Un soleil étincelant brillait au-dessus de New York en ce début de grandes vacances. Les habitants de la ville ont progressivement délaissés leurs vêtements aux teintes sombres et épais pour revêtir des tenues plus colorées et estivales à mesure que les températures remontaient avec l'arrivée de l'été.
Spider-Man observait les rues du Queens en contrebas depuis un escalier d'évacuation, assis sur l'un des grillages les plus hauts de la construction. L'école était enfin terminée pour Peter, le libérant de toute obligation scolaire et de couvre-feu par May, et disposait ainsi de tout le temps du monde pour se dédier à son rôle de protecteur de la mégalopole. Cela étant, les mois de juillet et août furent tout aussi paisibles que celui qui venait de s'écouler donc le jeune homme occupa la majeure partie de ses journées à regarder les passants aller et venir depuis les hauteurs, n'intervenant qu'en cas de risque d'accidents graves ou pour éviter des bagarres sauvages en plein milieu du quartier.
Comme il était de nature casanière en cette période de l'année, Peter évitait de vêtir son costume rouge et noir tous les jours il ne voulait bien entendu pas inquiéter sa tante par rapport aux blessures qu'il risquait de subir du fait de ses activités superhéroïques, mais il aurait surtout du mal à justifier ses sorties sans qu'elle ne finisse par se poser des questions à ce sujet. Le jeune homme ne pouvait pas utiliser à chaque fois la carte de la visite chez Ned afin de couvrir ses absences car il suffisait qu'elle appelle ses parents pour qu'elle découvre le pot aux roses, et prétendre vouloir simplement se balader dans les rues aurait fini par devenir suspect. L'adolescent s'arrangea donc pour patrouiller en milieu de semaine, tandis qu'il s'accordait le week-end pour se reposer et dormir - avec plus ou moins de succès.
Ce mardi fut une exception. L'hôpital où travaillait May l'a appelé en renfort pour remplacer une collègue en arrêt maladie et dût donc s'y rendre pour la journée, le laissant dès lors seul à leur appartement. Peter pensa au départ à faire une longue sieste ou bien programmer un marathon de films afin de tromper l'ennui, mais en voyant le ciel azur dénué de nuages et la lumière qui inondait la ville à travers la fenêtre de sa chambre, le jeune homme finit par se dire que le temps fut trop apaisant pour rester enfermé chez lui. Il envoya alors quelques messages à Ned et MJ afin d'organiser une sortie ensemble, mais son meilleur ami participa à une réunion familiale et n'obtint aucune réponse de la jeune fille, signe qu'elle était occupée. Puisqu'il se retrouvait livré à lui-même et qu'il n'avait rien d'autre à faire, Peter décida de tuer le temps en enfilant son costume de Spider-Man. Il passa rapidement au cimetière des autobus afin de dégager le chemin qui menait à son repère à cause d'une carcasse qui s'est écroulée sur la voie, puis il se balança d'immeubles en immeubles avec ses toiles jusqu'à ce qu'il s'arrête quelque part dans son quartier pour profiter de la tranquillité des lieux.
Les minutes s'écoulèrent dans un silence confortable, quand Peter entendit soudainement des bruits retentir juste en dessous de sa position. En prêtant attention à la source des sons, le superhéros araignée distingua des voix fortes et une plus faible. Il baissa alors le regard et aperçut deux délinquants dans le milieu de la vingtaine qui barrait la route d'un garçon qui paraissait avoir son âge, le malheureux se retrouvant coincé contre le mur du fond de la ruelle. Bien que Peter ne parvienne pas à discerner leurs visages, il comprit assez vite à leurs tons menaçants que les malfrats comptaient voler les objets précieux de leur victime, probablement son portefeuille ou son portable. Cependant, ils étaient loin de représenter un danger pour le gardien de New York quelques coups bien placés seront suffisants pour les arrêter.
Vous êtes tombés au mauvais endroit pour commettre une agression, les mecs. Pensa Spider-Man en remettant sa capuche sur sa tête.
