Chapitre 30

Première semaine de janvier


Cette semaine était interminable, je ne me souvenais même plus de la manière dont elle avait commencé. C'était comme si tout le repos que m'avaient offert les vacances avait été annihilé en quelques jours à peine et, pourtant, la semaine était loin d'être finie. Ce samedi matin, nous avions rendez-vous dans les cachots avec Shadlakorn, les psychiatres et les apprentis concernant le remède sorcier à la maladie moldue. Si l'idée de participer à la création du remède avait quelque chose d'excitant, mon corps, lui, aurait bien eu besoin de ces quelques heures de sommeil supplémentaires.

Heureusement, ma fatigue semblait être tout à fait personnelle. Les plus jeunes, notamment, semblaient franchement en forme depuis le retour des vacances. Lorsque que j'avais quitté notre salle commune pour rejoindre la réunion, la porte ne s'était pas tout de suite refermée. J'avais vite découvert qu'ils avaient réussi à faire en sorte que la poignée bloque la fermeture de la porte dès que quelqu'un l'ouvrait. Toucher la poignée de la porte avait comme drôle de conséquence de la métamorphoser lentement. La rondeur laissait alors place à une forme allongée assez longue pour atteindre le mur opposé et se coincer entre celui-ci et la porte, de sorte à empêcher toute fermeture. Soit les plus jeunes avaient, finalement, réussi à avoir accès au contenu du mot laissé par Peter, soit les élèves plus âgés avaient respecté ce que le préfet leur avait demandé. Ca n'aurait probablement pas dû me faire sourire, mais les jeunes étaient définitivement pleins de ressources. Enfin, l'enchantement semblait fonctionner de manière assez aléatoire – probablement des premières années qui s'étaient tenté à l'exercice, car la poignée métamorphosée était parfois trop faible pour résister à la pression et la porte se refermait tout de même, ou ne s'allongeait pas assez et était alors trop courte pour bloquer la fermeture de la porte. Il fallait croire qu'ils avaient assez d'énergie, eux, à perdre dans la création d'enchantements de ce genre, bien que c'était peut-être simplement celle qu'il ne prenait pas à trouver la réponse aux énigmes du heurtoir.

Lorsque j'arrivai dans les cachots, Lilith et les psychiatres étaient déjà présents. Il ne manquait plus que les apprentis médicomages. Notre professeure de potions précisa rapidement qu'un retard n'était pas chose rare ; une urgence était probablement arrivée à Sainte-Mangouste. Ce retard avait l'air de tout à fait convenir aux deux femmes qui discutaient quelques mètres devant nous. Le Dr. Wright, lui, faisait des allers et venues devant les nombreuses étagères du cachot. Il avait l'air très intrigué par les fioles et les ingrédients qu'elles contenaient. Celle qu'il venait tout juste de récupérer sur une étagère eut l'air de le dégoûter et il la reposa immédiatement avant de s'essuyer les mains, pourtant intactes, sur son pantalon. Je ne pus empêcher un sourire avant de m'installer aux côtés de Lilith. Elle avait l'air plus reposé que ces derniers jours.

— Salut.

— Bonjour.

Elle sourit et me montra le manuel que Shadlakorn avait dû lui donner. « Botanique de la mémoire : toutes les plantes, fleurs et autres bulbes dont vous aurez besoin pour vous souvenir de ce livre ». Je ne l'avais pas vu lorsque nous avions fait nos recherches avec Peter en début d'année ; nous n'avions pas pensé à regarder parmi les ouvrages de botanique. Je l'ouvris rapidement, la table des matières était une imbuvable liste de noms de plantes. Si j'étais tombée dessus, je l'aurai probablement refermé aussi vite.

— Donc vous êtes censés être « médecins », continua Shadlakorn devant nous, l'équivalent de médicomages, mais vous ne touchez pas réellement aux corps, aux blessures, à ce qui est cassé… Vous ne vous occupez que de l'esprit.

— Eh bien, Delilah, vous vous confrontez à peine à notre monde que vous partagez déjà les préjugés de mes confrères non-psychiatres, s'amusa la moldue. Je suis médecin, insista-t-elle. J'en conclus que le corps a également une place plus importante que l'esprit par chez vous.

Évidemment, la discussion qui avait court me parut plus intéressante que le livre, que je délaissai aussitôt, toujours ouvert sur la table des matières. Lilith s'en empara de nouveau.

— Nous n'avons pas de médicomages de l'esprit, rappela simplement notre professeure de potions. J'en conclus que le corps et l'esprit sont deux choses distinctes par chez vous.

— Oh, vous vous attaquez à un débat long de quelques siècles que chaque nouvelle génération pense réinventer.

— Ce sont toujours les mêmes ingrédients que vous utilisez ? demanda soudainement le psychiatre, la tête perdue au-dessus d'un chaudron rangé sur une étagère. Et vous avez différents types de chaudron…

Elles se retournèrent toutes les deux vers lui et Shadlakorn secoua légèrement la tête, comme si elle reprenait pied avec la réalité.

