Chapitre 83 : Renouer avec sa destinée, partie 3 : Perspective

Le roi se concentra pour passer son rêve en revue et l'expliquer au jeune druide. Celui-ci en avait décrypté l'essentiel mais il était indispensable qu'Arthur expose d'abord ses propres conclusions.

Il commença par le début, évoquant le superbe tableau de force et de bravoure dans lequel il s'était vu évoluer lors les premiers instants, lorsqu'il combattait l'armée de Bastets. Il y avait réellement eu un avant et un après la chute de ce voile, qui avait révélé la véritable nature de ses ennemis en tombant. C'était ainsi que son esprit percevait le contraste entre l'époque qui avait précédé sa prise de conscience et celle qui l'avait suivie. La grande majorité de son existence n'avait été qu'une belle illusion, et son cerveau le torturait en le lui montrant de cette façon si brutale. Avec la conviction et l'arrogance du héros qui croit faire le bien, il avait fait le mal sans discontinuer. Comme dans son cauchemar, il avait combattu ceux qu'il prenait pour des monstres, tous ceux qui pratiquaient la magie. Gwen, Merlin, Gaïus, Gauvain, Elyan et Léon, tous placés derrière lui et portant des capes aux couleurs de Camelot, symbolisaient les siens, son peuple. Il avait réellement pensé le protéger, ce peuple. Comme il s'était trompé. Le dieu qu'il avait suivi avec tant de dévotion n'était autre que son père, Uther, celui qui lui avait donné la vie en pliant les règles de la nature, et celui qui l'avait entièrement façonné. Religieusement, Arthur avait suivi son modèle, complètement aveugle à la réalité de ce qu'il faisait.

Puis, il avait enfin compris, et tout avait changé. Les Bastets n'avaient jamais été que des Freyas. Les sorciers n'avaient jamais été que des innocents terrifiés. Tout comme la jeune fille, il les avait éliminés. Peiné par la trahison de son dieu tombé des nuages, il était en réalité blessé par ce que lui avait fait Uther, délogé de son piédestal. Comment avait-il pu faire de son propre fils une arme si injuste et cruelle ? Pourtant, la suite révélait qu'Arthur savait très bien ne pouvoir s'en prendre qu'à lui-même. Le miroir lui montrait qu'il était le véritable monstre. Le voile tombé lui montrait qu'il avait lui-même accepté de croire ces mensonges pendant si longtemps.

Un aspect intrigant de ce cauchemar était que la présence d'Emrys parmi ses proches était symbolisée par Gilli, comme si l'esprit du jeune roi voyait dans tous les sorciers qui le soutenaient en secret le visage du courageux villageois que Mordred et Fergus avaient brisé. Lorsque le miroir le lui avait montré à la place de l'un de ses proches, sans lui permettre de savoir duquel il s'agissait précisément, cela avait mis en avant l'impuissance qu'il ressentait à l'idée qu'Emrys se trouve dans son entourage, jamais démasqué. Complètement aveugle, comme à son habitude, le roi ne méritait pas l'aide si précieuse de cet homme.

Les Freyas avaient alors grandi. Soudain gigantesques, elles symbolisaient la puissance de la magie face à Arthur et ses alliés. Cette image lui montrait à quel point il se sentait vulnérable et faible face à une armée de sorciers. L'une d'elle avait d'abord tué son dieu, celle dont la robe était celle portée par la véritable Freya au bord du lac. Cette même robe qui lui rappelait les tenues de Morgane à l'époque où celle-ci vivait au château. Ce n'était pas un hasard : cette Freya-là représentait sa demi-sœur, qui avait tué Uther. Le chagrin qui le déchirait à cette pensée avait deux sources : le deuil de son père, qui avait fait de lui l'homme qu'il était aujourd'hui malgré d'impardonnables tromperies et crimes, et le deuil de la personne qu'avait été Morgane avant de sombrer dans la folie.

Tous ses proches massacrés un à un par les Freyas, Arthur avait vu son sentiment d'impuissance grandir. A travers cela, il voyait l'ampleur de sa propre terreur face à l'ennemi. La magie, qu'il avait bafouée, revenait pour se venger, et elle emporterait tout sur son passage. Gwen, Merlin, Gaïus, les chevaliers, Gilli. Les druides, qui avaient tous le visage de Chris. Aithusa, Kilgarrah. Tous ces gens qui portaient la cape de Camelot, qui représentaient ceux qu'il aimait le plus et son peuple. Son sang se glaçait en voyant qu'il avait causé la perte des siens, dans le songe comme dans la réalité.

