[RàR]

Bonjour Jade! (enfin bonsoir pour moi, haha).

Je vous remercie beaucoup pour votre commentaire. Je suis très touchée. C'est un peu difficile de lui faire honneur. En tout cas, sachez que lorsque je l'ai lu à l'époque où vous l'avez posté, il a fait ma semaine!

Je suis contente que vous ayez pu retrouver la fanfic (surtout que je crois que j'ai supprimé les anciennes versions, ahem).

En réalité, ça m'a moi-même fait très bizarre de retomber sur la fanfic. Je l'avais complètement oublié avant d'y repenser subitement pour une quelconque raison. Je l'ai un peu redécouverte en la relisant, il ne me restait pas beaucoup de souvenirs de l'intrigue, haha. Et, puis, en même temps, de voir ce qu'on a écrit à 16/18 piges... ahem, haha. Donc la réécriture est un peu particulière pour moi aussi.

Ca me fait plaisir de savoir que la note du début peut faire écho, c'était vraiment important pour moi de le préciser en début de texte. La diversité dans la représentation est importante. Les histoires de découverte de soi, c'est important (ce serait d'ailleurs assez important de pas les restreindre à des ados, mais d'en avoir aussi avec des femmes de 40 ans par exemple), mais c'est aussi important que les personnages non-hétéros puissent parfois exister indépendamment de leur sexualité également. Même si, là, Eyrin étant une adolescente, je ne vais pas non plus prétendre qu'il n'y a pas de découverte de soi impliquée, mais j'essaye de lui donner une place toute relative par rapport à toutes les autres intrigues (et de, justement, ne pas vraiment en faire une intrigue à part-entière mais un simple développement psychologique qui s'inscrit dans un tout au même titre que faire le deuil de sa maman par exemple - même si, en vrai, je dis ça maintenant, mais la sexualité d'Eyrin n'est pas encore abordée dans les chapitres que vous avez lus... en tout cas, c'est ce que j'ai essayé de faire dans les chapitres qui suivront, haha).

J'espère que la suite sera à la hauteur, en tout cas!

Encore un grand merci d'avoir pris le temps de laisser vos impressions :')


Chapitre 29

Première semaine de janvier


Le réveil fut particulièrement difficile le lendemain. Depuis qu'elle avait mis un pied hors de son lit, Alice regardait curieusement Emily. Son insistance à son égard était quelque peu agaçante, surtout si nous considérions que j'en étais en partie responsable. De tout ce qu'elle aurait pu retenir de la nuit passée, il eut fallu que ce soit mes stupides tentatives de changer de sujet. Je soupirai. Finir de se préparer fut pour le moins laborieux.

Une fois arrivées tant bien que mal dans la Grande Salle pour le petit-déjeuner, nous fûmes accueillies par un regard noir de Campbell. Manifestement, la poursuiveuse était devenue très rigide sur ses heures de sommeil. Alice, elle, était toujours perdue dans une observation approfondie d'Emily et ne sembla pas prêter attention à ces regards accusateurs. Elle aurait pu se trouver face à un Ronflak Cornu qu'elle n'aurait pas regardé Emily moins bizarrement. Si elle ne s'était de toute évidence pas encore décidée quant au meilleur moyen de grappiller les informations qui l'intéressaient, ce n'était qu'une question de temps avant que la brune subisse ses questions indiscrètes.

— J'ai lu dans un article l'autre fois que la moyenne d'âge pour la première fois était de 17 ans chez les filles.

Alice n'était franchement pas possible. Elle avait tenu, tout au plus, 40 minutes. Emily ne sembla pas faire cas du sujet de conversation et se resservit du thé. Je me reconcentrai sur mon propre petit-déjeuner, définitivement coupable. Ce qui allait suivre ne risquait pas d'être très joli.

— Nous sommes d'accord que « moyenne » veut dire qu'il y a des filles qui le font en-dessous de 17 ans, et d'autres au-dessus ? reprit la blonde.

— Oui.

— Donc la moitié des filles le font avant 17 ans ?

