CHAPITRE PREMIER

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Récidive : du latin "recidivus", action de commettre, dans un délai fixé par la loi, une deuxième

infraction après une première condamnation définitive ou réapparition d'une maladie qui était

complétement guérie.


RÉCIDIVE

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" Le Néant est un terme incorrect d'origine humaine désignant le lieu d'habitation des Dieux de la mort. En réalité,

cet endroit a pour nom officiel le Cathare. "

Extrait du Code des Dieux de la Mort, article II


14 mars 2008, 20h30, quelque part dans le Cathare.

Assis l'un en face de l'autre, Gook et Deridovely avaient décidés d'entamer une nouvelle partie de cartes. La premier ayant perdu, il désirait une revanche. Midora avait voulu se joindre à eux, mais Gook avait sèchement refusé, prétendant qu'ils ne pourraient pas accepter d'autres joueurs tant qu'il n'aurait pas récupéré les quatre éclats de diamants noirs qu'il avait misé lors de la partie précédente. C'était un être humain, un mineur, qui les lui avait donnés en guise d'offrande la dernière fois qu'il était descendu sur Terre pour retrouver son death note et observer la façon de jouer des hommes, et ce afin de perfectionner sa technique personnelle. Le type, qui avait ramassé son cahier, avait cru voir un démon. Il avait eu si peur qu'il lui avait fait don de la première chose qui lui était passée sous la main, à savoir le death note et les morceaux de diamant, du moment que sa vie était préservée.

- Me tuez pas ! Hurlait-il. Me tuez pas, s'il vous plait !

Gook ne l'avait pas tué. Pas sur le moment, du moins. Ce n'était que dix ans plus tard qu'il avait inscrit le nom de l'homme dans son carnet, à l'occasion d'un coup de grisou dans une mine française, à Petite-Rosselle. C'était en 1948, trois ans après la Seconde Guerre Mondiale. Tous les shinigamis y avaient assisté, car les guerres étaient source de divertissement dans le Cathare, et l'occasion pour eux de remplir leurs cahiers de la mort. Des centaines de pages avaient ainsi été saturées de noms, mais l'on était alors loin des records atteints au cours de la Première Guerre Mondiale. Celle-ci avait représenté un véritable évènement chez les Dieux de la mort. Tous avaient abandonné leurs activités pour suivre le déroulement du conflit de part les nombreux vortex qui menaient à la Terre, avec un appétit qui les avait étonnés de part son ampleur. Il arrivait que parfois, lorsque l'ennui devenait trop insupportable, ils évoquent cette période, d'un ton empli de mélancolie et de tendresse, car tous chérissaient les souvenirs de l'effusion qu'avait provoqué le conflit au sein de leur communauté.

Light était devenu un shingami depuis quatre ans et s'était habitué, plus par contrainte que de son plein gré, à l'ennui permanent qui régnait dans le Cathare. Cela ne le changeait pas vraiment de son existence humaine avant qu'il ne ramasse le Death note de Ryûk. Depuis son arrivée, celui-ci passait régulièrement son temps avec lui, se plaignant de ne plus avoir accès aux pommes terrestres et lui demandant parfois ce qu'il pensait de l'idée de faire à nouveau tomber son cahier. Light ne répondait pas à ses questions. La plupart du temps, il ruminait sa défaite contre L et gardait le silence, ce qui n'était pas au goût de son semblable.

- T'es pas drôle, Light, grommelait alors Ryûk. Il est passé où, ton sens de l'humour ?

Il n'avait pas perdu son humour. En fait, il n'en avait probablement jamais eu, et ce n'était sûrement pas en errant dans dans ce trou paumé et désolé qu'était le Cathare qu'il en gagnerait un.

Ce jour-là, la partie de cartes entre Gook et Deridovely avait attiré les autres, notamment à cause des morceaux de diamants. Justin Beyondormason y avait porté un intérêt tout particulier, glissant à l'oreille de Light qui, poussé par l'ennui, était venu observer le jeu, combien il désirait obtenir ces fragments. Il avait prévu de les échanger à Gook contre un beau rubis ayant quelque peu perdu de son éclat au fil des années. Light lui avait conseillé de ne pas se faire trop d'illusions. Gook tenait visiblement à ses morceaux de diamant noir comme à la prunelle de ses yeux, et n'était à son humble avis pas prêt à les monnayer contre quoi que ce soit d'autre. Justin avait marmonné quelque chose qu'il n'avait pas compris. Une série d'injures, probablement. De toute façon, Light n'y avait accordé d'importance. À ce moment-là, toute son attention avait été happée par une discussion entre Sidoh et Zerhogie.

- Je te dis que ça recommence, ronchonnait le premier, sa bouche en forme de bec s'ouvrant sur une rangée de dents acérées.

- Ah, vraiment ? Se raillait son interlocuteur. Et tu as des preuves, monsieur-je-sais-tout ? Tu as été faire un tour ?

Sidoh s'était ratatiné.

- Non, j'ai toujours mon cahier sur moi, alors je suis resté là. J'ai juste regardé ce qui se disait en bas.

- Et tout ce que les humains disent est vrai, maintenant ? Me fais pas croire un truc pareil. Et puis qu'est-ce qui te fait bien croire qu'il s'agit de ça, et pas d'autre chose ?

- Je...je le sais, c'est tout.

Zerhogie avait froncé les sourcils.

- Et ça t'es venu comme ça ? Tu as eu une illumination à ce sujet, tu t'es dit " C'est ça, j'en suis sûr, donc c'est vrai ! " sans plus de cérémonie ?

Le bec de Sidoh se referma d'un coup sec. Il baissa les yeux.

- Écoute, si ça se trouve, c'est juste une coïncidence. Et de toute façon, même si ça recommençait, les histoires des humains, on s'en fout. On est des shinigamis, nous, c'est pas notre job. Alors ferme-la, compris ?

Il rejoignit Midora, Justin et Dalil Guillohrtha, amassés autour des joueurs. Light en profita pour apostropher Sidoh. La partie avait fini par lui donner la nausée. Elle lui rappelait de mauvais souvenirs.

Un échiquier...la main de L qui se tend, comme une pince, pour saisir un pion

- Explique-moi un peu ton histoire, tu veux ? Lui demanda t-il. Ça m'intéresse. Qu'est-ce qui est en train de se produire ?