— Cela dépend des potions que nous souhaitons réaliser, répondit-elle. Le type de chaudron est à prendre en considération dans la préparation des potions mais par soucis de facilité, nous utilisons des chaudrons plutôt standards avec nos élèves. Nous pouvons cependant utiliser un même ingrédient de façon différente. Coupé, écrasé, infusé, en poudre…

— « Œil d'anguille », s'enquit le moldu. Vu certains des ingrédients que vous utilisez, on dirait la réserve d'un laboratoire d'homéopathie. Enfin, se reprit-il aussitôt, au moins, si c'était de l'homéopathie, personne ne boirait vraiment de la « poudre de crocs de serpent », lut-il sur l'étiquette de la fiole qu'il tenait en main. J'imagine que vous mettez réellement des crocs de serpents dans vos potions, vous.

Je n'avais aucune idée de ce dont il parlait – ou même des raisons qui feraient que nous ne mettrions pas réellement d'ingrédients dans nos potions, et n'était pas la seule à en croire le silence qui s'était installé. Il se racla la gorge et reposa la fiole avant de se tourner vers nous. Il rencontra trois paires d'yeux surpris ainsi que le regard amusé de sa collègue.

— Je suis vraiment désolé, je vais me refreiner dans mes commentaires. C'est juste très excitant de découvrir tout cela. C'est difficile de rester dans le rôle et, pour être tout à fait honnête, la philosophie n'a jamais été mon truc. Est-ce que je peux ? demanda-t-il en montrant d'un geste de tête la réserve au fond de la salle de classe.

— Bien sûr.

Il disparut aussitôt dans la petite pièce et le Dr. Higgins secoua la tête avec un sourire. Elle relança aussitôt la discussion.

— Pourquoi avoir décidé ce changement professionnel ?

— En quoi est-ce important pour votre « acclimatation » ?

— Ca ne l'est aucunement. Je m'interroge seulement, vous n'êtes pas obligée de répondre.

— Je n'étais pas non plus obligée de vous répondre plus tôt.

— Non. Cela dit, vous semblez différente des autres professeurs. Vous aviez une vie. Une place dans la société sorcière. Les apprentis semblent considérer que vous êtes un modèle à suivre. Vous aviez donc un certain respect professionnel. Vous semblez plus vivante et animée. Vos collègues semblent avoir abandonné leur vie depuis longtemps et n'exister que par cette école, la place qu'ils y occupent et les responsabilités qui en découlent. Peu d'entre eux semble avoir ne serait-ce qu'une vie de famille.

— Nous sommes d'accord que, pour une professionnelle censée ne pas juger autrui, vous venez de traiter l'ensemble de mes collègues de personnes barbantes ?

— Je n'émettais aucun jugement, Delilah. Je soulignais juste la différence que j'avais perçue. C'est vous qui en faites un jugement parce que vous considérez qu'être ennuyant est négatif.

— Oh, donc ce sont mes 40 minutes à moi. Je n'avais pas réalisé qu'elles avaient déjà débutées.

La psychiatre rit.

— Ce n'est pas très poli d'écouter les conversations, me glissa Lilith.

— Dit l'héritière d'une très longue tradition de legilimens, répliquai-je.

Elle secoua la tête avec un sourire avant de rire. Si ce dernier détail me surprit – je n'avais pas été si drôle, tout de même, la surprise des deux femmes, elle, passa rapidement une fois confrontées au visage impassible qu'avait repris Lilith. Mes joues étaient rouges.

— Quel âge a votre fils ? reprit notre professeure de potions.

— 12 ans, mais il se comporte parfois comme il pense que les garçons de 15 ans se comportent.

— Et vous avez tout de même accepté de venir ici ?

— Oh, je l'ai élevé pendant 12 ans, mon ex-mari peut bien prendre le relais pendant six mois. C'était une blague, ajouta-t-elle rapidement devait l'air surpris de Shadlakorn. Ce n'est pas comme si nous avions le choix du refus à partir du moment où votre représentant nous montre un tour de magie. Le rapport de force a été clairement établi. Et concernant mon fils, il est chez son grand-père. Si mon ex-mari était capable de prendre ses responsabilités, je n'aurais pas divorcé.

— Cela semble paradoxal de l'avoir épousé en premier lieu. Le sens des responsabilités se perd rarement avec le temps.

Je retins l'onomatopée qui allait s'échapper de ma bouche. Lilith, elle, avait toujours l'air aussi stoïque. Pour la première fois de l'année, j'aurais préféré qu'Alice soit celle présente à mes côtés en potions. Les deux femmes étaient en train de se tester et ce n'était définitivement pas la première fois que cela leur arrivait. J'imaginais, après tout, qu'elles avaient beaucoup de choses en commun ; Shadlakorn était l'équivalent d'un ancien médecin, elles enseignaient toutes les deux et faisaient, de toute évidence, de la recherche. C'était tellement étrange de voir notre professeure dans un tout autre contexte, bien plus naturelle, nous qui la voyions d'habitude uniquement interagir avec des élèves.

— Vous avez des enfants pour me poser cette question, esquiva la psychiatre. Ce qui me questionne d'autant plus sur le changement professionnel.

Notre professeure de potions eut l'air de tiquer à la remarque. D'après Harper, elle avait perdu sa fille durant la guerre. La moldue réalisa bien vite que quelque chose n'allait pas et ne laissa pas le silence s'installer.

— Nous pouvons changer de sujet de conversation. Ou ne plus parler du tout.