Je compris enfin où elle souhaitait, malheureusement, en venir, et soupirai.

— Non, enchéris-je, ça c'est la médiane.

— Ah. Donc la moyenne, ça veut dire que beaucoup le font à 17 ans ? Emily, d'après les moldus, Theo et toi avez couché ensemble.

— Oh Merlin, soupirai-je.

Je ne comprendrais jamais pourquoi elle avait besoin de tourner autour du pot si c'était pour finir par être aussi directe, ça n'avait strictement aucun sens.

— D'après les moldus ? répéta la brune.

— C'est ce que dit la moyenne, Emily. Les statitiques. Tu as 17 ans.

— Les statistiques, ne pus-je m'empêcher de corriger. Et ça ne marche pas vraiment comme ça.

— Ah bon ? Donc les statistiques se trompent, Emily ? Vous n'avez pas couché ensemble ?

J'ouvris la bouche avant de la refermer aussi vite, tout autant agacée qu'amusée – je devais bien l'admettre, par sa capacité à m'utiliser indirectement dans ses combines.

— Au moins lorsque vous ne vous parliez pas, enchérit la brune, je pouvais boire mon thé en silence le matin.

— J'essaye juste de comprendre quelle confiance on peut avoir dans les sciences moldues et quel poids on peut réellement leur donner, répliqua Alice qui ne semblait même pas l'avoir entendue. La venue des psychiatres me questionne beaucoup sur l'importance des connaissances moldues et ce que nous perdons à ne pas les écouter. Tellement de savoirs moldus que nous ignorons. J'essaye d'avoir l'esprit ouvert et de me renseigner. Ce n'est pas ça la science moldue ? Vérifier des hypothèses ?

Prétendre que savoir si Emily et Theo avaient couché ensemble était l'équivalent de vérifier une hypothèse et, de fait, de faire de la science moldue était définitivement la goutte de trop et nous éclatâmes de rire, pour le plus grand déplaisir d'Alice – et de Campbell, qui leva les yeux au ciel.

Une fois calmée, Emily montra Peter d'un signe de la tête. Il était perdu dans une discussion passionnée avec Tyler à en voir les grands gestes de ce dernier.

— Il me semble que tu auras 17 ans dans quelques semaines. Peut-être pourras-tu nous renseigner sur la véracité des statistiques moldues.

— Alors, les moyennes, ça ne marche toujours pas comme ça, ne pus-je m'empêcher d'ajouter.

— Oh, non, enchérit Alice qui ne rebondit étrangement pas sur le sous-entendu vis-à-vis du préfet, je vous laisse d'abord expérimenter. J'ose d'ailleurs espérer que si l'une d'entre nous venait à avoir des informations de première main, elle partagerait ces informations avec ses meilleures amies. Après tout, c'est à ça que servent des amies : nous empêcher de faire des erreurs ridicules qui sont tout à fait évitables.

— Alice, ce que je fais ou ne fais pas avec Theo ne te concerne pas, dit fermement la brune.

— Je n'arrive pas à croire que tu as couché avec lui sans rien nous dire.

— Qu'est-ce qui te prend ce matin ? Pourquoi… Pourquoi maintenant ? Pourquoi ça te vient soudainement comme ça ? Ca n'a aucun sens, tu as 6 mois de retard en plus. C'est absurde.

Alice se décomposa en même temps que moi et Emily se racla la gorge, réalisant ce qu'elle venait de dire. Il y avait quelque chose de particulièrement gênant dans la rapidité avec laquelle Alice était arrivée à ses fins.

— Tu es vraiment chiante, Alice, soufflai-je.

— Tu veux dire que je suis très efficace, rétorqua-t-elle. Tu sais, Emily, quand Eyrin m'a dit que vous l'aviez probablement fait, j'ai eu la décence de ne pas la croire. Je suis vraiment déçue.

— Parce que tout ça, ça vient de toi ? s'indigna la brune.

— Hm... Je suis désolée ?