Peter détacha une de ses bombes fumigènes de sa ceinture, actionna son mécanisme puis la laissa tomber sur plusieurs mètres avant qu'elle n'explose et rejette de la fumée rouge. Dès lors que la vue des deux délinquants s'obstrua, Spider-Man se jeta à son tour dans le vide avant d'atterrir au sol et de s'élancer sur les gredins, son bâton de combat à la main, puis de leur asséner deux coups aux ventres avec son arme afin de les immobiliser et enfin les assommer avec son taser avec une petite décharge électrique de faible intensité au niveau du cou. Une fois le rideau carmin entièrement dissipé, le superhéros rabaissa son sceptre et le rattacha à sa ceinture, poussant par la suite un petit soupir de soulagement derrière son masque.
- Est-ce que ça va ? Demanda-t-il par automatisme en se tournant vers l'adolescent.
- O… Oui, je vais bien. Répondit-il avec stupeur et admiration d'avoir été sauvé par le gardien de New York en personne.
Le jeune homme ne fut heureusement pas blessé lors de l'intervention de Spider-Man. Le superhéros le rassura alors qu'il n'avait plus rien à craindre des délinquants et qu'il pouvait rentrer tranquillement chez lui car le quartier était sûr, ce que fit le garçon en prenant tout de même le temps de le remercier avant de quitter la ruelle et disparaître dans la rue. Peter remonta ensuite jusqu'au toit de l'immeuble à sa gauche grâce à ses toiles, s'étira les bras par réflexe, puis il se décida à effectuer une courte patrouille au cas où un incident similaire viendrait à se produire. Certes, la criminalité devint quasi nulle de par ses arrestations éclairs mais les agressions de citadins restaient un problème, notamment en été. Le justicier s'envola ainsi partout au Queens, scrutant depuis les airs la vie qui circulait sous ses pieds… Et rien d'inhabituel ne se passa. Hormis l'attaque puérile des deux gredins qu'il a découvert par pure hasard, aucune menace ne perturba la paix de New York.
Après une demi-heure où son sens de l'araignée demeurait en berne, Peter s'arrêta une nouvelle fois sur le toit d'un gratte-ciel et mit un terme à sa patrouille. Il semblerait que l'hyper vigilance de Spider-Man ne soit pas nécessaire aujourd'hui, et il ne tenait pas spécialement à inonder inutilement son uniforme de sueur à cause de la chaleur… Le jeune homme rentra donc chez lui par la fenêtre de sa chambre, se dévêtit de son costume superhéroïque en cinq minutes, puis il le rangea dans un sac qu'il cachait soigneusement sous son faux-plafond avant de remettre des vêtements civils appropriés pour la saison. Il ressortit ainsi à nouveau de son appartement - cette fois-ci par la porte d'entrée -, puis ses pas l'emmenèrent en direction de Flushing Meadows Park afin de continuer de profiter de la lumière du soleil. Une fine brise caressa sa peau tandis qu'il marchait le long des chemins de pierres blanches, et une douce odeur de végétation humide lui parvint au nez…
Je me demande à quand remonte la dernière fois que j'ai pu vivre un après-midi banal comme celui-ci. Pensa Peter, les yeux baissés. Un après-midi sans que mon sens de l'araignée ne s'affole, où je peux penser à autre chose que mes responsabilités de superhéros, même pendant un court instant… J'ai passé tellement de temps à répéter les mêmes boucles et les mêmes tragédies que ces moments de tranquillité où ma vie ne se retrouve pas en danger me paraissent lointain.
Au bout de trois quart d'heure de marche, Peter arriva tout à l'ouest du grand parc, vers une zone dégagée et peu fréquentée du public du fait de sa longue distance par rapport à la sortie de l'espace vert. Deux groupes d'amis furent assis sur l'herbe pour dormir ou pour jouer au football, mais il ne discerna aucune autre présence à part lui et eux. Ce fut du moins ce qu'il pensait avant que son regard se tourne vers l'un des bancs présents sur la place sur laquelle était dessinée une silhouette. Il aperçut alors un jeune homme aux cheveux noirs et à la peau basanée, habillé avec des vêtements de teintes grises et noir, les yeux baissés et dont les traits du visage lui apparurent familiers.
