Les rues du Queens arborèrent les couleurs de l'aube en ce mercredi vingt-trois mars. Pour les lycéens de Midtown High, c'était une banale matinée de cours les esprits demeuraient encore embrumés par le sommeil, mais la présence de leurs camarades les revigore vite, et il ne fallut pas longtemps pour que les couloirs de l'école soient envahis par une marée de voix.
Peter et Ned attendaient devant la porte de leur salle d'informatique au premier étage, le dos collé au mur et leur sac à dos à leurs pieds. Le garçon à la peau ébène somnola un peu, donc il se frotta régulièrement les yeux afin de rester éveillé. Ils étaient venus plus tôt que d'habitude pour ranger tranquillement certaines de leurs affaires dans leurs casiers, puis ils sont directement partis s'éloigner de tout regard. Ce fut leur rituel, un mécanisme perpétué depuis qu'ils se connaissent. Ils avaient beau obtenir tous les deux d'excellentes notes et disposés de nombreuses compétences, le simple fait d'être fan de culture populaire fut suffisant pour que des petits groupes d'élèves les prennent de haut et se moquent de leurs centres d'intérêts derrière leurs dos. Le superhéros araignée trouva cela bien ironique, étant donné que les bribes de discussions qu'il entendait de part et d'autres dans les allées furent bien plus puériles et superficiels que les leurs.
Peter laissa échapper un soupir… Contrairement à ses camarades qui ignoraient ce qu'ils allaient apprendre dans la journée, le jeune homme connaissait à l'avance les sujets et les déroulés des cours. Les thèmes étudiés, la durée des leçons sur les semaines, les exercices proposés, les réponses aux questions des enseignants et auxdits exercices… Ce fut systématiquement la même rengaine. Sa vie scolaire restait exactement identique dans toutes les timelines qu'il a vécus. Cela l'a grandement aidé à s'améliorer dans des matières où il était un peu plus faible que les autres et à ajuster parfaitement son métabolisme amélioré pour qu'il puisse donner le meilleur de lui-même en sport et en décathlon sans éveiller les soupçons sur ses pouvoirs. Cependant, comme son quotidien à Midtown High se répétait telle une vidéo en rembobinage constant, Peter devait réécouter ses professeurs narrer leurs cours qu'il a déjà entendu plusieurs fois en tant que voyageur temporel, tout en gardant le masque de l'étudiant prodige attentif et peu bavard afin que personne ne prête attention à lui. Ses journées lui parurent alors horriblement longues, et l'atmosphère factice et étouffante qui régnait entre les murs du lycée le fatiguait encore plus qu'une nuit de patrouille. La seule raison qui le poussait à continuer à y aller malgré sa lassitude fut Ned et MJ les conversations et les blagues foireuses de son meilleur ami parvenaient toujours à dessiner l'ombre d'un sourire sur ses lèvres, tandis que la jeune fille appréciait sincèrement le duo malgré son caractère détaché.
Au bout d'un quart d'heure de silence, les portes d'accès à l'étage émirent soudainement un grincement. Peter tourna la tête en direction de la source du bruit, et il aperçut la silhouette de Flash à l'autre bout du couloir. Il n'y avait rien d'anormal à sa présence, étant donné qu'il assistait aux mêmes cours que les deux amis. Toutefois, en l'observant attentivement, l'adolescent aux cheveux bruns remarqua quelque chose de différent par rapport au nouvel arrivant : son visage ne montrait aucun signe de vanité ou d'arrogance. Au contraire, il paraissait morose et renfermé. Ce caractère étrange intrigua le monte-en-l'air… D'ordinaire, Flash ne manquait jamais une occasion d'afficher son statut d'héritier d'une riche famille à qui lui accorde une partie de son temps. Beaucoup fermaient les yeux sur ses résultats somme toute moyens et son comportement égocentrique dû à son appartenance à une classe privilégiée, car tout le monde savait qu'il possédait les moyens pour se permettre de vivre un train de vie confortable sans être inquiété par d'éventuelles sanctions. Ici, le jeune homme au teint basané semblait se faire le plus discret possible, comme s'il cherchait à s'isoler dans un endroit reculé loin de tout contact humain.
