Chapitre 24
Début janvier
J'avais décliné la proposition de Lilith de récupérer quelque chose de plus chaud et nous avions traversé une grande partie du château pour nous retrouver dehors ; de toute évidence, l'endroit qu'elle avait souhaité me faire découvrir était une serre.
— Eh bien, Miss Parker, m'amusai-je alors que nous nous approchions de la serre en question, je vois que les préfets devraient penser à vérifier les extérieurs de Poudlard à la tombée de la nuit. Certaines élèves semblent se faufiler hors du château pour un cours particulier de botanique alors qu'elles devraient être au chaud dans leur salle commune.
— Si nous parlons d'une préfète en particulier, je lui conseille vivement de vérifier très régulièrement cette partie condamnée de la serre, sourit-elle avant de me voler un baiser. Cela fait des années que Chourave a abandonné l'idée de lui donner un coup de jeune ou même de réparer la porte condamnée.
Lilith libéra ma main pour attraper sa baguette. De quelques gestes dans les airs, elle fit bouger un des carreaux de verre qui s'ouvrit justement comme une porte. Elle s'y faufila et je la suivis, particulièrement amusée – et très surprise, de la tournure des évènements. Lilith Parker était en train d'entrer dans un lieu dont le trépassement lui vaudrait probablement une retenue et ce n'était de toute évidence pas la première fois que cela lui arrivait.
— La salle commune et les dortoirs ne permettent pas grande solitude, expliqua-t-elle une fois à l'intérieur. Nous sommes constamment entassés les uns sur les autres.
— Et tu es une grande introvertie qui a besoin du calme d'une serre pour réfléchir, ajoutai-je avec un sourire alors que je jetai un œil autour de nous.
L'endroit était assez exiguë ; cette partie de la serre devait tout au plus faire 5/6 mètres carrés. Il restait quelques plantes – plutôt petites, que je ne sus pas reconnaître sur des tables de part et d'autres de la pièce, et quelques dizaines de coussins de sol aménagés contre l'ouverture condamnée au reste de la serre. Les plantes semblaient d'ailleurs avoir pris les tables en otage ; il était difficile de savoir à quel plant exactement appartenaient les grandes feuilles qui se mouvaient légèrement de droite à gauche ou les fines tiges qui dépassaient des tables. Les plaques de verre étaient assez sales et poussiéreuses ; probablement le temps qui était passé par là, mais cela avait en réalité l'avantage de laisser passer une lumière particulièrement douce. Si nous faisions abstraction de l'odeur de terre plutôt forte, l'endroit était des plus chaleureux.
Je reportai à nouveau mon attention sur Lilith. Ses yeux ne m'avaient pas quittée et son sourire s'était élargi ; de toute évidence, je l'amusais beaucoup. D'un nouveau coup de baguette au-dessus d'elle, elle nettoya les plaques de verre du plafond qui – je le remarquai en même temps, semblaient déjà bien moins sales que leurs semblables sur les côtés. Bien vite, il fut possible d'apercevoir le ciel avec détails. Je l'imaginais bien venir ici une fois la nuit tombée.
— Bien qu'il fasse toujours quelque peu frais ici, dit-elle, il fait plus chaud que dans la tour d'astronomie ou dehors. Je viens ici lorsque j'ai besoin d'être seule.
L'idée-même qu'elle puisse vouloir me faire découvrir cet endroit était particulièrement touchante, et je fus toute autant attendrie qu'émue. Lilith et sa vulnérabilité m'avaient vraiment manqué, et même si cette vulnérabilité était d'une certaine manière restée en fond de tâche dans les lettres qu'elles m'avaient envoyées ces vacances, ce n'était pas exactement la même chose que de l'avoir face à moi.
Il n'était cependant pas difficile de faire le lien avec le début d'année et les choix qu'elle avait dû faire ; enfin, les choix auxquels je l'avais confrontée sans m'en rendre compte, et mon cœur se serra tandis que je l'imaginais venir ici pour tenter de faire sens de la situation.
— Es-tu sûre de vouloir que je sois ici ? vérifiai-je. Ca ressemble à ton jardin secret. Sans mauvais jeu de mot, ajoutai-je précipitamment.
— J'avais envie de le partager avec toi. Bien évidemment, je n'ai plus autant besoin de cela depuis que tu m'as offert la toile, ajouta-t-elle en montrant le ciel d'un geste de la main. Mais nous sommes toujours issues de maisons différentes et les pierres d'une salle de classe vide me semblent relativement froides comparativement à cet endroit. Je pensais que ce serait plus agréable pour nous d'être ici.
Je souris ; elle était absolument adorable. Je n'avais aucun endroit qui soit spécifique à lui faire découvrir et me sentis quelque peu idiote. Avec les filles, nous nous contentions de la bibliothèque en début de soirée et de la salle commune ensuite ; et lorsque j'avais besoin d'être seule, j'avais plutôt tendance à aller au bord du lac. Je n'avais pas de choses aussi intimes à partager avec elle. Lilith sourit cependant à son tour et je perdis totalement le fil de mes pensées.
Elle s'installa sur les coussins et je la rejoignis sur sa gauche. La montagne de coussins était bien plus agréable que ce à quoi je m'étais attendue et je m'y enfonçai volontiers. Assises comme cela, nous avions une vue dégagée sur le ciel – enfin, sur les vitres que Lilith venait de nettoyer d'un coup de baguette, et les quelques plantes qui restaient sur les tables nous surplombaient ; cela donnait l'impression de ne pas être tout à fait à Poudlard, en tout cas d'être un peu hors du monde.
— Merci de m'avoir montré cet endroit, souris-je, c'est effectivement bien plus chaleureux que le château. J'imagine que tu n'as pas trouvé cette serre dans cet état…
— Ce sont de vieux outils de botanique rouillés que j'ai métamorphosé, avoua-t-elle en montrant les coussins d'un geste de la tête. Ils trainaient dans les alentours. Je me suis dit qu'ils ne manqueraient certainement à personne.
Ceci expliquait leur couleur ; ils étaient tous d'un orange qui tirait tantôt sur le brun, tantôt sur le rouge. Je souris en l'imaginant aménager l'endroit.
— J'ai découvert cette partie condamnée durant notre troisième année, reprit-elle.
— Les plantes semblent en tout cas toujours vivantes.
— Il est possible que je prenne le temps de les arroser lorsque j'y pense, avoua-t-elle à nouveau.
L'arrosoir, posé sur le sol, semblait effectivement être le seul objet qui n'avait pas connu le triste destin d'être métamorphosé. Je souris avant de me tourner cette fois pleinement vers elle. Son regard me déstabilisa quelque peu et je rougis ; discuter n'était de toute évidence pas ce qu'elle avait eu en tête en me proposant de venir ici aujourd'hui et ce n'était pas pour me déplaire.
J'effleurai sa joue du bout des doigts ; Lilith sourit et je glissai ma main derrière sa nuque avant de l'embrasser. Elle répondit avec un enthousiasme non-dissimulé et je souris entre deux baisers.
Nous nous perdions de longs moments entre les coussins, hors du temps. J'avais bien fait de ne pas m'être arrêtée par notre salle commune pour récupérer ma cape ; il faisait suffisamment chaud comme cela dans la serre. J'espérais juste que les quelques plantes dont Lilith semblait prendre soin étaient tropicales ; je ne donnais pas cher de leur état après les quelques degrés que prit la serre.
Au bout d'un moment, j'avais tout de même pensé prendre des nouvelles de son frère. Nous avions fini par nous retrouver à moitié couchées sur la pile de coussins ; pile qui, plus d'une fois, s'était retrouvée à deux doigts de s'écrouler sous nos étreintes. Lilith s'était blottie contre moi et ses doigts jouaient avec les miens lorsqu'elle m'avait répondu plutôt distraitement. Visiblement, son frère n'avait pas l'air d'aller beaucoup mieux ; il avait à peine parlé à Lilith depuis l'arrêt des séances de legilimancie. Il n'était pas très bavard de manière générale, mais ces derniers jours, il s'était contenté d'être poli sans chercher la discussion ni réellement répondre autrement que par des gestes de la tête ou de l'épaule – particulièrement mal élevés, avait ajouté Lilith avec un agacement manifeste, lorsqu'elle avait essayé de le lancer sur des sujets qu'il aimait.
— Est-ce que tu sais ce qu'il s'est passé pour lui l'année dernière ? demandai-je.
— Non. Il n'a jamais voulu aborder le sujet. Enfin, pas avec moi, corrigea-t-elle. Je ne sais pas s'il l'a abordé avec quelqu'un d'autre. Je pense qu'il a été pris à parti par le frère Carrow mais je ne peux en être certaine.
— Pourquoi est-ce qu'il s'en prendrait à un Sang-Pur ? demandai-je, confuse.
Lilith délaissa ma main pour mon cou, visiblement concentrée sur des motifs invisibles qu'elle dessinait du bout des doigts ; je frémis.
— C'est un Serpentard et un Sang-Pur, corrigea-t-elle. Et pas de n'importe quel sang, qui plus est. Ethan a dû s'opposer à quelque chose et Carrow ne l'a pas supporté. Les gens peuvent parfois être pire encore avec les personnes avec lesquelles ils sont censés partager quelque chose en commun. Il n'y a qu'à voir le traitement que l'on réserve aux traitres. Ethan a probablement été perçu comme tel à un moment donné et Carrow en a profité pour montrer l'exemple : même quelqu'un du statut d'Ethan n'était pas à l'abris.
Cela avait dû être une façon très efficace de terroriser les plus jeunes ; ce n'était pas que les Nés-Moldus ou les élèves en retenue qui étaient de potentielles victimes des mangemorts. Ces derniers avaient leurs idées sur la pureté du sang, que nous connaissions et pouvions contrer ; ces idées rendaient les mangemorts, d'une certaine manière, prévisibles. L'année passée, nous savions approximativement quels comportements pouvaient être perçus comme problématiques ou quels élèves, notamment les Nés-Moldus, ne pouvaient se permettre d'opposition trop tranchée ; nous pouvions en ce sens nous adapter et nous organiser pour éviter l'endoloris sous-jacent.
Mais pour des élèves aussi jeunes, qui avaient déjà probablement plus de difficultés que nous autres à faire sens des mangemorts et de leurs horreurs, y ajouter les folies personnelles des Carrow avait également dû y ajouter une certaine forme d'arbitraire absolument terrifiant. Il n'était peut-être pas si étonnant de constater que les Deuxièmes Années devaient, cette année, se rattacher à de vieilles querelles entre Gryffondors et Serpentards pour tenter de faire sens de ce qu'ils avaient vécu. Cela me fit immédiatement penser à ce qu'avait dit Harper ; cela posait effectivement la question des élèves de notre propre maison et de ceux de Poufsouffle.
Je me relevai doucement et Lilith se réajusta sur mon épaule. Je pouvais sentir son corps chaud respirer contre le mien ; c'était particulièrement agréable et je rougis.
— Est-ce que tu as repensé aux psychiatres ?
— Oui, répondit-elle. L'emphase qu'ils ont mis sur le secret professionnel me rassure. Je vais en discuter avec Ethan, mais je n'ai pas grand espoir qu'il accepte. J'ai parfois l'impression qu'il ne se sent plus concerné par ce qu'il se passe autour de lui ou même par lui-même, à vrai dire. C'est très étrange à voir.
J'acquiesçai avant de tourner légèrement la tête ; elle avait toujours l'air concentrée sur mon cou, le regard un peu ailleurs. Je récupérai ses doigts et les fis distraitement passer entre les miens. Elle détacha ses yeux de mon cou pour les poser sur nos mains.
— Carrow ne t'a jamais prise à partie ? demandai-je finalement.
— Non. Il a essayé de me tester à certains moments, mais la legilimancie m'a permis de voir le coup venir. J'ai toujours réussi à m'exfiltrer des situations potentiellement problématiques avant d'être confrontée à des choix difficiles. Ce qui, je le conçois, est un luxe que peu d'élèves ont eu l'année dernière. Toi y compris, ajouta-t-elle en relevant les yeux pour les planter dans les miens.