Flash ?
Les yeux du monte-en-l'air s'écarquillèrent sous l'effet de la surprise. Que faisait Flash dehors ? Ce n'était pourtant pas dans ses habitudes de sortir tout seul, surtout en été où il préférait organiser des soirées chez lui plutôt que de vagabonder dans les rues. Cependant, Peter a constaté de ses propres yeux que la scission entre lui et son ancien groupe d'amis fut bien réelle, ce qui rendait le scénario du jeune héritier se baladant en solitaire dans le Queens plus vraisemblable.
Quelques minutes s'écoulèrent durant lesquelles Peter demeurait immobile sous le coup de la confusion, jusqu'à ce que Flash relève soudainement la tête et croise son regard. L'adolescent au teint mat se redressa en un sursaut à la vue du jeune homme, tout aussi choqué que lui de croiser la route d'un de ses camarades dans un parc aussi grand que Flushing Meadows Park. Un long silence s'installa alors entre les deux garçons… Aucun d'entre eux n'osait esquisser le moindre mouvement ni même tourner la tête vers une autre direction pour rompre leur contact visuel, ce qui rendit cette suspension du temps de plus en plus inconfortable.
- … Parker ? Finit par murmurer Flash après cinq minutes qui parurent en durer une quinzaine, sortant d'un seul coup Peter de son état d'hébétement.
Tiens… Il ne m'a pas appelé "Péteur". Remarqua mentalement le superhéros araignée.
Peter prit une longue inspiration afin de calmer son rythme cardiaque saccadé, puis il répondit d'une voix polie et posée :
- Salut. Je ne m'attendais pas à te voir ici.
- Oh… Hum… Moi non plus. Avoua son ancien harceleur en détournant le regard.
- Ça fait combien de temps que tu es ici ?
- Deux heures, je crois. Il marqua une pause. Il n'y a personne à la maison… Alors je préfère rester dehors que d'être cloîtré tout seul chez moi.
Peter garda la bouche fermée. Il semblerait qu'ils eurent tous les deux la même idée pour cet après-midi ensoleillé. Le jeune homme ne bougea pas durant une poignée de secondes, puis en sentant ses pieds s'engourdir à cause de sa marche, il se rapprocha du banc où se trouvait Flash et s'assit à côté de lui. Ce dernier le regarda brièvement avant de baisser de nouveau les yeux vers le sol, le corps courbé vers l'avant et le visage manquant d'expressivité. Le silence revint à nouveau les entourer, entrecoupé de temps à autres par le boucan causé par le groupe d'amis posé sur l'herbe non loin d'eux… L'adolescent à la peau basanée paraissait en proie au doute, tandis que Peter ignorait s'il valait mieux entamer une discussion avec Flash ou au contraire rester à l'intérieur de cette bulle de tranquillité sans prononcer un mot. La situation en elle-même fut inédite pour le jeune héros… C'est la première fois depuis qu'il est dans cette boucle temporelle qu'il converse seul à seul avec le riche héritier, et leur échange aussi bref soit-il fut purement cordial, de la même manière qu'il discute avec ses deux meilleurs amis. Pas de remarques sarcastiques, pas de moquerie ni même de piques superficielles… Rien. Flash ne l'a même pas chassé du banc lorsqu'il s'est assis à ses côtés, un signe assez clair qu'il acceptait sa présence.
Peter n'attendait pratiquement rien de la boucle… Pourtant, il lui apparut difficile de taire sa curiosité par rapport au changement de caractère de son camarade. Tout en lui paraissait différent du harceleur qu'il a connu au collège, passant d'un sale gosse prétentieux à un jeune homme quasiment muet… Quelque chose a dû se produire pour conduire à un tel revirement.
L'adolescent se tût quelques secondes, puis il se risqua à reprendre la parole.
- Dit.
- Hm ?
- Ça fait un moment que je le remarque… Mais tu as l'air plus silencieux que d'habitude. Pas juste maintenant, mais aussi à l'école. Il marqua une pause, puis il tourna la tête vers Flash. Il s'est passé quelque chose ?
