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Chapitre 5
Les masques du bal de promo
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Dimanche 30 juin 1985
« Tu es sublime, fiston. »
Steve se retourna vers sa mère qui venait d'ouvrir la porte de sa chambre. Jusqu'à présent il se trouvait dans le couloir de l'étage supérieur, à inspecter une dernière fois son reflet dans le miroir en face de lui. Malgré la chaleur il portait un parfait smoking que sa mère lui avait fait venir d'un fournisseur étranger qu'elle connaissait par l'intermédiaire de son boulot, et qui selon elle, allait faire voir du rêve à toutes les jeunes filles. En effet, la veste n'était pas totalement noire, en réalité, à la lumière, le tissu laissait entrevoir des formes plus claires comme des longues plumes de faisan.
C'était discret mais aussi plutôt élégant. Et Steve qui n'avait pas vraiment eu son mot à dire lorsque sa mère lui avait assuré de lui faire confiance, était finalement satisfait du résultat bien qu'il était persuadé qu'il finirait rapidement en chemise suite à la chaleur.
« Merci, m'man, » lui répondit Steve avec un petit sourire, tournant pourtant vite la tête vers le miroir, espérant pouvoir cacher ses yeux.
Car en effet, depuis quelques jours, des veines éclatées s'étaient faites entrevoir dans le blanc de ses yeux, semblant provenir de la fatigue. Cependant, elles persistaient à rester et à présent, son œil droit paraissait un peu irrité. Hormis cela, son visage était guéri de toutes blessures, laissant juste une très faible marque rouge au niveau de sa tempe droite.
« Alors qui est l'heureuse élue pour ce soir ? » lui demanda joyeusement sa mère en s'approchant de lui malgré le fait qu'elle soit toujours en peignoir. « Si ce n'est pas Nancy, est-ce que ça serait Judith ? »
Steve se mordit la lèvre inférieure. Il se doutait que sa mère aurait aimé chercher quelle serait sa dulcinée, et qu'évidemment, le fait qu'il n'avait pas de cavalière ne lui aurait jamais frôlé l'esprit. Ainsi, concédant qu'il serait idiot de dire qu'il s'agissait de Judith et que sa mère apprenne un jour au hasard quand elle faisait des courses que non, la jeune femme était avec Trevor ce soir là, il préféra jouer la carte de la sureté.
« Tu ne l'as connait pas. »
« Oh, » répondit Mme Harrington avec un petit sourire coquin. « Tu ne me donnes même pas son petit nom ? »
Il retint de lever les yeux au ciel et chercha rapidement un nom totalement au hasard.
« Tracy. Bon je dois vraiment y aller, m'man, j'ai ma clé, vous pouvez barrer la porte en allant dormir. »
Puis sur ses dires, il prit rapidement congé de sa mère qui lui souhaitait une bonne soirée et descendit quatre à quatre les marches de l'escalier.
En sortant sur le chemin de galets, il s'arrêta un instant près de l'endroit où il s'était réveillé en plein sursaut il y quelques jours. Il avait fait en sorte d'enfouir les cailloux tachés de son sang afin que ses parents ne lui posent pas des questions à propos de ses deux malaises.
Tout en espérant qu'un autre épisode de ce type ne se reproduise pas, Steve partit rejoindre sa voiture, ayant lui aussi hâte de voir à quoi pourrait bien ressembler Billy Hargrove dans un tout autre type d'accoutrement.
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« C'est magnifique ! » s'extasia Nancy en entrant dans le gymnase décoré, Jonathan à son bras. « Ils ont fait un chouette boulot ! »
Steve marchait derrière eux, pénétrant dans la grande pièce déjà bruyante et brillante de lumière bleutée, et devait avouer que oui, c'était vraiment très coquet. Des tables rondes aux nappes bleues neiges entouraient une grande piste de danse, des ballons cyans et blancs voletaient dans toute la pièce tandis que la musique faisait trembler les murs.