Lilith parlait de toute évidence d'une situation où un mangemort lui aurait demandé de lancer un endoloris ; qu'elle n'ait pas eu à le faire était rassurant.
— Je n'ai pas à me plaindre comparativement à d'autres, répondis-je. Je n'ai pas eu le temps de me retrouver dans cette situation. D'une certaine façon, nous avons eu le même luxe.
— Tu as eu le temps de te retrouver dans la situation inverse, cela dit.
— Deux fois. Mais ce n'était pas très long. Quelqu'un est toujours intervenu entre-temps. La troisième fois, c'est Alice qui a pris à ma place. C'était beaucoup plus long.
Mentionner Alice dans ce contexte me mit mal à l'aise ; mon ventre se serra et je déglutis, ma gorge était sèche et mon soudain coup de chaud n'eut plus grand chose à voir avec les baisers de Lilith. N'éprouvant pas grande envie de poursuivre la discussion sur ce terrain, j'enchaînai aussitôt :
— Qu'est-ce que ça veut dire exactement « essayer de te tester » ?
Elle eut l'air de noter le changement de sujet mais n'insista pas ; je lui en fus reconnaissante.
— Chercher des prétextes idiots pour me mettre en retenue en est un exemple. Essayer de me provoquer sur la position de ma famille vis-à-vis des Moldus en est un autre. La legilimancie m'a permis de contrer ses arguments avant-même qu'il tente véritablement de les formuler à voix haute.
— C'est comme ça que tu sais, pour Ethan ? La legilimancie, je veux dire.
— La legilimancie n'est jamais vraiment exacte, alors je n'ai que des soupçons. La première chose que nous apprenons, c'est que nous avons accès aux pensées et non pas à une forme de vérité. Cela sous-entend évidemment que si l'individu se ment à lui-même, nous avons accès à ses mensonges et non à la réalité, mais c'est en réalité plus complexe que cela. Croire que la perception d'une personne reflète la réalité est la première erreur à ne pas commettre. Cela est vrai de manière générale, d'ailleurs. C'est pareil pour les souvenirs ; nous avons accès à ce dont la personne se remémore, si elle a retravaillé ses souvenirs, ou si elle leur a donné un sens particulier à posteriori, nous avons accès aux déformations mais pas aux souvenirs originaux. Les émotions suivent la même logique. Il est très récurrent que nous ayons accès à des émotions complètement détachées de ce que la personne a réellement vécu, car lorsqu'elle repense à un souvenir, elle est souvent passée à autre chose et la réponse émotionnelle est celle de la remémoration du souvenir et non pas celle qu'elle a ressenti à l'époque où elle a vécu ces évènements. Ce que j'ai vu chez le frère Carrow aurait très bien pu n'être qu'un fantasme qu'il avait de s'en prendre à Ethan, mais la temporalité correspond.
J'eus l'impression qu'elle se sentit coupable ; ses yeux s'étaient baissés et son visage s'était refermé pendant un court instant. Mon cœur se serra.
À bien y réfléchir, le fait qu'elle mentionne autant en détails la legilimancie appuyait mon impression de départ ; si je m'en fiais à nos derniers échanges, Lilith semblait avoir une certaine tendance à placer le contexte - et à beaucoup parler, lorsque les discussions étaient plus personnelles. Ses lettres avaient étés les seules exceptions.
— Tu es une bonne sœur.
Elle haussa les épaules ; chose que je ne l'avais jamais vu faire, avant de soupirer. Comme à son habitude, elle finit par fermer un instant les yeux et prendre une inspiration.
— Je ne sais pas. Loin de moi l'idée de penser que l'année que nous avons passé ne devrait pas avoir de conséquences, mais je ne m'attendais pas ce que ce soit aussi difficile pour lui. C'est comme si rien n'avait réellement changé de son côté. J'ai l'impression d'être aussi impuissante et perdue vis-à-vis de lui que je l'étais l'année dernière. Mais cette année, soupira-t-elle, je n'ai pas l'excuse du contexte. C'est juste très frustrant de ne pas savoir quoi faire. J'imagine que tu sais ce que c'est, reprit-elle plus sereinement, avec les préfets…
— Ce n'est pas vraiment comparable, lui opposai-je, tentant d'être aussi douce que possible. Ce n'est pas mon frère qui est directement concerné. Et, tu sais, tu as aussi été impactée par l'année que nous avons passé. Tu n'as pas besoin d'excuse parce qu'il n'y a rien à excuser. Tu es dure envers toi-même.
— C'est mon petit frère, Eyrin, appuya-t-elle comme si cela consistait un argument en soi.
— Et tu as l'air de faire ce que tu peux pour lui. Tu ne peux pas forcer les gens à parler s'ils ne le souhaitent pas. Je ne pense pas qu'être sa sœur suppose que tu réussisses à l'aider, mais que tu essayes de prendre soin de lui et que tu te montres disponible pour lui… qu'il sache que dès qu'il se sentira de s'ouvrir ou de parler, tu seras là. Tu n'es pas coupable de ne pas réussir. Enfin, ce n'est que mon avis. Mais je suis fille unique alors, je ne sais pas, ajoutai-je précipitamment. Je me dis juste que si j'étais dans cette situation, je n'en voudrais pas à Alice de ne pas savoir quoi faire, je lui en voudrais de ne pas essayer ou d'abandonner en cours de route. J'aurais besoin de savoir qu'elle est juste… là, peu importe ce qu'elle fait vraiment.
Le silence s'installa lentement et je ne m'y opposai pas, me contentant de jouer patiemment avec ses doigts. Elle se perdit un moment dans ses réflexions, avant d'acquiescer à ses propres pensées.
— Peut-être, en effet, concéda-t-elle finalement.
Je relevai les yeux et elle déposa un baiser sur ma joue. Son déplacement m'enfonça plus encore dans les coussins.
— Merci.
Je ne pus retenir un sourire, contente d'avoir pu être d'une quelconque aide, avant de me perdre dans son cou. Elle se décala doucement en réponse, me permettant de me blottir contre elle. Malgré le ton plutôt grave de notre discussion, être ici avec elle avait quelque chose de reposant et dépaysant ; j'en oubliais que nous étions déjà de retour à Poudlard depuis deux jours. L'idée de passer du temps, ici, avec elle le reste de l'année avait quelque chose de réjouissant.
Au bout de quelques instants, Lilith changea à son tour de sujet pour une thématique plus légère, ses doigts perdus dans mes cheveux.
— Il semblerait qu'un des psychiatres t'ait vue toute petite, s'amusa-t-elle. Je crois n'avoir jamais réussi à te faire autant rougir, je dois admettre être quelque peu jalouse…
Je ne pus empêcher un petit rire, attendrie par sa voix mi-ennuyée mi-joueuse, et elle parut décontenancée. Un rien chez elle pouvait m'émouvoir ; c'était incroyable. Je rougis à cette pensée.
— Tu m'as manqué, dis-je finalement devant son regard interrogateur. Je n'ai aucun souvenir de tout ça ou même de lui, avouai-je sans lui donner la possibilité d'ajouter quoique ce soit.
— Tu sembles en tout cas avoir décoré son bureau.
Nous rîmes ; son rire m'avait manqué.
— C'est une sacrée coïncidence. Quand Emily va apprendre ça, je vais en entendre parler pendant des jours, soupirai-je.
— Augen ? reprit-elle, surprise. Elle semble plus… terre à terre que ça.
— Elle prépare la divination pour ses A.S.P.I.C.S, Lilith, l'informai-je ahurie. Elle aime beaucoup trop ce genre d'histoires. Les coïncidences, le destin, tout ça. Elle croit qu'il existe une forme de magie qui peut lier certaines personnes à certains destins particuliers ou certains… destins entre eux, quelque chose comme ça. Enfin, d'un côté j'imagine que ça se rapproche de certains enchantements ou malédictions, sauf que personne ne lancerait le sort. Il se produirait tout seul.
Probablement que les romans à l'eau de rose qu'Emily lisait ne l'aidaient pas à y voir plus clair à ce sujet, d'ailleurs. Lilith sembla amusée par ma réaction et je secouai la tête ; son grand sourire ne laissait rien présager de bon.
— Eh bien, ça pose la question existentielle de la nature de la magie. Est-ce quelque chose qui existe indépendamment de nous ? Les sortilèges et enchantements ne seraient en ce sens qu'une façon parmi d'autre de la contrôler, mais elle existerait par elle-même.
— Tu essayes de me provoquer sur ce sujet et je ne tomberai pas dans ton piège éhonté, répliquai-je. Le fait que ce genre de croyance pose une question intéressante ne change rien au fait que ça reste une croyance. Et cite-moi un seul événement magique qui se serait produit sans l'intervention d'un être vivant capable de l'utiliser, ne pus-je m'empêcher d'ajouter malgré moi.
Elle sourit, ayant de toute évidence réussi son coup, et je soupirai ; je n'étais pas croyable de tomber aussi facilement dans ce genre de piège. Ce n'était pas comme si je ne l'avais pas vu venir de loin, en plus.
— Tu m'as également manqué, dit-elle avant de venir chercher mes lèvres. Terriblement, ajouta-t-elle entre deux baisers.
Je souris tandis que nous nous perdions à nouveau dans les coussins ; Lilith allait avoir la mort de ses plantes sur la conscience.
La réunion finit éventuellement par me revenir à l'esprit. En la mentionnant, Lilith avait définitivement permis à mon cerveau de tenter de faire sens de ce qu'il s'était passé, et je me détachai doucement d'elle. À vrai dire, j'avais été la première surprise d'apprendre l'existence de maladies de l'esprit. C'était surréaliste et la culpabilité me prit aussitôt que je le réalisai.
— Tu sais, repris-je, je ne savais même pas que ma mère travaillait sur cette maladie.
— Elle ne parlait pas beaucoup de son travail, constata-t-elle.
— Non, et moins encore de cette partie. Je sais juste qu'elle aidait des enfants qui avaient des conditions de vies particulières à aller mieux, c'est tout. Je crois que je n'avais même pas vraiment compris que c'était dans leurs têtes qu'ils n'allaient pas très bien. J'avais juste compris que c'étaient des enfants qui avaient vécu des choses vraiment graves et qu'elle les prenait « en charge ».
— J'imagine que si elle ne te donnait pas plus de détails que cela, c'est qu'elle avait ses raisons.
J'haussai les épaules et Lilith fit glisser ses doigts le long de mon bras.
— Cela dit, ajouta-t-elle d'une voix particulièrement douce, le psychiatre avait l'air content, et surpris, de te voir. Si cela t'inquiète de ne pas en savoir plus à ce sujet, peut-être que lui parler serait une bonne idée. Est-ce que tu envisages d'échanger avec lui ?
Je soupirai ; l'idée d'échanger avec lui avait quelque chose d'absolument terrifiant. Je préférais largement envoyer Libellule à mon père ; j'allais de toute manière le contacter pour lui raconter ce qu'il s'était passé, même si, à y penser, je n'avais pas l'impression que ma mère lui avait beaucoup plus parlé de son travail qu'à moi.
— Je ne sais pas. J'aimerais bien, je pense, enfin je crois… C'est juste un peu… intimidant ? hasardai-je avant de soupirer à nouveau.
Lilith patienta de ses doigts sur son épaule et je me laissai un instant bercée par les motifs invisibles qu'elle semblait dessiner.
— Je crois que j'ai un peu peur de constater qu'il la connaissait mieux que moi, avouai-je finalement. Je veux dire, je ne connais rien de tout ça. Je ne sais même pas ce qu'est une directrice de thèse.
— Il connaissait la professionnelle qu'était ta mère, une partie d'elle. Ça ne veut pas dire qu'il la connaissait mieux que toi. Je ne pense pas qu'un grand nombre d'élèves ait déjà réellement vu leurs parents au travail, tu sais. Tu n'as pas à te sentir coupable ou à avoir honte, je ne suis pas certaine de savoir décrypter correctement cette moue, ajouta-t-elle rapidement.