Alors que Peter commençait à s'interroger sur l'attitude inhabituelle de Flash, les deux élèves se croisèrent subitement du regard à la manière de suricates. Il y eut un moment de flottement, durant lequel aucun d'entre eux n'esquissa le moindre geste... Puis après quelques secondes de suspension, l'adolescent aisé tourna la tête vers la gauche, ses traits laissant transparaître de la panique et de l'appréhension, avant de s'enfuir en direction des toilettes. Le garçon araignée écarquilla les yeux devant la réaction inattendue de son bourreau... Ce dernier profitait normalement de la moindre opportunité pour lui étaler sans retenue sa chance et sa popularité, qu'importe l'heure de la journée ou le prétexte pour recevoir des piques. Pourtant, cette fois-ci, Flash n'a pas cherché à s'approcher du duo pour les insulter ou même à rire dédaigneusement d'eux à distance il a immédiatement tourné les talons à la vue de sa principale victime de son complexe d'infériorité. Peter fut tellement surpris par ce qu'il venait de se passer qu'il resta figé tel du marbre pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce qu'il sente une main se poser sur son épaule. Ce geste familier le fit brièvement sursauter, mais il se reprit immédiatement en entendant la voix de Ned.
- Ça va, Peter ? Demanda-t-il d'un air soucieux. Quelque chose ne va pas ?
Le jeune homme prit dix secondes pour mettre de l'ordre dans son esprit, puis il répondit à son ami :
- J'ai vu Flash arrivé à l'étage.
- Ah ouais ? Ned baillait tellement qu'il n'avait pas entendu les portes du couloir s'ouvrir ni eut le temps d'apercevoir le gredin.
- Oui… On s'est observé de loin pendant un instant… Mais il a tout de suite détourné le regard et est parti ailleurs.
- Vraiment ? S'exclama Le garçon à la peau brune avec stupeur, les yeux grands ouverts.
Peter hocha la tête en signe d'approbation. Ned resta silencieux, puis sa stupéfaction devint petit à petit plus posée.
- En y repensant, ce n'est pas la première fois qu'il fait ça.
- Hein ? Le garçon araignée ne s'attendait pas à cette remarque.
- Tu l'as remarqué, non ? Flash ne s'approche plus des autres depuis le début de l'année, pas même de nous. Son ancien groupe d'amis s'est éloigné de lui, et il reste seul et muet durant la journée. On ne l'entend même plus parler en cours. Des bruits de couloirs ont circulés pendant quelques jours sur ce changement de comportement de sa part, mais je n'ai pas plus de détails sur ces rumeurs car elles ont finalement disparues assez vite.
Le jeune homme observa son partenaire du crime d'un air circonspect… Etant donné qu'il recommençait une boucle à partir de mars, il ne possédait que de vagues souvenirs des deux mois précédents, ce qui fait qu'il se remémore ce qu'il s'est passé avant son "réveil" par le biais de Ned ou MJ. Il arrivait que quelques détails puissent varier entre les essais, comme des absences de professeurs ou des tests surprises qui rajoutent des notes dans les bulletins des étudiants, mais rien de bien distinctif. Cependant, c'était la première fois que Peter constate un tel changement par rapport à une personne qu'il croise régulièrement.
- Heh… Du moment qu'il nous laisse tranquille et qu'on n'a plus à l'entendre parler de son égo à tout bout de champs, je ne vais pas m'en plaindre. Continua nonchalamment Ned en appuyant sa tête contre le mur derrière lui.