Certes, aucun alcool n'était autorisé, mais Steve aperçut plus d'une fois une bouteille d'eau ou de jus –loin de contenir ce qu'elle était censée contenir- dissimuler sous une veste, ou bien, carrément sous la jupe de certaines filles. Et puis, très certainement que la moitié du campus avait procédé à un petit before avant ça. Steve en avait entendu parler mais n'y avait pas mis les pieds. Il s'était déroulé sur le terrain vague derrière le McDonalds du coin, mais les chances de se faire chopper étaient extrêmement fortes.
Manquerait plus qu'il soit tombé sur le shérif Jim Hopper.
Finalement, Steve se laissa happer par la foule, discuta avec quelques groupes, piqua dans les petits toasts et les assiettes de chips, but plusieurs verres de soda, et dansa au centre avec tout le reste de ses camarades.
Il retirait sa veste et la déposait sur une chaise lorsque Megan en tant que mixeuse aux côtés de Carol annonçait que le slow allait commencer et quelques filles crièrent de joie avant de partir à la recherche de leur cavalier.
« Tu veux y aller avec Nance' ? » lui demanda soudain Jonathan qui se trouvait à ses côtés près d'une table, en montrant leur amie commune qui discutait joyeusement avec d'autres adolescentes excitées. « Je peux-… »
« Non, non ! » s'exclama Steve en tapotant énergiquement l'épaule de Jonathan. « Tu es son homme, va vite la tirer sur la piste de danse ! »
Et il lui fit un petit clin d'œil, pressentant pourtant l'angoisse chez Jonathan. Il savait que Mme Byers l'avait aidé à réviser un peu les pas de danse du fameux slow, Jonathan le lui avait avoué honteusement il y a quelques jours, ainsi, il était prêt, Steve le sentait. Il fallait juste le pousser un peu.
« Hey, tu as eu Mme Byers en tant que prof, mon gars, » ajouta Steve en haussant un sourcil. « Il ne peut absolument rien t'arriver, crois-moi. »
Ceci semblait détendre Jonathan qui rit et hocha donc la tête et tapa lui aussi amicalement l'épaule de Steve. Ainsi, il regarda son ami s'en aller jusqu'à Nancy qui était rayonnante. Steve se permit un temps pour la contempler, gobelet orange entre les mains, sourire doux sur les lèvres. Sa robe aux couleurs bleues se mariait parfaitement avec le décor tout autour et même Jonathan ses côtés à la veste d'une couleur étrangement similaire, s'accommodait parfaitement à l'occasion.
Ils étaient beaux tous les deux. Et alors que Steve aurait cru ressentir tout de même une pointe de jalousie honteuse en les voyant tous les deux danser ensemble, il fut surpris de voir que finalement, ce n'était rien de tout ça. Bien au contraire, il était content pour eux.
« Steve, tu n'as personne ? » lui fit une petite voix douce.
Il se retourna et vit qu'il s'agissait d'une de ses camarades de classe pour les sciences, ou du moins, il le pensa car il mit quelque temps à comprendre que c'était elle. La jeune femme avait toujours été très timide, ne parlait pas beaucoup, mais pourtant, tout le monde l'aimait, c'était fou. C'était le genre de petite sœur qu'on aimait protéger, et pourtant, elle avait le même âge qu'eux.
Mais dans cette robe rose et avec les cheveux blonds attachés en arrière dans un parfait chignon laissant de jolies mèches onduler le long de son visage, elle était méconnaissable. Elle était très jolie.
« Hé, Lucy ! » lui sourit Steve. « Tu es rayonnante toi aussi. »
« Merci, » rougit-elle, son expression devenant soudain presque enfantine. « Est-ce que… Est-ce que tu voudrais danser avec moi ? »
Alors là, c'était une première. Lucy Hart qui prenait des initiatives ? Et Steve connaissait assez la jeune femme pour savoir qu'il ne s'agissait pas d'un pari idiot ou autre, et donc haussa les sourcils.