— Je ressens les deux, je crois. Je ne sais pas. En fait, je ne sais pas grand-chose. Ça m'a l'air si surréaliste, je n'ai même pas vraiment réalisé ce qu'il s'est passé. Quelle est la probabilité que le Ministère accepte de faire venir des psychiatres à Poudlard et qu'ils connaissaient ma mère ? Cette année, c'est comme si les choses arrivaient mais que mon esprit n'en prenait conscience que bien plus tard. Je sais qu'elles sont arrivées, mais je n'en fais sens que trois ans après.
— Comme pour nous.
Je rougis avant d'acquiescer. Ma soudaine crise de conscience me sembla soudainement bien stupide et je soupirai. L'ironie de la situation voulait que je ne savais de toute manière pas réellement quoi faire de mon incapacité à m'approprier plus rapidement les évènements. Contrairement à Lilith qui semblait toujours restituer sa pensée lorsqu'elle parlait, j'étais de toute évidence plutôt du genre à construire ma pensée par l'échange ; Alice, Emily, et mon père m'assistaient tous dans cette tâche. Je m'en étais déjà aperçue lorsque j'avais tenté de faire sens de la situation après notre rendez-vous à Pré-au-lard, mais n'en avait alors pas perçu toute la portée. D'ailleurs, à y réfléchir, c'était surtout le cas lorsque la pensée en question me concernait moi-même. Je n'avais après tout pas ce genre de problématique pour me construire un avis sur l'état du château.
Le fait que nous avions peu abordé des discussions personnelles avec Alice le trimestre dernier avait probablement dû participer à ma lente réalisation des évènements ; ou peut-être était-ce déjà le cas avant et qu'il s'agissait simplement de mon mode de fonctionnement. J'eus le réflexe de vouloir me remémorer l'année passée pour tenter de confirmer ou d'infirmer cette dernière idée, mais réalisai aussitôt qu'il était difficile de considérer que l'année que nous avions passé était démonstrative de quoique ce soit à mon sujet. Ce n'avait pas été une année normale ; quelque chose s'était arrêté au début de l'année pour ne reprendre que durant les grandes vacances d'été, une fois Voldemort vaincu. Il était difficile d'utiliser cette année pour tenter de se comprendre. C'était d'autant plus frustrant que notre quatrième année me paraissait particulièrement éloignée de ce que j'étais maintenant pour qu'elle soit informative à mon sujet.
Je repris soudainement pied avec la réalité sous le regard amusé de Lilith. Elle n'avait pas bougé mais, pour une quelconque raison, son attitude me fit rougir.
— Tu es absolument ravissante lorsque tu réfléchis, dit-elle finalement.
— Ce ne sont pourtant pas de grandes réflexions, répondis-je quelque peu gênée que mes états d'esprit soient aussi manifestes.
— Et pourtant, c'est comme si, soudainement, tu n'étais plus vraiment avec nous. En plein milieu d'une conversation. Enfin, précisa-t-elle, tu le fais également en cours de potion juste avant de te décider à ne pas suivre les recommandations du manuel.
Je ne pus empêcher un sourire ; Lilith pouvait bien dire ce qu'elle voulait, elle acceptait à chaque fois de suivre mes idées qui, soit dit en passant, nous avaient régulièrement valu d'obtenir un Optimal accompagné d'une très chaleureuse appréciation de Shadlakorn.
Elle m'embrassa tendrement avant de revenir contre moi. Je me décalai légèrement sur les coussins et elle perdit sa tête dans mon cou ; je ris quand ses cheveux chatouillèrent ma peau et elle s'excusa – ou plutôt, me présenta ses excuses.
Au bout de quelques minutes de silence agréablement rythmées par sa respiration, nous avions fini par discuter de nos vacances respectives – tout du moins, de ce que nous n'avions pas évoqué lors de notre échange épistolaire.
Lilith avait déjà mentionné ses cours particuliers sur les sociétés moldues ainsi que ceux sur les relations intercommunautés magiques dans sa première lettre, je n'étais donc pas surprise d'apprendre qu'ils avaient constitué une bonne partie de ses activités durant ces dernières vacances. En revanche, je ne m'étais pas attendue à ce que les « affaires familiales » comportent autant d'évènements sociaux et de correspondances à maintenir avec les enfants d'autres familles de Sang-Purs à travers le monde – elle détestait de toute évidence le sorcier japonais auquel elle avait dû répondre ces vacances. De ce que je comprenais entre les lignes, Lilith passait le peu de temps libre qu'elle avait hors de Poudlard à voler sur son balais, observer les étoiles ou lire.
— Ceci explique pourquoi tout le monde dans l'équipe disait que tu étais très technique mais pas tactique… Tu voles seule, réalisai-je à voix haute.
— Oh, je ne suis pas tactique ?
Décidément, lorsque sa fierté était piquée, Lilith était absolument superbe. Elle se détacha de moi pour se redresser, le dos parfaitement droit. Vu son regard amusé sur le bas de mon visage, j'avais à nouveau dû me mordre la lèvre. Je soupirai tandis qu'elle souriait.
— Ceci doit expliquer les résultats de Serdaigle, enchaîna-t-elle d'une voix chaude. Vous passez plus de temps à intellectualiser le quidditch qu'à y jouer.
— C'est sûr que le quidditch est plus simple lorsque l'on s'entraîne collectivement à tricher, rétorquai-je en me relevant à mon tour.
— Tricher est un terme particulièrement peu adapté, répliqua-t-elle. Les fautes sont tout à fait admises dans le sport, elles sont sanctionnées. Nos batteurs ont volontairement fauté et accepté les conséquences de cette faute. En un sens, ils ont respecté le contrat implicite présent dans les règles. Et, à ce sujet, ajouta-t-elle plus doucement, j'avais mis en garde notre capitaine contre ce genre de pratiques, mais Nast a convaincu le reste de l'équipe, dans son dos, que la santé de nos camarades de maison tenait à nos réussites sportives.
Cela expliquait comment Lilith avait pu réagir aussi vite ; ils avaient discuté de la possibilité de jouer ainsi. J'étais touchée qu'elle s'y soit opposée alors que nous n'étions que partenaires de potions. C'était vraiment une bonne personne.
— Tu es en train de me dire que j'ai fait une chute pareille parce que Nast s'inquiétait pour les Serpentards ? m'effarai-je en oubliant totalement sa tentative très osée de faire passer les tricheries de Serpentard comme des mouvements légaux.
Elle acquiesça et je soupirai ; certes, Nast avait été en colère contre Lilith à la fin du match, mais je ne m'étais pas attendue à ce qu'il soit l'instigateur de tout cela. Nous étions après tout collègues, d'une certaine façon.
— Il s'est mis en tête que jouer sur le sentiment de fierté permettrait à certains de ne plus être aussi… fantomatiques, hasarda-t-elle, dans la salle commune. Je dois malheureusement admettre que cela a marché sur les plus jeunes, mais pas du tout sur les plus âgés.
— Triche ou non, bonne intention ou non, ça reste une faute qui empêche le jeu et qui n'était vraiment pas fair play. Elle trahit l'esprit du quidditch.
— Nous sommes bien d'accord. Je ne dis pas qu'ils avaient raison de le faire, simplement qu'ils n'ont pas triché. Et saches que la plupart des élèves les plus âgés n'étaient pas très contents d'avoir gagné de cette manière et ont craint que cela ne fasse qu'empirer les préjugés à leur égard. De surcroît, j'aurai attrapé le vif d'or quoiqu'il arrive. À titre personnel, Nast m'a vraiment agacée.
Je souris devant son air effectivement ennuyé. Il était vrai que la performance de Lilith était passée au second plan suite à la faute de leurs batteurs.
— Pour répondre à ton interrogation de départ, reprit-elle enfin, le quidditch n'est pas une activité particulièrement prisée chez nous. Je n'avais jamais réellement pratiqué ce sport, ou tout autre sport d'ailleurs, avant cette année. J'ai juste l'habitude de voler sur mon balais depuis que je suis en âge de le faire. Cela me permet d'échapper tout à fait temporairement à la pression de ma famille. Au fil du temps, enfin à force de vouloir répéter certaines figures surtout, se reprit-elle, j'ai acquis une certaine maîtrise du balais. Heureusement, il ne faut pas beaucoup plus que cela pour être attrapeuse. C'est un sport très individuel quand on y pense. J'attrape le vif d'or et, à part lors des matchs particulièrement longs, nous gagnons. Il m'arrive d'éprouver une certaine peine pour les poursuiveurs et les gardiens, ajouta-t-elle, joueuse, l'issue du match dépend rarement de votre présence.
Je ne m'étais très certainement pas attendue à ce genre de conclusion et elle le remarqua bien vite ; non seulement, je n'avais jamais vu le quidditch sous cet angle mais rien ne me venait à l'esprit pour lui rétorquer quelque chose. C'était particulièrement frustrant et cela sembla tout à fait l'amuser.
— Je ne saurais dire si tu as terriblement envie de m'embrasser ou si tu souhaites me jeter un coussin à la figure, reprit-elle avec un sourire.
— Je ne suis moi-même pas sûre.
— Si je peux être force de proposition, un baiser est tout de même plus agréable pour les deux parties impliquées.
Je ne pus empêcher un sourire avant de secouer la tête ; elle n'était franchement pas croyable.
— Tu es vraiment agaçante, Lilith, soupirai-je avant de m'emparer de ses lèvres. Pourquoi avoir voulu faire du quidditch, alors ? ne pus-je m'empêcher de demander alors que je me reculai légèrement après notre baiser.
Lilith sourit avant de s'amuser à nouveau avec les mèches qui lui passaient sous la main.
— Après l'année dernière, j'avais besoin de pouvoir faire quelque chose. Les dortoirs et la salle commune sont devenus assez… petits. J'avais besoin de respirer. Voler m'a toujours permis de me vider la tête. Alors comme d'habitude, j'ai négocié avec ma famille. Il n'y a pas vraiment d'autres moyens pour moi de voler à Poudlard et ils l'ont compris.
— Donc le quidditch t'importe peu ?
— Oh, non, je ne dirais pas ça. Ce n'était très certainement pas un intérêt que j'avais il y a quelques mois, je te l'accorde, mais j'apprécie gagner, dit-elle particulièrement joueuse, et je crois que je commence à apprécier l'aspect… tactique ?, il me semble que c'est le terme, feignit-elle de ne pas connaître alors que je secouai la tête avec un sourire. Mais tu ne m'as pas l'air spécialement enthousiasmée par ce sport non plus.
— Je ne m'attendais pas réellement à avoir le poste, pour être honnête. J'ai surtout fait ça sur un coup de tête parce que c'est vraiment très difficile de dire non à Alice. Mais le quidditch m'a fait du bien alors je ne suis pas mécontente d'en faire. C'est juste que je ne suis pas sportive, je ne fais pas vraiment d'activités physiques à part quelques randonnées durant l'année avec mon père. Alors les entraînements mettent vraiment mon corps à rude épreuve. Je me suis découvert de nouveaux muscles aux bras.
— En réalité, si tu les as découvert, c'est qu'ils étaient déjà présents. Ils ne peuvent pas être nouveaux.
J'eus un grand sourire ; Lilith était adorable. Elle leva les yeux au ciel lorsqu'elle s'en aperçut.
— À vrai dire, reprit-elle plus sérieusement, je me suis demandé pendant ces vacances si, sans le vol, je n'aurai pas plus questionné mon éducation. Puisque cela me détend et me permet d'échapper temporairement à la pression de ma famille, je n'ai pas besoin de dire ou de faire des choses que je pourrais regretter.
Lilith avait probablement raison et, au fond, c'était le cas de pleins d'autres activités ; les lectures d'Alice ou d'Emily, les matchs de quidditch à Poudlard, les rumeurs sur les vies personnelles des élèves, voire les comportements problématiques des Deuxièmes Années… Ce qui nous permettait de nous détendre et d'échapper temporairement à une pression était précisément ce qui nous permettait de continuer à la supporter sans se risquer à contester la source de la pression. Parfois, cela devait nous empêcher de remettre en question certaines choses problématiques. Comme Lilith et son éducation.
