[NdA]

Après cette pause hivernale,

on arrive aux gros morceaux.

Vient une tentative de suicide dans les prochains chapitres (je préviens à l'avance, ce n'est ni Eyrin ni Lilith). Rien n'est détaillé, rien n'est explicite, mais, comme le reste dans cette fanfic, elle ne sera pas abordée sous son angle individuel (on ne parlera pas réellement de la personne qui l'a réalisé, du moins pas selon son point de vue, un peu comme avec les élèves qui sont atteints du stress post-traumatique, je ne leur ai pas donné d'existence propre et on ne traitera pas de ce que c'est que vivre avec). Paradoxalement, son traitement sous un angle social peut parfois être plus difficile à lire que sous son angle individuel. Lorsque l'on est concerné(e), certains passages peuvent être porteurs d'une certaine violence symbolique.

Je ne suis pas non plus en train de dire qu'il n'y avait pas de violence symbolique avant, il y a eu de la violence symbolique et psychologique depuis le début de la fanfic - je veux dire, le vécu de Lilith en lui-même en est un bon repaire et je parle pas de l'univers HP qui porte son lot de violence symbolique, mais elle est mentionnée et non expérimentée directement par l'action. Les deux fois où la thématique de l'humiliation apparaissait dans l'action, Eyrin y mettait fin directement avant que quoique ce soit ne commence à prendre.

Cette fois, la violence symbolique sera directement expérimentée (et pas juste mentionnée) et une tentative de suicide c'est quand même pas la même thématique.

Comme dit, je préviens à l'avance car cette thématique se diluera dans différentes scènes et que faire un "trigger warning" à chaque chapitre concerné me semble contre-productif. Le récit entier, tout comme la réflexion d'Eyrin, seront imbibés de ces différents évènements (entre autres évènements, évidemment, parce qu'il n'y a pas que des trucs tristes à venir non plus :').

Je n'ai pas non plus envie de le faire juste avant le chapitre concerné car cette TS prend place dans un contexte très large et que ça véhiculerait indirectement l'impression qu'il s'agit juste d'un évènement ayant eu lieu à un moment donné, dans un chapitre particulier, quand ce n'est clairement pas le cas. C'est l'ensemble du contexte qui est en jeu, et pas juste un petit moment dans un chapitre.


Chapitre 22

Début janvier


Durant les derniers jours de vacances, mon père avait reçu une lettre de Poudlard ; McGonagall y avait expliqué les changements à venir au sein du château. Après concertation avec le Ministère de la Magie, ils avaient en effet décidé d'accueillir deux médicomages moldus triés sur le volet pour « s'assurer de la santé des élèves ». La lettre n'indiquait pas grand-chose d'autre : elle décrivait succinctement la maladie moldue en question avec une précaution étonnante – probablement pour ne pas affoler les parents, elle insistait d'ailleurs grandement sur le fait que la présence des médicomages moldus permettrait de créer un remède sorcier à cette maladie qui, précisait la lettre, pourrait être utile également aux combattants de la Guerre, et expliquait simplement que « votre enfant » devrait se rendre à une visite obligatoire auprès de l'un de ces médicomages moldus. Une seconde lettre m'avait cependant été destinée, dans laquelle McGonagall conviait l'ensemble des préfets à une réunion avec nos professeurs et les médicomages moldus en question. Cette réunion attisait réellement ma curiosité.

Malheureusement, aujourd'hui était jour de rentrée et il me fallait d'abord assister à une autre réunion. Je remontais rapidement les wagons du Poudlard Express pour rejoindre les autres préfets, jetant régulièrement un œil autour de moi dans l'espoir de peut-être apercevoir Lilith. Ce fut cependant le regard de Weasley qui me surprit dans le wagon que je traversais - occupé majoritairement par des Gryffondors. Pourtant, Taylor avait mentionné son retour lors d'une réunion. Il fallait croire que mon cerveau n'avait pas réellement imprimé l'information ; j'avais eu l'espoir que nous pourrions peut-être remporter au moins un match cette année – face au semblant d'équipe de Gryffondor, mais avec le retour de Weasley, nos chances étaient maintenant bien réduites. Tyler allait être particulièrement mécontent.