« Tu n'as donc pas de cavalier ? » lui demanda-t-il, tout de même surpris.
Après tout, elle avait beau être timide, elle restait vraiment très jolie, même dans ses habits du quotidien. Mais il se rendit soudain compte que ses propos pouvaient peut-être mal interprétés car Lucy parut embarrassée.
« Oh, non, non, ce n'était pas une critique ! » s'exclama Steve en levant ses mains en signe de reddition. « Moi aussi je suis venu seul, tu sais. Et… Et ce serait avec plaisir que j'accepterais cette danse. »
Le visage de Lucy s'illumina donc. Steve ne voulait pas lui donner de faux espoir, conscient que malgré la bonté de la jeune femme ainsi que l'attirance purement physique qu'il pouvait avoir pour elle, il ne pourrait pas en tomber amoureux. Il la côtoyait depuis un moment déjà, et le savait pertinemment. Cependant, elle avait fait l'effort de venir jusqu'à lui, et voulait qu'elle puisse elle aussi passer une bonne soirée.
« Allons-y dans ce cas-là, » sourit Steve en lui tendant une main.
« Merci, Steve, » lui sourit-elle en acceptant cette main.
Rejoignant la piste de danse alors que la musique démarrait à peine, Steve croisa le regard de Nancy qui lui offrit un petit clin d'œil, heureuse de le voir finalement lui aussi participer à ce slow de fin d'année. En réalité, il était loin d'être à plaindre. Lucy Hart était une bonne amie, et avait un bon cœur. Il ne se sentait en rien obligé et étant content de lui faire plaisir.
Tout en tournant dans la pièce au rythme de la douce musique, confettis et rubans bleus qui tombaient doucement sur eux, Steve laissa son regard déambuler dans le gymnase aux allures d'une immense salle de danse et de fête. Il aperçut même Tommy et Carol danser ensemble et peu de personnes se trouvaient assises sur des chaises ou bien sur le côté de la piste à observer.
Si bien qu'il se demanda curieusement avec quelle demoiselle pouvait bien danser Billy Hargrove. Était-il même là ? Il ne l'avait pas encore vu.
Soudain, son cœur rata un battement, et il manqua d'écraser la douce main de Lucy dans la sienne.
Il était là. Hargrove était bien là, adossé à l'un des piliers du gymnase à quelques pas des danseurs, avec quelques autres personnes qui semblaient ne pas vouloir se mêler à la foule. Il semblait scruter vaguement la piste de danse, complètement désintéressé par la chose, aux côtés d'une autre femme aux longs cheveux bruns et bouclés, bras croisés contre sa poitrine. Surement sa cavalière.
Tout compte fait, il ne fut pas étonné de ne pas voir Billy se mêler aux autres couples de danseurs pour un slow, ce n'était décidemment pas son genre. Pas le genre de Billy Hargrove qui changeait de copine comme on changeait de chaussettes.
Steve tenta de paraître discret durant sa danse, ne voulant surtout pas que quelqu'un l'attrape à scruter Hargrove. Mais il posa plusieurs fois son regard sur lui. Sa tenue quant à elle, ne surprit pas non plus Steve qui se mit à sourire doucement. Une chemise entrouverte aux manches retroussées, une cravate non nouée pendant autour de son cou, une cigarette derrière son oreille gauche. C'était tout Billy.
« Tu danses vraiment bien, » lui fit Lucy en levant les yeux vers lui, expression toujours si innocente sur le visage.
Et la vérité ne sortait de la bouche que des Lucy, était l'une des expressions culte du lycée de Hawkins.
« Je ne fais que suivre ton pas, sincèrement, » lui fit Steve en lui souriant en retour.
C'est vrai ça. Pourquoi n'était-il pas tombé amoureux de la jeune Lucy Hart ? Sa timidité en rebutait peut-être certains, mais elle était tout ce qu'un homme pouvait rechercher. Un homme ne cherchant évidemment pas qu'un coup d'un soir.