— D'ailleurs, ajouta-t-elle en me tirant à mes réflexions, je n'ai pas vraiment volé ces vacances. C'est en réalité très inhabituel.
— Tu as dû être distraite, souris-je, joueuse.
— Par une petite chouette beige qui se postait régulièrement devant ma fenêtre, en effet.
Je rougis devant ce qu'elle avouait aussi simplement entre les lignes et sentis mon coeur repartir de plus belle ; comme souvent, mon cerveau quelque peu pudique préféra dévier la conversation plutôt que de répondre.
— Merci de l'avoir laissée se reposer chez vous durant les vacances, c'était vraiment gentil. Et adorable, ajoutai-je.
— Tu as tendance à te méprendre dans ton usage de la langue anglaise, Eyrin. « Adorable » et « bien élevé » ne sont pas synonymes, dit-elle avec un air tout à fait sérieux et justement des plus adorable.
— Tu réalises que tu peux tout à fait être bien élevée et adorable, pas vrai ? rétorquai-je. Ce n'est pas mutuellement exclusif.
Je ris devant son air ennuyé ; forme d'aveu indirect, et elle détourna la discussion sur mes propres vacances. Lilith fut toute aussi curieuse au sujet de mon père et de sa réaction qu'il l'avait été à son égard, ce qui avait été des plus touchant. Notre relation avait l'air de beaucoup l'intriguer ; notamment notre facilité de communication, comme elle l'avait elle-même mentionnée, quand je lui avais dit que la plupart du temps – lorsqu'il prenait des vacances, nous passions simplement nos matinées à discuter et manger dans la cuisine. Avec tout le temps que nous passions à Poudlard, et toutes les choses qui évoluaient à son travail, il y avait de quoi tenir de nombreuses matinées sans jamais discuter deux fois du même sujet. Lorsqu'il n'y avait personne à la maison et que nous décidions de ne pas passer le reste de la journée ensemble, j'avais tendance à dessiner, lire, ou me promener le long du lac, et mon père s'enfermait la plupart du temps dans son bureau. Lilith rebondit tout de suite sur le dessin - que je ne faisais pas à Poudlard ; avec la présence des filles, je n'avais pas trop l'espace mental pour dessiner et c'était quelque chose que j'avais commencé il y a trois ans. Notre maison suédoise était reculée – avec quelques autres maisons de sorciers, autour d'un lac au sud d'Uppsala, et le calme assourdissant autour des habitations permettait de se poser pour dessiner. À Londres, je n'avais jamais pris le temps de le faire car il y avait toujours quelque chose d'autre qui attirait mon attention.
Les toiles astronomiques et le vieux sorcier qui les créait finirent également par avoir toute sa considération ; elle avait semblé tout à fait heureuse de son cadeau et cela me fit chaud au coeur. Discuter de cela dut lui faire penser à son propre cadeau car Lilith enchaîna aussitôt :
— J'espère que tu réalises à quel point je suis curieuse de savoir ce que tu as pensé du livre.
Elle sembla réellement excitée de pouvoir enfin discuter du livre et je me tournai entièrement vers elle, amusée par sa façon d'amener le sujet sur la table ; ou en l'occurrence, sur les coussins. Si nous avions eu la même analyse du rapport entre le monde moldu et sorcier – ce qui eut l'air de beaucoup amuser Lilith et me valut d'être fougueusement embrassée, nous n'avions pas tiré les mêmes conclusions quant à la partie « enquête » de l'histoire.
Lilith était visiblement persuadée que les sorciers de l'immeuble étaient du côté de Grindelwald, chargés de faire passer des plantes magiques d'Angleterre en Europe Continentale pour que les soutiens du mage noir puissent guérir leurs nombreux blessés pétrifiés.
Les ennemis de Grindelwald, m'avait appris Lilith alors qu'elle avait réalisé que je n'avais pas fait le lien entre la mandragore et la guerre, avaient préféré utiliser un vieux sortilège de pétrification que nous n'utilisons plus de nos jours plutôt que des stupefix. Le premier avait l'avantage non-négligeable de rendre inactif l'opposant – pendant quelques heures du moins, le temps qu'il soit soigné convenablement. L'usage du stupefix reposait sur sa propre confiance à pouvoir arrêter rapidement les sorciers adverses avant qu'ils ne lancent un enervatum sur leurs collègues, ce qui était difficile pour des opposants à Grindelwald en sous-nombres. Au moins, s'ils n'arrivaient pas à arrêter les mages noirs, ils obligeaient le camp adverse à se reposer sur leurs ressources de mandragore ; ce qui était bien plus coûteux que de lancer un enervatum.
Nous n'étions évidemment pas d'accord à ce sujet ; Lilith prenait beaucoup de risques à considérer que l'histoire des mandragores était une preuve suffisante pour considérer que les sorciers étaient des soutiens à Grindelwald. Avec le peu d'informations que nous avions dans le livre, ces derniers pouvaient en réalité tout aussi bien chercher à perturber l'exportation des plantes magiques qu'à réellement la faciliter. Notre désaccord s'était cependant conclu par une mise en danger supplémentaire des quelques plantes qui avaient survécu jusque-là et j'aurai bien été la dernière personne à m'en plaindre.
Alors que la lumière commença à s'assombrir légèrement dans la serre - nous devions approcher du milieu d'après-midi, Lilith finit par se reculer et se redresser en position assise ; il était évident qu'elle avait quelque chose en tête. Elle se retourna légèrement vers moi.
— À vrai dire, commença-t-elle, bien que t'embrasser est une activité des plus plaisante, sourit-elle avant de me voler un baiser, ce n'était pas la seule chose que j'avais à l'esprit aujourd'hui. J'ai beaucoup pensé à nos discussions ces vacances. Je me suis dit que si tu avais raison au sujet de notre appellation des Elfes de Famille, alors il devait exister un moment dans notre Histoire où nous avons basculé dans l'usage des termes. J'ai jeté un œil dans nos registres et trouvé quelques petites choses. Je me suis dit que tu aimerais probablement les découvrir avec moi, mais peut-être s'agit-il d'une idée particulièrement idiote, ajouta-t-elle rapidement. Surtout après les discussions que nous venons d'avoir.
Je ne pus empêcher un grand sourire, tout autant ravie et touchée qu'elle ait pensé à moi pour ce genre de choses qu'attendrie par sa crainte que cela ne me plaise pas. J'étais très curieuse de savoir ce qu'elle avait bien pu trouver ; si mon « hypothèse raisonnable » était confirmée, et me redressai un peu trop précipitamment.
— C'est une super idée, Lilith.
Elle sourit, manifestement rassurée par mon enthousiasme, avant de me tendre une lettre récupérée dans la cape qu'elle avait posée sur la table à sa droite. Le parchemin avait l'air particulièrement abîmé et l'anglais des plus vieux. Elle en récupéra d'autres qu'elle laissa de côté pour n'en garder qu'une seule en main.
— Ce sont de vieilles lettres qui traitent du rapport des Parker avec les ancêtres de Mr. Kristof ou qui font mention d' « Elfes ». Je crois qu'il y est fait mention de différentes sources de conflits avec les Elfes de Famille. Certaines datent du 11ème siècle et d'autres sont plus récentes. Peut-être y trouverons-nous des réponses.
— Vraiment ? Le 11ème siècle ? répétai-je, surprise, avant de poser la lettre sur un coussin dans un geste réflexe.
L'idée d'avoir accès à d'aussi vieilles lettres me laissa une sensation étrange ; ce parchemin avait probablement connu son lot d'aventures. Mon cerveau n'arrivait même pas réellement à se faire à l'idée qu'une personne ayant vécu il y a presque mille ans ait pu écrire la lettre que j'avais eu entre les mains il y a quelques secondes. D'habitude, il n'y avait que le château ou les traditions associées qui étaient aussi vieilles autour de nous. L'impression de tenir un bout d'Histoire entre mes mains était vraiment déconcertante.
— Tout à fait, répondit Lilith. Et tu n'as pas besoin de t'inquiéter, toutes les archives de notre famille sont protégées. Tu ne risques pas d'abîmer le papier ou l'encre, ajouta-t-elle en montrant la lettre que j'avais posé d'un geste de la tête. Tu ne pourrais pas la déchirer si tu le souhaitais. Nous excellons dans trois formes de magie particulières : la legilimancie, les enchantements d'archivage, et la magie évolutive. Si tu veux traduire la lettre dans un anglais plus moderne, tu as juste à taper deux fois la lettre avec le bout de ta baguette. Cela devrait fonctionner même si tu n'es pas une Parker, normalement.
— Je ne savais pas qu'il était possible de concevoir des enchantements dont l'effet était conditionné par le sang.
— Ce n'est pas tant une question de sang que de reconnaissance mutuelle, répondit-elle. Par exemple, nos registres ne sont accessibles qu'aux Parker, que ce soit par le sang ou par le nom, et à Mr. Kristof. N'importe qui d'autre ne verrait qu'une simple bibliothèque, là où nous avons accès à des siècles d'archives tant sur notre famille que sur les relations entre communautés magiques que nous avons connues dans le monde. Chacune de nos interventions est répertoriée, documentée, analysée. L'aînée de la famille, au féminin, spécifia-t-elle, doit veiller à la bonne tenue des enchantements qui protège nos archives et est garante de l'ouverture des registres, et des enchantements qui y sont liés, à de nouvelles personnes. Même si, dans les faits, c'est plutôt Mr. Kristof qui s'en occupe que ma grand-mère.
Mr. Kristof avait accès à des informations importantes ; sa remarque sur le fait que les Elfes de Maison avaient de quoi détruire les familles qu'ils servaient prenait tout son sens. Entre leurs archives et la legilimancie, il n'était pas si surprenant de savoir que cette famille pouvait être redoutable en diplomatie, comme l'avait mentionné mon père pendant ces vacances. C'était d'ailleurs une façon très efficace de garder le pouvoir : avoir accès aux informations des Parker lorsque nous n'en étions pas issus nécessitait le mariage. J'imaginais que cela donnait beaucoup de poids et de pouvoir à sa famille dans les négociations.
Pressée de découvrir ce que la lettre pouvait bien contenir, je reconcentrai mon attention sur le bout de parchemin avant de vouloir m'emparer de ma baguette qui, je le réalisai juste, s'était perdue au milieu des coussins. Je me relevai sous le regard amusé de Lilith – dont je déclinai l'aide, pour retrouver ma baguette entre la table sur ma gauche et ce qui avait dû être un râteau il y a quelques années ; quelques piques dépassaient des bordures du coussin, ce qui lui donnait un aspect assez comique. Lilith n'avait définitivement pas le talent d'Alice pour les métamorphoses.
Je me réinstallai sur les coussins – après avoir rapidement vérifié qu'aucun n'avait de piques ou de manches qui dépassaient, et suivis les indications de Lilith ; après avoir tapoté deux fois avec ma baguette, l'encre du parchemin sembla se mouvoir toute seule. Les lettres manuscrites se modifièrent et certains mots échangèrent de place, voire disparurent, pour que d'autres puissent apparaître. Je me pris rapidement au jeu une fois ma lecture commencée.
« [...] En effet, les Elfes sont un élément fondamental dans ces discussions. Cependant, mieux vaut-il concevoir les Elfes comme des enfants dont le tempérament est le miroir du maternel. Si l'Elfe, à votre arrivée, est d'or et déjà dans une attitude confrontationnelle, ses maîtres le seront probablement aussi. La maison est à l'image de l'Elfe, l'Elfe est à l'image du maître. Ainsi, les moeurs d'une famille s'évaluent à la bonne tenue de la maison. Ne pas témoigner d'attention envers l'Elfe qui vous sert dans la demeure d'un autre serait perdre une information importante sur votre opposant, vous alourdir de l'assistance d'un Elfe dans le seul but de parader face à un autre serait octroyer l'ascendant à votre adversaire. Les Elfes doivent rester au domicile. C'est d'ailleurs en ce seul lieu que se joue leur loyauté. [...] »
— Cette lettre ressemble à un article de Sorcière Hebdo : « Qu'est-ce que votre Elfe de Maison dit de vous ? », m'amusai-je, mais il n'y a que le terme d' « Elfes » qui est employé.