— De toute évidence, un autre « non-jugement » sur ma personne vous est venu à l'esprit, rétorqua Shadlakorn. Et j'ai bien du mal à croire que vous puissiez vous restreindre de poser des questions, Cecilia.

— Ce n'est ni le lieu, ni le moment pour l'aborder. Anthony a raison, c'est très difficile de ne pas laisser l'universitaire en moi prendre le pas sur la psychiatre. Ou l'inverse, j'imagine, puisque nous sommes plus sur la casquette d'universitaire aujourd'hui.

— Ca ne me gêne pas, Cecilia, la plupart de mes collègues sont effectivement un peu lisses. Si j'entends le moindre mot à ce sujet au détour d'un couloir dans les jours qui viennent, Miss Jonsson, appuya notre professeure de potion alors que je me raidis à la mention de mon nom, j'en conclurais que vous avez discuté avec Miss Stevens.

— Qui ça, professeure ?

— C'est l'idée.

Lilith secoua la tête, à la fois amusée et désespérée, et j'haussai les épaules, les joues chaudes ; elle pouvait prétendre désapprouver l'idée de laisser quelques oreilles traîner, j'étais sûre que, sous ses airs innocents, elle aurait été capable de bien mieux résumer cette conversation que moi. Et puis, ce n'était pas comme s'il y avait d'autres choses à faire en attendant les apprentis de Sainte-Mangouste. Lilith n'était pas du genre à bavarder en classe et, de toute évidence, le fait que nous soyons dans les cachots était suffisant pour lui donner l'impression d'être en classe. Alice allait être verte de jalousie de ne pas avoir pu être présente.

La réunion ne commença véritablement qu'un quart d'heure plus tard, lorsque les apprentis de Sainte-Mangouste arrivèrent enfin. Si tout le monde parlait anglais autour de la table, les moldus et les sorciers ne semblaient pour autant pas réellement se comprendre. Shadlakorn avait commencé par expliquer leur intention de s'attaquer en premier lieu aux problèmes de mémorisation censés être la cause de la maladie moldue. Notamment, elle souhaitait partir d'une Aiguise-Méninges, censée permettre de mieux réfléchir, afin d'obtenir des souvenirs plus nets. Aussitôt, les psychiatres y avaient trouvé des objections. Ils ne voulaient pas que tous les souvenirs des élèves soient rendus plus nets au risque de faire « monter » d'autres traumas, pourtant bien gérés par la « psyché ». L'oubli, avait précisé la psychiatre, était parfois essentiel. L'idée qu'une solution à un problème puisse être la cause d'un autre problème avait eu l'air de perturber les apprentis médicomages.

À partir de là, la discussion dériva sur la possibilité de restreindre une potion à certains souvenirs. Bien vite, certains proposèrent d'utiliser une pensine à la place d'une potion. Je crus que la psychiatre allait s'évanouir lorsqu'elle apprit qu'il était possible d'avoir accès aux souvenirs d'une autre personne – son collègue, lui, se contenta de rire nerveusement en mentionnant quelque chose à propos de sa femme. Visiblement, c'était en réalité une bonne nouvelle pour la prise en charge des élèves. Les psychiatres considéraient qu'user d'une pensine et d'une Aiguise-Méninges, dont ils s'assurèrent trois fois que l'effet était bien temporaire, en en « encadrant » l'usage en « séance » pourrait être efficace en solution de derniers recours, si aucune potion ne pouvait être trouvée pour guérir purement et simplement la maladie. Ils insistèrent cependant plusieurs fois sur le fait que, même si un remède complet à la maladie moldue venait être à être « développé », ils voulaient tout de même « encadrer » la prise de potion et discuter avec les élèves concernés. Notamment, avait dit le psychiatre, parce que les élèves avaient probablement fait sens d'une certaine manière des difficultés apportées par ce qu'il appelait, lui, le « trouble » et qu'il faudrait revenir avec eux sur ce qui était de l'ordre du trouble et ce qui n'en était pas. Il ne s'agissait pas de boire la potion et d'imaginer que, parce que le trouble n'existait plus, il n'avait plus d'influence sur les élèves. Il leur resterait les souvenirs, les habitudes et les « stratégies compensatoires » qu'ils avaient mis en place pour gérer les difficultés apportées par le stress post-traumatique, avait ajouté le psychiatre.

Notre professeure de potions recadra alors rapidement l'objet de la réunion – décider de l'organisation du travail plus que réellement le commencer, et se retourna vers nous. Il y aurait deux équipes. La première allait partir d'une Aiguise-Méninges, en ayant la lourde tâche d'essayer de sélectionner uniquement certains souvenirs, tandis que la seconde partirait de zéro ; c'était là que Shadlakorn attendait notre aide, à Lilith et moi. Enfin, « aux filles » comme elle nous avait présenté. C'était d'ailleurs assez étrange d'être résumé à cette appellation. J'étais cependant assez excitée de découvrir comment il était possible de créer une potion à partir de zéro. Depuis le début de notre scolarité, nous ne faisions qu'en préparer des connues et bien établies. Pouvoir comprendre comment il était possible d'en inventer me semblait bien plus passionnant que les rondes préfectorales auxquelles j'échappais.