— Oh Merlin, soupira Emily. Que l'on soit clair, Alice, je ne te dois rien. C'est ma vie privée.

— Ok, soupira la blonde.

— Bien, conclut la brune.

— Mais quand même, vous avez…

— Alice ! la coupai-je. Elle vient de te dire qu'elle ne voulait pas en parler.

— Tu sais que ça va faire reposer toutes mes questions sur Eyrin, pas vrai ? reprit-elle en direction d'Emily. En plus, elle est avec une fille. Imagine un peu les questions que je pourrais avoir sur le cunnilingus : elle peut les faire et les recevoir, c'est deux fois plus informatif et ça fait deux fois plus de questions auxquelles elle devra répondre, ajouta-t-elle rapidement alors que je faillis m'étouffer avec mon toast. Eyrin ne dérougira peut-être plus du reste de l'année et ce sera de ta faute, accusa-t-elle. Est-ce que tu peux vivre avec ça sur la conscience ?

La brune eut un léger rire avant de secouer la tête, comme agacée de s'être prise à rire. Sans donner trop de crédit à la menace d'Alice – ce n'était pas la première fois qu'elle tentait d'instrumentaliser ma pudeur pour culpabiliser Emily, je ne pus m'empêcher de jeter un œil à la table des Serpentards. Lilith était toujours absente de la Grande Salle.

— Elle est probablement avec son frère, enchérit Emily en suivant mon regard.

— Je sais, répondis-je.

— Et ce n'est très certainement pas de cette pratique sexuelle dont tu voulais me parler, Alice.

— Eh bien j'imagine que nous ne saurons pas, pas vrai ? Parce que tu as décidé de faire ta Eyrin…

— Eh ! m'offusquai-je.

Elle avait de la chance qu'aucun coussin ne traînait dans les parages.

— Et tu devrais avoir honte de sous-entendre que c'était mieux quand on ne se parlait plus, continua Alice qui l'avait donc bien entendue. C'était une période très douloureuse.

— Ce n'est pas ce que j'ai dit, se défendit Emily. Et j'espère que tu réalises qu'elle l'était également pour moi.

Lilith n'était pas apparue en classe du reste de la journée et, bien que je me doutais qu'Emily avait parfaitement raison, je ne pouvais m'empêcher d'être légèrement préoccupée par son absence.

Après le dernier – et trop long – cours de la journée, j'abandonnai les filles pour tenter de la rejoindre. Mme Pomfresh m'interpella à peine mis-je un pied dans l'infirmerie, « Miss Parker » n'était pas ici. La serre était complètement vide, elle aussi, et je me résolus à tenter leur Salle Commune. J'avais pris l'habitude de ne pas m'alourdir de rondes dans les couloirs du cachot, les Gryffondors et les Serpentards avaient l'étrange tradition de se surveiller mutuellement pour avoir le plaisir de retirer des points à la maison adverse. Griffin et Taylor effectuaient suffisamment de rondes dans les cachots du château pour que la présence d'autres préfets n'y soit pas nécessaire. De fait, je ne me souvenais plus de l'entrée exacte de la salle commune des cachots. Il s'agissait d'une histoire de mur, mais j'aurais été bien incapable de le situer parmi tous ceux qui formaient les cachots. La meilleure stratégie à cette heure de la soirée consistait à suivre les quelques élèves en cravates vertes qui passaient par là. Malheureusement, ce fut Clyde que j'aperçus en premier, errant dans un couloir. Nast et Greengrass arrivaient derrière lui.

— Si tu cherches Parker, fit Clyde dès qu'il me vit, tu devrais tenter le terrain de Quidditch.

Sa voix était bien plus posée que d'ordinaire et, pour une fois, il ne semblait pas s'être préparé à crier dans tous les sens ; à bien y réfléchir, cela faisait déjà quelques semaines que nous ne l'entendions plus autant en cours. Je l'avais même complètement oublié. Peut-être avait-il enfin trouvé l'attention qu'il cherchait. Je me retins de rire à ma propre pensée.