— C'est également le cas dans celle que je lis.
Lilith ne put s'empêcher de se pencher par-dessus la lettre que je tenais en main pour y jeter un œil et j'en profitai pour déposer un baiser sur sa joue. Elle tourna la tête avec un sourire attendri et je rougis.
Je m'éclaircis la gorge avant de récupérer une autre lettre sur la pile, curieuse de voir ce sur quoi j'allais tomber ; mon attitude eut l'air de beaucoup amuser Lilith. C'était assez étrange de lire des documents de l'époque ; le contenu semblait à la fois très proche de ce que nous pourrions écrire de nos jours et, pourtant, très éloigné. Je ne m'étais pas attendue à ce que les Elfes de Maison soient réellement un sujet de discussion – ou même qu'ils fassent, d'une certaine façon, partie du quotidien des sorciers de l'époque au point d'être la cible de conseils. Après tout, de nos jours, ils étaient plutôt absents de toute discussion et rares étaient les occasions de réellement échanger sur leur sort.
Naïvement, je pensais que les sorciers de l'époque qui, probablement, les traitaient assez mal, fermaient plutôt les yeux ou ne considéraient pas ces créatures qui s'agitaient sous leur toit ; mais c'était l'inverse, les Elfes de Maison semblaient faire partie intégrante de leur vie. Cela sous-entendait aussi que les mauvais traitements à leur égard étaient totalement conscients : les sorciers prêtaient attention aux Elfes au point de les utiliser pour aiguiller leurs interactions sociales avec d'autres sorciers, et étaient, donc, tout à fait en mesure de percevoir la violence dans leurs rapports.
« [...] Après avoir gagné, le Normand a remplacé la seigneurie anglaise en redessinant les frontières de certains territoires nouvellement acquis de sorte à limiter la contestation. Cette dernière est rendue difficile par la géographie du Royaume ainsi formé. Je me demande si nous ne sommes pas face au même mouvement chez les Harper : une bataille territoriale que nous n'avons même pas conscience de perdre. Les Harper ont récupéré un nouveau sol et une nouvelle bâtisse lors de leur dernière union. Or, chaque demeure nouvellement acquise représente une occasion de faire reproduire les Elfes. Dans les faits, plus les Harper détiennent de pierres, plus ils détiennent d'Elfes. Il est de coutume que les Elfes s'échangent des bonnes pratiques sur la tenue des demeures. En ce sens, les Elfes sous domination des Harper sont sur-représentés dans la région : il y a un risque de contamination des mœurs que nous devons absolument adresser. [...] »
Je relus ce passage à voix haute ; essayant d'intégrer le fait qu'il s'agissait des mêmes Harper dont était issue ma collègue préfète, et Lilith se retourna si vite que j'eus mal à la nuque à sa place. Ses yeux étaient brillants et je ne pus m'empêcher de sourire ; je ne me serai jamais attendue à ce qu'une autre personne puisse partager le même intérêt – et la même excitation, pour ce genre de questionnements.
— S'ils avaient peur que les habitudes culturelles des Harper entachent celles de nos Elfes, c'est que les Elfes avaient déjà du pouvoir à l'époque, commença-t-elle. Cependant, cela ne nous avance pas réellement sur l'usage du terme d'Elfe de Famille.
J'avais toujours du mal à réaliser ce que je venais réellement de lire, alors que Lilith n'avait pas l'air perturbée un seul instant par la mention des Harper, et enchaînai aussitôt :
— Peut-être que les Harper pliaient très mal leurs serviettes de table à l'époque et qu'il était inenvisageable pour les Parker que leurs Elfes de Maison en viennent à de telles bassesses. Après tout, l'Elfe est à l'image du maître.
Je ris à ma propre blague et Lilith secoua la tête ; elle tint tout au plus une dizaine de secondes avant de rire à son tour.
— À bien y réfléchir, reprit-elle finalement, je pense qu'ils avaient peur du cas de figure où quelqu'un pourrait reconnaître les influences des Harper sur nos Elfes. Imagine un instant que les Parker aient invité une personne et que les habitudes culturelles des Harper aient effectivement influencé nos Elfes. Cet invité aurait pu constater que les Elfes des Parker se comportaient comme ceux des Harper ou que la maison était tenue comme celles des Harper. Il aurait donc pu en conclure que les Harper avaient une influence sur les Parker.
— Ce serait tout à fait dramatique, en effet, ne pus-je m'empêcher d'ajouter avec ironie. Tu admettras tout de même que même tes ancêtres parlaient de « domination » pour rendre compte du lien entre les familles possédant des Elfes de Maison et ces mêmes Elfes.
— En effet. Je pense cela dit que nous devrions rester prudentes dans nos interprétations. Il est possible que le terme ait eu une autre utilisation ou un sous-entendu particulier à l'époque. « Domination » pourrait très bien faire référence aux coutumes des Harper qui influencent leurs Elfes, plus qu'à la nature de la relation entre les Harper et leurs Elfes.
— C'est utiliser beaucoup de mots pour admettre que j'ai raison, m'amusai-je, mais restons prudentes. Tout à fait.
Lilith leva les yeux au ciel avec un sourire avant de me tendre une autre lettre. Elle déposa à son tour un baiser sur ma joue. Je rougis à nouveau ; je me fatiguais moi-même, et m'échappai dans la lecture de la lettre. J'étais à présent totalement emportée dans nos recherches et avais très envie de découvrir d'autres morceaux d'Histoire. Même si pour le moment cela ne nous avançait pas trop sur l'appellation des Elfes de Famille, il y avait quelque chose de passionnant dans le fait de découvrir la manière dont les sorciers et sorcières de l'époque pouvaient en parler ou les considérer.
« […] Les Cromwell ont été trahis par leurs Elfes. La sanction est double : les Elfes ont été suffisamment efficaces pour ne pas rompre le lien d'allégeance qui les lit pourtant à leurs maîtres. Leur allégeance tient plus de la demeure que de la famille : la plus grande force des Elfes est leur plus grande faiblesse. Leurs Elfes l'ont compris et en ont joué. Ils ont trahi la famille, mais pas la demeure familiale. D'après nos informations, il semblerait qu'aucun sorcier ne soit derrière cette trahison. Mr. Matias est d'avis que les Cromwell étaient particulièrement violents envers leurs Elfes. Notamment, des sanctions sans réelles fautes et, lorsque faute était commise, une sanction disproportionnée. Les Cromwell ont perdu beaucoup de pouvoir auprès des grandes familles lorsqu'elles se sont rendues compte qu'ils n'arrivaient pas même à maintenir la soumission de créatures pourtant naturellement enclines à la soumission. De ce que j'ai crû comprendre cette semaine, personne n'a revu les Elfes des Cromwell depuis deux semaines. Il semblerait que la cruauté des Cromwell ait eu raison de leurs Elfes. […] »
— Nous n'avons toujours pas de liens avec le terme d'Elfe de Famille, rétorqua-t-elle alors que je terminai ma relecture à voix haute. Cela dit, les lettres du 16ème siècle mentionnent bien des « Elfes de Famille » plutôt que des « Elfes ». Visiblement, les ancêtres de Mr. Kristof étaient très appréciés par les sorciers d'autres familles. Ils étaient impressionnés par le travail de notre Elfe de Famille.
— Certes, admis-je. Mais les Parker avaient tout à fait conscience que les Elfes pouvaient contester le traitement des sorciers à leur égard malgré leur besoin d'allégeance. Tu ne peux plus nier que la non-réaction des Elfes de Maison ne tient pas uniquement de leur besoin naturel d'allégeance. Comme tu ne peux pas essentialiser leur supposé manque de conscience de classe. Il y a quelque chose dans le fonctionnement de ces familles qui ne vise qu'à maintenir les Elfes à leur place, d'autant plus que les Elfes semblent être importants dans l'image sociale de ces familles et, donc, dans leur maintien dans les sphères de pouvoir. Même si nous n'avons pas d'arguments pour faire le lien entre l'usage du terme d' « Elfes de Famille » et le maintien des Elfes de Maison à leur état de soumission, il semblerait tout de même que d'autres façons de faire aient été utilisées.
— Je dois en effet admettre que tu sembles avoir raison à plusieurs niveaux différents, puisque ça ne prouve effectivement pas que nos habitudes de langage tiennent d'une volonté de nous assurer de leur soumission consentie.
Je secouais la tête, tout autant amusée qu'agacée ; admettre qu'autrui avait raison semblait être particulièrement difficile pour une Parker. Lilith arrivait toujours à s'en sortir sans pour autant nier la réalité, c'était agaçant. Impressionnant, mais agaçant.
Son plaisir manifeste à découvrir le contenu des lettres était cependant adorable ; elle avait à la fois un air particulièrement concentré et attentif, et pourtant des gestes beaucoup plus précipités que ce qu'elle laissait d'habitude voir. En fait, elle semblait par moment presque agitée. Cela contrastait avec son air réflexif lorsqu'elle tentait de faire sens de plusieurs lettres, les relisait rapidement, puis revenait sur certains passages avant de soupirer.
— Tu apprécies ce genre de mystères, pas vrai ? demandai-je alors que je récupérai une autre lettre. Mener l'enquête et ce genre de choses ?
Elle releva les yeux de la lettre qu'elle était en train de lire, visiblement surprise.
— Oui. C'est stimulant et divertissant. J'imagine que j'ai développé un certain goût pour ce genre d'activités à force d'en faire depuis petite.
— Depuis petite ? répétai-je, peu sûre de comprendre ce que cela signifiait.
— Eh bien, avec mon frère, nous n'avons pas le droit de participer activement aux négociations ou à la préparation des interventions familiales, parce que nous sommes trop jeunes et inexpérimentés. Mais nous avons régulièrement des exercices à faire. Ce sont d'anciens cas sur lesquels notre famille est intervenue. Mon grand-père me donne des informations succinctes, de la même nature que les informations qu'ils avaient eux-mêmes à disposition avant d'intervenir, souvent des documents de l'époque dont je dois faire sens, et j'analyse la situation pour pouvoir développer la meilleure stratégie à conduire afin de régler le problème. J'ai un temps imparti, souvent une semaine, et j'expose ensuite mes idées à mon grand-père qui me fait un retour. Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle soudainement après s'être arrêtée dans son élan.
— Je me disais, commençai-je avec un sourire après avoir posé la lettre que je tenais sur la table, tu aurais tout aussi bien pu être à Serdaigle ou Poufsouffle.
— Eh bien, commença-t-elle en repositionnant les lettres face à elle, c'est raisonner à l'envers que de croire que la personne que nous sommes à 16 ans explique une décision prise par le Choixpeau lorsque nous en avions 11. Je n'étais pas exactement la même personne lorsqu'il m'a répartie. La personne que je suis maintenant ne peut pas te donner d'indices valables quant aux raisons de ma répartition à Serpentard.
Comme d'habitude, sa réponse simple mais juste me prit au dépourvu. C'est précisément ce que nous avions tendance à faire au sein du château ; considérer que l'état actuel des choses expliquaient quelque chose qui s'était pourtant produit bien avant. Nous nous comportions les uns avec les autres comme si le présent pouvait expliquer le passé, cela n'avait pas grand sens.
— C'est vrai que nous réfléchissons beaucoup à l'envers sur ce sujet, constatai-je à voix haute. Mais au-delà de ça, je me demande quel critère est réellement utilisé par le Choixpeau. Pourquoi est-ce qu'il n'a pas considéré ta loyauté envers ta famille ? Tu étais déjà très loyale aux Parker, j'imagine, à 11 ans. Il aurait très bien pu t'envoyer à Poufsouffle. Pourquoi est-ce qu'il a considéré que ton ambition ou ton sang pur était plus important que ta loyauté ?
— C'est une bonne question, je n'y ai jamais trop réfléchi à vrai dire. Me trouves-tu réellement ambitieuse ? demanda-t-elle, de toute évidence curieuse de connaître la réponse.