D'ailleurs, à en écouter Shadlakorn, inventer une potion pour guérir une maladie moldue semblait si facile ; en tout cas, sur le principe. L'excitation laissa rapidement place à une sensation bien plus désagréable. Mon ventre se serra et je me surpris à devoir retenir quelques larmes. Les cachots me semblèrent d'un coup bien trop étroits. Il devint évident que mon corps allait craquer et je me levai de la chaise sous le regard inquiet de Lilith.

— Je suis désolée, je ne me sens pas très bien, bredouillai-je avant de sortir aussi vite de la salle.

J'eus d'abord le réflexe de vouloir sortir prendre l'air, mais les larmes coulèrent à peine mis-je un pied dans les couloirs. Je n'avais franchement pas envie de croiser d'autres élèves dans cet état, moins encore ceux de Gryffondor, et préférai, sur le moment, rester dans le sous-sol du château. Je reposai mon dos contre un mur et me laissai tomber au sol. J'avais une boule au ventre et une envie incontrôlable de pleurer. C'était incroyable de me mettre dans un tel état pour si peu.

— Eyrin ? fit la voix, lointaine, de Lilith.

Je séchai rapidement mes larmes.

— Je suis là.

Elle apparut aussitôt dans le couloir, l'air inquiet. Je me sentis coupable, et quelque peu stupide, d'être sortie de la salle comme je l'avais fait. Sa semaine avait été suffisamment lourde comme cela. Elle jeta un œil curieux dans le couloir avant de s'installer à mes côtés.

— Est-ce que ça va ? demanda-t-elle.

— Oui, ce n'est rien. Je suis désolée de t'avoir inquiétée. C'est juste venu comme ça.

— Est-ce que cela t'arrive souvent ?

— Non. En tout cas, pas cette année.

Je secouai la tête, agacée par mon propre comportement. Bien que manifestement inquiète, Lilith, elle, avait l'air calme et posée, comme d'habitude. Je soupirai avant de tourner ma tête vers elle. J'avais une vague idée de ce qui avait serré mon ventre, mais me l'avouer était autre chose.

— Tu sais, quand ma mère… Je ne supportais pas que les gens parlent d'elle. Mes grands-parents faisaient toujours ça. Ils parlaient toujours de quand elle était petite, ou adolescente, ou étudiante, et ça ne correspondait jamais à la personne que j'avais, moi, connue. En plus, ils parlaient toujours de choses ou de traditions moldues, et on ne faisait jamais rien de tout ça tous les trois, alors l'image qu'ils dépeignaient ne pouvait être plus éloignée de ce que je connaissais de ma mère. Enfin, on faisait des choses moldues tous les trois, mais jamais celles dont ils parlaient. Et, en vrai, personne ne prenait en compte que je l'avais surtout connue malade, tu sais ? Je ne me souviens pas de beaucoup d'évènements qui se sont passés quand j'étais petite, la maladie est revenue quand j'avais 8 ans. Au début, ça ne changeait pas grand-chose et puis, à partir d'un moment, son état s'est drastiquement empiré. Et eux, ils parlaient tous le temps d'elle… lorsqu'elle n'était pas malade. Je détestais ça et moins nous parlions d'elle, mieux je me portais. Je sais que ça peut paraître bizarre, mais c'était juste comme ça. Mais là… Elle est partout, Lilith. La maladie moldue, les psychiatres, inventer la potion et faire des recherches, ton frère me fait penser à elle… Et même mon père dans sa dernière lettre en a parlé à cause des psychiatres, il est allé chercher la thèse de Wright dans les documents de ma mère. Elle est juste partout et elle me manque et je me sens vraiment stupide de me mettre dans un état pareil pour ça. C'est juste que les moldus peuvent venir aider les sorciers quand ils en ont besoin, ça ne pose de soucis à personne, le Ministère met même en place tout un protocole de contact, mais les sorciers ne peuvent pas aider les moldus. Et si guérir ma mère avait pris littéralement deux journées de leur temps ?

J'avais recommencé à pleurer en parlant et n'étais même pas sûre que ce que je venais de dire avait été ne serait-ce qu'un tant soit peu intelligible. Lilith se tourna entièrement vers moi avant de récupérer une de mes mains. De ma main libre, je récupérai mon vieux mouchoir en tissu dans ma cape pour me moucher. Je me mettais vraiment dans un état ridicule. Au moins, mon envolée avait desserré mon ventre et la pression s'était quelque peu évacuée.

— Je suis désolée, je suis énervée. Ce n'est pas contre toi, ajoutai-je précipitamment.

— Je l'avais très bien compris, tu n'as pas à t'inquiéter pour moi.

À l'époque, à force de voir les médecins tenter de faire sens de la maladie, ou même à voir ma mère qui avait lu toutes les choses scientifiques qu'elle avait trouvé à ce sujet, j'en avais moi-même conclu qu'un remède sorcier aurait peut-être été impossible ou particulièrement complexe à trouver. Mais c'était de la magie. Pour ce que j'en savais, ça aurait très pu bien n'être qu'une question d'investissement en temps et en énergie. En ce qui concernait le caractère possible ou non des choses, le seuil n'était pas exactement le même que celui des moldus. D'une certaine manière, j'avais projeté une vision moldue de la maladie sur les sorciers.