Non, le cœur de Steve Harrington s'était vu pour battre à l'encontre d'une tout autre personne. Ses yeux glissèrent à nouveau jusqu'à l'emplacement de Billy et là, son sang ne fit qu'un tour.
Billy l'observait cette fois-ci. Mais aucune expression ne marquait son visage. Pas la colère ou l'agacement qu'ils pouvaient tous lire quatre-vingts pourcents du temps, ni même une expression enjôleuse ou satisfaite qui prenait les vingt pourcents restants. Non, il l'observait simplement sans sourire, sans sourciller.
Ses yeux posés sur Steve étaient magnifiques. Il sentit un délicieux frisson parcourir toute son échine et il se força à reprendre conscience qu'il dansait avec Lucy. Pourtant, alors qu'il ressentait le regard brûlant de Billy rivé vers lui, Steve pouvait presque sentir la main puissante de Billy venir agripper sa propre main droite et la seconde se déposer sur sa hanche, le tenant près de lui.
Encore une fois, il s'offrit plusieurs claques mentales. Il avait l'impression de trahir la pauvre Lucy à penser ainsi. Il mit donc tous les efforts du monde pour balayer Billy de son esprit en ébullition et se concentra sur la blonde en face lui.
Puis finalement, la chanson cessa, les couples s'arrêtèrent et tous applaudir. Lucy le remercia et Steve en fit de même. Grâce à leur alliance aucun des deux n'avait été seul durant le fameux slow du bal de promo et ils avaient visiblement pris du bon temps.
« Et maintenant, on va casser la baraque ! » s'exclama Megan et son copain à la sono.
Une musique de rock'n roll se lança et il y eut des cris d'excitations. La fête venait de réellement commencer.
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Les couloirs de l'école étaient calmes, et Steve savait qu'il n'avait pas vraiment le droit d'être ici, mais il avait besoin de prendre un peu l'air. Il aurait pu tout aussi bien aller à l'extérieur après avoir sautillé et dansé comme un fou avec Nancy et Jonathan, mais il voulait pouvoir une dernière fois traverser les couloirs de son lycée, dans un au revoir silencieux.
Il maintenait sa veste par-dessus son épaule par crainte de se la faire potentiellement voler –vu le prix, sa mère exploserait- et marchait tranquillement dans les couloirs, entendant à peine la musique de sa position. Il passa près du casier de Nancy qui devait comme tous les autres de 12th grade, être vidé, et vit que le cadenas violet qu'elle avait toujours était absent. Son cœur se serra de nostalgie, et il continua sa marche.
Le casier de Billy était proche de celui de Jonathan. Plusieurs fois en allant discuter avec le Byers, il avait vu Billy jeter ses livres sans douceur dans son casier ou bien bécoter une fille de l'école en la plaquant contre la porte en fer qui claquait sous leurs ébats. Puis, vint son propre casier, au « H » gravé par lui et Tommy dans un coin en 10th grade.
En réalité, c'était douloureux de laisser tout ça derrière. Il s'en était finalement passé des choses ici, dans la petite ville de Hawkins.
« HEY ! »
Une main se plaqua brutalement contre le casier près du sien et il poussa un cri de surprise, se retournant vers son agresseur une main contre son cœur, la seconde serrée dans un poing en cas d'attaque.
Des yeux bleus s'attardèrent dans les siens et un rire clair se fit entendre, berçant ses oreilles. C'était Billy Hargrove debout à un pas de lui qui semblait bien se marrer.