— Oh non, vouloir empêcher des conflits armés entre communautés magiques n'a rien de très ambitieux, souris-je. Ni être déjà éduquée et formée depuis ses 8 ans pour pouvoir être en position de le faire dans quelques années.
— Nous sommes juste réalistes, dit-elle en penchant légèrement sa tête sur le côté comme elle le faisait lorsqu'elle se corrigeait.
Le passage de la première personne du singulier à la première personne du pluriel était lourd de sens. Emportée par notre échange, j'en oubliais totalement les lettres qui m'avaient pourtant passionnée il y a quelques minutes.
— Tu as une ambition… mais pas pour toi, pour les Parker. Une ambition collective, en fait. C'est ce que le Choixpeau a dû percevoir chez Ethan et toi. Mais pour autant, cela n'explique pas pourquoi il a jugé que cet aspect de ta personnalité était plus important que d'autres. Et les psychiatres avaient l'air surpris que nous soyons répartis si jeunes.
— À 11 ans, notre personnalité n'est très certainement pas gravée dans le marbre. Alors, cela ne doit pas faire grand sens pour eux que de chercher à répartir des enfants de cet âge sur des critères infondés.
— C'est peut-être ce que les Fondateurs recherchaient, justement, répliquai-je en réfléchissant à voix haute. Nous répartir plus tardivement, ce serait nous répartir quand nous ne sommes plus aussi malléables. McGonagall disait qu'il s'agissait de tester notre adéquation aux visions des Fondateurs. Mais peut-être souhaitaient-ils surtout créer de toute pièce leur élève-modèle. Pour cela, nous devions entrer à Poudlard relativement jeunes pour être modelés, d'une certaine façon, à l'image de leur élève-modèle. Cela me fait penser qu'ils avaient probablement un certain objectif en tête lorsqu'ils ont créé ces maisons et le Choixpeau, mais que nous avons ensuite fait une interprétation différente de tout cela avec le temps. Il y a la vraie raison de nos Fondateurs, que nous ne connaissons pas forcément, et il y a les histoires et mythes que nous en avons fait par la suite. L'utilité que nous y avons trouvé.
— C'est une hypothèse raisonnable. Mais je pense que tu négliges dans ton analyse le poids du rapport à la magie que nos Fondateurs entretenaient. Serpentard pensait surtout la magie comme devant n'avoir aucune limite. Les moldus rappellent que la magie doit être contenue et cachée. À ce sujet, l'existence-même des moldus oppose une limite à notre utilisation de la magie et à la toute-puissance que certains pensent détenir au travers de la magie. Les nés-moldus et les cracmols rappellent que la magie est fragile et peu prédictible. Cela leur transmet une certaine crainte de l'anéantissement et de la déchéance. Déchéance qui ne devrait pas être possible si la magie était vraiment toute puissante, donc le simple fait qu'ils en aient peur leur rappelle la fragilité de leur existence et la fragilité de la magie. Le Ministère peut prétendre comme il veut qu'il s'agit uniquement d'une question de survie, le Secret Magique est aussi une façon de ne pas nous confronter à nos propres limites et une manière de ne pas nous opposer de limites dans notre usage de la magie.
À cet égard, Serdaigle n'était franchement pas mieux. Si nous nous en fions au Choixpeau Magique et à ses continuelles chansons de début d'année, elle avait préféré restreindre la magie et son usage à des élèves supposément intelligents. Cela créait nécessairement le même genre d'inégalités que les choix de Serpentard ou Gryffondor ; elle avait eu en tête que seuls les élèves à potentiel devaient pouvoir avoir accès à une éducation magique.
Après avoir lu les quelques lettres qu'avait rapporté Lilith, non seulement il semblait clair qu'à l'époque, déjà, les élèves issus des familles les plus privilégiées avaient probablement plus de chance d'être confondus avec des élèves supposément « à fort potentiel » de par l'éducation qu'ils recevaient déjà, mais cela sous-entendait également que, si nous nous en fions aux idées de Serdaigle, l'éducation magique aurait été dispensée uniquement à des élèves qui n'en avaient pas nécessairement besoin. Les grandes familles de l'époque ne semblaient pas avoir de grands soucis vis-à-vis de la magie et il était facile d'imaginer qu'elles n'avaient pas fondamentalement besoin de la création de Poudlard pour transmettre les arts de la magie à leurs enfants. Bien sûr, Serdaigle n'en avait que faire de la pureté du sang des élèves ou de leur origine sociale, mais, d'une certaine façon, par le lien entre l'éducation magique, le statut des familles et la pureté du sang qui devait être bien plus fort à leur époque que de nos jours, Serpentard et Serdaigle hiérarchisaient les élèves de la même manière, juste pas pour les mêmes raisons. Je n'osais pas imaginer quelles pouvaient bien être les motivations des Fondateurs en réalité. Nous les interprétions au prisme de nos propres croyances, mais à l'époque, le monde était bien différent.
Au fond, si nous considérions que Lilith avait raison sur le rapport de Serpentard à la magie, il était tout à fait possible que Serdaigle ait eu à peu près le même. Je n'avais jamais rien lu à ce sujet précis, mais lorsque l'on prenait en compte les critères de sélection très flous avancés par le Choixpeau Magique ; les élèves à fort potentiel, les sages, les créatifs et les originaux… nous nous retrouvions rapidement avec les élèves capables de « dépasser » les limites connues de la magie. Si Serpentard ne souhaitait pas admettre que la magie avait ses limites et privilégiait l'éducation des élèves qui instrumentalisaient la magie à des fins personnelles ; Serdaigle souhaitait peut-être que seules celles et ceux qui soient capables d'en déplacer les limites puissent véritablement l'utiliser, ou en tout cas, soient dignes d'une éducation magique.
— Pourtant, le Secret Magique est une limite en lui-même, répliquai-je finalement alors que je croisai le regard attendri de Lilith.
— Oui, mais il s'agit de la seule limite que nous connaissons et qui nous permet de faire ce que nous souhaitons. C'est la limite qui nous permet de ne pas nous en infliger réellement d'autres. Imagine un instant ce que cela donnerait si nous devions nous plier aux lois et mœurs des Moldus. Ils régissent tout : notre usage de la magie serait codifié, régit, encadré.
— Mais, dans ce scénario, nous ferions partie intégrante de leur société, alors nous aurions du poids dans ce qui est codifié, régit, ou encadré.
— Vrai, appuya-t-elle malgré que cela eut l'air de lui coûter – ce qui me tira un sourire amusé. Mais pour certains, ce ne serait pas suffisant. Nous perdons trop de pouvoir.
— Par « certains » et par « nous », tu entends les familles comme la tienne. Les personnes qui n'ont pas de pouvoir ne risquent pas de le perdre. Je t'ai connue plus précise dans tes choix de mots, répliquai-je alors qu'elle leva les yeux au ciel en secouant la tête.
— Certes, admit-elle, mais notre existence aurait le pouvoir de détruire la majorité des sociétés moldues démocratiques et la totalité des sociétés moldues théocratiques. Et malheureusement, il est difficile de prévoir comment celles-ci géreraient les évènements. Il est possible que tout se passe au mieux, comme il est possible que la menace de la possibilité-même de notre existence ait comme conséquence de les tourner contre nous.
— Tu ne penses pas qu'il est possible de vivre tous ensemble ? demandai-je, curieuse.
Lilith eut l'air excitée par la question et je ne pus empêcher un grand sourire ; elle était tellement adorable. À la voir ainsi, son air réflexif et ses yeux brillants, je n'avais aucun doute quant au fait que sa réponse allait être particulièrement construite et développée. Entre son intérêt pour les relations entre sorciers et moldus et son éducation, elle avait déjà dû réfléchir à la question plus d'une fois. Je me réinstallai confortablement dans les coussins, bien curieuse – et quelque peu excitée moi aussi, d'avoir son avis à ce sujet.
— Je pense que la question est trop imprécise pour pouvoir réellement y répondre. Lorsque tu poses la question de cette façon, tu pars d'un postulat qui est déjà biaisé et qui influence nécessairement la manière dont nous pouvons imaginer nos relations avec les Moldus. Tu sous-entends que nous sommes deux grands sous-ensembles : les Moldus et les Sorciers. En réfléchissant ainsi, tu omets le fait que les communautés moldues, comme les communautés magiques, sont très diverses. Ne serait-ce qu'à notre niveau, ta question concerne-t-elle les Gobelins, les Centaures, les Strangulots ? Ou juste nous, les Sorciers ? Pourquoi la réaction des moldus ne dépendrait-elle pas de leur capacité à s'identifier à nous ? Ou à voir chez nos Créatures Magiques une ressemblance avec leurs animaux, ou même leurs mythes et légendes ? Et, surtout, les sociétés moldues ne sont pas toujours structurées de la même manière et leurs cultures divergent grandement. « Vivre ensemble », si on admet pour l'exercice intellectuel que cela a du sens, ne serait probablement pas possible dans toutes les sociétés moldues. Or, peu importe quelle communauté magique rompt le Secret Magique, les moldus vivent dans une ère d'hyper-communication… Le rompre à un endroit donné, c'est le rompre partout. En ce sens, nous risquons énormément à vouloir rompre le Secret Magique. Comment nous assurons-nous que toutes les communautés moldues, dans toute leur diversité, ont atteint un seuil qui nous paraît suffisant pour rompre le Secret Magique ? Et qu'est-ce que « rompre » le Secret Magique ? Si nous ne pouvons pas restreindre la rupture du Secret Magique à un territoire moldu puisqu'ils communiquent entre eux, il nous serait cependant théoriquement possible de restreindre les informations que nous donnons aux moldus sur la magie et son fonctionnement. Hypothétiquement, il serait envisageable de communiquer notre existence sans trahir celle des Centaures, par exemple. Ou même de ne pas être tout à fait honnêtes sur les capacités réelles que la magie nous permet de posséder. Cela serait une façon plus molle de rompre le Secret Magique et nécessiterait, paradoxalement, de toujours en préserver une partie. La définition-même du Secret Magique et du travail des Oubliators évoluerait, mais les deux seraient toujours nécessaires.
— J'entends ce que tu dis, même si tu reformules plus la question que tu n'y réponds. Mais est-ce qu'un risque existe vraiment vis-à-vis de la rupture du Secret Magique lorsque nous avons autant de pouvoir comparativement aux moldus ? Je veux dire, comment les moldus peuvent-ils constituer le moindre risque pour nous ?
— Rassure-moi, Eyrin, tu n'étais pas endormie sur le chapitre de Salem pendant nos cours d'Histoire de la Magie, pas vrai ?
— Je devais lire le Sorcière Hebdo d'Alice, enchéris-je en pensant à sa remarque à ce sujet à Pré-au-lard.
— Oh, ceci explique bien des choses.
— Ce que je veux dire, repris-je, c'est que, de par notre usage de la magie, nous ne risquons pas tant que cela en réalité. Un oubliette, et c'est fini. Même si je conviens que nous ne pourrons pas oublietter tous les Moldus à la fois et que l'oubliettage ne doit pas être une stratégie systématisée quand d'autres possibilités existent, nous avons tout de même de quoi repousser les Moldus et la magie évolue constamment. Quoiqu'il se passe, nous avons et aurons toujours une solution de repli. Quoiqu'il se passe, nous pourrons toujours finir par nous cacher à nouveau. Quoiqu'il se passe, nous avons la main. Et entre nous, tu négliges beaucoup le fait que la plupart des victimes réelles de cette période ont été moldues. Les sorcières, comme souvent, s'en sont sorties de quelques Gèles-Flammes, ce que n'ont pas pu se permettre les moldues accusées à tort. D'une certaine façon, les Moldus ont bien plus souffert de cette période que nous. Et pourtant, c'est toujours cet événement que nous utilisons pour justifier le Secret Magique.
Son regard était particulièrement intense et je déglutis, les joues chaudes ; enfin, mon corps entier avait pris un coup de chaud suite à notre discussion, comme bien souvent.
— Tu prends toujours les problèmes à contre-pieds, dit-elle enfin. C'est intéressant.
— Tu pourrais simplement dire que j'ai raison, tu sais.