Sidoh jeta un coup d'œil méfiant à l'assemblée de shinigamis par dessus son épaule, puis le prit par le bras et l'entraîna un peu plus loin.

- Une vieille histoire, lui confia t-il. Qui se répète. Ce ne sont pas les premières disparitions de navires, tu sais ? Il y a en a eu beaucoup plus, et ce depuis que plusieurs années. C'était la même façon de faire à chaque fois. On dirait quelqu'un qui se nourrit à intervalles réguliers. Je n'en sais pas plus, aucun d'entre nous n'a idée de ce que c'est.

Light n'insista pas, bien que la curiosité se fît un chemin entre ses côtes.

- Et tu crois que les disparitions récentes sur Terre...

- J'en suis certain. Ça recommence, peut-être avec encore plus de vigueur que les années précédentes.

- Vous avez déjà essayé de savoir de quoi il était question ?

Sidoh avait secoué la tête. Ses yeux jaunes pétillaient d'excitation, agaçant Light sans qu'il ne sache pourquoi.

- Non, on attendait que les humains s'en chargent, mais visiblement, ils n'en ont rien à secouer. On dirait qu'ils oublient, à cause du temps qui passe entre les périodes de disparitions. Sauf que cette fois, c'est différent. Avec toutes leurs nouvelles technologies, ils font plus attention.

- Et tu crois qu'on va envoyer quelqu'un ?

Hochement de tête.

- Ça dérange notre travail et "papy" doit commencer à en avoir ras-le-bol. D'ici là quelques jours, il y en aura une autre disparition, tu peux me croire. Et peut-être qu'à ce moment-là, Justin contactera Nu, qui elle-même en parlera au vieux. Et tu sais ce qu'il fera, alors ?

- Quoi ?

Les yeux de Sidoh étaient à présent plus lumineux que des ampoules électriques. Il avait posé son semblant de bras long et fin comme une aiguille sur l'épaule de Light.

- Il enverra un émissaire, asséna t-il. Pour vérifier.


" Le roi de la Mort gouverne le Cathare. Un Dieu de la mort venant tout juste de renaître doit

obligatoirement se présenter à lui à l'occasion d'une audience privée. Le monarque déterminera

alors son rang et choisira son nouveau nom. "

Extrait du Code des Dieux de la Mort, article III


21 mars 2008, 4 heures 32 du matin, Winchester, Angleterre.

- Light-kun...

Il n'avait pas changé d'un micro-millimètre, comme si tout autour de lui, le temps s'était figé. Dans le fond, Light ne savait pas vraiment pourquoi il s'était attendu à une quelconque modification physique chez L. Peut-être aurait-il été rassuré de constater qu'après sa mort brutale, une transformation s'était opérée chez le détective, aussi légère qu'elle fût. Il aurait aimé voir son empreinte sur L, comme une tache de pétrole sur un drap blanc, impossible à ôter, éternelle, une souillure, un fardeau que le détective aurait porté tout au long de sa vie. Mais au lieu de ça, rien. Il l'avait enterré à la hâte, annihilé, totalement, le réduisant à autant de substance qu'un vulgaire insecte. Pour Light, qui avait l'habitude d'être traité avec tous les égards, le peu de considération de L, dont il avait été à la fois le rival ainsi que l'égal, était une insulte, à son génie, à sa personne toute entière. Toutefois, l'affaiblissement de sa voix d'ordinaire si maîtrisée le satisfaisait. La surprise du détective contentait son orgueil, à défaut du reste.

L le scrutait avec vigilance. Watari avait rejoint son côté. Les mains dans le dos, les yeux baissés vers le détective, il attendait manifestement que celui-ci dise quelque chose. À l'inverse de L, il avait pris quelques rides de plus, et son corps s'était comme affaissé, courbé par le poids des années. Quel âge avait-il aujourd'hui ? Soixante-dix ans ? Quatre-vingt ? Plus ? C'était comme L. Tous les deux symboles, et tous les deux intemporels.

- Tu n'es pas très bavard, ne put s'empêcher de noter Light.

Il glissa ses mains dans ses poches de veste, nonchalant. L porta son pouce à ses lèvres, sans le quitter des yeux.

- Et que veux-tu que je te dise, Light-kun ? Répliqua t-il

Il avait retrouvé son ton impersonnel, mécanique. Signe de leur rivalité renaissante, le retour du suffixe honorifique si familier aux oreilles du shinigami lui laissa l'impression, étrange mais relativement plaisante, d'être toujours en vie. Il ne sut jamais si L l'avait fait à dessein ou non.

- Un simple "bonjour" serait le bienvenu.

- Je ne crois pas que tu mérites un quelconque salut de ma part.

- Quel rabat-joie, se railla Light.

- Kira serait content de me voir, maintenant ? Rétorqua L, se jetant sur le dernier mot de Light comme une hyène sur une charogne.

La bouche de Light s'étira légèrement en un sourire ironique. Le ton acariâtre du détective, à peine dissimulé, lui indiquait clairement que lui non plus n'avait pas oublié cette vieille histoire, malgré les quatre ans qui les en séparaient désormais. Light avait ressassé en boucle chaque seconde de son bras de fer avec lui, et jamais, jamais sa haine envers L ne lui avait donné de répit. Le Cathare n'offrant aucune autre distraction que la bêtise des shinigamis, Light avait passé son temps à méditer au sujet de la victoire de L, à envisager de quelle façon il aurait éventuellement pu s'en sortir. Des scénarios abracadabrants s'étaient mis en place dans son esprit, et n'avaient depuis de cesse de le ronger, comme une maladie, la maladie de la défaite, de l'échec, où l'on mobilise ses forces à imaginer comment on aurait pu faire pour l'éviter. Dans le Cathare, Light avait pris l'habitude de s'installer à un endroit précis, non loin d'un vortex permettant de se rendre à Tokyo. En observant le théâtre où s'était achevée la comédie qu'avait été son existence, son imagination tournait à plein régime, alimentant le feu de sa rancœur, lui rappelant sans pitié combien il avait échoué et combien il lui aurait été pourtant aisé de l'empêcher. Tel un animal blessé, Light Yagami traînait ses remords et son amertume, depuis ce jour où l'accomplissement de son œuvre avait été prohibé. Le Nouveau Monde avait été réduit en cendres en moins de temps qu'il n'avait fallu pour le dire. Quand à lui, il était mort en un tour de main. Piètre fin pour un homme qui avait revêtu la peau d'un dieu au Japon.