Sa présence sous-entendait peut-être que d'autres Septièmes Années allaient revenir ; je n'avais pas eu de nouvelles de Luna depuis la fin de l'été. Nous n'avions jamais étés très proches mais le temps passé dans la salle sur demande avait tout de même résulté en un très court, et courtois, échange de lettres durant l'été. Je n'avais jamais imaginé qu'elle puisse revenir à Poudlard après tout ce qu'il s'était passé, cela dit. Peut-être que Weasley revenait seule. Quoiqu'il en soit, ce retour ne serait probablement pas anodin pour le reste des Gryffondors.

Je continuai ma progression dans le Poudlard Express avant de m'arrêter net lorsque j'aperçus enfin Lilith, au début d'un wagon à compartiments. Je ne pus contenir un sourire. Comme à son habitude, elle était adossée contre un mur - enfin, la paroi du wagon. Elle était à côté de la porte du wagon, dans le petit renflement qu'elle imaginait probablement à l'abris des regards. J'avais failli la louper.

Elle sourit en m'apercevant et je me sentis défaillir. Après nos lettres bien moins pudiques que nos précédents échanges, l'avoir face à moi avait quelque chose d'aussi excitant que déstabilisant et je fus complètement désemparée pendant quelques secondes. Je ne m'étais pas attendue à cette sensation.

— Il me semble avoir vu quelques préfets commencer leur migration trimestrielle vers le wagon de tête, expliqua-t-elle finalement devant mon regard interrogateur.

— C'est vrai que c'est ce que nous faisons généralement. Nous migrons vers le wagon de tête.

— Je dois admettre avoir eu très envie de t'attraper au vol.

Je ne pus m'empêcher de rire devant son jeu de mot particulièrement nul et elle leva les yeux au ciel après avoir secoué la tête. Elle finit par rire à son tour ; son rire m'avait terriblement manqué, et je vins à ses côtés. Lilith s'était, de toute évidence, déplacée exprès jusqu'ici et cela me rendit stupidement heureuse. Je n'avais eu qu'une idée en tête et l'arracher pour cela à la présence de Harper - ou pire encore, de son frère, aurait été des plus gênant et très peu discret de surcroît.

— Mhm, nous n'avons jamais discuté de ça, commençai-je en jetant un œil autour de nous alors que les élèves défilaient par intermittence, mais… Avec ta famille… Enfin, c'est un train, le jour de la rentrée, et les élèves font beaucoup d'allers-retours entre les wagons…

— Puisque Lucy est malheureusement perspicace, elle aussi, il n'existe maintenant plus aucune raison qui nous forcerait à adopter une certaine discrétion. Enfin, au-delà de ce qui nous est imposé par la bienséance et la pudeur, bien évidemment, ajouta-t-elle tandis que je souriais devant sa correction.

Il ne m'en fallut pas plus pour l'embrasser. Elle répondit avidement au baiser et j'oubliai complètement de lui demander pourquoi un « malheureusement » s'était glissé dans sa phrase vis-à-vis de Harper.

J'avais déjà beaucoup de retard lorsque nous nous détachions finalement l'une de l'autre ; presque un quart d'heure, qui se transforma en un quart d'heure bien plein le temps que je rejoigne enfin le wagon de tête. Entre mes récentes émotions et la vitesse à laquelle j'avais remonté le train, c'était la respiration complètement saccadée que j'arrivai à destination.

— Désolée pour le retard, m'enquis-je en entrant dans le wagon.

Si tous les regards se tournèrent instantanément vers moi, ce fut pourtant dans un lourd silence que je me dirigeai vers Peter. J'avais visiblement coupé notre préfet-en-chef en plein discours.