— J'ai effectivement négligé cet aspect de l'Histoire, concéda-t-elle avec un sourire, mais cela ne change rien au risque que les moldus nous poseraient réellement venions-nous à rompre le Secret Magique. Le problème majeur étant notre incapacité à prévoir leurs diverses réactions. Même si, dans les faits, les moldus se comptent comme plus nombreux parmi les victimes que les sorciers de Salem, les moldus confondaient les deux. Moldus, sorciers, fous ; cela importe peu puisqu'ils pensaient véritablement traquer les sorcières. Ce n'était pas de petits incidents, mais bien toute une institutionnalisation de la traque. La ville était organisée pour cela, la justice s'était organisée autour de la traque, toutes les constructions sociales moldues ont participé à cette traque. Le fait que les moldus se soient trompés de cibles ne change rien non plus au fait que leurs intentions préalables étaient d'éradiquer celles et ceux qu'ils pensaient être des sorciers et qu'ils ont, de surcroît, mis l'ensemble des outils à leur disposition à l'œuvre pour se donner toutes les chances de réussir dans cette tâche. La prochaine fois, étant donné l'évolution des sociétés moldues, les conséquences de ces intentions ne seront pas aussi petites pour nous. Les outils qu'ils ont de nos jours à leur disposition n'ont plus rien à voir avec ce qu'ils avaient à l'époque, nous aurons bien plus de mal à nous organiser pour riposter.
— Nous devrions arrêter de parler de Salem de cette manière. Ce n'est pas un événement historique négatif qui devrait conditionner tout notre futur. Et c'est nier les facteurs situationnels de l'époque. C'est croire que ce qu'il s'est passé s'est passé uniquement parce que les sorciers étaient connus des moldus. Or, il y a bien tout un contexte de l'époque qui a participé à ses réactions moldues. Tu l'as dit toi-même, les sociétés moldues sont diverses et la traque des sorcières était ancrée dans le fonctionnement-même de cette société moldue. C'est la structure de cette société particulière qui a résulté en la traque et pas l'inverse. Pourquoi prendre la réaction à un moment T d'une société donnée comme modèle de référence de sociétés moldues qui ne sont pas ou plus du tout structurées de la même façon de nos jours ? C'est un non-sens complet. Bien sûr que nous ne pouvons pas prévoir leurs réactions si nous nous contentons de les voir au prisme d'un événement aussi vieux et aussi détaché des enjeux moldus actuels.
— C'est particulièrement frustrant lorsque tu utilises mes propres mots contre moi, dit-elle avec une moue ennuyée absolument adorable.
— Oh, tu veux dire comme cette « histoire » de boursouflet, m'amusai-je en m'approchant de son visage. Mon petit boursouflet, soufflai-je à son oreille.
À ma plus grande déception, Lilith ne se laissa pas démonter. Elle tourna légèrement la tête vers moi ; je sentais son souffle chaud sur ma peau, et planta ses yeux dans les miens. Je déglutis sous le soudain coup de chaud que je venais de prendre.
— Je sais que ta fierté ne te laisse pas admettre beaucoup à ce sujet, commença-t-elle, mais, malgré tes mensonges éhontés à ce sujet, tu as rougi en lisant la lettre dans laquelle je t'ai vouvoyée.
— Tu m'as l'air bien sûre de toi.
— Je n'ai aucune raison de douter de quelque chose que je sais vrai. À ce propos, ajouta-t-elle en posant sa main sur ma joue sans détacher ses yeux des miens, tu as également mordu ta lèvre. Exactement comme tu le fais maintenant.
— Je ne suis très certainement pas en train de me mordre la lèvre.
Elle eut un sourire des plus satisfaits et je secouai la tête, lâchement trahie par mon corps.
— Tu es agaçante, Lilith, soupirai-je avec un sourire avant de chercher ses lèvres.
Elle répondit avec avidité et je me laissai revenir avec enthousiasme sur les coussins. Je ne sais pas combien de temps nous nous étions à nouveau perdues, mais lorsque Lilith finit par se reculer – à mon plus grand désarroi, la lumière dans la serre nous permettait à peine d'y voir quelque chose.
— Si je suis d'accord avec ce que tu dis sur notre utilisation sociale de l'Histoire de Salem, reprit-elle visiblement incapable de ne pas sortir victorieuse de notre discussion, cela ne change rien à la complexité que représenterait une rupture du Secret Magique. Les sociétés démocratiques sont basées sur l'idée d'égalité entre tous les êtres humains, même si dans les faits, elles sont très inégalitaires. Ils ont des croyances fermes en l'égalité et la méritocratie. Ils aiment l'idée qu'ils partent tous à armes égales et qu'ils sont en mesure de réussir dans la vie en travaillant ou, en tout cas, que ce qui permet de réussir dans la vie est quelque chose sur lequel ils ont du contrôle. Ce qui dérange les Salazar Serpentard dérangera les moldus : la magie est imprévisible. Les nés-moldus et les cracmols ? C'est le règne du hasard. Même si un moldu travaille beaucoup, fait des efforts, s'amuse à tenter de lancer encore et encore des enchantements, il ne pourra jamais devenir un sorcier. Par définition, notre existence romprait l'égalité nécessaire au maintien d'une démocratie. Et, avant que tu ne m'objecte à nouveau mes propres mots, ajouta-t-elle rapidement alors que je souris – c'était exactement ce que j'allais faire, certes, les moldus connaissent déjà des inégalités profondes. Mais ils arrivent à justifier la présence de ces inégalités, comme nous arrivons très bien à justifier la présence des nôtres. Nous leur donnons des causes que nous trouvons justes même si nous identifions mal ces causes ou qu'elles ne sont pas justes dans les faits. Mais, à part recourir à la religion, comment peuvent-ils potentiellement justifier l'injustice inhérente au fait que certains humains sont des sorciers, et d'autres ne pourront jamais le devenir ? Or, les moldus connaissent justement des mouvements antidémocratiques dès qu'ils arrêtent de se considérer les égaux les uns des autres. Cela sous-entend forcément plus de risques pour nous. Un régime non-démocratique tendrait soit à nous éradiquer, soit à nous instrumentaliser de force. Ce n'est pas vraiment ce que nous souhaitons, me semble-t-il.
— Peut-être est-ce précisément cette même croyance en l'égalité qui les ferait nous inclure à part-entière dans leur société. Tu pars du principe qu'elle serait un frein, mais elle peut tout à fait être ce qui motive les moldus à ne pas nous exclure.
— Nous pouvons tenter d'imaginer ce cas de figure. Pour l'exercice, admettons qu'ils ne nous chassent pas et, de manière générale, ne cherchent pas à nous exclure de leur société. Cela nie les divergences internes que chaque communauté moldue connaît car même au sein d'une culture, leurs avis et la vision qu'ils ont de leur propre communauté divergent grandement. Il n'empêche qu'il y a une réalité qu'ils doivent accepter : ils ne peuvent pas utiliser la magie. Or, nous l'utilisons. Et non seulement nous l'utilisons, mais elle est efficace. Imaginons qu'ils souhaitent nous inclure à part-entière, c'est-à-dire sans nous retirer le droit d'utiliser la magie. Car c'est une possibilité, ajouta-t-elle rapidement, ils pourraient tenter de nous inclure tout en nous excluant en nous refusant l'usage de la magie. La magie leur serait utile : pour les maladies, pour gérer la pauvreté… Certes. Sauf que cela ne change rien au fait qu'il y a des activités, des métiers, des arts nécessitant la magie que les moldus ne pourront pas faire. De fait, nous nous retrouverions avec une société dont certaines places et certaines professions ne peuvent être occupés que par une petite portion de la population. Premièrement, nous induisons forcément une inégalité qui n'est pas dépassable ou corrigeable, car la frontière entre un sorcier et un moldu est imperméable, ce qui pourrait être difficile à tenir moralement pour les moldus. Deuxièmement, cela viendrait avec un grand risque d'être restreint à ces positions. C'est-à-dire que les sorciers soient vus comme des « potentiels » qui doivent se mettre au service de la collectivité, des individus, des entreprises, ou même du marché, selon le type de société moldue dans laquelle nous sommes pris. Un sorcier ne serait inclus que parce qu'il pourvoit cette place. Un sorcier souhaitant simplement être peintre ou boulanger ou un quelconque métier moldu ne serait pas nécessairement en position de le faire. Ce ne serait pas une vraie intégration avant des siècles, le temps que les moldus comprennent que les sorciers ne sont pas à résumer à leur simple usage de la magie.
— J'entends, mais j'attire ton attention sur le fait que dès que nous nous intéressons aux enjeux moldus actuels, nous sommes déjà sur un risque lié à la rupture du Secret Magique bien moins grave que « l'annihilation des sorciers par les moldus » comme pour Salem, répliquai-je. Et aussi, en t'écoutant, je me dis que, peut-être, cette façon de considérer qu'il y a une différence essentielle entre sorciers et moldus est déjà une idée reçue que nous entretenons depuis des siècles et qui fausse notre rapport aux moldus. Je conçois que, depuis tout à l'heure, tu pars du principe que nous avons des conséquences non-négligeables sur les moldus, et c'est totalement vrai, mais, si la rencontre venait à se faire, les moldus aussi auraient des conséquences sur nous, pas vrai ? C'est ce qu'Harper disait en cours d'études des moldus. Ils réagissent à ce que nous faisons tout autant que nous réagissons à ce qu'ils font. Le fait qu'Emily connaissait la maladie moldue est précisément ce qui fait que nous avons pu agir à ce propos. C'est parce qu'elle a parlé à Theo de la guerre et que Theo lui a parlé de la maladie de son père en retour qu'elle y a pensé quand Anna a fait sa crise dans les dortoirs. Avec les préfets, nous avons ensuite pu faire remonter l'information. Maintenant, nous avons des moldus à Poudlard et, vu la réunion de ce matin, il est certain qu'ils laisseront une trace derrière eux. Leur présence elle-même va changer quelque chose pour nous. Alors, peut-être qu'à force de nous côtoyer, nous nous rendrions compte que nous avons nous-mêmes des idées fausses sur la magie. Tu parlais du rapport à la magie de certains Fondateurs, mais nous avons aussi un certain rapport à la magie, pas vrai ? Peut-être existe-t-il des formes de magie passives qui sont tout à fait utilisables par des moldus ou des cracmols. Peut-être même nous rendrions-nous compte que ce n'est pas tant que les moldus et les cracmols ne peuvent pas faire de magie que leur seuil d'utilisation qui est très faible ; peut-être que des sorts moins coûteux ou moins sophistiqués que ce dont nous avons l'habitude seraient tout à fait envisageables mais que nous ne le voyons pas de nos jours parce que, pour nous, être sorcier se traduit forcément par l'usage volontaire, conscient et dirigé de la magie et d'une magie assez sophistiquée et constante qui plus est. Après tout, ma mère était tout à fait en mesure d'accéder au Chemin de Traverse, comme elle était tout à fait en mesure de voir les effets de certains enchantements ou même de faire avec moi des potions. Il y a des formes de magie, notamment dans les enchantements, qui « restent » et qu'il n'est pas utile d'activer « à chaque fois » avec une maîtrise poussée de la magie. Nous pourrions très bien imaginer développer ces enchantements particuliers pour que les moldus et les cramols puissent les utiliser malgré leur incapacité à lancer ces enchantements en premier lieu. Tout comme il serait possible qu'ils aient des possibilités d'utiliser des formes moins évoluées de magie. En fait, maintenant que j'y pense, ajoutai-je totalement emportée, nous conditionnons trop le fait d'être sorcier à la baguette. Et, en soi, c'est un aveu important. Nous avons tous vu des enfants faire de la magie par accident sans avoir besoin d'une baguette. Les Elfes n'ont pas besoin de baguette pour faire de la magie. La baguette, c'est ce que nous utilisons pour nous différencier des autres créatures magiques, voire nous sentir supérieurs à eux dans notre usage de la magie, parce que c'est quelque chose que nous associons à la maîtrise de la magie, la vraie maîtrise, pas la magie des enfants qui ne font pas exprès de faire léviter des objets. Mais nous savons tous que nous n'en avons pas fondamentalement besoin. Nous partons du principe que si la baguette n'interagit pas avec la personne, c'est qu'elle n'est pas sorcière, parce que pour nous, être sorcière, c'est contrôler volontairement la magie. C'est pouvoir l'initier et la maîtriser. Mais cette maîtrise est une forme assez sophistiquée de magie. Peut-être sommes-nous trop influencés par cette vision de la magie pour avoir une idée de ce qui différencie réellement un sorcier d'un moldu ou même d'un cracmol.
