elle m'avait dit n'appelait pas de réponse particulière – Alice semblait de toute manière avoir réfléchi longuement à la chose, et souhaitait simplement me partager ses pensées sur le sujet. Ce que nous n'avions pas fait depuis longtemps. Je ressentis enfin ce sentiment de familiarité si prégnant habituellement dans nos interactions - et si agréable.
Je reportai mon attention sur les étoiles particulièrement visibles ici, il était encore tôt dans la soirée pour apercevoir de véritables aurores boréales – et nous étions un peu trop au sud encore pour qu'elles soient véritablement spectaculaires, mais nous pouvions voir quelques trainées de temps en temps. Je pensai inévitablement à Lilith. Probablement qu'elle adorerait voir ce genre de ciel.
— Tu sais, repris-je soudainement en changeant de sujet, dans une de mes lettres à Lilith, j'ai utilisé un surnom qu'elle ne voulait pas que j'utilise et elle m'a répondu en me vouvoyant dans la suivante.
— Vraiment ?
— Mhm mhm. Elle l'a même adressée à « Miss Jonsson » et a signé « Miss Parker ».
Elle sourit avant de rire et je ris à mon tour.
— C'est drôle. C'est un humour particulier, ajouta Alice, mais c'est drôle. Cela dit, je reste la plus drôle.
— C'est marrant, m'amusai-je, elle réagit un peu comme toi.
— Comment ça ?
— Je ne sais pas, la façon dont elle parle de toi ça me rappelle un peu la façon dont tu parles d'elle. C'est dans sa façon de se mettre en opposition à toi. Vous faites la même chose. Vous ne le faites pas du tout de la même manière, et elle bien plus subtile que toi, mais vous faites un peu la même chose.
— Eh bien, j'imagine que l'on tient à la même personne. Mais je te préviens Eyrin, elle a le droit d'être celle qui t'embrasse le mieux, mais je suis celle qui te fait le plus rire. Encore que, je suis sûre que je t'embrasserais bien mieux qu'elle mais vu que je suis fair play, je lui laisserai quand même cette victoire. C'est ta copine après tout, je ne voudrais pas qu'elle se sente mal vis-à-vis de ses capacités à remplir les fonctions qui sont les siennes.
— C'est très généreux de ta part, m'amusai-je.
— Ca m'arrive, sourit-elle avant de reprendre plus sérieusement. Ca t'embête, la façon dont je parle d'elle ?
— Oh, non. Je m'inquiéterai si tu étais trop lisse à son égard. Mais qu'on soit claires toutes les deux, elle est plus jolie qu'Harper.
Elle soupira avant de me forcer à me retourner vers elle ; quatre doigts bougeaient devant son visage.
— Eyrin, j'ai combien de doigts ? demanda-t-elle.
Je secouai la tête et nous partîmes dans un grand éclat de rire. Le silence se réinstalla doucement de manière assez agréable. Emily et mon père semblaient toujours occupés sur la glace.
Vu les grands gestes qu'il faisait, mon père avait l'air de lui expliquer le rapport entre la profondeur du lac et la couche de glace – ou peut-être les courants créés par certaines créatures magiques qui avaient l'habitude de rester en profondeur mais qui pouvaient tout de même influencer la qualité de la glace par leurs mouvements ; surtout que, lorsque les points d'eau n'étaient pas profonds, marcher sur la glace faisait un bruit d'enfer pour ces créatures, ce qui se rajoutait à l'agacement que provoquait la perte d'espace de vie par la formation de glace. Probablement qu'il lui répétait que l'essentiel était de « bien connaître le lac et la région ».
Je reconcentrai mon attention sur le ciel étoilé et complètement dégagé. Probablement que Lilith était déjà endormie, à cette heure-ci.
— Elle te manque, constata soudainement Alice.
J'haussai les épaules avant d'attraper un bout de cape pour jouer avec.