— Je constate que Jonsson n'a pas le droit à une remarque sur sa fraternisation, elle, dit finalement Griffin tandis que je m'asseyais aux côtés de Peter. Ni à une deuxième ronde, ajouta-t-il en lançant un regard accusateur à Miller.

Je fus bien trop en colère pour m'inquiéter de la couleur de mes joues ; ou du regard des autres préfets. À en voir leur attitude gênée, le Gryffondor n'était visiblement pas le seul à nous avoir aperçues. Ceci expliquait le silence.

— « Fraternisation » ? Tu es sérieux, Griffin ? m'emportai-je.

— Il me semble t'avoir vue dans les bras de Parker, mais peut-être ai-je rêvé le fait qu'elle soit à Serpentard. Après tout, le bleu et le vert se ressemblent beaucoup ces dernières semaines, accusa-t-il. Il est facile de les confondre.

Enfin, Nast et Stewart n'avaient pas dû nous apercevoir à en constater leur air particulièrement surpris. Harper secoua la tête ; elle désapprouvait la situation.

— Parker ? fit Nast, visiblement sous le choc. Oh, ça explique tellement de choses.

— Tu réalises qu'il y a des Serpentards ici, pas vrai ? repris-je en direction du Gryffondor sans avoir réellement prêté attention à Nast. Au-delà du fait que c'est super déplacé, ce ne sont pas nos ennemis, Griffin. C'est surréaliste d'entendre ça et ça devrait tous vous faire bondir. Et ce que je fais ou non de mon temps libre ne te regarde heureusement pas, ajoutai-je rapidement. Merci Merlin.

— Ne change pas de sujet, rétorqua le préfet. La réalité, c'est que c'est encore un double standard en défaveur de Gryffondor.

— Ce n'est pas un double standard, répliquai-je. Quand Miller t'a sanctionné en début d'année, tes histoires de Gryffondor et Serpentard n'avaient même pas encore commencées. Tu réécris la réalité comme ça t'arrange. Et tu n'es pas capable de comprendre la portée des mots que tu emploies. Pourquoi ne réagissez-vous jamais quand il dit des trucs pareils ? demandai-je en direction de Harper et Nast.

Ma question était stupide, c'était ça de réagir trop à chaud ; ils ne régissaient pas car ils ne le pouvaient pas. La moindre réaction de leur part renforcerait l'opposition Gryffondor-Serpentard aux yeux du préfet. C'était à Serdaigle et Poufsouffle de s'opposer, quitte à – évidemment, finir par être perçus comme des Serpentards. Ce que nous étions de toute évidence devenus, puisque le bleu et le vert se ressemblaient visiblement pour cet abruti de Griffin. D'ailleurs, j'étais semblait-il devenue Serdaigle à moi toute seule ; son délire de grandeur ne se transposait pas qu'à lui-même. Encore une fois, je n'avais eu que trop raison à ce sujet ; c'était exactement ce qu'il s'était passée l'année dernière et mon cœur se serra à cette pensée.

— Tu commences même à parler comme elle, répondit Griffin. Je t'aurai prévenu qu'à force de traîner avec ces gens, on finissait par leur ressembler.

— Oh crois-moi, rétorquai-je aussitôt devant son accusation, Parker s'exprime bien mieux que ça. Mais je conçois qu'il te faudrait probablement un dictionnaire pour comprendre ce qu'elle dit.

Peter, Stewart et Nast éclatèrent de rire avant de se reprendre sous l'œil agacé de notre préfet-en-chef.

— Ca suffit, intima justement Miller. Griffin, arrête de chercher le moindre prétexte à la confrontation avec Jonsson. Les règles sont évidemment les mêmes pour tout le monde, ajouta-t-il fermement. Jonsson, recommença-t-il en se retournant vers moi.

— Deuxième ronde, j'ai compris, coupai-je aussitôt.

— J'aimerais pouvoir te dire que j'espère qu'elle en valait la peine, ajouta Griffin avec un sourire satisfait particulièrement énervant, mais nous savons tous que non.