Flash ne répondit pas pendant dix minutes, instant durant laquelle il semblait mettre de l'ordre dans son esprit, jusqu'à ce qu'il finisse par soupirer.
- … J'ai juste réalisé à quel point je suis un imbécile.
- Hein ? Le jeune homme aux cheveux bruns ne s'attendait pas à ce type de réponse.
Le riche héritier devina assez vite la confusion dans le regard du garçon araignée. Il laissa planer un silence avant de parler de nouveau.
- En fait… J'ai eu des rêves bizarres pendant un certain temps.
- Des rêves ? Cette information attira l'attention de Peter.
- Ouais. Je ne me souviens pas de tous les détails, mais je me voyais à Midtown High en train de mener ma vie normale au lycée. Rien ne paraissait inhabituel… Si ce n'est la silhouette au visage noir que je croisais dans les couloirs.
- Une silhouette noire ? Un peu comme une ombre, tu veux dire ?
- Pas vraiment. Plutôt comme quelqu'un dont l'identité était volontairement cachée, ce qui fait que je n'arrivais pas à savoir de qui il s'agissait. Il m'arrivait de lui adresser la parole de temps en temps… Du moins, je crois. Le temps s'écoulait tellement vite que je passais d'un jour à un autre en un éclair. Et à un moment donné… Cette personne inconnue marcha rapidement vers moi et m'asséna une énorme gifle.
- Quoi ?
- … Le coup fut si fort que j'en suis tombé par terre. Continua Flash d'une voix plus basse, tout en passant sa main sur sa joue droite. Je croyais même le sentir physiquement contre ma peau tellement il fut violent. Après ça… La silhouette s'est mise à me hurler dessus avec toute la rage et le ressentiment du monde. Je me souviens encore de ses paroles… 'Qui es-tu pour juger de la vie des autres ? Je sais que je suis différent des autres, je sais que tout le monde me voit que comme un misérable gamin sans avenir, je sais que je n'aurai plus jamais ce qui apparaît pour tout le monde ici comme une évidence. Tu n'as pas besoin de me le répéter chaque jour car je vis constamment avec ces pensées en tête, du matin jusqu'au soir. Tu ne sais pas ce que ça fait de se sentir responsable des conséquences d'une terrible erreur, tu ne sais pas ce que ça fait de perdre ce qui t'est cher encore et encore, tu ne sais pas ce que ça fait de se sentir horriblement seul même quand tu es au beau milieu d'une foule et que personne ne t'écoute parce que tu n'es qu'un gosse… Tu ne sais rien de tout ça. Tu ne sais rien de moi. Tu n'es qu'un égoïste qui ne voit rien des problèmes et des blessures des autres et qui croit que tout lui est dû'.
Le bruit du vent soufflant à travers le feuillage des arbres se fit entendre non loin de Peter et Flash. Le superhéros sentit des gouttes de sueur perler sur son front, son dos se geler et son cœur manqua de louper plusieurs battements, tandis que les traits de son visage affichèrent un choc pur. Ce que l'adolescent à la peau basanée venait de raconter, la gifle infligée par cette ombre fantomatique ainsi que ses mots… Ce ne fut pas un simple rêve.
Cet événement s'est réellement produit dans une précédente boucle.
Peter s'en souvient… Le poids de ses échecs de ses itérations commençait à peser lourd sur son mental, et l'impression de ne pas être pris au sérieux par des adultes du fait de son jeune âge lui donnait un goût amer à la bouche. D'autant plus qu'il n'arrivait pas à échapper aux attaques furtives de son assassin malgré ses nouvelles compétences accrues… Les dernières timelines qu'il a expérimentés furent émotionnellement difficiles à traverser pour l'adolescent, si bien que dans l'une d'entre elle, sa rage prit le dessus sur sa raison et il s'est disputé avec une personne de son entourage. Etait-ce Tony ou May ? Ou bien Ned ? Peter ne s'en rappelait plus. Son cerveau a pris soin d'oublier quels ont été les raisons qui ont mené à cet échange houleux. Toujours est-il qu'une partie de ses idées noires demeurèrent présentes le lendemain, qu'il essaya tant bien que mal de maintenir sous contrôle pour ne pas faire de vagues au lycée… Jusqu'à ce que Flash décide de le rabaisser devant des étudiants en se moquant de sa condition d'orphelin du fait qu'une sortie parentale était organisé par Midtown High qui devait avoir lieu dans une semaine… Le jour même de la mort de son oncle Ben.