— C'est juste que tout est allé si vite, tu sais, avant les vacances, répondis-je. Et au final, nous n'avons pas passé beaucoup de temps ensemble. Mais elle me manque beaucoup et je me suis beaucoup attachée à elle, et on a vraiment pas passé beaucoup de temps ensemble, ça me semble si… surréaliste de ressentir autant de choses pour elle et d'avoir autant l'impression de la connaître alors que… Je ne sais pas. Et après notre discussion, je ne sais pas… Maintenant tout le monde est au courant et c'est étrange. Je n'ai pas pu m'empêcher de le dire à ma famille alors que tout s'est fait si vite et il n'y a vraiment pas longtemps, c'est tellement absurde quand on y pense, soupirai-je en secouant la tête.
— C'est normal, tu sais. Ce n'est pas une question de temps passé ensemble, sinon nous serions déjà mariées avec trois gosses et un chien toutes les deux.
Je relevai les yeux vers elle et nous rîmes. Lilith m'avait dit la même chose à propos de notre relation, avec Alice, à Pré-au-lard ; l'écho était particulièrement attendrissant.
— Tu ferais une très mauvaise épouse, Alice. Et une plus mauvaise mère encore, surtout avec trois gamins.
— N'importe quoi, se vexa-t-elle. Nos gamins m'adoreraient.
— Tu m'étonnes, tu serais la tante rigolote et pas du tout leur mère.
— Tout de suite une réponse d'adulte, c'est si triste.
Je secouai la tête avec un sourire.
— Tu es la première copine de Lilith, non ? demanda Alice.
— On en a jamais parlé, mais vu la situation, j'imagine oui.
— Donc ce que vous avez n'est anodin ni pour elle, surtout vu la situation dans laquelle elle est, ni pour toi. En un sens, si on prend en considération les circonstances de votre relation, c'est tout à fait logique que les choses donnent une impression de sérieux aussi rapidement parce que c'est sérieux. Et puis tu sais, au début, tu as tout le temps envie d'être avec la personne, c'est juste normal. Là, en plus, vous aviez tout de suite les vacances. Aussi, c'est ta première copine, à presque 17 ans, appuya-t-elle, donc j'imagine qu'il y a un mélange étrange entre… une adolescente de ton âge et…
— Une troisième année ?
— Je n'allais pas descendre si bas, pour être honnête, mais maintenant que tu le dis, s'amusa-t-elle avant de reprendre plus sérieusement. En tout cas, c'est normal que même ta grand-mère ou ton père prennent les choses autant au sérieux. Si tu étais du genre à sortir avec n'importe qui ou à avoir des relations éphémères, tu l'aurais déjà fait. Alors le fait que tu sortes avec quelqu'un maintenant véhicule une information en soi.
— Tu as vraiment trop discuté avec Emily ces dernières semaines, soupirai-je.
— Ouais, va falloir qu'on se comporte de manière immature à nouveau avant qu'on se transforme en grand-mères à 17 piges.
— Un jour, elle en aura marre de nous supporter.
— Mhhhm, Theo est trop lisse, elle a besoin d'un peu de folie dans sa vie.
« Lily, mon petit boursouflet,
Je constate que tu fais tout à fait honneur aux stéréotypes de ta maison d'appartenance. Je regrette de ne pas avoir pu être présente lorsque tu rédigeais cette lettre, ton orgueil devait être particulièrement adorable à voir. Heureusement pour Serdaigle, de manière générale, la réalité donne assez peu raison aux prétentions aussi excessives.
Je suis très contente d'apprendre cela pour Ethan. J'espère qu'il va mieux.
Eh bien, après la course de balais, nous avons passé une bonne partie de la nuit à discuter sous quelques petites aurores boréales. J'aurais beaucoup aimé que tu sois présente avec nous. Tu aurais, je pense, beaucoup apprécié la vue. J'espère que nous pourrons la partager toutes les deux, un jour. Enfin, un soir.
Comment se passent tes « cours particuliers » ?
Je crois n'avoir jamais été aussi pressée de revenir à Poudlard après les vacances de Noël,
Je n'en peux plus d'attendre,
Tu me manques, Lily,
Ton strangulot.
PS : peut-être espérais-tu que ce surnom m'embête ? ou que me jeter en pâture un autre surnom pour ta personne me couperait l'envie d'utiliser celui que tu n'apprécies pas ?
PPS : tu es toujours aussi adorable lorsque tu lèves les yeux au ciel. »