Peter ne prononça pas un mot suite à cette déclaration et détourna à nouveau le regard vers l'autre bout du couloir, l'air pensif… Il comprenait le sentiment de son meilleur ami, et une partie de lui fut également soulagé de ne plus être obligé de raser les murs afin de ne pas être pris à parti par des brutes d'école à la fin des cours. Cela étant, voir le visage de Flash teinté de tristesse ne le réjouissait pas… L'adolescent considérait l'héritier fortuné comme quelqu'un de désagréable, voire d'irascible dans ses pires jours, mais il ne l'a jamais véritablement détesté. Qu'est-ce qui a provoqué ce revirement de caractère ? Pourquoi Flash s'est-il soudainement retrouvé tout seul ? Pourquoi était-il aussi maussade et prompt à rejeter la lumière des projecteurs qu'il souhaitait auparavant s'accaparer ? Tant de questions dont les réponses lui échappaient.
Les retentissements de la sonnerie coupèrent alors le fil de sa pensée. Le calme de l'étage disparut, et des meutes d'élèves sortirent les uns après les autres en tintamarres de la porte d'accès. Peter observa le couloir se remplir de monde d'un air impassible, puis il poussa un soupir.
Encore une longue matinée qui commence.
Ainsi, les heures passèrent. À nouveau les mêmes cours, à nouveau la même tonalité de voix des professeurs, à nouveau les mêmes thématiques que le garçon araignée connaissait désormais sur tous les angles. Peter écrivit machinalement les leçons des enseignants avant qu'ils ne les prononcent afin de se donner une occupation pour tromper l'ennui, tout en gardant suffisamment d'attention pour répondre à leurs questions s'il venait à être interrogé au détour d'une explication. Heureusement, les adultes préférèrent interpeller d'autres de ses camarades plutôt que lui, ce qui lui permit de consacrer son temps à penser à autre chose que sa scolarité. Dès lors qu'il finit d'écrire les enseignements du jour, il gribouilla quelques notes au crayon sur toutes les pensées qui traversait sa tête, puis il les effaça avant d'en réécrire des nouvelles, laissant les aiguilles de l'horloge tourner avec indifférence.
Arriva finalement la dernière matière de la journée : les mathématiques. Comme Peter s'y attendait, son professeur interpella la classe qu'ils vont passer un contrôle surprise, puis il distribua les feuilles aux élèves en leur annonçant que le test durera toute l'heure. Si la plupart des adolescents apparurent bougons de subir un test juste avant la fin des cours, ils finirent par être tous absorbé dans leurs copies au bout de quinze minutes. Le silence régna alors dans la salle, et les seuls bruits sourds perceptibles à l'oreille furent les grattements des stylos sur le papier. Le garçon araignée fixa la page blanche tachetée de mots d'encre sur son bureau avec des yeux vides, sa tête reposant sur sa main gauche… Cet examen de maths n'était pas compliqué en soi il s'agissait simplement d'un test de connaissance pour s'assurer que les lycéens aient bien compris la méthodologie pour résoudre des formules complexes. Du fait de ses souvenirs du futur, cinq minutes auraient suffi au jeune homme pour terminer ce contrôle. Cependant, s'il redonnait sa feuille dans un laps de temps aussi court, tout le monde se poserait des questions sur sa rapidité déconcertante, et il savait très bien à quel point une rumeur peut très vite perdre toute proportion et se répandre telle une traînée de poudre au sein d'un milieu friand de ragots comme l'école. Peter trouva alors une parade : il espaça chacune de ses réponses de deux à trois minutes, histoire de retarder son départ d'environ une demi-heure, tout en observant régulièrement quel camarade partait. Lorsqu'il vit trois d'entre eux s'en aller et une fois qu'il fut certain d'avoir correctement répondu aux questions, Peter rangea ses affaires, se leva et déposa sa copie sur la table de son professeur. Il fit un petit geste discret de la main à Ned avant de franchir la porte, qui le lui rendit en retour avec un petit sourire. Une fois sorti de la salle de classe, le monte-en-l'air poussa un petit soupir de soulagement, puis il se dirigea vers la sortie du lycée d'un pas décidé.
Bien. Les cours sont enfin terminés. Maintenant, au boulot. Pensa-t-il avec détermination. Puisque May restait exceptionnellement de garde la nuit à l'hôpital, il pouvait passer le reste de la journée en Spider-Man.