« T'es malade ?! » s'exclama Steve encore sous le choc. « Tu veux ma mort ? Mon cœur commence à ne plus être tout jeune ! »
« Je fais travailler un peu ton cœur, rien de tel qu'une montée en pression pour l'entrainer, » répliqua Billy avec un sourire moqueur en pressant le torse de Steve du bout du poing, pour ainsi le faire reculer d'un pas. « Et puis, il vaut mieux ne pas se balader tout seul ici Harrington, de méchantes bébêtes pourrait essayer d'avoir ta peau. »
Steve lui lança un regard désabusé. Certes, il avait cauchemardé plusieurs fois après la fermeture de l'Upside Down, de créatures pénétrant dans son école alors qu'ils étaient en plein cours, pour dévorer quiconque croisait leur passage. Mais ce n'était pas prêt d'arriver.
« Le seul qui a l'air de vouloir ma peau à des kilomètres à la ronde, c'est toi, Hargrove, » répliqua Steve qui passa inconsciemment une main dans ses cheveux dans l'objectif d'être un peu plus présentable.
« Ouais, ouais, c'est pour ça j'ai sauvé tes fesses de princesse lundi dernier. Super ta logique. »
« Tu l'as dit toi-même, c'était ton job, » répliqua Steve sournoisement.
« Haha, c'est ça fait ton malin. J'ai comme l'impression que tu auras encore une fois besoin de moi. »
« Ne te surestime pas trop non plus, » marmonna aussitôt Steve, se demandant bien ce qu'il voulait dire par là.
Puis, il le regarda récupérer sa cigarette ainsi que son briquet emblématique, mais il ne l'arrêta pas. Après tout, c'était leur dernier jour ici, et rares étaient les personnes qui passaient par là. Les adultes et professeurs surveillants prenaient du bon temps dans la salle de fête.
Pendant qu'il alluma la clope entre ses lèvres, Steve se permit de le contempler plus longuement. Il avait tout de même fait un effort vestimentaire lui aussi, ce n'était clairement pas le genre de pantalon noir qu'il portait ni même le type de chaussure cirée. Mais il avait tout de même réussi à faire en sorte que sa tenue cri du Billy sous tous les toits. En commençant par la chemise déboutonnée à présent presque jusqu'au nombril, dévoilant son torse et son collier.
« Quels seront tes souvenirs de moi ici ? » reprit soudain Billy en refermant d'un coup sec son briquet. « Tu semblais si perdu dans tes souvenirs quand je suis arrivé jusqu'ici, c'était presque mignon. »
Steve haussa un sourcil en laissant retomber son dos contre son casier au « H » gravé et se prit à réfléchir sérieusement à la question du Hargrove. Ses yeux se baladèrent le long du plafond pendant qu'il fut à la recherche d'une réponse, se plongeant dans ses souvenirs.
Il voyait Billy arriver pour la première fois sur le parking du lycée. Il le voyait draguer tout ce qui bougeait dans les couloirs. Il le voyait faire son lion prédateur sur le terrain de basket. Il le voyait se prendre tout un tas de détentions plus par manque de travail que par irrespect.
Puis, quelque chose lui revint en mémoire et un petit sourire se dessina sur ses lèvres alors que l'odeur de nicotine vint chatouiller ses narines.
« Toi subissant les commentaires hilarants de Miss Stuart à chaque fois que tu rendais un essai… ou plutôt les semblants d'un essai. Voilà ce que sera mon souvenir de toi ici. »
Et il ne put s'empêcher de rire. À chaque cours concernant les rendus de copie en anglais, Steve savait qu'il allait passer du bon temps. Pas réellement par pure moquerie, mais parce que Mme Stuart avait un don pour dire les choses et répondre à Billy tandis que le Hargrove restait silencieux à lever une bonne centaine de fois les yeux au ciel, bras croisés contre sa poitrine.
À ce souvenir, Billy parut se renfrogner, tout en s'adossant lui aussi contre les casiers en face de Steve, le long couloir d'air comme seul rempart entre eux.
« Je déteste cette conne, » grogna Billy après un claquement de langue contre son palais.
« Tu dis ça parce qu'elle était la seule prof' à ne pas tomber sous ton charme de vipère, » ricana Steve.
« Mon charme, hé, » répondit simplement l'autre garçon avec un sourire soudain plus carnassier.