À présent que lui et L se regardaient en chiens de faïence, comme autrefois, il sentait le venin doux-amer de la haine vibrer dans ses entrailles, réclamant la vengeance, une vengeance qui mettrait enfin un terme à ses supplices intérieurs.

- Je n'ai jamais dit que j'étais content de te voir, L, grinça t-il. Tu n'es pas le centre du monde, tu sais.

- Venant de toi, l'accusation de narcissisme me semble déplacée.

- Je pourrais dire exactement la même chose.

- Touché, admit L.

- À peine, répliqua Light.

Il n'avait fait qu'effleurer son amour-propre, rien d'autre. Ce n'était pas grand-chose. Il lorgna un fauteuil noir tout près du mur, placé devant une petite table basse en bois.

- Tu permets que je m'assoie ? Demanda t-il.

La politesse, si étrangère aux shinigamis, était là pour le rehausser, le dissocier de ses semblables. Light Yagami, le brillant étudiant de l'université de Todaï, n'appréciait guère sa nouvelle condition et cherchait sans cesse à vouloir prendre de la distance avec ses homologues, pour la plupart vulgaires et brutaux, en se refusant à abandonner les aspects les plus positifs de sa personnalité. Sur Terre, son génie avait fait de lui un jeune homme hors-du-commun. Il ne souhaitait pas perdre cette particularité en devenant un dieu de la mort ordinaire, aux tendances pique-assiette et sans-gêne, se traînant constamment au sol sous le poids de la paresse.

- Je ne sais pas, Light-kun, répondit L. Les morts ne sont pas supposés s'asseoir, à moins que tu ne le sois pas, ce qui me paraîtrait étonnant.

- Je suis mort, L, lui confirma Light. Si tu as besoin d'une preuve, essaie donc de me toucher, tu verras bien.

Il tendit la main au détective, comme pour la lui serrer. Ce dernier ne bougea pas d'un pouce. Après quelques secondes, Light recula avec un soupir de découragement.

- Tu as une arme, ici ? S'enquit-il.

- Pourquoi ?

- Essayer de me tuer est une bonne méthode pour voir si oui ou non, je suis bel et bien mort.

L ne répondit pas.

- Ça doit te démanger, depuis le temps, continua Light. Et si tu n'en as pas, ajouta t-il d'un ton mielleux, je peux toujours te prêter mon death note.

Un éclat traversa la pièce à la vitesse d'une fusée et passa au travers de son corps. Light, qui n'avait pas bronché, se retourna, pour constater qu'un couteau en argent était venu s'incruster profondément dans le mur situé derrière lui. Il pivota pour faire de nouveau face au détective. La main de ce dernier, celle-là même qui avait lancé le couteau, retomba sur l'un de ses genoux. Au fond de ses yeux noirs, il voyait brûler quelque chose, une émotion opaque. Une animosité qui n'avait pas de limites. Une colère qui lui donna presque la chair de poule.

Susceptible

- En effet, il semblerait que tu sois mort, Light-kun, conclut le détective.

- Tu n'y es pas allé de main morte, fit-il en réajustant sa veste.

- C'était de bon cœur.

Watari, qui décrochait le couteau tout en s'épouvantant de la profonde entaille qu'il avait laissé dans la boiserie, retint un soupir de lassitude. Depuis la mort de Light Yagami, L se refusait obstinément à évoquer l'affaire Kira, et quiconque ayant la mauvaise idée de le faire en sa présence s'exposait à sa mauvaise humeur. Le président des États-Unis en avait fait les frais, entre autre. Et l'avait amèrement regretté.

- Tu es devenu un shinigami.

Ce n'était pas une question, mais un constat, aussi Light ne prit-il pas la peine de le confirmer. Le dernier mot exhalait des remugles de souvenirs désagréables. Il alla prendre place dans un fauteuil, en appréciant le confort, chose à laquelle il n'avait pas eu accès depuis son arrivée dans le monde des dieux de la mort. L le regarda faire sans dire un mot, et se mit à mordiller son pouce.

Il n'avait pas de théorie parfaitement valable au sujet des shinigamis, à l'exception d'hypothèses rocambolesques contenues dans les livres et n'ayant rien en commun avec ce qu'il avait pu voir par lui-même, cependant le fait que Light se soit changé en dieu de la mort ne le surprenait pas davantage que son retour inopiné. Car d'une certaine manière, le détective s'était attendu à ce qu'il réapparaisse. S'il y avait bien une pensée qui jamais ne l'avait quitté depuis novembre 2004, c'était celle-ci. La certitude que Light Yagami, ou plutôt Kira, non content d'avoir vu ses projets s'effondrer, reviendrait le hanter d'une manière ou d'une autre, à un moment ou un autre. Il combattrait sûrement de toutes ses forces pour revenir et l'écraser une bonne fois pour toutes, lui faire regretter sa première victoire. Si le monde avait vu disparaître Kira, la partie entre lui et le meurtrier de masse ne s'était jamais terminée. Light Yagami n'était pas du genre à abandonner. Sa façon de penser ne différait pas tant de la sienne.

Mais son état de shinigami ne lui réussissait visiblement pas. Ses vêtements, qu'il avait toujours eu élégants et soignés, étaient élimés. Il était question de ceux qu'il portait le jour de sa mort, à l'exception d'un long manteau noir, visiblement récent, sans doute obtenu dans le monde des shinigamis, et seul survivant du carnage. Le t-shirt noir présentait quantités de trous de taille irrégulière. Le pantalon était également déchiré à de multiples endroits, et les chaussures poussiéreuses achevaient cette agonie vestimentaire, qui elle-même se confondait avec une déchéance physique. La peau de Light Yagami était livide, il avait perdu du poids. Une barbe légère était née sur son visage. Ses cheveux, auparavant coiffés avec attention, avaient poussés et s'étaient assombris, jusqu'à en devenir presque noirs. Une conséquence probable du manque de lumière là où il vivait à présent, assurément. Et si la beauté insolente de ses traits était encore là, il semblait à L - non, il en était certain - qu'un éclat avait disparu de ses yeux, une lueur ayant resplendi sans relâche quand il était Kira.

L'ambition.

L'impatience.

La vie, au bout du compte.