Peter déambula dans plusieurs rues du Queens, longeant les grandes avenues de l'arrondissement jusqu'à arriver au cimetière des autobus. Il vérifia d'un œil prudent qu'aucune présence suspecte ne l'ait suivi avant de se faufiler à l'intérieur à travers la brèche. Une fine brise circula entre les totems métalliques, venant ainsi caresser sa peau à mesure qu'il se rapprochait du centre de la décharge… Malgré l'odeur de rouille et les fins rideaux de poussières qui recouvraient les véhicules vétustes, le jeune homme trouva en ce lieu un havre de paix qui se rapproche de celui qu'il a connu il y a très longtemps de cela à la Tour des Avengers. Ce petit terrain délimité par des grillages ressemblait à un sanctuaire sacré honorant le passage de ces géants de métal brisés, dont la simple action d'y fouler le pied purgeait son âme de ses tourments et de ses idées noires. Cet endroit était son royaume, sa forteresse de solitude, son monde miniature à part de la réalité. Tant qu'il était ici, le garçon araignée se sentait apaisé et libre de toute illusion et faux-semblant.
Au bout de quelques minutes de marche, Peter arriva devant un ancien bus scolaire : sa couleur grise délavée et sa longueur exceptionnellement grande le distinguait des autres carcasses de la décharge. La moitié des sièges avant ont été retirés, ne laissant que les dernières rangées de fond de disponible pour s'asseoir. Bien qu'il ne dispose plus de ses roues, les fenêtres et la porte sont restés en bon état, capables de s'ouvrir et de se fermer comme bon lui semblait. Etant donné qu'il se situait aux pieds de quatre montagnes de véhicules cassés hautes de plusieurs mètres telles des tourelles protectrices, il échappait facilement au regard des curieux, ce qui en fit un repère idéal pour le jeune homme. Le monte-en-l'air rentra dans l'autobus, puis il ferma silencieusement la porte derrière lui. Il s'assit sur l'un des sièges de la banquette arrière, posa son sac à dos sur son côté gauche et ressortit tout son contenu sur son côté droit son costume de Spider-Man était plié à l'intérieur d'une protection plastique, tandis que son arsenal fut rangé dans une grande boîte.
Au fur et à mesure que les boucles se répétaient, Peter prit le temps de faire une introspection sur lui-même en tant que superhéros : son métabolisme surhumain et sa guérison améliorée firent de lui un excellent combattant pouvant tenir tête à des individus comme Captain America et Winter Soldier, mais il se retrouvait impuissant face à des êtres aux pouvoirs magiques comme Docteur Strange ou Scarlet Witch. Ses capacités physiques ne fonctionnaient pas contre des capacités spirituelles. Un autre point qui le handicapait durant les combats était son absence de défense : à part ses lance-toiles, il ne possédait aucun autre moyen de se défendre que ses poings et ses coups de pieds, ce qui le rendait particulièrement vulnérable devant des ennemis avec des pistolets et des poignards. Ainsi, comme il disposait de la faculté de se remémorer de ses précédentes itérations, le jeune homme usa de ce temps illimité accordé par la boucle temporelle afin de corriger ses défauts ; il s'est créé un tout nouveau costume ayant la même composition de matériaux que son ancien uniforme StarkTech (sans les technologies avancées et son intelligence artificielle personnelle Karen puisqu'il n'avait plus accès au laboratoire de Tony) et il s'est construit divers armes faites entièrement à la main : en plus de ses lance-toiles, Peter a rajouté un bâton de combat rétractable, des bombes fumigènes et aveuglantes, ainsi qu'un taser à sa panoplie de superhéros. S'ensuivirent de longues sessions d'entraînements solitaires au cimetière des autobus, à frapper les déchets de la décharge et à développer ses réflexes au maximum, gagnant de l'expérience et apprenant de ses erreurs à chaque patrouille qu'il réalisait. Aujourd'hui, après plus d'une dizaine de timelines et une durée incalculable d'apprentissage, l'adolescent était devenu le gardien héroïque incontesté de New York. Son sens de l'araignée et son instinct sont aussi affinés qu'une lame d'épée, et il pouvait désormais affronter des groupes entiers de criminels tout seul et sans subir la moindre blessure. L'inexpérience et la naïveté de ses débuts n'existaient plus… Peter savait maintenant comment arrêter les menaces qui se présentaient à lui par lui-même.