Sourire qu'ignora Steve en regardant sur le côté, perdu dans un autre élan de nostalgie. Il avait comme l'impression que les fantômes des élèves hantaient encore les couloirs et un frisson désagréable s'empara de son échine.
« Et toi ? » l'interrogea finalement Steve en gardant son regard rivé vers le fond du couloir, là où les portes des classes étaient fermées. « Quel sera ton souvenir de moi ici ? »
« Oh, j'ai mon petit préféré de souvenir, ouais, » rit vicieusement Billy de sa position. « Un bon souvenir de toi te prenant les pieds dans un sac posé là quelque part dans ce couloir, et ton corps se ramassant au sol au milieu de tout le monde. »
Les joues de Steve devinrent rouges de honte en se rappelant de ce piètre accident en mars dernier. Et ceci en était venu jusqu'aux oreilles de Dustin qui avait supplié à Steve de rejouer la scène devant lui. Le bougre de Billy n'avait même pas pris le temps de réfléchir pour sortir cette anecdote.
Puis soudain, un claquement de porte se fit entendre dans le lointain, ainsi que des bruits de pas, et les deux garçons se figèrent, sachant qu'ils n'avaient rien à faire là, et surtout, avec une cigarette allumée. Mais finalement, les talons s'éloignèrent et après quelques secondes, le silence retomba entre eux et la pression s'évanouit.
« T'as pas ta copine qui t'attend ? » lui demanda finalement Steve, n'ayant pas vraiment le nom de la grande brune en tête. « Malorie ? Madoline ? »
« Mathilde, » corrigea Billy –qui avait au moins la décence de connaître son prénom, une première !-. « Et non, elle me gave. »
« Tu aurais dû mieux choisir. »
« Et toi, Hart ? Elle semble bien mouiller pour toi. »
Steve s'immobilisa, son sourire se fanant lentement et les deux anciens lycéens se regardèrent droit dans les yeux, chacun adossé aux casiers. Le silence qui s'installa ne fut pas gêné ni lourd, il était simplement… gonflé de questions et de challenge, Steve pouvait le sentir. Son souffle se coupa dans le fond de sa gorge, frissonnant sous les yeux clairs du Hargrove.
Soudain, un autre claquement de porte et ils sursautèrent tous les deux et leur échange visuel prit fin, tranché à vif.
« On ferait mieux d'y retourner, » lâcha Steve en se raclant la gorge, soudain pris de panique.
Son dos quitta le casier derrière lui et il s'apprêta à quitter les lieux sans un regard vers l'autre garçon quand il sentit la poigne puissante de Billy agripper son bras. Son bras gauche. Et la douleur provenant de la piqure du vaccin toujours vivace vint irradier tout son muscle et il siffla de douleur.
Surpris par la réaction de Steve, Billy lui lâcha automatiquement le bras, et haussa sourcil, dubitatif.
« Quoi ? Je t'ai fait mal ? »
Mais alors qu'il allait très certainement lancer un commentaire sarcastique à son égard, Billy referma finalement la bouche en voyant que la douleur marquait clairement les traits du visage de Steve qui avait tiré son bras vers lui, une main pressée vers l'intérieur de son coude.
« C'est rien. C'est le vaccin de l'autre fois. »
« Hein ? C'est le pansement que tu as depuis lundi ? » s'étonna Billy en fronçant les sourcils, ses yeux retombant sur le bras de Steve. « Ça fait une semaine et t'as toujours aussi mal ? »
Car oui, la douleur était vive et mettait un temps fou à partir. Steve serra les dents, les joues échauffées dans la souffrance et remarqua à peine que Billy attrapait doucement son poignet nu, pour remonter sans précipitation la manche de sa chemise blanche.
