Les chevaliers se rassemblèrent dans les arènes une heure avant l'aube, en silence. Dohko et Camus arrivèrent en dernier. Ils commencèrent à partir. Le Sanctuaire n'était pas encore levé, et les gardes sensés monter la garde s'étaient réfugiés dans les pièces communes. Dohko fronça les sourcils en voyant ça.
Ils se téléportèrent aux portes du Sanctuaire. Camus se retourna une dernière fois et Milo, curieux, put voir Li, Tép, Wan et Kiki, devant le temple du Bélier, les regardant partir.
Ils arrivèrent sur une île assez grande, parsemée de petits temples. Des gardes se tenaient à une dizaine de mètres, et ils les convièrent à les suivre vers ce qui semblait être le temple le plus grand de l'île. Ce temple était fait de marbre extrêmement blanc et même les années qui l'avaient assaillis (de petites lézardes serpentaient les murs, de la poussière flottait allègrement dans l'air matinal, les quelques chaises présentes tombaient par terre), n'avait pu en emporter la majesté. Il se dressait, imposant, inébranlable, semblant les défier. Les chevaliers sentaient le cosmos d'Athéna à l'intérieur, ainsi que deux autres, l'un fortement haineux et mauvais, l'autre neutre, presque indifférent. Précédés par les gardes, ils entrèrent.
Les chevaliers remarquèrent des inscriptions sur les colonnes et les murs, mais ils passèrent si vite qu'ils ne purent les déchiffrer. Ils se retrouvèrent finalement dans une grande salle éclairée par des torches. Aussi grande que la salle du temple d'Athéna, soutenue par des centaines de fines colonnes sculptées, les murs étaient tapissés de miroirs qui montraient des scènes étranges ; des hommes et des femmes étrangement habillés vaquaient à leurs occupations familières, des armées de fantassins se battaient, épées en mains, un banquet où les gens festoyaient, un village au bord de la mer. Les images changeaient rapidement, passant d'un sujet à l'autre, chaque miroir avait des scènes différentes. Le sol semblait fait de vitres sur une mer houleuse. Transparent, il laissait voir la force de déchaînement de l'océan.
Sur un trône en ébène sculpté et serti de pierres précieuses, au fond de la salle et posé sur une estrade, était assise une très belle femme. Elle avait de longs cheveux auburn attachés en un chignon lâche mais travaillé. Ses yeux étaient aussi verts qu'une forêt de sapin. Son visage ovale était pâle, mais d'une beauté indescriptible. Elle portait une toge grecque blanche, et de nombreux colliers et bracelets couraient sur ses bras et son cou. Elle tenait à la main un miroir en or finement ciselé et gravé d'inscriptions en ancien grec.
Elle attendit qu'ils furent arrivés devant elle pour parler.
«- Chevaliers d'Athéna, bienvenus dans mon Sanctuaire. Je suis Mnémosyne, déesse de la mémoire. Je dois vous faire passer le test d'Arès, dieu de la guerre. Nous attendrons l'arrivée des autres. »
Plus personne ne dit mot pendant un long moment. Le silence régnait. La plupart des chevaliers étudiaient les miroirs ou le sol. La voix de la déesse retentit, amusée.
«- Vous ne semblez pas satisfait de cette salle, chevalier du Bélier. Ne vous plairait-elle pas ?
- Je repensais aux travaux nécessaires pour réaliser cet endroit. Mon peuple aurait été surpris de savoir de quelle manière vous avez respecté son cadeau.
- Je l'ai respecté autant que je l'ai pu, mais chacune de mes demandes d'aide pour sa réparation a été ignorée.
- Peut être avez-vous des griefs contre vous.
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.
- Alors je ne peux rien pour vous. Et aucun atlante n'acceptera de vous aider. Elle l'a interdit.
- Oui, comme elle vous a interdit d'aider aucun dieu ! s'emporta la déesse. Et pourtant vous servez Athéna ! L'accepterait-elle ?
- Elle nous l'a autorisé, dans une certaine mesure. Mais vous le savez déjà.»