J'éprouvai sincèrement l'envie de lui faire bouffer son sourire stupide ; je savais bien que rentrer dans la confrontation était la dernière des choses à faire dans ce genre de situations, mais s'en prendre à Lilith sous prétexte que Miller lui avait fait cette réflexion en début d'année m'énerva bien trop pour rester lucide. Je n'avais pas le talent d'Alice pour les métamorphoses, mais il ne devait pas être difficile de transformer un abruti en la plante verte qu'il était ; une mandragore, à ce sujet, lui irait parfaitement bien. Dès que quelqu'un avait le malheur de le tirer hors de la Tour des Gryffondors, il risquait de nous pétrifier de ses cris stupides. La symbolique était toute trouvée.

— Et Griffin aussi, dit soudainement Miller en m'enlevant à mes pensées. Deuxième ronde. Jonsson, tu ranges cette baguette, ajouta-t-il fermement alors que je remarquai à mon tour m'être spontanément emparée de ma baguette. Si cette deuxième ronde ne se passe pas calmement, reprit-il alors que je rangeai ma baguette dans l'intérieur de ma cape, je vous jure que je vous mets tous les deux des rondes à 22h chaque soir pendant trois semaines ou peu importe combien de temps il vous faudra pour que vous soyez capables d'être dans la même pièce sans vous en prendre l'un à l'autre. Pas une seule réunion ces dernières semaines ne s'est déroulée sans un affrontement, ça suffit. Je ne tolérerai plus ce genre de comportements.

Je bougonnai ; ce n'était pas qu'un problème interpersonnel, n'en déplaise à Miller, et le traiter uniquement comme tel n'allait très certainement pas nous aider à le régler. C'était ce qui se jouait au sein de la Tour de Gryffondor qui provoquait ces idioties chez Griffin et c'était ce qu'il nous fallait aborder. Mais c'était plus facile d'en faire une mésentente entre deux individus. Et puis, je ne voyais pas sous quel prétexte je devais être sanctionnée au même titre que cet abruti ; je n'étais pas celle qui lançait les hostilités, qui personnifiait toute une maison à un individu unique, qui diabolisait l'entièreté d'une autre maison, ou encore qui faisait preuve d'une paranoïa particulièrement poussée.

— Bien, maintenant, reprit Miller, comme je le disais avant d'être interrompu, la réunion avec les médicomages moldus sera particulière. Ils savent que nous avons d'autres moyens qu'eux pour réaliser un remède, mais ils ne sont pas au courant de tout. Le Ministère a exigé que seules les informations absolument cruciales pour le travail des médicomages moldus leurs soient divulguées. Ca sous-entend que nous devons tous tenir nos langues en leur présence. Si, malgré tout, l'un ou l'une d'entre vous est incapable de s'y tenir, il faudra informer tout de suite McGonagall des informations qui vous ont échappé. Aussi, ajouta-t-il, nous serons également en présence de médicomages de Sainte-Mangouste. Nous serons leur lien avec l'ensemble des élèves. Tachez donc de vous tenir convenablement, accusa-t-il en lançant un regard à Griffin.

J'avais évidemment fini notre réunion toute aussi rouge que je l'avais commencé. Les vacances n'avaient clairement pas fait du bien à Griffin et je n'allais pas supporter cette situation bien longtemps, il nous fallait confronter le problème des Gryffondors et de la place que me donnait leur préfet dans ses histoires étranges sous prétexte que je m'étais opposée à eux ; un jour, des mois plus tôt. Maintenant que j'avais fait l'énorme affront d' « être dans les bras » de son ennemi fantasmé, j'imaginais que notre relation n'allait être que plus difficile encore. Griffin fut cependant très calme lors de notre deuxième ronde dans le train, et si je l'avais senti se retenir de faire un commentaire lorsque nous nous étions souri avec Lilith en passant dans le wagon qu'elle occupait avec Harper et son frère, nous avions miraculeusement échappé à la sanction peu nécessaire de Miller.