Lorsque les yeux de Billy tombèrent sur la marque bleutée qui marquait la peau pâle de Steve, il voulut retirer son bras mais Billy serra plus fermement son poignet et l'empêcha de battre en retraite. La marque n'était pas très belle à voir, certains endroits étaient noirs, et d'autres, jaunes. Comme les différents stades de la guérison de son visage après les coups de Billy.
« C'est quoi cette connerie ? C'est pas qu'il t'a raté le doc, » lâcha Billy totalement sidéré par la marque, n'osant surtout par toucher la blessure. « Tu subis une mauvaise réaction au produit ou un truc du genre ! »
Steve aurait presque été attendri par la préoccupation du blond si ça ne concernait pas sa blessure et cette fois-ci il parvint à récupérer son bras et abaisser la manche de sa chemise pour cacher la marque. La douleur était partie, tout allait bien.
Ça allait passer. Ce n'était qu'un vaccin après tout. Ça ne servait à rien d'aller à l'hôpital pour si peu, hein ?
« C'est un contrecoup, Billy. Ça arrive, j'ai déjà été prévenu, » riposta Steve en voyant l'air totalement estomaqué de l'autre garçon.
Et pourtant, Billy avait dû en voir des blessures suite aux coups qui pleuvaient tout autour de lui.
« À ce point ? Ça m'étonnerait ! » répliqua durement Billy. « T'es putain d'inconscient, comme lundi dernier à la piscine, pire qu'un gosse ! »
Cette fois-ci, Steve se tut. Il n'aurait jamais imaginé voir Billy agir de la sorte et il fut à la fois embrassé et euphorique. Et il prit soudain peur en remarquant que le Hargrove scrutait à présent son œil droit et ses sourcils se froncèrent à nouveau. Merde, son œil droit. Celui avec les veines éclatées.
« Et qu'est-ce-que tu as à l'œil… ? » marmonna Billy lentement avec cette fois-ci, une petite grimace de dégoût se répandant sur son visage.
Il aurait voulu lui dire tout de suite la vérité. C'était la fatigue extrême des derniers jours et le soleil qui était toujours si puissant dans le ciel à irradier tout le petit monde sur terre, mais à la place, sa langue décida autrement :
« Tu sembles être vraiment super attentif à tout ce qui se rapproche de près ou de loin à mon visage. »
Il avait dit cela en gardant contenance, montrant qu'il n'était pas touché par l'attitude de Billy et aussi, qu'il maitrisait à la situation.
« Harrington, je crois sérieusement que ya un putain de truc qui va pas chez toi, » trancha Billy en reculant d'un pas comme pour inspecter Steve d'un mauvais œil. « Vraiment. »
« Depuis quand tout ça t'importe ? »
L'expression de presque colère muée à de l'incompréhension parue s'évanouir d'un seul coup, laissant une expression de parfaite neutralité sur le visage de Billy, comme lorsqu'il avait observé le lent slow du bal de promo.
Steve se tendit sous l'anticipation, ayant comme l'impression qu'il avait posé la bonne question s'il souhaitait que Billy se casse d'ici en grognant. En effet, à présent, il fut persuadé qu'il allait lui sortir quelque chose se rapprochant de « j'en ai rien à foutre non, » ou « prends pas la confiance, Harrington » pour ensuite tirer sur sa cigarette qui n'avait pas rejoint ses lèvres depuis un bon moment.
Mais ce ne fut pas ce qui se produisit. Encore une fois, Steve avait pensé à côté.
L'expression de Billy s'adoucit un peu, et il baissa inconsciemment les yeux vers le bras de Steve, ayant comme oublier que sa cigarette se consumait petit à petit dans sa main droite. La cendre du mégot s'effritait et tombait petit à petit sur le sol carrelé du couloir silencieux du lycée.
Le cœur de Steve devint erratique lorsque les yeux de Billy se plantèrent à nouveau dans les siens, et que doucement, il leva une main vers son poignet. Le blond ouvrait la bouche quand soudain, des bruits de pas les réveillèrent de cette soudaine transe, éclatant la petite bulle dans laquelle ils avaient été englobés.