— Je pensais que j'avais accepté certaines choses, mais en voyant tout ça… Je ne suis plus si sûre, soupirai-je.

Elle joua un instant avec mes doigts et je me laissai bercée par ses dessins invisibles. C'était reposant. Elle finit par relever les yeux vers moi.

— Quand j'étais petite, ma grand-mère me disait souvent qu'un deuil n'était jamais seul. Ce sont plutôt pleins de deuils que nous devons faire au cours de notre vie. Un détail, un souvenir, une pensée peut nous contraindre à repasser par une petite phase de deuil. D'une certaine façon, accepter que les sorciers n'allaient pas aider ta mère était peut-être un deuil à faire quand tu étais petite. J'entends… Au-delà du fait que ta mère a l'air de te manquer.

Peut-être. Je soupirai. Probablement que les sorciers considéraient réellement qu'il y avait moins de risques à faire entrer une personne moldue dans le monde sorcier qu'à faire entrer la magie dans le monde moldu. Je réalisai ce que cela signifiait réellement ; je pouvais vraiment être naïve, parfois.

— Ils vont les oublietter, pas vrai ? Les psychiatres, je veux dire, quand tout sera fini.

— Oui.

— C'est injuste.

Les larmes reprirent aussitôt. Lilith en essuya quelques-unes sur ma joue avant de me prendre dans ses bras. Ce ne fut pas la meilleure des idées pour la survie de son cardigan, mes larmes ne s'arrêtèrent plus pendant quelques minutes. C'était incontrôlable et franchement gênant. Je détestais pleurer lorsque j'étais en colère. Mes sanglots s'arrêtèrent, enfin, et je repris doucement mes esprits. Son odeur était reposante.

— Tu sens bon, soufflai-je finalement.

Elle sourit avant de se décaler légèrement afin de mieux voir mon visage. Elle passa ses doigts sur ma joue et je rougis. Je n'osais même pas imaginer à quoi je devais ressembler.

— Tu sais, tu n'as aucune obligation de participer à ces « ateliers » de potions si tu n'en as plus envie ou que cela fait un peu trop de choses à gérer en ce moment.

— J'en ai envie. C'est juste la fatigue qui me fait faire des choses étranges. Comme m'effondrer comme une troisième année dans les cachots du château, ajouta aussitôt mon cerveau.

Elle me lança un regard dubitatif et ne put, évidemment, s'empêcher de rectifier ce qui avait été dit.

— C'est la fatigue qui fait que tu es à fleur de peau aujourd'hui, dit-elle d'une voix particulièrement douce, mais ce dont tu parles n'est pas anodin et n'a, de prime à bord, rien à voir avec le fait d'être fatiguée.

— Je sais, soupirai-je malgré-moi.

Elle eut un léger sourire avant de recommencer à jouer avec mes doigts.

— Si je me souviens bien, tu étais en troisième année lorsque ta mère…

— Oui. Pourquoi ?

— « M'effondrer comme une troisième année », répéta-t-elle simplement.

Il était vrai que ce genre d'expressions m'échappait de temps en temps. Pour autant, je n'avais jamais fait le lien avec ma mère. Cela semblait pourtant assez évident. Je rougis, quelque peu gênée qu'elle ait fait aussi rapidement un lien que je n'avais moi-même pas fait en plusieurs années. Le sol était froid et franchement désagréable, et je me réinstallai plus confortablement.

— C'était une année vraiment particulière, soupirai-je. Quand ils ont compris que, cette fois-ci, ma mère ne vaincrait pas la maladie, mon père a tout de suite voulu me retirer de Poudlard. Déjà, en première année, il voulait trouver un moyen de me désinscrire auprès du Ministère. Ma mère le lui a interdit. Quand elle est morte, je lui en ai beaucoup voulu. Je sais que c'est vraiment idiot, et je me sentais coupable d'être en colère contre elle alors qu'elle n'était plus avec nous, mais on passe tellement de temps à Poudlard et je ne l'ai quasiment pas vue de toutes ces années. Et il y avait Ombrage, et l'Armée de Dumbledore, et tout prenait constamment de l'espace dans ma tête. Des fois, j'oubliais ce qu'il se passait en-dehors de Poudlard, j'oubliais ma mère, et je me sentais vraiment coupable parce que non seulement, j'étais coincée à Poudlard et je n'étais pas avec elle, mais en plus il y avait toujours tellement de choses qui se passaient… D'un coup, résister à Ombrage et à la Brigade Inquisitrice paraissait bien plus important que quoique ce soit d'autre. Alors, en plus de ne pas être avec elle, je ne pensais pas à elle. Et puis, d'autres fois, j'avais juste l'impression qu'une partie de moi était juste bien contente de penser à autre chose. Tu sais, de ne plus vraiment m'inquiéter. Parce que, à partir d'un moment, elle pouvait parfois être très faible, et à chaque fois, ça me terrifiait de la voir dans cet état. Alors, des fois, cela me rassurait de savoir que je ne risquais pas de la voir dans cet état vu que je n'étais… Eh bien, pas présente. Et je me sentais encore plus coupable. Aux vacances de Pâques, j'ai juste eu le temps de poser mes affaires dans sa chambre et elle ne s'est jamais réveillée le lendemain. À la maison, j'oscillais constamment entre la colère et la tristesse et mon père avait tout le temps besoin de parler d'elle. C'était comme si elle était plus présente dans ma vie, maintenant qu'elle n'était plus là, qu'avant… lorsque j'étais à Poudlard. Je ne supportais pas ça. J'avais une stabilité émotionnelle toute relative cette année. Alors, je ne sais pas, j'ai dû associer cette tranche d'âge à ce genre de choses, j'imagine.