C'en était bouleversant.

- Les shinigamis sonnent aux portes, maintenant ? Ne put-il s'empêcher de demander

- Vieille habitude, répondit Light avec détachement. J'ai été suffisamment bien élevé pour ne pas rentrer chez les gens sans frapper, quand bien même je serai capable de traverser les murs.

Se faufiler en douce comme un voleur chez quelqu'un n'était pas dans ses habitudes, tout d'abord parce c'était une méthode illégale, et parce qu'ensuite il exécrait tout ce qui était illégal. Au bout de quatre ans, la mort ne lui avait pas encore ôté ses principes moraux. Personne n'y parviendrait. En outre, il était assez divertissant d'agir comme s'il était toujours en vie, en se soumettant de son plein gré aux limites qui caractérisaient le monde des hommes. Elles étaient toujours moins étouffantes que celles qui régissaient le Cathare.

L tendit le bras en arrière pour saisir sa tasse de café fumant, qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de boire.

- Si j'ai bonne mémoire, reprit-il en tournant sa petite cuillère dans le liquide, il faut avoir touché un cahier de la mort pour voir un shinigami.

- Exact.

- Mais Watari et moi n'avons pas vu l'ombre d'un death note. Comment se fait-il que nous puissions te voir ?

Light eut un sourire en coin, un sourire dédaigneux qui signifiait très clairement "je sais quelque chose que toi, tu ne sais pas".

- Avantage d'un émissaire, répondit-il simplement

L ne cilla pas face au terme employé. Chaque chose en son temps.

- Ils ont le droit d'être vu par tous les êtres humains, sans exception ?

- Oui, s'ils ont eux-même une apparence humaine.

- Ils peuvent prendre une apparence humaine ?

- Non, répliqua Light du tac au tac. On la leur donne.

- Qui ?

- Le roi de la Mort. Le dirigeant du Cathare, le monde des dieux de la mort. Ce que Ryûk appelait aussi le Néant.

Il n'y a ni Paradis ni Enfer, Light. Tout ce que tu verras après ta mort, ce sera le Néant.

L tendit de nouveau la main, puis piocha quatre morceaux de sucres dans un sucrier de porcelaine, qu'il laissa tomber ensuite un à un dans son café avec une lenteur outrancière.

Ploc

Ploc

On aurait dit les tic-tac réguliers d'une montre. Une Rolex, plus exactement, en argent. Avec un compartiment où on pouvait glisser des morceaux de papier. Light s'efforça de ne rien laisser paraître, toutefois chaque cube de sucre atteignant le café ravivait en lui la morsure de la honte et du ressentiment accumulés dans le Cathare, causés par sa chute, et il y eut comme une contraction dans sa mâchoire. Une envie de vomir.

Ploc

Ploc

Son calme revint lorsque le dernier cube disparut dans le liquide brun.

- Je vois, continua le détective. Il t'a donné forme humaine ?

- Non. Moi j'ai - le sourire de Light réapparut - j'ai joué avec lui et j'ai gagné.

Et j'aurais dû gagner contre toi aussi

Les yeux de L cessèrent un instant de le décortiquer pour plonger dans son café. Il décida d'y ajouter trois nouveaux cubes de sucres, au plus grand agacement de Light.

- Tu es venu pour finir le travail et écrire mon nom dans ton death note, j'imagine ?

Il n'était ni paniqué, ni surpris. Sa voix ne tremblait pas. Il n'avait pas relevé les yeux. Light eut envie de le frapper.

Regarde-moi, enfoiré, regarde-moi, je suis revenu, espèce de sale connard, je vais te faire la peau

La haine, langoureuse, câline, comme une vieille amante, qui revenait à la charge dans ses entrailles mortes.

- Non. Je n'y suis pas autorisé, malheureusement, avoua Light sans une once de gêne, car au point où ils en étaient, ce n'était plus la peine de jouer la comédie. Je suis juste ici en tant qu'émissaire, déclara t-il

- Pourquoi ?

L'ordinateur portable situé sur un second bureau émit un léger bruit. Watari quitta le côté de L, puis se pencha vers l'écran.

- Un nouveau message de monsieur Winter, annonça t-il. Une autre disparition vient d'avoir lieu, en plein Golfe du Saint-Laurent cette fois-ci. Il souhaiterait que tu lui donne ton opinion demain au plus tard avant d'envoyer une expédition.

- Dis-lui que je suis sur une autre affaire urgente, répondit-il sans quitter le shinigami des yeux. Réponds à ma question, Light-kun.

Ce dernier se redressa dans son fauteuil, puis déclara, désignant de l'index l'ordinateur de Watari :

- Les disparitions de navires. On m'a envoyé ici pour vérifier les rumeurs qui courent dans le Cathare.

- Qui ça, "on" ?

- Le roi de la Mort.


" Un dieu de la mort nommé émissaire se chargera d'effectuer sur Terre la mission commandée

par le roi de la Mort. Par précaution, une apparence humaine peut tout à fait lui

être accordée par le souverain. Dés lors, l'émissaire n'aura le droit de retourner dans le Cathare qu'une

fois sa mission accomplie. "

Extrait du Code des Dieux de la Mort, version spéciale Émissaire, article I


19 mars 2008, 23 heures 40, Palais Royal du Mont Fossoyeur, Cathare.

L'obscurité et le froid, bien qu'il ne le sentît plus vraiment. Ses chaussures claquaient contre les dalles de marbre brisé. Dans son dos, Ryûk était en proie à son ricanement habituel, celui-là même que le jeune homme avait constamment entendu du temps où son duel avec L avait pris des proportions titanesques. Il abhorrait ce rire plus que tout autre chose, car il lui jetait au visage l'ampleur de son échec.

- Ah, Light. Approche, veux-tu ? Je voudrais...que tu fasses quelque chose pour moi.

Le roi, juché sur son immense trône, lui sourit aimablement. Light retint de justesse une grimace de dégoût. Il gravit les treize marches qui le séparait du monarque, puis se posta devant lui, immobile, attendant d'entendre la requête de celui-ci. Et il attendit de longues minutes, le temps que le "vieux", comme l'appelait les autres shinigamis avec beaucoup de justesse, reprenne son souffle.

- Je voudrais, commença t-il finalement après une forte inspiration, j'apprécierais...que tu ailles sur Terre.