Après une courte vérification de l'état de son équipement, le jeune homme enleva ses vêtements pour les troquer contre son costume : s'il ressemblait dans la forme à celui que Tony lui a offert dans des temps oubliés, les couleurs dominantes qu'étaient le rouge vermillon et le bleu se sont changées en rouge carmin et noir. Il possédait de longs gants noirs au bras, et le symbole de l'araignée ornant auparavant son torse s'affichait en grand sur une veste à la teinte sombre sans manches et à capuche. Une fois avoir recouvert son visage de son masque et attaché ses armes autour de sa ceinture, Peter dissimula son sac à dos sous les sièges du bus, recouvrit entièrement les banquettes d'une couverture usée récupérée durant une mission, puis il sortit finalement de son repère en fermant précautionneusement la porte avant de partir vagabonder dans sa ville au bout de ses toiles.
Quelques secondes de vol suffirent pour qu'il repère trois hommes cagoulés caché dans une ruelle se préparant à commettre un braquage dans un magasin de bijoux. Le superhéros se posa instantanément à l'autre bout de l'allée, enleva la goupille d'une de ses bombes fumigènes et la balança en direction des bandits. Cette dernière explosa à trois mètres d'eux, dégageant à son impact une énorme quantité de fumée blanche. À la seconde où les brigands furent aveuglés et désorientés par le voile aveuglant, Spider-Man s'élança vers leur direction à pleine vitesse et les assomma un à un avec son bâton de combat, le tout dans un silence absolu. Aucun mot, aucune plaisanterie, aucune raillerie… Rien. La discrétion et la furtivité étaient ses meilleures armes pour vaincre ses adversaires. Il attacha par la suite les criminels avec ses toiles et les déposèrent à l'entrée de la ruelle pour que la police se charge de les arrêter, puis il repartit de nouveau se balancer d'un gratte-ciel à un autre à travers les arrondissements, prêt à intervenir à n'importe quel moment.
Le soleil disparut graduellement derrière les nuages, et en un claquement de doigts, la voûte astrale céda sa place au ciel nocturne. Peter se reposait paisiblement à l'intérieur de son repère, de nouveau habillé en civil, recroquevillé sur un siège à côté d'une fenêtre et observant les étoiles en un après-midi, il a empêché trois accidents de la route, une tentative d'agression et deux cambriolages. Il a également aidé quelques personnes à retrouver leurs animaux de compagnie égarés et a ramené un enfant perdu auprès de sa mère. Autant dire que la journée fut plutôt chargée pour le superhéros araignée. Cependant, cela n'importunait aucunement l'adolescent… Même si son optimisme et son innocence sont morts et enterrés six pieds sous terre, il n'a jamais abandonné son empathie envers autrui. Tant que quelqu'un avait besoin d'aide, il n'hésitait pas à lui tendre la main. Chaque vie qu'il sauvait à son échelle, chaque sourire qui illuminait les visages des innocents, chaque accident qu'il arrêtait avant qu'il ne se produise redonnait des petites étincelles de chaleur dans son cœur gelé.