Je m'éclaircis la gorge alors que je me rendis compte de la longueur – et du manque complet de structure, de mon envolée, les joues particulièrement rouges. Si nous avions déjà discuté de ce genre de sujets, je ne m'étais, cependant, jamais laissée à réfléchir à voix haute de cette manière. Généralement, ces pensées et réflexions restaient internes et ne se verbalisaient pas.
J'étais sur le point de m'excuser lorsque je rencontrai les yeux de Lilith ; je compris immédiatement que ce n'était pas nécessaire et mon coeur s'emballa de nouveau. C'était agréable de pouvoir se permettre ce genre de choses ; en plus de la facilité habituelle que je ressentais à être à ses côtés.
— C'est une proposition très… spéculative et théorique, et un peu osée entre nous, ajouta-t-elle rapidement, mais, effectivement, considérer que la différence entre sorciers et moldus est aussi imperméable peut nous avoir empêché d'imaginer d'autres formes de rapports avec les moldus. Qu'est-ce qu'il y a ? reprit-elle, visiblement décontenancée par mon attitude.
— J'apprécie pouvoir discuter de ce genre de choses avec toi, avouai-je doucement. Et dire que j'ai cru que tu ne m'avais amenée ici que pour m'embrasser sans devoir t'inquiéter de la bienséance, ajouta aussitôt mon cerveau.
— Oh, mes motivations sont multiples, ma chère.
Ses deux derniers mots furent particulièrement agréables à l'oreille et je frémis tandis que Lilith posait sa main sur ma joue. Nous nous échangions un baiser des plus enfiévré ; je ne savais plus quoi faire de moi-même. J'eus le réflexe de jeter un œil aux plantes et m'en voulu aussitôt, c'était franchement stupide.
— C'est une bonne chose que tu ne m'aies pas embrassée comme ça dans le Poudlard Express, articulai-je finalement.
— Je sais me tenir, tout de même, s'amusa-t-elle avec une voix incroyablement chaleureuse. Même si je dois admettre qu'il aurait été tout à fait agréable de te rendre plus rouge que tu ne l'étais déjà lors de votre réunion de préfets, continua-t-elle sans se départir de son sourire.
— Harper t'en a évidemment parlé, soupirai-je. Elle n'avait pas l'air d'approuver la situation hier, continuai-je en jouant avec les mèches qui tombaient sur sa clavicule. Et tu avais l'air de considérer qu'elle aurait pu être un potentiel... obstacle nécessitant une certaine discrétion.
— C'est une histoire compliquée. Enfin, corrigea-t-elle, surtout une histoire que je n'ai pas tout à fait envie d'aborder avec toi maintenant pour être honnête. À part si tu éprouves un besoin irrépressible d'avoir une réponse à ce sujet.
Je relevai les yeux pour les perdre dans les siens.
— Bien que je sois très curieuse, je pense que je survivrais si nous nous contentions de finir la journée à nous embrasser.
Elle sourit. Sa main revînt derrière ma nuque et nous fîmes précisément cela. Du moins, jusqu'à ce que Lilith ait la mauvaise idée de jeter un œil à sa montre ; le dîner avait déjà commencé dans la Grande Salle depuis une bonne vingtaine de minutes. Ceci expliquait la nuit tombée.
— Si Alice ne nous voit pas au dîner, soupirai-je en me redressant, elle va encore nous engueuler.
— Nous, répéta Lilith, manifestement confuse.
— Mhm… Oui, je me suis fait grondée pour nous deux l'autre jour. Avant les vacances.
— Je ne suis pas bien sûre de comprendre pourquoi Stevens voudrait me « gronder », continua-t-elle en se redressant à son tour. Ou même en qualité de quoi elle se penserait en position de le faire.
— Alice, corrigeai-je, bien que particulièrement amusée par sa réaction.
— Alice, répéta-t-elle avec une mauvaise foi exemplaire.
— Eh bien… Elle s'inquiète juste pour ta santé physique.
— Stevens…
— Alice, coupai-je.
— Alice, soupira-t-elle, n'a très certainement pas utilisé ces termes exacts.
— Pas exactement. Elle te trouve un peu trop… mince et s'est inquiétée de ne pas nous voir au diner.
— Nous avons un peu près la même corpulence.
— C'est une adolescente de 16 ans, Lilith, elle se voit plus grosse qu'elle ne l'est réellement et voit les autres plus minces qu'elles ne le sont vraiment. Aussi, elle a des idées reçues relativement persistantes sur les Sang-Purs et le contrôle de soi. Alors forcément, ne pas te voir au diner lui fait penser à ce genre de choses. Mais ça part d'une bonne intention. C'est sa façon de faire attention aux gens.
— Alice devrait arrêter de se mêler de la vie d'autrui pour éviter de se poser les questions qu'elle n'a pas envie de se poser. Et, accessoirement, arrêter de projeter ses propres problématiques de contrôle sur autre qu'elle.
— Vous êtes au moins d'accord sur une chose : vous êtes toutes les deux capables de vous juger l'une l'autre sans même vous être parlé.
— Eh bien, tu me dois toujours une demi-heure de ton temps autour d'une bièraubeurre. Tu n'as qu'à inviter Stevens et Augen. Enfin, Alice et Emily. Nous verrons bien si cette demi-heure n'est pas suffisante pour cerner Alice.
Je ne pus empêcher un sourire ; Lilith avait beau utiliser un ton particulièrement détaché et se tenir parfaitement droite, ses yeux brillaient.
— Tu n'es pas possible, soupirai-je.
— Comment ça ?
— Tu fais l'innocente mais tu as très bien conscience que tu l'intimides.
— Je suis une Sang-Pur, Eyrin, les seules personnes que j'intimide sont les politiciens.
Je secouai la tête, mi-amusée mi-exaspérée, avant de lui voler un baiser.
— Et j'espère bien que tu rencontreras les filles avant notre prochaine sortie à Pré-au-lard, ce n'est pas en dix petites minutes que l'on apprend à connaître quelqu'un, assenai-je avec un sourire en me levant cette fois-ci sur mes deux jambes.
Je l'entendis soupirer – ce qui n'eut que la conséquence d'élargir plus encore mon sourire, et récupérai ma baguette. Marcher jusqu'au château n'était pas une perspective des plus déplaisante, mes jambes avaient définitivement besoin de se dégourdir. Je récupérai les quelques lettres étalées sur les coussins, et celles qui restaient sur les tables que nous avions totalement oubliées, pour les tendre à Lilith. Alors qu'elle les récupéra, son regard s'attarda un instant sur ma chemise. Je rougis avant de remarquer à mon tour qu'elle était quelque peu défaite. Je la réajustai et elle eut le réflexe de vérifier l'état de sa propre chemise. Visiblement satisfaite, elle récupéra sa cape pour y ranger les lettres et se leva.
Nous rejoignîmes la Grande Salle assez rapidement. Lilith me vola un dernier baiser avant d'y pénétrer et je rejoignis les filles à table en évitant les regards curieux qui se levèrent sur mon passage. Heureusement, elles s'étaient installées plus près de l'entrée que de la table des professeurs et je pus rapidement me fondre dans la foule d'élèves assis, sous le regard désapprobateur d'Alice que j'avais privée de son compte-rendu.
[NdA]
Comme d'habitude, je tronque le raisonnement pour qu'il soit cohérent avec l'âge/l'éducation/les informations potentiellement accessibles aux personnages/leur façon d'intégrer l'information et leur propre façon de raisonner (Lilith et Eyrin ne raisonnent pas de la même manière, par exemple, donc j'essaye d'être cohérente dans les dialogues et je tronque beaucoup de choses quitte à ce que le raisonnement devienne un peu bancal).
D'habitude, les réflexions d'Eyrin portent plutôt sur le monde sorcier donc on s'en bat les cacahuètes de ce qui a été tronqué/de ce qui est un peu… bancal. Mais vu qu'il y a des passages ici sur les moldus, je précise juste qu'une idéologie du mérite ne va pas nécessairement de pair avec des valeurs égalitaristes et/ou un régime démocratique (et des valeurs égalitaristes et/ou un régime démocratique ne vont pas nécessairement de pair avec une idéologie du mérite) parce que le discours de Lilith est un peu ambiguë à ce propos à un moment-donné.
Ma bêtalectrice m'a conseillée (:coeur:) d'être plus explicite à ce sujet parce que soi-disant c'est un détail intéressant mais qui est difficilement perceptible entre les lignes alors voici (je te fais confiance) :
Lilith, de par son éducation, sa famille et son recul vis-à-vis de la société de manière générale, est beaucoup plus déductive qu'inductive (elle a des informations de base et elle en déduit logiquement la conclusion, mais cela sous-entend que la justesse de sa conclusion dépend de la justesse de ces informations de base. La legilimancie, les cours particuliers, les archives, etc. sont chers aux Parker car ils ont compris qu'une bonne intervention diplomatique tenait à la justesse des infos à disposition ; Lilith a été conditionnée à réfléchir ainsi et sa vision du monde est très influencée par ce mode de raisonnement). C'est ce qui lui donne cette attitude plus professorale (et donc froide).
Eyrin est d'abord dans l'induction, puis ensuite est dans la déduction (comme Lilith n'est pas que dans la déduction constante non plus), mais Eyrin fait beaucoup d'allers-retours. Chacune de ses « sautes d'esprit », si je n'ai pas fait d'erreur, est normalement plutôt inductive au commencement. Elle induit d'une situation précise (du réel) un postulat général et ensuite déduit de ce postulat d'autres « connaissances » et les conséquences logiques qui en découlent. C'est ce qui fait qu'Eyrin est beaucoup plus « théoricienne » et est capable de penser un peu à contre-courant (et qui en fait donc une Serdaigle bien prototypique). C'est ce qui explique aussi pourquoi c'est Eyrin qui porte la charge du changement social depuis le début de la réécriture, puisque elle pense suffisamment « à côté » pour remettre certaines choses en question (notamment, Eyrin qui remet en question la structure sociale quand tout le monde individualise constamment tout dans Harry Potter). C'est ce qui fait qu'Eyrin se retrouve (pour le moment) beaucoup dans un rôle d'avocat du diable avec Lilith. C'est majoritairement dû à son éducation aussi ; mais je reviens pas dessus parce que pour le moment, y'a pas encore assez d'indices pour que ça ait du sens (à part le rôle de papa peut-être qui peut être perceptible mais c'est encore soft), ce serait juste vous donner de nouvelles infos (alors que pour Lilith, tout est déjà présent dans les chapitres précédents et celui-ci).
Voilà, j'ai explicité :coeur: Mais bon, ce ne sont pas des choses qui datent de ce chapitre, c'est entre les lignes depuis le début et depuis le début toutes les interventions des filles prennent en compte cet aspect (en plus d'autres aspects, évidemment). Je tiens d'ailleurs à souligner (surtout à Madame lorsqu'elle verra cette note d'autrice énorme haha) que la première interaction verbale entre les filles est entièrement tournée autour de (et je dirais même motivée par) leur mode de raisonnement différent (chapitre 2).
Aussi, je suis restée avec le terme de « maladie » pour le stress post-traumatique et j'ai laissé le terme dans la bouche des psychiatres au chapitre précédent, simplement parce que les psys dans ce genre de contexte utiliseraient les mots des sorciers (et la manière dont les sorciers s'approprient les concepts) sans les corriger tout de suite (ça viendra, mais pas tout de suite tout de suite). Ce n'est pas un terme que nous utilisons pour mentionner le stress post-traumatique de nos jours ; c'est un trouble.