Je séchai les quelques larmes qui avaient continué de couler et, une fois fait, elle déposa ses lèvres sur le dos de ma main.

— Ceci explique pourquoi tu as souvent une moue coupable lorsque tu parles de ta mère…

J'haussai les épaules et elle sourit tendrement. Épuisée, je posai ma tête sur son épaule avant de me rappeler soudainement la réunion. Nous étions censées être avec les psychiatres et les apprentis médicomages. Ce sur-plein d'émotions était en complet décalage avec la situation et je rougis.

— Nous devrions peut-être les rejoindre…

— Es-tu sûre que c'est ce que tu souhaites ? Nous pouvons rester ici encore un peu, si tu le souhaites. Ou prendre l'air. J'ai cru comprendre que tu appréciais les balades près du lac…

Je souris avant de secouer la tête.

— Je vais bien. C'est juste… le trop-plein, je ne sais pas. Maintenant que c'est sorti, ça va mieux. Merci d'être venue, ajoutai-je rapidement en déposant un baiser sur sa joue.

À son air soucieux, je devinai tout de suite que je ne m'en sortirais pas aussi facilement. Elle sourit tendrement avant de se pencher légèrement vers moi.

— Même si cela est « sorti », comme tu dis, ce n'était pas anodin. Tu disais l'autre jour que tu avais l'impression de faire sens de certains événements à retardement. Peut-être que prendre le temps de se poser pourrait t'aider. Après tout, il s'est passé énormément de choses ces trois dernières années. Tu n'as pas eu le temps de vraiment faire sens d'un événement qu'une autre chose se produisait déjà dans le château.

— Je sais, mais je n'ai pas l'impression d'avoir le temps de me poser. À part quand nous sommes ensemble.

Je me raclai aussitôt la gorge.

— Nous devrions vraiment les rejoindre…

Elle n'eut pas l'air convaincu le moins du monde mais acquiesça tout de même, ce qui me fit évidemment sourire.

— Très bien, concéda-t-elle.

Le Dr. Higgins sortit de la salle au moment-même où nous nous décidions à la rejoindre.

— Oh, s'arrêta-t-elle en nous apercevant. Est-ce que tout va bien ?

— Oui, je ne me sentais juste pas très bien sur le moment.

— La réunion est-elle terminée ? enchérit Lilith.

— Non, ils sont toujours en train de débattre, mais j'ai d'autres impératifs.

Elle nous souhaita une bonne journée – ainsi qu'un bon rétablissement, avant de disparaître rapidement des cachots. Lilith jeta un œil à sa montre.

— Elle va voir Ethan, dit-elle simplement.

La réunion était, en réalité, pas loin d'être terminée. Shadlakorn eut juste le temps de nous lancer un regard soucieux avant de confirmer à un apprenti la prochaine date de ces « ateliers » de potions. Dès que nous fûmes libérées, Lilith vérifia trois fois que je n'allais pas m'effondrer à nouveau dans les cachots ; ce n'était pas comme si j'allais accidentellement trébucher sur une pierre et me mettre à nouveau à pleurer, mais cela ne l'avait absolument pas fait rire et elle s'était inquiétée une quatrième fois. Elle préférait être présente lorsqu'Ethan reviendrait à l'infirmerie pour son repas et je rejoignis seule la Grande Salle – ou presque. Carter et James semblaient discuter devant la porte… Rire, même.

C'était étrange de les voir ainsi, aussi proches, maintenant qu'ils n'étaient plus ensemble, elle qui avait passé plus de temps à l'esquiver en public qu'autre chose. Lorsque je remarquai qu'elle s'apprêtait à rejoindre le déjeuner, je ralentis. James se retourna aussitôt. Nous n'avions pas eu le temps de réellement discuté depuis la rentrée. Le seul cours en commun durant lequel nous pouvions échanger quelques mots avait été assommant – Verpal avait utilisé le prétexte des « vacances » pour nous demander trois fois plus d'attention.

— Est-ce que Parker va bien ? demanda-t-il alors que j'arrivai à sa hauteur.

Je n'avais même pas eu le temps de glisser un « salut » qu'il avait déjà abordé cette thématique.

— Ta petite-amie n'était pas en classe hier, ajouta-t-il rapidement. J'ai cru comme un idiot que c'était un crush mais vous étiez déjà ensemble, en fait. C'est Ian qui me l'a dit à la rentrée. Je l'ai appris en même temps que tout le monde, accusa-t-il avec un petit sourire.

— Alors… non, pas vraiment, bredouillai-je, gênée. On s'était déjà… Je ne sais pas, embrassées mais nous n'étions pas vraiment ensemble quand nous en avons discuté. Je suis désolée. Mais elle va… enfin, c'est compliqué pour elle en ce moment mais ça va. Et aussi, je crois que je dois à la fois te remercier et t'engueuler, en vrai, pour tes avertissements avant les vacances. Tu m'as foutu la trouille avec tes histoires de vacances et d'Alice, mais au moins nous en avons discuté. Alors merci.