Cette information, de même que les piques du riche héritier arrivant au pire moment possible, brisa en éclats le verrou qui enchaînait les émotions brûlantes du garçon araignée, et sa main frappa la joue de la brute d'école sous le coup de l'impulsion. La gifle fut si forte que le bruit résonna dans tout le couloir, immobilisant tous les élèves présents à ce moment-là et baignant le lieu dans un silence assourdissant. Cette suspension du temps s'évapora lorsque Peter se mit alors à crier sur Flash sa tristesse de voir ses êtres chers mourir les uns après les autres, sa colère refoulée d'être maudit par une malchance qui lui interdit de prétendre à un bonheur comme celui de ses camarades de classe, sa frustration d'être pris en pitié par les autres ou moqués derrière son dos pour ne pas rentrer dans les normes… Tout a fini par exploser à cet instant, avec Flash devenant malgré lui l'exutoire à son désespoir. Le jeune homme ignorait ce qu'il s'est passé par la suite dans cette boucle, mais il s'en est voulu d'avoir perdu son sang-froid à ce moment-là et n'a plus jamais recommencé cet acte lors de ses prochains essais.
Il était jusqu'à présent persuadé d'être le seul à conserver ses souvenirs de la boucle temporelle… Pourtant, Flash a aperçu en rêve un événement passé qui n'est pas arrivé dans ce monde Tout du moins partiellement, car il ne se rappelle pas que c'était lui qui l'a giflé - et il fut intérieurement soulagé qu'il ne se doute de rien à ce sujet.
- Je ne sais pas ce qui est arrivé pour que je fasse ce genre de rêve… Mais ces mots sont restés gravé dans ma tête. Flash serra ses mains. Et… À mesure que les jours passaient… J'ai commencé à réaliser que ma vie n'était pas aussi heureuse que je le pensais. Les mecs qui prétendaient être mes amis ne s'intéressaient à moi que pour mon statut social et n'en ont jamais eu quelque chose à faire de moi en tant que personne. Les gens à l'école aussi… Je sais que tout le monde se fiche que je sois là ou pas. Si je décidais de quitter le club de décathlon, personne ne chercherait à me retenir. Quant à mes parents…
Silence. Un sourire triste se dessina par la suite sur les lèvres du riche héritier.
- Je ne suis plus sûr de savoir s'ils m'aiment vraiment.
- Flash… Le superhéros voulait dire quelque chose pour le rassurer, mais ce dernier le coupa.
- Tu sais, Parker… Je me suis moqué de toi pendant des années en te traitant comme quelqu'un de pathétique… Mais au fond, c'était moi le plus pathétique de nous deux. Contrairement à toi, je n'ai pas de vrais amis comme Ned ou cette fille MJ et je n'ai pas le soutien ou l'amour inconditionnel de mes parents comme tu l'as avec ta tante. Je n'ai pas non plus la même aisance d'apprentissage ou la même force de volonté que toi. Je me doutais que mon mode de vie ne me rendait pas vraiment heureux… Pourtant, au lieu d'avoir le courage d'en parler à quelqu'un, je me suis enfoncé dans mes travers au point que mes privilèges me sont montés à la tête et m'aliènent de tout. J'ai fini par me croire meilleur que tout le monde… Alors qu'en réalité, je ne suis qu'un garçon stupide et sans intérêt. J'ai pris conscience de mes torts trop tard… Et après tout le mal que j'ai causé, directement ou non, je ne pense pas que quiconque me pardonnera pour mon arrogance passée.