Complètement anéanti, il avait entrevu par le biais du miroir la possibilité de remonter le temps et de rectifier ses erreurs, mais la paroi lisse de l'objet ne pouvait pas être franchie, elle ne pouvait offrir qu'une fenêtre vers ses erreurs. Son rêve était clair : malgré tous ses regrets, il ne pourrait jamais revenir en arrière et annuler ses crimes. Les hurlements accusateurs faisaient écho aux reproches qu'il s'adressait en boucle depuis son échange avec Mordred. Par ses voix qui lui criaient de s'éloigner, il exprimait l'idée qui le rongeait : il était la cause de cette catastrophe, et la meilleure chose qu'il puisse faire était d'épargner sa présence au reste du monde. Le bûcher était l'incarnation de son envie d'abdiquer, mais aussi de se punir en s'infligeant ce que les Pendragon avaient fait subir à tant d'autres. De même qu'il s'était senti de mieux en mieux à mesure qu'il s'était consumé, il envisageait avec soulagement la perspective de tout abandonner dans le monde réel. Tout serait enfin pour le mieux en son absence. Le royaume serait libéré. Lui-même serait libre de cette douleur. Il ne souhaitait pas partir uniquement pour le bien commun mais aussi pour se sauver lui-même du poids de toutes ces émotions.

Tout semblait désormais plus clair. Arthur voyait quels étaient les sentiments exacts qui l'habitaient, il connaissait leur source précise et il savait même quel chemin avait été suivi pour en arriver là. Ses souvenirs et ses sensations s'étaient eux-mêmes organisés d'une manière qui traçait le chemin causal des évènements à la source de son trouble. Se plonger dans cette analyse avait permis à son cerveau de reconstituer une chronologie. Pourquoi tout cela s'était produit. Comment tout cela s'était produit. Pourquoi lui. Comme l'avait promis Chris, il avait démêlé la pelote et comprenait ce qui reliait ses différents ressentis les uns aux autres. Ils n'en étaient pas moins intenses et douloureux, et son envie de fuir persistait sans le moindre doute, mais il ne baignait plus dans la confusion.

Une nouvelle fois, Chris l'avait écouté avec attention. Merlin et Gwen eux-mêmes semblaient plus silencieux, comme si son récit les avait aussi affectés malgré leur état de détachement.

-Vous ne le savez peut-être pas encore, car il faut le temps à votre esprit d'en prendre pleinement conscience, mais le cheminement que vous avez reconstitué est en soi suffisant pour vous aider à vous sentir mieux. D'une part car la compréhension logique de ce qui vous est arrivé est indispensable pour le digérer. D'autre part parce que comprendre ce qu'il s'est passé en détail permet de mettre en place votre vie pour que ça ne se reproduise plus jamais, pour rectifier, pour trouver des solutions.

Arthur restait peu convaincu. Si c'était vrai, il n'en était pas encore là. Mais Chris avait bien dit qu'il devait se laisser le temps d'assimiler ce changement de perception.

Après un long silence, le druide prit la parole, d'une voix qui avait quelque peu perdu de son calme.

-Sire, j'ai fait de mon mieux jusqu'à présent pour vous laisser comprendre de vous-même les choses, et je vois que vous avez beaucoup avancé, mais il y a tout de même une chose que vous semblez oublier. Ce que vous avez vu ne représente pas la réalité mais seulement ce que vous ressentez. C'est une torsion des évènements créée par votre esprit. Certes, elle révèle votre perception des choses de manière claire et nous en avons bien sûr besoin, mais il ne faut surtout pas s'y arrêter. A présent que vous voyez un peu mieux vos propres émotions, parvenez-vous à prendre du recul sur elles ? Par exemple, vos sentiments vous montrent un avant idyllique et un après catastrophique alors que la réalité est bien plus nuancée. Même avant de connaître la vérité, vous avez fait preuve d'héroïsme à de nombreuses occasions, ce qui vous a valu le respect et l'affection de vos proches. De plus, les monstres que vous avez vaincus à cette époque étaient pour la plupart des agresseurs. Il n'est pas raisonnable de voir tous ces gens comme des symboles d'innocence. Et c'est votre père qui pourchassait les êtres magiques jusque chez eux, alors que vous vous contentiez de répondre aux attaques menées contre vous. Je ne nie pas que vous avez parfois mis tous les sorciers dans le même sac, voire que vous avez occasionnellement agi en conséquence, mais cela a toujours été rare et presque toujours sur ordre d'Uther. Quand ce n'était pas le cas, c'était tout de même votre éducation qui vous y poussait.