— Ouais, j'ai cru remarquer que nos cours étaient un peu plus bruyants cette semaine qu'ils ne l'étaient avant les vacances, s'amusa-t-il. Je suis content pour vous.

Je secouai la tête avec un sourire, nous ne faisions clairement pas autant de bruit que ce que la plupart des personnes sous-entendaient. Je montrai Carter d'un geste de la tête, elle s'installait à la table des Gryffondors. Ni aux côtés de Griffin, ni aux côtés de Taylor.

— Longue histoire ? enchérit-il aussitôt. Je ne sais pas, elle est venue me parler il y a trois jours. Elle était beaucoup plus apaisée que d'habitude, c'était très étrange et différent de ces derniers mois. Nous avons beaucoup discuté, d'ailleurs nous n'avons fait que ça ces derniers jours. Elle s'est excusée. Je crois que le retour de Weasley a changé pas mal de choses dans leur salle commune.

— Comment ça ?

— Au début de semaine, Weasley et Griffin se sont pris violemment la tête dans leur salle commune. Tala m'a dit qu'elle n'avait jamais vu Griffin se perdre comme ça dans une colère aussi chaude. D'habitude, il s'énerve contre les gens quand ils ne sont pas là ou fait juste des sous-entendus et quelques remarques acerbes. Là, c'était tout autre chose. Ca a commencé par une dispute sur le quidditch parce que Weasley est devenue la capitaine de l'équipe et Griffin a été en colère contre O'Connell pour cette décision. Au début, Weasley n'était même pas présente et c'était juste Griffin qui se prenait la tête tout seul avec d'autres Gryffondors. Comme quoi c'était pas la première fois qu'O'Connell faisait un « coup en traitre » à sa propre maison. C'est à ce moment-là que Weasley et Taylor sont entrées dans la querelle pour défendre O'Connell, beaucoup de cris et de larmes ont suivis. Les premières années criaient pour défendre Griffin et les plus âgés ont tenté de faire revenir le calme, c'était visiblement n'importe quoi. Les Septièmes Années ont dû physiquement intervenir pour calmer les petits. Mais bref, ça c'est le résumé que j'ai cru pouvoir assembler entre les lignes. Tala a beaucoup parlé et elle n'est pas la plus structurée des personnes que je connais. Elle serait capable de te raconter une intrigue complètement accessoire dans un roman puis ensuite de te raconter la fin de l'histoire et elle trouverait encore le moyen d'être surprise quand tu lui dis que tu n'as rien compris.

Ceci expliquait que la majorité des Gryffondors, à l'exception d'un petit noyau, s'étaient calmés depuis la reprise. Weasley n'avait effectivement pas l'air d'avoir du temps à perdre avec le « drama », pour reprendre ses propres mots, et semblait avoir fait le ménage dans leur salle commune en une toute petite semaine. L'implosion de celle-ci, d'ailleurs, avait été beaucoup plus silencieuse et discrète que ce que j'avais imaginé. Je ne savais pas si cela était un bon signe ou non, cela dit.

D'ailleurs, le petit groupe formé par Griffin et Grey n'avait toujours pas l'air d'être à l'aise parmi nous autres et, alors que la plupart des élèves avait à peine commencé à se servir, ils avaient déjà quasiment fini de manger. Ils n'attendirent pas le dessert et sortirent aussitôt de la Grande Salle, me coupant dans mes réflexions. Nous nous décalâmes pour les laisser passer et je m'enquis, confuse par le lien entre les différents évènements.

— Donc la salle commune des Gryffondors implose et Carter s'apaise ?

Il vérifia que le petit groupe s'était suffisamment éloigné dans le couloir avant de me répondre.

— Tala a dit qu'elle avait vu sa petite sœur à travers Griffin et ça lui a fait un sacré choc. Je crois qu'elle est toujours en train d'essayer de faire sens de tout ça.

— Elle a une sœur ?

— Leila. En première année. Elle est assez inquiète.

— Pour sa sœur ?

Il acquiesça en montrant d'un geste de tête les petits aux cravates rouges, concentrés sur leurs cuisses de poulet.

— Pour la première fois depuis le début de l'année, elle était inquiète au lieu d'être en colère. Sa sœur tient un peu les mêmes discours tout faits que Griffin. Les premières années ont passé beaucoup de temps à entendre le « clan de Griffin » leur dresser le portrait du château, tu sais. C'est toujours comme ça quand on est petits, quand on y pense. C'est la première fois qu'on est tout seuls, sans nos… hm, parents, on ne connaît rien à Poudlard et on va chercher des informations sur la manière dont tout ce nouveau monde fonctionne. Et puis Griffin est préfet, alors, visiblement, les petits prennent toutes les informations qu'il leur donne comme si c'était des informations ultra confidentielles. Sa sœur en fait évidemment partie et Tala commence à se rendre compte des conséquences de leurs discours sur les plus jeunes. Ils sont ultra remontés contre les Serpentards… et les Serdaigles, désolé, se pressa-t-il d'ajouter. Au point où certains pensent que les Serpentards devraient être virés de l'école et que la maison devrait, purement et simplement, disparaître. Et puis, d'entendre Griffin se défendre contre Weasley au même titre que s'il avait réellement eu un rôle dans la Guerre, ça l'a visiblement beaucoup marquée. Elle a dit qu'il croyait toujours être dans le vrai, après cet événement et, qu'évidemment, Weasley et Taylor étaient devenues un problème à ses yeux. Ils ont une nouvelle expression. « Traitres à leur maison ». Je crois que Tala ne réalise toujours pas à quel point cette expression est violente et problématique, mais bref il a arrêté de parler aux deux mais est très en colère derrière leur dos. C'est également là que Tala s'est rendue compte que quelque chose n'était pas normal et, je cite, « qu'il était peut-être un peu paranoïaque sur les bords ».