Peter ne put s'empêcher de ressentir un nœud au creux de son estomac au fur et à mesure que Flash confessait ce qu'il avait sur le cœur. Il comprenait désormais pourquoi l'adolescent à la peau basanée s'est retrouvé isolé du reste des étudiants de Midtown High… Cependant, il était loin d'imaginer le poids qui pesait sur ses épaules depuis tout ce temps. Aux vues de sa voix peu élevée et de son langage corporel replié sur lui-même mais bravant ses incertitudes pour parler, le superhéros araignée sut que l'ancien harceleur disait la vérité et que ses regrets étaient sincères.
C'est incroyable… Pensa-t-il. Je croyais qu'à part mes actions en tant que Spider-Man, rien de ce que je réalisais en tant que Peter Parker ne marcherait… Et pourtant…
- … Pardon. S'excusa soudainement Flash, ce qui attira de nouveau l'attention de Peter. Je me suis mis à monologuer sans m'en rendre compte.
- Non, ce n'est pas grave. Répondit calmement l'adolescent aux cheveux bruns, à la surprise de Flash. Tout ça semblait te troubler pendant longtemps… Si ça a pu t'aider à t'apaiser, alors tant mieux.
- Vraiment ?
- Oui, ne t'inquiète pas.
Les bruits aux alentours du parc se sont arrêtés. Il y eut par la suite un moment de flottement… Dire que Flash fut immobilisé sur place serait un euphémisme. Il a longuement hésité à révéler à son ancienne victime les pires aspects de sa personne et les doutes qui le rongeaient. Rien n'obligeait ce dernier à l'écouter ni même à lui accorder du temps, surtout après l'avoir utilisé comme défouloir de son complexe d'infériorité pendant des années. Cependant, son camarade ne l'a pas interrompu ni juger… Il l'a laissé se confesser avec la même gentillesse et attention qu'il montrait envers n'importe qui, peu importe leur passé chaotique. Quelques minutes s'écoulèrent dans un silence paisible… Puis après une profonde inspiration, il réunit suffisamment de force pour révéler à Peter ce qu'il voulait réellement lui dire.
- … Je suis désolé, Parker. Je suis désolé d'avoir été cruel envers toi. Tu… Tu n'as pas à me pardonner si tu n'en as pas envie. Tu as le droit de m'en vouloir pour le mal que je t'ai fait, et je sais que de simples excuses n'effaceront pas des années de harcèlement… Mais je suis vraiment désolé pour tout.
Peter regarda silencieusement le riche héritier. Après tout ce que son camarade lui a raconté, il lui apparut impossible d'être rancunier envers Flash. Non seulement il s'est rendu compte de ses erreurs et de son mauvais comportement, mais il a pris son courage à deux mains pour lui en parler directement. De plus, même si ses gestes paraissent discrets, le jeune homme a remarqué que Flash travaillait sur lui-même afin de s'améliorer en tant qu'individu : il le voyait régulièrement à la bibliothèque de l'école durant les pauses en train d'étudier sérieusement toutes les matières qui lui faisait défaut, il s'investissait davantage dans les cours de décathlon - notamment par rapport au travail d'équipe - et des rumeurs courent qu'il aurait lui-même rapporté le nom de ses anciens "amis" au proviseur pour des agissements de harcèlement de son propre chef, menant à leur expulsion du fait de leurs récidives. Même si Peter continuait de se reprocher de l'avoir frappé durant une précédente boucle, cette action non calculée a conduit à un changement positif dans celle-ci. Mineur, peut-être, mais le superhéros araignée ne s'en plaignit pas.
Peut-être que mes actes en tant que Peter Parker ne sont pas tous vains, finalement…
L'adolescent aux cheveux bruns posa alors doucement une main sur l'épaule de Flash, qui tourna ensuite la tête vers sa direction.
- Merci, Flash. C'est gentil de m'avoir parlé de tout ça. Ça fait beaucoup d'informations apprises en plusieurs minutes et j'ai encore un peu de mal à tout enregistrer, mais je n'éprouve aucun ressentiment pour toi. Tu as pris conscience de tes faux-pas et tu fais de ton mieux pour changer… Je n'ai aucune raison d'être en colère contre toi. Il marqua une courte pause. Tu sais, si jamais tu veux passer du temps avec moi, Ned et MJ à l'école, tu peux.