Chris fit une pause, reprit son souffle :

-Ce n'est pas tout. Votre peuple, que vous pensiez protéger et à qui vous êtes persuadé d'avoir nui… Vous l'avez réellement protégé, à plusieurs occasions. Ce n'est pas pour rien qu'il vous aime tant. Quant à Uther, vous n'avez jamais fait preuve envers lui de cette dévotion aveugle et stupide que vous imaginez. Vous vous êtes opposé à lui à bien des reprises, lorsque votre cœur vous soufflait qu'il était dans l'erreur. Ne laissez pas ces émotions, aussi fortes soient-elles, aussi justifiées qu'elles puissent sembler, assombrir votre jugement. Voyez la situation avec justesse, ne soyez pas ébloui par ce que vous avez récemment appris au point de vous caricaturer. Votre rêve révèle tous ces raccourcis que vous prenez pour porter un jugement biaisé sur vous-même. Ils sont utiles pour comprendre votre état d'esprit et vos blessures mais ils ne représentent pas la vérité. Il est étonnant que vous voyiez votre père de manière si nuancée sans pour autant appliquer ce même regard sur vos propres actes. Vos sentiments pour lui révèlent que vous vous sentez trahi, que vous voyez bien sa part monstrueuse, mais aussi qu'une part de lui vous manque dans ce qu'il vous a apporté de positif, à vous et au peuple de Camelot. Pourquoi ne prenez-vous pas sur vous-même le recul que vous parvenez à prendre sur lui ? Par exemple, votre incapacité à voir qui est Emrys ne vient pas uniquement d'un aveuglement de votre part mais aussi des efforts déployés par ce dernier pour protéger son identité. Un autre exemple : votre vulnérabilité face à l'ennemi n'est pas si grande que vous le pensez. Et un autre : il n'est pas trop tard pour rectifier certaines de vos erreurs. Et encore un ! Vous n'avez pas causé la perte de votre peuple. Je peux continuer à vous en donner : vous pensez vous soulager et soulager le monde en vous échappant, mais vous savez bien que ce n'est pas aussi simple. Tempérez toutes ses croyances que vous avez, vous devez reprendre le contrôle sur vous-même et agir de manière raisonnée. Acceptez vos émotions mais ne les laissez pas vous dominer au point de ne plus voir la réalité.

Les mots du jeune druide touchaient quelque chose en lui. Ils le forçaient à sortir de l'apitoiement pour prendre du recul. Mais d'une certaine manière, cela ne changeait rien.

-Il est vrai que tout n'est pas noir ou blanc, admit-il. Mais nous aurons beau nuancer et faire preuve d'indulgence, cela ne changera pas fondamentalement ce que j'ai fait, ce que je n'ai pas fait, ce que j'aurais dû faire, ce que je regrette.

-Non, à condition de nous concentrer sur ce que vous avez réellement fait et ce que vous auriez réellement pu faire différemment. Non sur des chimères nourries par votre sentiment de culpabilité et l'envie malsaine de vous accabler.

Le druide s'interrompit soudainement.

-Que se passe-t-il ? s'alarma Arthur.

Pas de réponse. Chris écarquillait les yeux. Puis, fronçant les sourcils, il tourna son regard vers Guenièvre, toujours allongée au sol et inconsciente.

-Je perçois d'étranges émotions de sa part. Insistantes. Une intense frustration : elle voudrait pouvoir communiquer avec vous. Elle projette une volonté de transmettre un message si forte que je ne peux pas passer à côté. Elle souhaite vous dire quelque chose, quelque chose qui pourrait vous aider.

-Mais… Pourquoi ne se réveille-t-elle pas, si elle a atteint un tel état de conscience ?

-Je pense qu'il est encore trop tôt.

-Peux-tu comprendre ce qu'elle souhaite me dire uniquement par le biais de ce qu'elle ressent ?

-Peut-être.

Il réfléchit quelques instants, puis sembla se décider :

-Oui, je vais essayer, je pense savoir comment faire. Si elle est assez éveillée pour nous entendre et nous comprendre, je peux lui parler et me baser sur ses réactions émotionnelles pour en déduire un message simple.

Arthur hocha la tête, tendu. Sans un mot, il rejoignit le jeune druide, qui s'agenouillait au sol auprès de la reine.