— Un peu, répétai-je ironiquement. Le mec part en guerre contre chaque personne qui le contredit ou qui ne lui donne pas ce qu'il veut, c'est incroyable. Même O'Connell y passe.

— Oh, visiblement, il a insulté McGonagall aussi. Il l'a traitée de lâche. Weasley est devenue folle.

— Qu'est-ce qu'il reproche à notre directrice ?

— Je crois que c'était… Hm…

— Matt ? insistai-je.

— Elle a « cédé » à ces « cinglés de Serdaigles ».

— Oh… Pour les psychiatres, j'imagine. Quel connard, soufflai-je sans m'en rendre compte.

C'était franchement désagréable de se faire insulter de par l'appartenance à notre maison. Je fus bien contente, sur le coup, de ne pas avoir été répartie à Gryffondor ou Serpentard où ce genre de pratiques était malheureusement courante. Et puis, Griffin nous avait dit comprendre la nécessité de notre démarche mais ne pas vouloir y participer directement. Il était maintenant clair qu'il ne lui accordait en réalité aucune crédibilité. Il jouait sur deux tableaux différents, c'était insupportable.

— Et, bizarrement, ce sont souvent des filles qui lui posent soucis, ajouta James. Vous avez un grand problème sur les bras chez les préfets.

— Miller a dit qu'il s'en occupait. Nous avons une réunion bientôt, je ne suis pas sûre d'avoir très envie d'y assister. En tout cas, tu dois être rassuré pour Carter.

— Oui, même si elle est toujours ambivalente vis-à-vis de Griffin. Ca lui demande beaucoup de prendre du recul là-dessus et elle a l'impression de trahir un ami qui dit toujours oui pour aider ses camarades de maison. Je lui ai dit que c'était probablement le truc le plus Gryffondoresque qu'elle ait fait jusque-là… Je veux dire, d'accepter de voir la réalité vis-à-vis de lui, surtout parce que c'est un ami, mais elle n'est pas encore tout à fait prête à l'entendre, ajouta-t-il rapidement.

Je ne pus empêcher un léger sourire. Il avait l'air véritablement ennuyé qu'elle ne voit pas les choses ainsi et il y avait là quelque chose d'adorable. Il finit par rejoindre Miller et je me dépêchai de m'installer aux côtés des filles, sous le regard interrogateur d'Alice qui attendait impatiemment son compte-rendu. Les émotions de cette matinée m'avait franchement ouvert l'appétit et je me servis aussitôt installée. Cela sembla frustrer plus encore Alice qui, d'après Emily, avait déjà dû prendre sur elle de ne pas améliorer l'enchantement des premières années lorsqu'elle était sortie de la tour – elle n'avait pas voulu vexer Peter.


[NdA]

J'ai modifié une courte phrase de dialogue dans un chapitre (23). Au lieu d'être surprise comme une psychiatre française par le choix des mots quand elle apprend pour l'existence des maisons, la psychiatre rebondit simplement sur le fait que les sorciers ont également des maisons dans leur système éducatif vu que les « maisons » sont un truc britannique (je pense que ça ne rentrera jamais dans ma tête). Bon, ça change rien à part cette phrase parce que c'était plus la méthode de répartition que les maisons elles-mêmes qui avait provoqué une réaction chez les moldus, mais voilà.

Aussi, je crois, que le terme de « prise en charge » (dans le sens prise en charge médicale) m'échappe à certains moments. Ce terme, qui traduit une façon très française de concevoir les soins et la position de chacun des acteurs dans notre système de soin, n'a pas beaucoup beaucoup de sens dans un contexte anglo-saxon et il semble peu probable que des anglais l'utilisent. J'essaye de faire attention au contexte culturel mais je ne suis pas grande experte de l'Angleterre donc bon, des conneries risquent d'arriver encore (et doit y avoir d'autres projections françaises que je n'ai pas remarqué ou que je ne supprimerai pas).

Et comme me l'a rappelé ma bêtalectrice, je suis très gentille avec les psychiatres. Ils sont, évidemment, plus une forme de conglomérat de la sphère « psy » dans son ensemble, à la fois clinique et universitaire, que réellement des psychiatres (surtout que, comme je le disais déjà, leur discours est très anachronique et n'a pas grand sens pour des psychiatres anglais des années 1998/1999, ils utilisent des travaux qui n'étaient de toute manière pas encore sortis à l'époque et ne sont pas victimes des idéologies et courants de pensée de l'époque… ni de la notre, d'ailleurs, et heureusement pour nos élèves).