— Elle a l'autorisation de s'entraîner jusqu'à 22h, continua-t-il.

— Parce que nous avons un match le week-end prochain, accusa Nast qui arrivait à notre hauteur, manifestement agacé.

— Je l'ai effectivement vue prendre ses affaires tout à l'heure, enchérit Greengrass à ses côtés. C'était d'ailleurs la seule apparition que Madame a bien daigné faire de la journée.

Le mépris perceptible entre ses mots ne laissait pas beaucoup de doute quant à celui qu'elle devait probablement éprouver envers Lilith. C'était la première fois que j'entendais un autre élève parler ainsi d'elle. Ma surprise fut cependant de courte durée, le préfet soupira avant d'enchaîner :

— Astoria, on ne sait pas ce qu'il s'est passé. Et essaye de ne pas trop la distraire, Jonsson, reprit-il après s'être tourné vers moi. Nous avons beaucoup de points à rattraper sur Poufsouffle.

— Dans ce cas, ce ne sont pas plutôt vos poursuiveurs qui ont besoin de s'entraîner ? rétorquai-je, me souvenant parfaitement qu'il en était un. Enfin j'imagine que fauter sur la gardienne de Gryffondor sera une bonne façon de faire le plein de points, ne pus-je m'empêcher d'ajouter, toujours quelque peu vexée.

— Je suis désolé pour ça, mais c'était nécessaire. De toute évidence, tu étais sous bonne surveillance. Tu ne risquais pas grand-chose.

— Tu n'en savais strictement rien à ce moment-là.

— Ca, c'est certain, asséna Greengrass avant de disparaître dans leur salle commune.

— Le début d'année était compliqué pour tout le monde, Jonsson, continua Nast comme si de rien était. Nous avons tous fait avec ce qui était à notre portée. J'ai fait ce que je pensais être juste et, honnêtement, je pense toujours que c'était la bonne chose à faire. Si tu avais vu le regain d'énergie que ça a donné à nos plus jeunes, tu ne serais même plus en colère.

— Malgré ce que tu as l'air de croire, Nast, je ne pèse pas la moralité des actions uniquement par leurs conséquences. Il y avait d'autres moyens d'aider vos jeunes ou même d'autres moyens de gagner le match, mais tu as choisi celui-ci. Je peux comprendre ta situation, mais ça n'excuse en rien la chute que j'ai fait.

Clyde éclata d'un rire franc avant de se tourner vers son camarade de maison.

— Peut-être qu'on devrait revoir la stratégie de notre équipe de Quidditch, dit-il. Encourager Jonsson est plus intelligent, non ? Plus Jonsson est contente, plus elle arrête de tirs lors de leur match contre Poufsouffle, moins Poufsouffle garde son avantage sur nous. Je propose que tu lui fasses plaisir et que tu t'excuses sincèrement.

Le préfet leva les yeux au ciel.

— Ca n'avait rien de personnel, Jonsson, mais je te présente mes excuses. Et pas parce que cet idiot vient de me donner une très bonne raison de le faire. Je pense toujours que c'était ce qu'il fallait faire, mais je suis désolé d'avoir eu l'impression de devoir te faire courir un risque pareil.

J'acquiesçai simplement. Si je n'étais pas spécialement convaincue par ses excuses, elles avaient au moins le mérite d'exister. Il finit par disparaître à son tour. Je pris aussitôt congé de Clyde pour rejoindre le terrain de Quidditch. Lilith était effectivement projetée à ne je-ne-sais-combien de mph sur son balai en plein mois de janvier. La voir ainsi me donna l'impression d'être moi-même recouverte de gerçures. Je soupirai, voler dans le froid faisait partie de la longue liste de choses absolument détestable sur cette planète.