- Vous avez entendu les rumeurs, devina l'autre.

- Ah, on ne peut...rien te cacher, n'est-ce pas, mon cher Light ? Rien. Toi et Nu... vous êtes sans doute les plus clairvoyants de tous les dieux de la mort...c'est bien, tu sais, c'est vraiment...très bien. C'est Sidoh qui...a vu le premier ce qui se passait..sur la planète Terre...Sidoh est très très vieux, tu le sais...et il...il regarde souvent par les vortex...il a vu beaucoup de choses, oui...beaucoup de choses.

Le temps que prenait le souverain pour s'exprimer était tout bonnement exaspérant.

La dernière disparition de navire, dans l'océan Atlantique, avait vu se mettre en place un grand nombre de commérages divers et variés dans le Cathare, et avait poussé Sidoh à aller avertir Justin de toute urgence, ou du moins avec une précipitation devenue fort rare dans le royaume des dieux de la mort. Une fois au courant, ce dernier était allé voir Nu avec un empressement de même nature, puis elle avait à son tour transmis le message au roi de la Mort, qui avait décrété qu'il était temps d'envoyer un shinigami aux nouvelles. Après des années. Les dieux de la mort avaient une tendance à l'apathie très prononcée.

Light, en apprenant cela, s'était débrouillé pour que le roi le désigne en tant qu'émissaire, ce qui ne lui avait guère demandé de prouesse intellectuelle. Les shinigamis les plus haut placés dans le classement étaient privilégiés, et en outre, il savait que le monarque avait un faible prononcé pour son intelligence depuis qu'il l'avait rencontré. Tout ce qu'il avait eu à faire, c'était feindre l'indifférence. Là où tous les autres shinigamis, exceptés Nu et Justin, avaient rédigé en hâte ce qui ressemblait vaguement à une lettre de motivation, lui n'avait rien écrit et s'était contenté de laisser sous-entendre qu'il désirait le poste, ajoutant au passage qu'il estimait avoir peu de chance de l'obtenir compte tenu de l'expérience des autres, de leurs âge avancé, et ainsi de suite, enjolivant son discours d'une modestie suintant d'hypocrisie. Le monarque n'avait certainement pas été dupe, compte tenu de sa propre lucidité, mais il avait néanmoins fait venir Light jusqu'à lui. Restait à savoir s'il allait le laisser partir ainsi ou s'il exigerait une monnaie d'échange, comme lors de leur tout premier entretien, quatre ans plus tôt.

Chaque nouvelle inhalation désespérée du divin monarque attisait la mauvaise humeur de Light. Il décida d'écourter la conversation autant que possible, impatient à l'idée de tromper son ennui en retournant sur Terre. Il attendait ce jour depuis qu'il s'était réveillé dans les Limbes, Ryûk à son côté, lui expliquant ce qu'il était devenu. Il n'avait pas encore sombré dans la folie pour cette unique raison. Il était strictement hors de question que l'opportunité lui glisse entre les doigts.

- Vous me demandez d'être votre émissaire, lâcha t-il.

Le roi éclata d'un rire essoufflé, ponctué rapidement par de violentes quintes de toux, qui en atténuèrent grandement tout le machiavélisme.

- Light, Light, mon cher petit Light ! S'exclama t-il, tout sourire, ce qui était absolument répugnant à voir. Tu vas...un peu vite en besogne, tu sais ?

Light n'avait eu aucune réaction notable. Le roi, en dépit de son savoir étendu, était plus que prévisible. Comme tous les autres, il cherchait par tous les moyens à se détacher de son ennui.

- Avec moi...rien n'est totalement gratuit...et tu en as bien conscience, n'est-ce pas ? J'ai dis...que j'aimerais que tu sois mon...émissaire mais...je n'ai pas encore pris...de décision définitive.

Le coin des lèvres de Light eut un frémissement de mécontentement. Perte de temps.

- Si tu veux...partir en tant qu'émissaire...totalement libre de ses mouvements...fais donc une petite partie avec moi. Si tu gagnes...tu pars. Mais si tu perds...j'enverrai quelqu'un d'autre...c'est compris ?

Light n'avait pas répondu. À cet instant, ses yeux parlaient à merveille pour lui.

Ryûk avait poussé devant eux une table basse en os d'un blanc éclatant, et qui ne cessait de dégoûter Light. Non pas qu'il s'attendît à débarquer dans le pays des Télétubbies, qui était par ailleurs assez inquiétant lorsqu'on l'on y regardait à deux fois, mais il avait espéré, avec une ardeur qui l'avait déconcerté, que le royaume des shinigamis avait un aspect un tantinet moins morbide. Il avait un instant imaginé des temples majestueux. Des palais. Des lieux dignes d'être habités par des divinités, quand bien même ces divinités eussent été d'une laideur à s'en faire frémir elles-même. Les plaines désolées du Cathare avaient tué dans l'œuf la totalité de son optimisme.

Lui qui ne l'était déjà pas énormément.

Il s'assit sur les marches, tandis que Ryûk distribuait des cartes noires où étaient dessinés les figures des personnalités de la mythologie grecque. Les shinigamis avaient su développer de nombreux jeux au cours de leurs existences, mais le monarque affectionnait tout particulièrement ceux faisant appel à l'intuition, à l'instinct.

- Un bon instinct fait un bon shinigami, se plaisait-il à dire.

C'était ainsi qu'était né le Prométhée, en référence à la ruse du titan pour dérober le feu sacré de l'Olympe. Jeu de cartes favori du vieux souverain, il en comportait cent huit. Chaque joueur recevait six cartes, et devait tout faire pour tenter de récupérer celle où était représenté le titan Prométhée avant son adversaire. Dés lors qu'il l'avait en main, il l'annonçait et la partie s'achevait sur sa victoire.

Ryûk disposa une ligne de six cartes sur la table basse et laissa le paquet restant en bout de file.

- À toi l'honneur...Light Yagami.

Sans rien dire, le shinigami observa quelques secondes la ligne devant lui, puis se saisit d'une carte.

Héraclès.

Le roi piocha à son tour.

Son expression désappointée indiqua de manière très claire à Light qu'il n'avait pas obtenu le Prométhée. Ils continuèrent.