-Ma Dame, dit Chris, je vais vous poser quelques questions et me baser sur vos émotions, vos intentions et votre état d'esprit pour faire la lumière sur ce que vous souhaitez nous dire. Si vous m'entendez, essayez de faire le vide en vous et de vous concentrer sur nos paroles.

Il y eut un silence.

-Je sens que vous êtes d'accord, je vais donc commencer. Ce que vous souhaitez nous dire a pour but d'aider Arthur a surmonter ses tourments, c'est bien cela ?

Nouveau silence.

-Elle confirme, dit-il à Arthur sans la quitter du regard.

Ce dernier l'observait avec fascination, ébranlé par l'utilisation qu'il faisait de son pouvoir et admiratif devant son niveau de concentration.

-Ma Dame, je pense pouvoir vous faire épeler un ou plusieurs mots en me basant sur les sensations d'accord et de désaccord que je peux percevoir de votre part. Pourriez-vous résumer votre pensée en un nombre de mots minimal ?

Silence.

-Elle a semblé confuse un instant mais elle confirme. Avec véhémence.

Il réfléchit un instant, puis :

-Je vais d'abord vous demander combien de mots suffisent à exprimer votre pensée. Je vais compter à partir de un et attendre votre réaction pour chaque chiffre.

Il marqua une pause pour lui laisser le temps de se préparer.

-Un, dit-il doucement.

Silence.

-Oh, vous confirmez déjà ?

Silence.

-Très bien, cela n'en sera que plus facile. Je vais maintenant passer en revue toutes les lettres de l'alphabet, concentrez-vous pour que je sente le moment où nous atteindrons la première lettre de votre mot.

Avec cette méthode, ils parvinrent peu à peu à épeler le mot que la jeune femme souhaitait communiquer à son époux : E-L-Y-A-N

-Elyan, dit le druide, c'est le nom de l'un de vos chevaliers, n'est-ce pas ?

-Oui, et celui du frère de Gwen.

-Elle veut que vous pensiez à lui…

Le souverain était songeur. Il avait compris quel mot elle souhaitait lui communiquer avant qu'elle l'ait épelé entièrement, mais il ne parvenait pas à voir où elle voulait en venir. Quel était le lien entre sa situation et le jeune chevalier ?

Puis, la réponse le frappa, et il se sentit stupide de ne pas l'avoir saisie immédiatement. Gwen le comparait à Elyan car ce dernier se montrait profondément brisé depuis la dernière prise de pouvoir de Morgane. La culpabilité d'avoir succombé à la torture de la sorcière le rongeait, et la perte de son ami Gaël le hantait. Oscillant entre un état de tristesse et de dégoût de soi, sa situation était en réalité plutôt proche de celle dans laquelle se trouvait aujourd'hui Arthur, même si cela se jouait à des échelles différentes. Tous deux avaient la sensation d'être mauvais, d'avoir trahi, d'avoir échoué à protéger. Un sentiment d'accablement et de regret les écrasait et les enfonçait jour après jour dans la peine. Par ce message, Gwen invitait son époux à se rappeler la vision qu'il avait eue du malheur d'Elyan, le sortant ainsi de son propre point de vue pour lui montrer comment Chris et les autres le voyaient actuellement. Arthur n'avait jamais reproché à Elyan d'avoir plié face à la douleur infligée par Morgane, il savait que ce n'était pas sa faute. Pour lui, le chevalier était un homme qui avait été détruit de l'intérieur. Ce qu'il avait subi entre les mains de la traîtresse de Camelot avait brisé sa confiance en soi. Il n'était plus sûr de lui et il considérait sa personne et ses actes comme médiocres. La seule chose qui pouvait l'aider à se reconstruire et à ne plus être aussi fragile, c'était le temps. Mais Elyan pouvait y arriver, et depuis leur retour de l'île, il paraissait déjà plus solide. Travailler avec Gwen pour démasquer Tina et Fina, combattre Fergus, partir en mission pour Arthur, tout cela lui avait permis de faire ses preuves et de renouer avec sa destinée. C'était un chevalier.