Je m'installai sur les abords du terrain, m'emmitouflant dans ma cape. Lilith ne sembla pas remarquer ma présence. Aucun vif d'or n'avait été lâché – bien que le ciel était déjà bien trop sombre pour que mes yeux puissent percevoir une chose aussi petite de l'endroit où j'étais. « S'entraîner » au sens strict du terme n'était pas quelque chose qu'elle devait faire souvent. Voler, en revanche…

Au détour d'une feinte de Wronski particulièrement dangereuse – elle qui prenait déjà beaucoup de risques sur son balai, Lilith sembla enfin m'apercevoir. Elle réduisit sa vitesse avant de me rejoindre. Après s'être débarrassée de son balai sur le sol, elle s'assit à mes côtés et posa rapidement ses lèvres sur ma joue. Je rougis – ce qui, dans le froid, n'était pas très agréable.

— Je tiens à te remercier pour hier soir. Tu n'étais pas obligée de sacrifier ainsi ta soirée.

— Je suis contente d'avoir pu être là pour toi, avouai-je aussitôt. Même si j'aimerais pouvoir faire plus qu'être juste… là. Hm, repris-je après m'être raclé la gorge, comment est-ce que ça s'est passé aujourd'hui ?

— Mes grands-parents et Mr. Kristof sont venus dès qu'Ethan s'est réveillé. Le voir se mouvoir et l'entendre parler m'a terriblement soulagée. C'est comme si une partie de la colère, ou, je ne sais pas, de la frustration de ces dernières heures s'était évaporée d'un coup.

— Est-ce que vous avez pu parler ?

— Pas réellement, non. C'était un moment très étrange. Tout le monde a prétendu qu'Ethan se retrouvait à l'infirmerie pour un fait totalement accidentel, comme s'il était juste malade ou que quelque chose lui était arrivé, alors j'ai suivi le mouvement. Cela avait l'air de lui convenir mais je ne suis de toute évidence pas en mesure de comprendre ce dont il a besoin donc, je ne sais pas. Il a parlé de ses parchemins en retard. Toute la situation était… je ne sais pas, absurde. Au fond, cela m'a rappelé l'année passée. C'était la même atmosphère. Prétendre que cette chose grave que nous savons tous qu'il s'était passé n'était qu'une chose parfaitement anodine du quotidien.

— Je crois que je comprends le genre d'atmosphère dont tu parles. C'est d'autant plus étrange que si c'était véritablement anodin, les gens en parleraient. Le silence est justement ce qui prouve que tout le monde sait que ça ne l'est pas.

Elle acquiesça et je réalisai ce que je venais de dire. Quelque peu mal à l'aise de me remémorer ces sensations peu agréables auxquelles je n'arrivais pourtant pas à associer de souvenirs précis, je continuai aussitôt :

— Qu'est-ce qu'il va se passer pour lui ?

— Le Dr. Higgins a sous-entendu qu'elle préférait qu'il reste sous surveillance à l'infirmerie. Elle veut le voir deux fois par jour, une fois le matin et une fois l'après-midi. Il ne reviendra pas tout de suite dans nos dortoirs. Mes grands-parents ne s'y sont pas opposés.

— « Sous surveillance » ? répétai-je, quelque peu confuse. Elle a peur qu'il réessaye ?

— Probablement.

Nous restions silencieuses un moment. L'idée qu'une personne pouvait souhaiter mourir au point de persévérer dans ses tentatives me laissait une sensation étrange. Il y avait quelque chose qui m'angoissait dans cette forme de préméditation et d'acharnement. Enfin, probablement que cela me rappelait juste ma mère. Lors de ses nombreux rendez-vous médicaux, les gens se sentaient toujours obligés de se fendre d'un commentaire sur le fait qu'elle était une « battante » lorsqu'ils m'apercevaient à ses côtés. Ce genre de propos n'avait jamais fait grand-sens pour moi. À l'époque, il ne m'avait pas semblé exister d'autres options que de se battre. J'imagine qu'il existait en réalité au moins une autre option à laquelle je n'avais jamais pensé. Tout le monde ne choisissait pas de se battre. Je soupirai, quelque peu mal à l'aise par ce qui se jouait dans mon esprit.