Billy abaissa automatiquement son bras et ils reculèrent tous deux d'un pas, Steve n'ayant pas remarqué leur proximité presque alarmante, et ils tournèrent la tête vers deux autres adolescents qui arrivaient au bout du couloir.
« Oh, Steve, tu es là, » fit la voix de Nancy, ton tiré dans la surprise.
Du coin de l'œil, Steve vit les traits du visage de Billy se tirer dans une expression agacée alors qu'il reportait la cigarette à ses lèvres pour inspirer l'amas de nicotine dont il avait cruellement besoin.
Jonathan était à côté d'elle et s'était lui aussi arrêté en ayant reconnu Steve, mais aussi, Billy Hargrove à ses côtés. En effet, ça devait être assez étrange de les voir seuls tous les deux dans les couloirs du lycée. Surtout qu'ils n'avaient pas habitude d'être considérés comme des amis.
« Le roi et la reine du bal vont bientôt être désignés, vous venez ? » ajouta donc Nancy, son regard s'arrêtant un instant sur Billy.
Quelque peu frustré d'avoir été coupé dans une telle conversation, Steve se ressaisit et hocha brièvement la tête, n'osant tourner la tête vers l'autre garçon. Espérant que son visage ne le trahisse pas, il commença à se diriger vers ses deux amis quand il entendit la voix de Billy derrière lui :
« Rien à faire, j'vais fumer dehors. Passez une bonne soirée les mômes. »
Et sans demander son reste, il partit au sens inverse, et Steve s'arrêta un instant pour le regarder s'en aller. Il entendit alors une porte s'ouvrir et claquer dans le lointain avant qu'il ne sente la présence de Nancy à côté de lui.
« Tout va bien Steve ? Tu es un peu pâle, » lui dit-elle en passant une main contre son épaule.
Pâle ? Steve aurait juré le contraire. Mais il secoua la tête en reportant un regard vers sa jeune amie et lui sourit.
« Non, je vais bien. Retournons dans la salle. »
Ainsi, ils prirent la direction du gymnase, laissant derrière eux les souvenirs d'une étape importante de leur vie.
« À croire que ton sauvetage a été l'élément déclencheur, » fit Nancy en poussant la porte qui menait au gymnase.
« L'élément… Déclencheur ? » répéta Steve soudain angoissé à l'idée que Nancy avait potentiellement pu interpréter quelque chose quant à leur petite discussion privée dans les couloirs.
L'odeur de nourriture et le son de la musique forte frappèrent leur chair, ainsi que la chaleur lourde offerte pas tous les corps mouvants dans la salle. Mais Nancy haussa simplement les épaules, petit sourire sur les lèvres.
« Oui, pour que vous puissiez potentiellement être amis, » dit-elle.
Steve la suivit alors des yeux, s'étant arrêté derrière les portes qui se refermait derrière lui. Avait-elle compris quelque chose ? Ou bien devenait-il totalement parano. Puis ses yeux se posèrent sur Jonathan qui était à un mètre de lui, et qui l'attendait, s'interrogeant visiblement quant à son comportement. Mais avant que Jonathan n'ait pu potentiellement lui demander ce qui n'allait pas, Steve quitta sa torpeur et vint s'engouffrer au milieu de la foule, prenant le bras du Byers avec lui.
Et Steve se plongea dans l'ambiance de fête, enfilant une seconde fois le masque qu'il avait laissé tomber dans les couloirs du lycée, se cachant derrière une façade chancelante.
Hellow, ça fait longtemps ici aussi… En faisant le tri de mon ordi j'ai remis de l'ordre et corriger les chapitres que je n'avais pas eus le temps de poster. Ainsi, ça m'a donné envie de continuer puisque j'ai à présent du temps (fini le job d'été à moi les vacs et l'écriture !)
J'espère que ce chapitre vous a plu, et que cette fic n'est pas tombée dans l'oubli XD A très vite !