Alice avait été excitée d'apprendre le retour de Weasley ; non seulement elle avait bien plus confiance en mes capacités que moi-même, mais elle était persuadée que cela ne donnerait que plus d'éclat à notre victoire puisqu'au moins, je pourrais savoir ce que je valais face à de vrais joueurs et non pas juste face aux « idiots de Serpentard ». Évidemment, elle avait surtout déjà en tête les informations et ragots que la dernière Weasley pourrait lui donner sur Potter et la manière dont ils avaient cherché les horcruxes.

Si d'autres élèves que les préfets nous avaient aperçues, Lilith et moi, ils n'avaient pas semblé en faire trop cas – à l'exception évidente de certains Gryffondors de sixième année. Au moment de descendre nos affaires du Poudlard Express, le regard de Carter avait fait beaucoup d'allers-retours entre Lilith et moi-même sur le quai. C'est à ce moment que je remarquai que James n'était pas avec elle. Autant, ils avaient toujours été étranges, tous les deux, autant ils avaient l'habitude de passer le voyage ensemble. C'était curieux.

Alors que nous nous apprêtions à nous installer dans une des calèches avec les filles, je fis signe à James qui me rejoignit. Après quelques salutations somme toutes rapides, il explicita de lui-même sa distance avec Carter. Je ne m'attendais pas à ce qu'il en parle aussi facilement et fus autant surprise par ses propos que le fait qu'il m'en parle de cette manière ; James aurait pu m'envoyer un hibou s'il avait eu le besoin d'en parler pendant ces vacances.

— J'ai rompu avec Tala, dit-il finalement en jetant un œil à la Gryffondor qui grimpait dans une calèche avec Griffin et Gray. Après notre discussion… Eh bien, disons que dire les choses à voix haute m'a convaincu que c'était ce qu'il fallait que je fasse. Elle avait honte, ce n'était pas anodin. J'ai juste dû attendre d'avoir le courage de le faire. Et puis, je pense qu'elle a besoin d'aide et que je pourrais mieux l'aider en tant qu'ami. En fait, l'aider tout court. Le reste, soupira-t-il, implique trop de choses. Les enjeux sont différents.

— C'est… une décision pas facile à prendre. Ca fait un peu beaucoup de choses, comment est-ce que tu vas ?

— Eh bien, je pense que j'ai besoin de stabilité et de simplicité. Pour le moment, tout est encore un peu frais mais tout finira par redevenir comme avant. Je serai là pour l'aider à gérer sa colère et elle sera là quand je m'effondrerai… une fois de plus en pensant à mes parents.

L'honnêteté très brute me prit au dépourvu ; nous n'avions jamais réellement abordé ce sujet. En fait, nous n'avions jamais trop discuté de ce genre de choses. Nous passions du temps en silence près du lac, travaillions ensemble pour notre cours d'étude des Moldus, ou riions à des blagues qui ne faisaient rire que nous. Lorsque les filles passaient du temps avec nous, c'était rarement pour discuter de choses sérieuses et plus souvent pour jouer, parier, ou raconter des anecdotes très Aliciennes.

À ce sujet, Alice et Emily s'étaient déjà installées dans la calèche, elles pouvaient cependant bien nous attendre quelques minutes, et je repris en direction de James.

— Comment est-ce qu'elle a réagi ?

— Elle a compris, je crois. Je pense même qu'elle était soulagée, elle aussi. Je ne sais pas. Elle n'a pas trop parlé ? hasarda-t-il. Elle est restée majoritairement silencieuse, mais son visage semblait s'apaiser au fur et à mesure que je parlais. C'était un moment étrange, mais je suis persuadé que c'était la bonne chose à faire. Au moins, pour le moment, nous n'avons pas besoin de nous inquiéter d'autres choses que de nos états respectifs. Il faudra un peu de temps pour que tout redevienne comme avant, mais notre amitié est plus importante que le reste.