Lilith bougea sur le côté et vînt finalement poser sa tête sur mon épaule. Sa respiration était toujours forte de l'effort physique et bien que son corps me semblait bien chaud compte-tenu de la température extérieure, je libérai un pan de ma cape pour qu'elle puisse s'y réfugier. J'en profitai pour attraper sa main et jouer lentement avec ses doigts. À défaut de savoir quoi lui dire, cela avait au moins l'avantage de me distraire de mes propres pensées.

— Je n'ai pas pensé une seule seconde au fait qu'il pourrait réessayer, dit-elle enfin. La pensée ne m'a jamais ne serait-ce qu'effleurer l'esprit.

Elle soupira avant de continuer, visiblement peu perturbée par ses doigts que je triturais entre les miens.

— J'ai eu peur de l'avoir perdu, mais j'ai cru que le problème était, d'une certaine façon, derrière nous. Il a... fait ce qu'il a fait, et il faut en gérer les répercussions. Je suis en train de réaliser, qu'en réalité, c'était une mauvaise appréciation de la situation. Le problème est devant nous et pas derrière nous. Maintenant, j'ai peur de le perdre. Et il n'y a absolument rien que je puisse faire pour éviter ça.

— Donc tu es venue voler, conclus-je.

— Au moins, ma trajectoire sur un balai est une chose que je suis tout à fait en mesure de contrôler. Ca me fait du bien de me sentir maîtriser quelque chose, pour une fois.

Je tournai légèrement le visage pour plonger les yeux dans les siens. La psychiatre l'avait manifestement beaucoup inquiétée. Mon cœur se serra.

— J'espère que ça ne te gêne pas que je sois venue ici. Je voulais…. Enfin, je ne sais pas, je m'inquiétais juste et voulais savoir comment tu allais. Je ne voulais pas te déranger si tu avais besoin d'être seule.

— Je suis contente, et touchée, que tu sois venue. Je suis vraiment chanceuse de t'avoir à mes côtés.

Les mots d'Alice me vinrent aussitôt à l'esprit et je rougis. La pensée-même qu'elle puisse avoir raison au sujet des sentiments de Lilith était réconfortante. Je me sentis stupide de me préoccuper de ce genre de choses dans un moment pareil et changeai aussitôt de sujet, les yeux perdus sur le terrain de quidditch.

— Comment est-ce que tu fais pour avoir un contrôle aussi fin du balai ?

Elle se redressa aussitôt, se libérant dans le même temps de la cape. Je ne pus empêcher un léger sourire à la vision de son dos à nouveau parfaitement droit.

— Je ne vais pas te dévoiler mes secrets, Eyrin.

— Mon petit boursouflet…, insistai-je avec un sourire en caressant le creux de sa main.

— Penses-tu sérieusement qu'utiliser un surnom que je n'apprécie pas me convaincra ? De plus, vous êtes toujours dans la compétition. Il en est hors de question.

— Tu sais, Clyde a fait une très bonne remarque tout à l'heure… bizarrement, ajoutai-je rapidement. Nous affrontons Poufsouffle à la fin du mois. Plus je suis agile sur mon balai, plus j'arrête de tirs, moins Poufsouffle agrandit son avance sur vous.

— Et moi qui pensait que l'avantage à sortir avec une Serdaigle était d'avoir des discussions originales.

Je ne pus m'empêcher de partir dans un grand éclat de rire, ses jeux de mots étaient toujours drôles malgré eux.

— Premièrement, ton jeu de mot est adorable, la taquinai-je en réponse de quoi elle leva évidemment les yeux au ciel, deuxièmement, il m'a semblé comprendre l'autre jour que les gardiens et les poursuiveurs ne servaient pas à grand-chose. Quel risque y a-t-il à ce que ma maîtrise du balai s'améliore ? Ce n'est pas comme si je participais au jeu après tout.

— Je vais devoir commencer à me montrer particulièrement avare en mots en ta présence. Tu as une trop grande facilité à les retourner contre moi.

— Je suis juste une petite-amie très attentionnée qui t'écoute avec grand intérêt.

— Tu es effectivement très attentionnée.