La réponse de Mnémosyne aurait été cinglante si deux nouveaux arrivants n'avaient à ce moment franchi le seuil de la salle. Les chevaliers, l'esprit encore occupé par la conversation qu'ils avaient entendue et par l'animosité de Mu, lui si calme et maître de lui, virent avec soulagement et joie leur déesse avancer en première, leur souriant. Un homme entra derrière elle, et tous surent à qui appartenait le cosmos haineux qui entourait le temple.
Ses yeux et ses cheveux noirs de jais contrastaient avec son teint pâle, teint de quelqu'un qui n'a pas été au soleil depuis longtemps. Il avait un corps athlétique et bien proportionné, dont les muscles se découpaient sur sa tunique noire d'encre. Dans ses yeux brûlait une rage insatiable qui explosait intérieurement chaque fois que son regard se portait sur Athéna. Sa bouche avait un rictus d'ironie continuel. Il darda sur les chevaliers un regard méprisant avant de saluer courtoisement Mnémosyne. Derrière lui, trois personnes, emmitouflées dans des capes, s'étaient espacées pour surveiller toute la salle.
Celle-ci s'était avancée et avait étreint Athéna comme une vieille connaissance. Ils montèrent ensemble sur l'estrade où deux trônes plus petits étaient apparus aux côtés de celui de Mnémosyne. Ils s'assirent et Arès prit la parole.
«- Chevaliers, vous êtes ici sur ma demande, afin de déterminer l'avenir de la Terre. Vous allez subir l'épreuve de Mnémosyne. Je peux vous assurer que si vous réussissez, Athéna pourra, comme il se doit, me renfermer. Je laisse à Mnémosyne le soin de vous expliquer ce qu'elle attend de vous.
- Ce temple est dédié à la mémoire, comme je vous l'ai dit. Ce que je vous propose est simple : vous allez revoir votre mémoire et allez la vaincre. Tous. Je sais qu'aucun de vous n'a de très beaux souvenirs, je sais que certains passés vous hantent. Tous ces moments que vous voulez oublier, qui vous font peur, vous allez les combattre. Voilà le test qui vous est imposé.
- Quelles sont les modalités ? demanda Dohko.
- Par cette porte » répondit Mnémosyne en montrant un miroir indifférentiable des autres «Vous accéderez à un labyrinthe qui vous fera voir ce qui devra être vu. Lorsque vous aurez franchi votre épreuve, vous serez automatiquement amené à la sortie. Vous rentrerez seuls, par intervalles. Vous pourrez vous retrouver dans le labyrinthe et vous soutenir mutuellement, mais vous ne pourrez prendre la place d'un autre. Les dieux ne doivent pas agir, ce qui signifie qu'une intervention de vos dieu et déesse respectifs signerait la disqualification et la victoire de l'autre équipe. Avez-vous d'autres questions ?
- Y'a t-il une limite de temps ? demanda Shiryu.
- Non, vous n'aurez pas à vous dépêcher. Ce qui vous attend et la nature du test ne peuvent être traités de manière rapide et sans profondeur.
- Qu'arrivera t-il à ceux qui échoueront ?
- Chaque échec pénalisera l'équipe concernée. Rien ne vous sera révélé de ces pénalisations à l'avance. Autre chose ?»
Personne ne répondit. Mnémosyne leva la main, et une porte apparut dans le miroir qu'elle avait désigné dans ses explications. Elle s'apprêtait à inviter la première personne à entrer quand Arès intervint.
«- Puis-je me permettre d'imposer une exigence ?
- Faites, répondit Mnémosyne.
- J'ai appris que le Sanctuaire accueillait en ce moment des humains de la famille proche des chevaliers. J'aimerais que ces personnes soient conviées à subir la même épreuve que ceux-ci.
- NON ! s'écria Athéna. Tu as demandé aux chevaliers de subir une épreuve, mais les gens hors de la chevalerie n'ont pas à supporter tes caprices. Je refuse.
- C'est donc à Mnémosyne de trancher, sourit Arès en adressant un petit signe de tête à la déesse.»