Alors qu'en était-il d'Arthur ? On ne pouvait nier les similitudes entre leurs deux cas, mais personne n'avait torturé le jeune roi pour le pousser à… faire ce qu'il avait fait. C'était là toute la différence. Elyan n'avait réellement rien à se reprocher. Toutefois, le souverain comprenait que l'intention de Gwen était surtout de comparer leurs façons de se voir eux-mêmes. Cette façon de se détester et de se morfondre qui empêchait de se juger de manière raisonnable et de voir clairement les choses, ne les montrant que par le prisme de ses émotions du moment. C'était précisément ce que Chris était en train de lui reprocher au moment où Gwen était… intervenue. Il voyait les bons et les mauvais aspects d'Uther mais ne s'accordait pas la même honnêteté intellectuelle lorsqu'il s'observait lui-même. L'exemple d'Elyan offrait une perspective encore différente car, même si le souverain avait de meilleures raisons de se haïr et de sombrer dans la déprime, il apercevait dans le jeune chevalier un chemin qui s'ouvrirait peut-être à lui plus tard. Elyan avait sans doute longtemps eu l'impression que tout était perdu et qu'il ne méritait pas le pardon, ce n'était qu'avec le temps et à travers l'action qu'il avait pu sortir de ce point de vue.

L'idée qu'Arthur ne se verrait pas toujours ainsi et que ce n'était qu'une phase avait beaucoup d'attrait mais elle ne s'appliquerait que s'il était raisonnablement envisageable de pardonner ses actes. Mais même en utilisant la logique au lieu des émotions, il restait indéniable qu'il avait failli et causé beaucoup de mal. Son éducation ne justifiait pas tout. Il sourit tristement en prenant la main de la jeune femme. Il n'y avait bien sûr que Gwen, ou peut-être Merlin, pour croire en lui à ce point. Elle l'avait probablement entendu pleurer à son chevet quelques jours plus tôt, et elle continuait à prendre soin de lui par-delà son coma.

Il relata ce qu'il avait compris à Chris, qui ne tarda pas à réagir avec véhémence :

-Elle confirme bien ce que je vous disais, nous sommes plusieurs à le voir, vous savez. J'espère que sa comparaison vous permettra de mieux appréhender ce que tout votre entourage sait déjà. Si vous petes si mauvais, pourquoi croyez-vous que personne ne vous a abandonné ? Pourquoi sommes-nous tous là à vos côtés ? Vos chevaliers ? Les druides ? Les dragons ? Emrys ?

Arthur n'avait pas dé réponse à offrir. L'opinion de ses proches et de ses alliés comptait évidemment pour lui, mais ils se montraient trop indulgents. Beaucoup d'autres avaient une opinion opposée, et ils se massaient actuellement en une armée prête à raser la citadelle.

Chris n'ayant aucun besoin d'une réponse orale pour connaître sa réaction, il poussa un soupir :

-Sire, lorsque nous avons entamé cette conversation, vous souffriez et vous saviez exactement pourquoi, mais vous n'aviez pas creusé au cœur de vos ressentis pour les démêler. A présent, c'est chose faite et cela vous a donné du recul. Pourtant, vous vous laissez toujours dominer par eux.

Il fit une pause, volontairement mesurée, avant de reprendre :

-Lorsque nous avons entamé cette conversation, vous n'aviez pas non plus organisé vos souvenirs de manière à faire ressortir les étapes successives de ce qu'il s'est passé et qui vous ont mené à agir ainsi. Je pense en particulier au fait que tout ce qui peut vous être reproché a eu lieu sous la houlette de votre père ou suite à son éducation mensongère. A présent, c'est chose faite et cela vous a donné du recul. Pourtant, vous refusez encore de voir l'ampleur de son influence sur l'homme que vous étiez, et vous continuez à prendre une trop grande part de responsabilité sur vous-même.

Nouvelle pause, puis il reprit une troisième fois selon la même structure :

-Enfin, lorsque nous avons entamé cette conversation, vous n'aviez pas fait le rapprochement entre la situation de votre chevalier et la vôtre. A présent, c'est chose faite et cela vous a donné du recul. Pourtant, vous n'admettez pas que vos sentiments soient aussi injustifiés que les siens et que le chemin de reconstruction qu'il arpente aujourd'hui puisse bientôt être le vôtre.

Ce dernier silence parut plus lourd que tous les autres. Enfin, il conclut :

-Le but de toutes ces mises en perspectives étant d'aboutir à des solutions pour que vous approchiez les choses de manière plus saine et pour vous redonner un élan vital, je vous invite à réfléchir à nouveau à tout cela. Il faut laisser le temps à un embryon d'espoir de se développer, de la même façon que la graine de désespoir semée par Mordred vous a petit à petit envahi suite à votre rencontre.

Puis, le menton tremblant, il se tut.


Note : Merci à naomithib13 et Nio pour vos reviews. Nio, je ne peux pas répondre par un message privé comme tu n'as pas posté depuis un compte, mais j'ai été très touchée par ton commentaire et je te remercie mille fois !