La ligne vidée de toutes ses cartes, Ryûk s'empressa, avec un énième ricanement, d'en créer une nouvelle. Et le jeu recommença. La main de Light et celle du monarque se tendaient à tour de rôles, sans jamais hésiter. Ils jouaient comme si aucun enjeu n'avait été posé avant de débuter la partie.

Zeus.

Athéna.

Chronos.

Thémis.

Hélios.

Hécate.

Ganymède.

Apollon.

Dieux et mortels en tout genre, nourrissant les espoirs et les craintes humaines. Light ne put s'empêcher de penser que s'ils avaient su ce qui les attendaient, ces récits fantastiques n'auraient jamais vu le jour. Une tragédie.

Dionysos et coupe de vin.

Hermès, le messager des dieux.

Trois cartes de plus. Si son cœur avait pu battre à nouveau, cela aurait été d'une chamade effrénée.

Prométhée.

Sans prendre le temps de savourer le soulagement qui se distillait dans ses veines, à défaut du sang, il jeta la carte sur la table blanche. Le roi poussa un grognement de mécontentement, bien vite réprimé par une nouvelle quinte de toux. Light prit garde à ne pas sourire. Le "vieux" avait peut-être un millénaire et des brouettes accentué par un énorme problème respiratoire, mais ses crises de colères étaient réputées dans tout le Cathare. S'il voulait être son émissaire, mieux valait-il pour lui qu'il se taise.

- Tu as beaucoup de...chance, Light Yagami, nota le monarque d'un ton doucereux. Beaucoup, beaucoup...de chance.

- Il semblerait, oui, lâcha t-il, contenant difficilement son impatience.

La déesse de la chance est partie, on dirait, pas vrai Light ?

- Bien, abdiqua le souverain d'un ton las. Tu partiras...dés demain...dés que tu le pourras. Je veux que...tu...te renseignes...sur cette histoire...que tu m'apportes la preuve concrète...de sa réalité. Suis la moindre source...les humains vont sûrement...se pencher là-dessus...travailler...chercher...tu dois être...sur les lieux...constamment. Trouve...ce qui entraîne les disparitions. Et quand tu auras...la preuve...débrouille-toi...pour que toute cela cesse.

- Sans vouloir vous offenser, je ne vois pas comment un shinigami pourrait arrêter une telle chose.

Le roi inspira douloureusement. Un petit sourire étira le coin de ses lèvres.

Répugnant

- Laisse...les humains faire, lui ordonna t-il. Ils en sont capables mais...ils ignorent beaucoup de choses...beaucoup de choses. Je t'enverrai mes ordres...au moment venu...et alors...tu informeras les hommes...qu'ils règlent eux-même leurs problèmes...car nous les...shinigamis, nous ne sommes pas en mesure...d'intervenir autrement...dans ce genre d'affaires. Tu chercheras...avec eux mais...quand ils auront trouvés...tu ne pourras pas...t'impliquer davantage.


" Écamété était un titan, au même titre que Prométhée ou qu'Atlas. Fils et filles de Gaïa,

la déesse-mère et d'Ouranos, le Ciel, les titans et titanides étaient des divinités primordiales,

premières, et étaient au nombre de douze. Colossaux et sans pitié, ils rejoignirent pour

la plupart leur frère Chronos dans une guerre contre le fils cadet de ce dernier,

Zeus.

Aidé de la foudre et des dieux, il parvint à la victoire et sépara le monde en trois

parties : le Ciel, qu'il se réservait, les Enfers, donnés à Hadès, son frère, et enfin la Mer,

qu'il offrit à Poséidon. "

Extrait des Cataclysmes de la Mythologie Grecque, de William Fauster


22 mars 2008, 12 heures 45, port de Chicago, États-Unis.

L'équipage et les chercheurs ayant embarqués, le bateau s'apprêtait à partir. Sur les quais, le secrétaire à la Marine depuis deux ans, Donald Winter, accompagné du secrétaire à la Défense, Robert Michael Gates, ainsi que du chef des Opérations Navales, Gary Roughead, observait le navire quitter progressivement la rive et s'éloigner vers l'horizon, glissant sur les eaux du lac Michigan. Plus tôt dans la matinée, alors que les trois hommes récitaient un à un leur discours d'encouragement, des centaines de gens s'étaient accumulés le long des quais pour apercevoir l'Eagle ne serait-ce qu'une seconde, et ils suivaient désormais sa progression avec une troublante avidité. Dans l'air flottait l'impression sordide d'assister à un départ de condamnés à mort.

- Venez, messieurs, chuchota Winter en entraînant les deux autres avec lui. Le président nous attend.

Ayant pris connaissance de la situation et des récentes volatilisations de navires sévissant aux quatre coins du monde, George Bush avait souhaité un entretien en urgence avec les dirigeants du département de la Marine américaine. La flotte des États-Unis, éparpillée dans tous les océans, pouvait à tout moment subir des pertes considérables, d'autant que les scientifiques, après s'être penchés sur la question, sans doute de manière assez légère, avaient estimé ne pas pouvoir déterminer où et quand des disparitions d'une telle envergure se reproduiraient. Les français ainsi que les britanniques avaient déjà pris plusieurs mesures pour assurer la sécurité à leurs forces armées. Absorbé par la crise financière, la guerre en Irak et la question redondante de la création d'un État palestinien, le président des États-Unis n'avait jusqu'à lors accordé aux disparitions qu'une attention sommaire, et conscient à présent du chaos que pouvaient engendrer des évanouissements aussi imprévisibles si par malheur ils emportaient des pans entiers de la flotte américaine(à commencer, entre autres, par les portes-avions, les cuirassés et les sous-marins, nucléaires tout particulièrement), il comptait bien rattraper le temps perdu.

À Washington, c'était l'effervescence, pour ne rien changer. Les journalistes avaient pris d'assaut la Maison Blanche, tentant par tous les moyens de savoir ce que signifiait cette entrevue avec les leaders de l'US Navy, et ce qui allait en découler. Les médias diffusaient l'hypothèse d'une nouvelle guerre, maritime cette fois. Gary Roughead était nerveux. En haut des marches, le président, les bras tendus, les accueillait d'un sourire un peu crispé. À son côté se trouvait son épouse, la première dame, Laura Bush, dont l'expression faciale était tout aussi éloquente. Ils gravirent chacune des marches avec précaution. George Bush leur serra la main.

- Je vous remercie d'être venus, messieurs, leur dit-il chaleureusement. Passons dans la salle de situation, voulez-vous ?