Après une demi-heure de silence, Peter contempla son reflet sur la vitre de la fenêtre… Des petits cernes noirs se dessinaient sur le bord de ses yeux, et ses iris prirent brièvement une couleur verte émeraude avant de retrouver leurs teintes brunes originelles. À quand remonte la dernière fois qu'il a dormi plus de quatre heures ? Le jeune homme ne s'en souvenait plus. Quand son corps s'effondrait de tout son poids sur son lit lorsque la fatigue de sa double-vie le rattrapait, son esprit était assailli de cauchemars. Il se revoyait aux funérailles des membres de sa famille, ou bien sur Titan peu après que Tony et d'autres membres des Avengers soient morts après le combat final contre Thanos, sans qu'il ne puisse rien faire pour contrer ces tragédies… La simple vue de ces scènes le réveilla immédiatement avec des sueurs froides et le cœur palpitant, et il ne parvenait plus à s'endormir après cela. Chaque fois qu'il fermait les yeux, l'ombre de son syndrome du survivant revint le hanter et lui rappela que son existence était étendue au prix de la vie des personnes qui lui sont chers. Peter préféra alors passer ses nuits à écouter de la musique et à contempler le plafond de sa chambre jusqu'à ce qu'il s'abandonne pour un court moment dans les bras de Morphée. Peu de temps après qu'il ait recommencé des boucles, l'adolescent remarqua que ses iris arborèrent quelquefois une teinte verte, apparaissant de manière sporadique dépendamment de ses émotions. Il fut assez facile pour lui de relier cette couleur singulière à la Pierre du Temps, étant donné qu'il a vu plusieurs fois la gemme cosmique entre les mains de Docteur Strange. Le jeune homme ignorait exactement comment ce phénomène se manifestait, mais il apprit à garder un certain contrôle sur ce dernier afin que seul lui puisse l'observer.
Peter se rendit alors compte que le mois de mars touchait bientôt à sa fin. Auparavant, il se soucierait d'Adrian Toomes et de son identité de super-vilain… Cependant, ce ne fut plus le cas. Le lendemain de son "réveil", la première chose qu'il a réalisée était de retrouver la réserve d'armes extraterrestres qui a permis à l'homme de devenir le Vautour bien avant lui. Puisqu'il savait qui était le chef du trafic de matériaux venant de l'espace et où se trouvait le lieu de la collecte, le garçon araignée put directement couper le mal à sa source en envoyant un message crypté à la Tour des Avengers via un des ordinateurs présents sur place afin de signaler au milliardaire la position du repère des trafiquants pour qu'il puisse les récupérer. Grâce à ce mouvement préventif, les armes extraterrestres ont été saisies par Iron Man et les plans terroristes d'Adrian Toomes se sont effondrés. Le Vautour ne vit jamais le jour, des centaines de personnes furent sauvés et d'énormes dégâts matériels furent évités. Quant à sa rencontre avec Tony… Le jeune homme n'était plus vraiment inquiet de découvrir son ancien mentor assis sur le canapé du salon. Il ne postait plus de vidéos démontrant ses actions superhéroïques, et il a supprimé entièrement sa chaîne YouTube dans la foulée. Même s'il existait encore des extraits du superhéros araignée quelque part sur internet, beaucoup d'entre eux étaient de mauvaises qualités ou trop courtes pour que cela attire la curiosité. Personne ne cherchera à s'intéresser à une silhouette fantomatique sans identité et insaisissable.
Plusieurs minutes s'écoulèrent, durant laquelle Peter fixa avec un regard stoïque les totems métalliques qui l'entouraient. En levant brièvement la tête vers le haut, il remarqua que le ciel paraissait plus nuageux que lors de son retour au cimetière des autobus, signe qu'il n'allait pas tarder à pleuvoir. L'adolescent prit quelques secondes pour collecter ses pensées, puis il poussa un soupir avant de se lever et de s'étirer. Il ferait mieux de rentrer avant le déluge. Une fois les muscles détendus, Peter prit son sac à dos, réarrangea la couverture sur les sièges arrière puis il sortit silencieusement de son repère. Le jeune homme longea ensuite un chemin entre les soupapes menant jusqu'à la brèche au pied du grillage, se faufila sans peine à travers, et prit finalement la direction de son appartement.
Je n'attends plus rien du destin. Pensa alors le garçon araignée en milieu de parcours. Je ne m'accrocherai plus à de faux espoirs ou à de fausses promesses. Je ne peux dépendre de personne et je n'ai pas le droit d'être heureux en tant que "Peter Parker"... Mais j'ai fini par l'accepter. Je n'ai peut-être pas de raison d'exister, mais Spider-Man en a une.