J'acquiesçai silencieusement. Cela faisait un peu beaucoup d'informations et je n'étais pas sûre de savoir quoi en faire, mais il semblait évident qu'il avait besoin de parler. Il en était venu à le faire devant la calèche, après tout, aussi dis-je la première chose qui me passa par l'esprit.

— Tu sais, repris-je, nos pauses près du lac me manquent. Même si il fait froid, on peut toujours y retourner passer nos fins de mercredi après-midi. J'ai de quoi nous tenir au chaud.

— Elles me manquent aussi. Et ça me ferait du bien.

Nous grimpions à notre tour dans la calèche, rejoints à la dernière minute par Peter ; je lançai un regard entendu à Alice qui leva les yeux au ciel.

— Désolé de ne pas avoir été un peu plus… réactif lors de la réunion, dit soudainement Peter alors que la calèche se mit en route pour le château. J'ai été un peu surpris. Quand vous êtes tous les deux comme ça, c'est difficile de ne pas juste se contenter d'assister au spectacle. Ca laisse un peu sidéré.

J'acquiesçai simplement, surprise et touchée par ses excuses.

— J'essayerai de ne pas le laisser faire ça, la prochaine fois, reprit-il. Il n'a pas à insinuer des choses pareilles sous prétexte que Parker est à Serpentard. Et si il a un problème avec Serdaigle, il peut tout autant s'en prendre à moi également.

— Merci.

— Est-ce que tu as passé de bonnes fêtes, Alice ? demanda-t-il soudainement.

L'emploi du prénom en lieu et place du nom – que nous utilisions d'ailleurs toujours avec Peter car nous n'avions jamais réellement échangé avant de devenir préfets, ne passa pas inaperçu. Alice se tendit, visiblement gênée, et je jetai un œil à Emily ; elle était rouge et se retenait de toute évidence de rire. La pauvre était pile entre les deux et devait garder contenance. Alice donnait l'impression de vouloir nous jeter par-dessus la calèche, ses regards à nos égards étaient particulièrement noirs.

— Oh, ça va oui, répondit-elle simplement. Et toi ?

— Je ne m'attendais pas à une réponse aussi courte de ta part, s'amusa-t-il, mais j'ai passé de bonnes fêtes, oui. Pour une fois, mon frère a pu être avec nous sans que mon père ne fasse toute une histoire. Ca n'était pas arrivé depuis 5 ans.

— Ton frère et ton père ne s'entendent pas ? demanda James.

— Pas vraiment, non, répondit le préfet. Enfin, c'est compliqué.

— Oui enfin, rétorqua Alice, c'est surtout ton père qui a été un véritable con envers ton frère plus qu'ils ne s'entendent pas.

Je me retournai vers elle avec un sourire particulièrement amusé et elle secoua la tête avant de soupirer. Il n'existait franchement pas de meilleurs aveux et je n'allais pas la laisser s'en sortir aussi facilement, cette fois. Finalement, Emily prétexta vouloir me montrer je ne sais plus quelle photographie pour se décaler de mon côté et Alice prit sa place ; non sans un dernier regard faussement agacé en notre direction. Les deux continuèrent de discuter de leurs fêtes respectives pendant que nous échangions sur la venue des médicomages moldus avec Emily et James.

Ce fut d'ailleurs l'essentiel du discours de notre Directrice, une fois tout le monde arrivé dans la Grande Salle pour le diner. Elle avait rappelé les grandes lignes des lettres qu'ils avaient envoyées aux parents ; si notre implication avait été totalement absente des hiboux transmis aux parents, McGonagall insista pour autant beaucoup à ce sujet auprès de nos collègues.

Si cela fut d'abord assez agréable, les regards particulièrement appuyés – voire noirs, de certains élèves de septième année à notre égard furent pour le moins désagréables. J'eus soudainement l'impression que nous avions fait quelque chose de mal et, bien que je savais pertinemment que ce n'était pas le cas, me sentis particulièrement coupable. Ce fut comme si nous les avions trahis. Je déglutis, j'avais chaud et espérais sincèrement ne pas être en train de rougir.