Construite en 1961, après le désastre provoqué par le débarquement de la "Baie des cochons" à Cuba, la White House Situation Room, au sous-sol,était réservée à la sécurité intérieure. Peu accessible au public, contrairement au bureau ovale, et par conséquent bien plus commode, dotée d'écrans géants, de plusieurs salles de conférences et d'appareils de haute-technologie, la salle avait vu passer bon nombres de présidents américains, tels que Kennedy, Nixon et Reagan, à l'occasion notamment du bombardement en Libye en 1986. George Bush l'avait faite rénover en 2007, un an après la stabilisation du déficit commercial des États-Unis. Une façon comme une autre de prouver au reste du monde que les leaders mondiaux s'en sortaient toujours. Une vidéo avait même été tournée pour l'occasion et ajoutée au site internet de la Maison-Blanche.

Le président les fit entrer dans son bureau personnel, car il souhaitait que la conversation demeure privée, du moins pour le moment. On apporta trois autres fauteuils. Puis, une fois la porte du bureau close, il s'adressa à Winter, lui demandant de lui récapituler le nombre de disparitions, détails compris. Le secrétaire à la Marine extirpa alors une feuille de papier de l'intérieur de sa veste, qu'il se mit à lire à voix haute.

Le 6 novembre 2007, un ferry chilien disparait au beau milieu du détroit de Magellan. Retrouvé le 21 décembre non loin des côtes espagnoles. Pas d'équipage.

Le 12 décembre 2007, un brise-glace américain dans l'océan Arctique. Trouvé éparpillé en trois morceaux dans la mer Noire, la mer Méditerranée et la Manche. Pas d'équipage.

Le 30 janvier 2008, un porte-conteneur espagnol dans l'océan Indien. Un seul morceau revu pour la première fois dans le détroit de Malacca. Pas d'équipage.

Le 18 mars 2008, un vraquier dans l'océan Atlantique. Découvert en pleine mer des Caraïbes, près des côtes jamaïcaines. Pas d'équipage.

Et enfin le 21 mars 2008, un ferry dans le Golfe du fleuve Saint-Laurent. Pas encore réapparu. 200 passagers à son bord.

- Sans compter, ajouta Winter, le nombre de disparitions demeurées confidentielles.

- Combien ? S'enquit George Bush, les mains croisées devant lui.

- Sept, monsieur le président. Même schéma, les bateaux s'évanouissent en pleine mer avant de réapparaître à des endroits improbables d'un point de vue scientifique. Et l'équipage est à chaque fois manquant.

George Bush s'enfonça un peu plus profondément dans son fauteuil de cuir. Il s'efforçait de garder son calme mais passait régulièrement son index le long de sa lèvre supérieure. Tic nerveux.

- La flotte du pays n'a pas encore été touchée, d'après ce que vous m'avez dit au téléphone, reprit-il. Vous pouvez me le certifier ?

- Absolument, monsieur le président, répondit Robert Gates. Ceci dit, les disparitions sont extrêmement aléatoires. On ne sait pas qui seront les prochains ni où elles auront lieu.

- Les recherches ?

- Bien que le détective L n'ait pas donné son opinion sur cette affaire, l'expédition est tout même partie depuis bientôt trois heures, monsieur le président. Le bateau vient d'atteindre le lac Huron. Nous surveillons étroitement son cheminement par satellite et gardons un contact permanent avec l'équipage. Quand aux autres disparitions américaines, poursuivit-il, nous avons suivi scrupuleusement les ordres de monsieur Gates et envoyé des équipes sur les lieux.

- Bien. De toute façon, l'avis de L en ce qui concerne la marine n'a pas le même impact que lors des enquêtes policières, compte tenu du fait que ce n'est pas son domaine de prédilection, marmonna George Bush. Et quand à l'état des navires ?

- Totalement déchiquetés, l'informa Winter. Nous essayons en ce moment-même de rapatrier les morceaux restants vers un point commun pour que les experts puissent les analyser et éventuellement y trouver des traces de l'équipage, comme par exemple du sang, de la peau ou encore des cheveux, autrement dit des éléments pouvant nous indiquer ce qui s'est passé.

- Vous croyez qu'ils pourraient être en vie ?

- Il y a peu de chances, monsieur le président, avoua Winter. Néanmoins, tant que nous ne sommes pas absolument certain de la mort de l'équipage, les recherches sont obligatoires. Les familles des disparus ne se contenteront pas de propos hypothétiques, vous le savez bien.

Le président hocha la tête en signe de compréhension. Le nombre de plaintes en provenance des familles des équipages disparus ne cessait effectivement d'aller crescendo au département de la Santé et des Services Sociaux, et lui-même avait reçu plusieurs courriers de la part du secrétaire Michael Leavitt, lui demandant où en étaient les recherches en mer, afin de pouvoir enfin donner aux proches éplorés une réponse définitive.

- L'un des navires a t-il eu le temps d'envoyer un message de détresse avant de se volatiliser ? Demanda t-il en se tournant vers Gary Roughead.

- Pas le moindre, lui répondit ce dernier. Nous suivons toujours les bateaux par satellites, mais à chaque fois, ils disparaissent de l'écran sans crier gare. Quand nous cherchons à les joindre, ils ne répondent plus. C'est inexplicable.

- Une idée sur la façon dont ils s'évaporent ?

Les trois hommes s'entre-regardèrent alors, visiblement mal à l'aise.

- Il y a un problème ? Insista George Bush.

Gary Roughead prit la parole.

- L'état dans lequel sont retrouvés les navires suggère des tempêtes particulièrement violentes, dit-il, mais nos satellites de télédétection n'en captent aucune au moment même des disparitions.

- Il y a un défaut avec nos satellites ? S'inquiéta le président.

- Pas le moindre, le temporisa Gates. Ils sont dans un excellent état, le fait est que les scientifiques n'admettent pas que les disparitions puissent être dues à autre chose qu'à des tempêtes marines.

- Et je présume que vous, monsieur Gates, avez une explication ? Grinça Roughead.

Le secrétaire à la Défense ouvrit la bouche pour répondre quelque chose, puis la referma tout aussi promptement. Non, il n'avait pas la moindre explication, et il ne se voyait pas tout du tout dire au président des États-Unis, en une parodie de théorie savante, que les navires pouvaient très bien être engloutis par un typhon géant embarquant les équipages et les recrachant sur le sable de Bora-Bora, où on leur dorait la pilule pour les empêcher de partir. Bien que l'envie ne lui manquât point, cependant, tant la situation le dépassait.