- Hein ?
- Je sais combien c'est pesant d'être seul… Surtout dans un milieu aussi suffocant qu'un établissement scolaire. Et puis, détourner le regard de quelqu'un qui veut repartir de zéro et corrige ses défauts de lui-même simplement parce qu'il s'est mal comporté et a commis des erreurs par le passé… Je ne pense pas que ce soit juste. C'est pour ça que si tu as envie de discuter avec quelqu'un ou si tu cherches de l'aide, tu peux venir nous voir.
- … Merci. Cependant, je ne pense pas que Ned et MJ partageront la même idée… Répondit Flash en baissant le regard.
- Je suppose qu'ils mettront un peu plus de temps à voir et à accepter celui que tu es devenu aujourd'hui. Mais même si ça finit par ne pas être le cas, je suis prêt à te donner une deuxième chance.
- V… Vraiment ?
Peter hocha la tête en signe d'approbation. Plusieurs secondes s'écoulèrent, quand une larme coula alors le long de la joue de Flash… Il s'en aperçut rapidement et l'essuya avec la paume de sa main. Même s'il parvenait difficilement à cacher ses émotions, le riche héritier se sentit touché par la déclaration du garçon araignée. Il s'attendait sincèrement à ce que Peter le déteste et ne souhaite plus lui adresser la parole à cause de ses fautes… Pourtant, son camarade semblait accepter de lui pardonner.
- Merci… Peter. S'exprima simplement Flash entre deux reniflements.
Le superhéros écarquilla brièvement les yeux en entendant l'adolescent à la peau basanée l'appeler pour la première fois par son prénom, puis il reprit son calme et lui tapota délicatement les bras pour le réconforter. En y repensant, Tony avait l'habitude de l'aider à se détendre de cette manière quand il se sentait triste il y a très longtemps de cela, lorsqu'ils ont commencé à interagir en tant que mentor et élève… Il faut croire que certains tics de cette relation qui n'existent plus entre lui et le milliardaire sont restés inconsciemment avec lui, peu importe combien de fois Peter a recommencé ces deux ans et demi de sa vie.
Une fois la pression retombée, Peter et Flash se mirent ensuite à discuter de tout et de rien. Leur conversation fut un peu gauche, les mots maladroits, mais les phrases se sont malgré tout enchaînées et ils se permirent même quelques sourires discrets, si bien qu'ils en oublièrent le temps qui passe. Le milieu de l'après-midi approcha alors et le riche héritier décida de rentrer chez lui à ce moment-là avant le retour de son oncle - qui le gardait à la place de ses parents partis en voyage d'affaire. Il murmura un "au revoir" timide mais sincère envers Peter, qui le lui rendit en retour, puis il disparut peu à peu du champ de vision du garçon araignée jusqu'à ce qu'il se retrouve complètement seul sur l'espace vert.
Le vent souffla à nouveau à travers les arbres, amenant sur son passage l'odeur de l'humidité imprégnant la végétation jusqu'au nez de Peter. Ses épaules auparavant frigorifiées se détendirent progressivement à mesure qu'il se concentra sur sa respiration. Qui aurait cru que cette balade qu'il pensait normale et sans histoire se transformerait en discussion à cœur ouvert avec Flash ? L'adolescent fortuné apparut plus sensible et conscient de lui-même qu'il ne le montre. Cela étant, cette conversation éveilla en lui plusieurs questions… Comment se fait-il que quelqu'un d'autre que lui ait pu se remémorer d'un événement de la boucle temporelle ? Aucune des timelines qu'il a vécus n'ont indiquées qu'un tel phénomène était possible. Certes, il arrivait que les héros qu'il côtoyait accordaient un peu plus d'attention à ce qu'il leur racontait durant certaines boucles, mais ce ne fut pas systématique. Rien ne démontrait jusqu'alors que quiconque à part le superhéros araignée puisse se souvenir de détails qui ne sont pas arrivés dans cette temporalité… Etait-ce un hasard ou bien un effet secondaire qui commençait à se manifester, de la même façon que le temps tourna soudainement au ralenti durant des situations de danger lors de ses patrouilles ?