Alors que notre Directrice finissait tout juste son discours, Lewis se retourna vers nous.

— Parce qu'en plus, toute cette histoire, ça vient de vous !? Vous n'aviez pas à vous mêler de quelque chose qui ne vous concerne pas, dit-il en direction de Peter.

— Vous n'êtes pas les seuls concernés, répondit le préfet. Il y a d'autres élèves...

— En quoi des putains de médecins vont-ils arranger tout ça, hein ? s'écria-t-il alors que la Grande Salle plongea dans le silence. Vous ne savez même pas comment les moldus les appellent et vous pensez sincèrement qu'ils vont pouvoir nous aider à quoi ? Comment vous comptez vous y prendre ? Annuler la Guerre, c'est ça ? Annuler les morts ? La torture ? Annuler les sacrifices ? Tu ne peux pas sincèrement penser que des médecins changeront quoique ce soit à ce qu'il s'est passé !

Le mot sacrifice, employé par Lewis, était lourd de sens à en croire ce que m'avait dit Lilith à Pré-au-lard ; il avait après tout pris sur lui d'obéir aux Carrows pour que d'autres de sa promotion n'aient pas à le faire. Je sentis mon cœur se serrer.

— Lewis, essayai-je en prenant la défense de Peter, ne t'en prends pas à lui. Qu'est-ce qu'on était censés faire d'autre ? Personne ne veut essayer d'annuler quoique ce soit, mais juste reconnaître la gravité de la situation et essayer de faire en sorte que la Guerre n'ait pas plus de conséquences qu'elle en a déjà eu. C'est tout.

— Ne commence pas Jonsson. Je t'apprécie, mais reste en dehors de ça, pour le bien de notre équipe de quidditch. Je n'ai vraiment pas envie de m'énerver contre toi.

Notre batteur se leva soudainement et entreprit de quitter la Grande Salle avant de s'arrêter net. Il se retourna alors que tous les regards se figèrent sur lui, et écarta grand les bras.

— C'est pas des putains de médecins qui n'ont aucune idée de ce que nous avons vécu qui vont nous ramener nos morts ! cria-t-il à nouveau. Et c'est franchement tard pour commencer à s'intéresser à la santé de vos élèves ! ajouta-t-il en direction de la table des professeurs.

Lewis quitta finalement la Grande Salle. Il fut rejoint très rapidement par d'autres élèves de Serdaigle et de Poufsouffle. Au bout de quelques minutes qui parurent bien longues et silencieuses, quelques élèves de Gryffondors finirent par partir eux aussi ; seuls les Serpentards étaient restés à leur place. La scène me laissa complètement sidérée, comme la plupart des élèves présents à ce moment du diner.

J'avais toujours l'impression d'avoir fait une énorme connerie et c'était une sensation franchement désagréable ; j'étais énervée, aussi, après tout le mal que nous nous étions donné, avec les préfets, pour tenter de faire quelque chose au sujet de cette maladie.

— Ce n'est rien, Eyrin. Il a juste du mal à accepter qu'il a besoin d'aide, dit soudainement Alice. Ca lui passera. Et Mark aussi, ajouta-t-elle rapidement en direction de Peter. Ne vous inquiétez pas pour ça.

— C'est assez commun comme réaction, appuya Anna à travers la table. Il n'est pas vraiment en colère contre vous. Vous avez bien fait de faire ce que vous avez fait.

J'acquiesçai automatiquement ; quelque peu rassurée que quelqu'un comme Anna qui, à en croire sa crise de panique dans les escaliers il y a quelques mois, avait pourtant l'air d'être atteinte par cette maladie ne réagisse pas comme Lewis, mais jetai tout de même un œil à Flitwick, à la table des professeurs. Il sourit gentiment en acquiesçant ; il nous en reparlerait probablement plus tard. Bizarrement, cela me rassura définitivement et je pus tant bien que mal essayer de manger un peu.