Je secouai la tête avec un sourire, les joues évidemment rouges. La flatterie était définitivement son dernier recours.

— Est-ce que ça va ? demandai-je finalement, plus sérieuse.

— Je vais mieux.

— J'espère que tu réalises qu'une réponse courte est rarement bon signe de ta part…

— Voir tout le monde prétendre que tout allait bien m'a fait réaliser que je n'étais pas obligée de faire sens de la situation tout de suite. De toute évidence, mes grands-parents sont eux-mêmes dépassés par tout cela.

— Ils ne sont pas venus hier...

— Ce sont mon oncle et ma tante qui gèrent les situations de crise. Mes grands-parents gèrent les projets plus conséquents qui nécessitent beaucoup d'anticipation. J'imagine que, d'une certaine manière, hier était une situation de crise. Mon oncle était très inquiet, tu sais, ajouta-t-elle en me voyant secouer la tête. Je pense juste que cela les rassure de fonctionner comme cela, c'est protocolaire et familier. Ca n'a jamais été facile pour eux de se positionner vis-à-vis de nous. Quand nous étions enfants, ce sont plutôt nos grands-parents qui nous ont élevés. Puis, mon oncle et ma tante ont pris le relais quand notre grand-père a commencé les leçons.

— Mais ils n'étaient pas souvent présents, continuai-je alors que les paroles de Mr. Kristof me revinrent en mémoire.

— Non. Je n'ai jamais vu cela comme un problème, cela dit. Cela nous laisse une grande liberté dans la maison. Mes cousins n'ont eu le droit de se servir dans nos archives qu'à partir de leurs 14 ans, à l'exception des archives nécessaires à la réalisation des exercices évidemment. Je traîne dans notre bibliothèque depuis mes 8 ans sans que personne ne me reprenne.

— Est-ce que je peux te demander ce que ton oncle t'a dit ? Enfin, il ne l'a pas dit à proprement parler, mais tu vois ce que je veux dire.

Elle parut surprise par la question et je me raclai la gorge, libérant précipitamment sa main.

— C'est juste que j'étais vraiment très inquiète pour toi quand tu étais seule avec eux, enfin je le suis toujours un peu à vrai dire. Et aussi, je reste curieuse, avouai-je précipitamment. Je suis au regret de t'annoncer que ce n'est pas tout à fait anodin si Alice est ma meilleure amie.

Elle rit et mon cœur se fit un peu plus léger. Au bout de quelques secondes, elle se réinstalla sous la cape avant de prendre une longue inspiration.

— Il m'a fait comprendre que cela ne servait à rien de me perdre en culpabilité mal placée.

— Oh, soufflai-je, surprise.

Elle sourit doucement puis secoua la tête. Comme à son habitude, elle ferma un instant les yeux avant de reprendre la parole. Ma relative bonne surprise fut de courte durée.

— Je ne dois pas avoir ce genre de préoccupations individuelles. Plus je me perds dans la culpabilité, moins je m'investis dans la résolution de la situation. C'est de l'énergie que je n'investis pas dans le soutien d'Ethan. Il a ajouté qu'au-delà de cet égoïsme dont je faisais de toute évidence preuve, le sentiment de culpabilité empêchait les individus de prendre de justes décisions et risquait d'empêcher notre famille d'avancer. La culpabilité met l'accent sur les responsabilités individuelles au lieu des responsabilités collectives à l'œuvre, ce qui peut déchirer des familles en différents « clans ». « Nous préoccuper de nos propres émotions est un des nombreux luxes qu'une famille de notre rang ne peut s'autoriser », récita-t-elle. Il m'a aussi rappelé qu'être responsable et être coupable étaient deux choses différentes. Je dois reconnaître mes torts mais ne pas m'y complaindre. Ethan étant un membre de notre famille, nous sommes tous responsables de ce qu'il s'est passé.

— C'est ce que tu penses également ?

— Je ne sais pas ce que je pense, Eyrin. Je n'ai juste pas envie de le perdre.