J'ai toujours pensé que rien ne changerait dans les boucles... J'ai toujours pensé que je n'aurais jamais le droit d'avoir un futur lumineux, peu importe ce que je ferais. Mais alors comment… ?
Docteur Strange observait l'extérieur depuis la Fenêtre des Mondes, au sommet du Saint des Saints de New York. Son visage grave et sa posture droite fit ressortir son statut de gardien mystique de la Terre, tout en dissimulant le flot de pensées qui traversait son esprit…
Plusieurs mois auparavant, Wong s'est déplacé du Saint des Saints de Hong Kong jusqu'à son antre pour lui signaler la présence de sorciers blessés réfugiés dans son sanctuaire. Stephen se rendit alors immédiatement avec son ami de l'autre côté du globe afin de comprendre ce qu'il se passait. Une fois arrivé sur place, les magiciens révélèrent au superhéros qu'ils ont été pris pour cible par une personne qui semblait appartenir à leur ordre, de la même manière que Kaecilius lorsqu'il s'est retourné contre l'Ancien et a renié les fondements des arts mystiques. Ils essayèrent au départ de se défendre contre cet homme avec leur magie, mais malgré leur surnombre et leur union, le renégat au visage dissimulé par un foulard parvint à contrer seul leurs attaques, retira de force les pouvoirs d'une partie d'entre eux et tua de sang-froid les malheureux qui ne purent s'échapper à travers des portails.
Docteur Strange enquêta alors sur ce mystère, et au fur et à mesure que les semaines s'écoulaient, il découvrit que plusieurs attaques surnaturelles de ce genre se sont produites dans différents pays du monde. De nombreux sorciers furent ciblés par un individu à l'identité inconnue dont le mode opératoire demeurait strictement identique : le coupable s'approche de sa victime par surprise, se bat frontalement contre lui et finit soit par lui voler sa magie et l'abandonner agonisant dans son repère soit par l'assassiner afin de le réduire au silence s'il venait à le reconnaître au cours du combat. Quelques mutants furent eux aussi malencontreusement pris dans son sillage, bien qu'il apparut très vite aux yeux de Stephen qu'il s'agissait de victimes collatérales et non des principaux sujets de l'ire du criminel.
En plus des attaques de ce tueur en série mystique, le Sorcier Suprême remarqua que la Pierre du Temps émit des vagues d'auras de façon sporadique, sa lumière émeraude gagnant en intensité durant quelques secondes avant de revenir à son état normal en un battement de cil. En tant que protecteur de la Pierre de l'Infini, seul lui était en mesure de la manipuler et d'utiliser ses capacités. Cependant, il n'a plus touché à la gemme verte depuis son combat contre Dormammu, ce qui signifiait qu'elle fut exploitée par un autre individu tout aussi puissant - si ce n'est plus - que lui. Peut-être pas dans ce monde… Mais possiblement dans un autre, parmi les innombrables dimensions du multivers, dont les effets latents influenceraient celui-ci.
Stephen entama ainsi un long voyage hors du temps, remontant le cours de ce fleuve ineffable afin de découvrir les origines de ces phénomènes étranges… Et il est parvenu à atteindre la vérité sur leurs mystères.
Qui est le responsable de la création de la boucle temporelle.
Quel est la durée d'une boucle, ainsi que la manière dont elle s'arrêtait pour recommencer.
Qui a hérité de pouvoirs temporels à travers la Pierre du Temps.
Qui est le coupable derrière la chasse des sorciers mystiques, quel est son objectif…
Ainsi que sa prochaine cible.
Docteur Strange serra les poings. La vitre de la Fenêtre des Mondes refléta ses yeux emplis de détermination et sa volonté d'acier.
Je ne te laisserai pas t'en prendre à Spider-Man… Mordo.