On frappa à la porte. C'était un jeune homme d'une vingtaine d'années, vêtu d'une chemise bleue foncée, aux cheveux si courts qu'il donnait l'impression d'avoir le crâne rasé, et aux yeux si grands qu'il en paraissait terriblement candide.

- Un appel pour vous, amiral Roughead, lança t-il.

- Si vous voulez bien m'excuser, dit alors ce dernier en se levant.

Il suivit le jeune homme dans la salle d'à côté, vers le téléphone le plus proche. La porte du bureau se referma sur les trois hommes restants.

- Vous avez dit que les satellites ne détectaient aucune tempête, c'est bien ça ? Demanda George Bush, les deux index posés sur ses lèvres.

- En effet. Excepté pour la dernière disparition, aucun aléa météorologique n'a été repéré, répondit Gates.

- Donc, il y a bien eu une tempête pour le vraquier dans l'Atlantique ?

- Oui, monsieur le président, mais c'était une tempête qu'avait déjà prévue les météorologues, et de plus, elle était sans gravité pour les navires.

- Et vous croyez que...

Sa phrase fut interrompue par le retour du chef des Opérations Navales.

- Ah, Roughead ! S'exclama le président. Alors, cet appel téléphonique ? Des nouvelles de l'expédition ?

Ce fut à ce moment-là que George Bush prit conscience que le visage de l'homme s'était décomposé et était devenu blanc comme un linge. Il tripotait nerveusement ses boutons de col dorés.

- Un problème, amiral ?

La bouche de celui-ci s'ouvrit, et sa voix s'en échappa éraillée, vieillie.

- C'est l'Eagle, dit-il. Il a disparu en arrivant dans le lac Ontario.


" En suivant le fleuve, on parvient à la mer. "

Citation de Plaute, poète et comique latin


22 mars 2008, 16 heures 56, Winchester, Angleterre.

Les retrouvailles n'avaient pas été follement grandioses, et si elles avaient eu le malheur de l'être, il aurait sans doute pris ses jambes à son cou. Light n'avait rien caché à L au sujet de sa présence sur Terre, le roi de la Mort ne lui ayant rien dit de particulier à ce propos. Les explications avaient été concises, sèches. Une sorte de conversation robotisée, un dialogue d'un ordinateur à un autre. Il devait fouiner un peu partout, récolter des informations, mener sa propre enquête. L répondait par des hochements de tête, des phrases courtes. Pas la moindre chaleur, pas la moindre petite émotion. Pour un peu, Watari aurait monté le chauffage et enfilé un pull-over : on se serait cru en plein Antarctique.

Light Yagami avait pris ses aises dans la maison, au sens où il s'était fait une place avec autant de discrétion et de silence qu'une taupe, et ce à la demande du détective. Disposant d'informations très sommaires, issues des rumeurs dans le royaume des dieux de la mort, il avait d'abord voulu s'adresser à L, qu'il pensait, en sa qualité de meilleur détective mondial, au courant de tout. Le retrouver, lui avait-il dit, n'avait pas été difficile : s'étant dans un premier temps rendu à Tokyo, Light avait découvert, à défaut du QG qui leur avait servi autrefois pour mener l'enquête, un immeuble résidentiel de grand standing, aux murs blancs comme neige et disposant d'un large espace vert. Il avait pris la liberté de se renseigner auprès de la femme qui opérait alors en tant que concierge. Le bâtiment avait quatre ans tout juste. On avait ordonné sa destruction l'année même de la mort de Kira, et les anciens propriétaires avaient pris la poudre d'escampette. Logique.

Light s'était rappelé d'une conversation qu'il avait eu avec L avant un match de tennis.

- Tu as vécu en Angleterre ? Lui avait-il demandé

- Pendant cinq ans, environ.

L'Angleterre. Ajouté à cela l'accent, bien que minime, du détective lorsqu'il parlait, ses manières ainsi sa tendance à consommer du thé, en particulier de l'Earl Grey, cela devenait presque trop facile. Même les génies avaient des attaches, des endroits où ils aimaient revenir. Poussant la comédie jusqu'au bout, il avait gagné l'aéroport de Tokyo, où il avait attendu qu'un avion en direction de Londres se présente, puis, après l'avoir vu décoller, avait fait de même en usant de ses ailes de shingami et était allé s'asseoir sur la coque, le dos appuyé contre le gouvernail, là où personne ne pouvait le voir. Le vent passant au travers de lui garantissait sa sécurité. Il n'était pas tombé. Il était déjà mort, de toute façon. C'était une excentricité, certes, mais il voulait prendre son temps. C'était la première fois qu'il se retrouvait chez lui, dans un monde vivant. Il comprenait à présent le besoin avide de divertissement de Ryûk et comptait bien profiter de chaque seconde, quitte à s'attirer les foudres de ses congénères et du vieux roi pour la lenteur de sa progression. Il avait traversé l'Asie, atteint l'Europe, puis le Royaume-Unis. Il n'avait pas perdu ses compétences linguistiques, aussi l'anglais avait-il coulé avec fluidité dans sa gorge. Néanmoins, une fois parvenu à Londres, la partie s'était compliquée, car s'il était certain que L avait une résidence, ou du moins quelque chose qui s'y apparentait, en Grande-Bretagne, il ignorait où elle se trouvait. Profitant d'un cybercafé gratuit, il s'était penché sur le scolaire. L lui avait parlé du concours de tennis anglais junior. Si l'on suivait cette logique, L ne devait pas avoir plus de dix-huit ans à ce moment-là, et poursuivait donc encore sûrement des études. Light avait vérifié les écoles britanniques, cherchant à savoir si l'une d'elle faisait mention d'un jeune joueur prodige. Parmi toutes celles qu'il avait pu dénicher, une seule avait réellement attiré son attention, car elle avait à son actif une liste impressionnante de jeunes talents allant de 1956 à 2007. Light n'avait pas été plus loin que 1992.

The Wammy's House, school for gifted children

Winners of the British Junior Championship

1985 : F

1986 : A

1987 : D

1988 : Z

1989 : E

1990 : K

1991 : C

1992 : L

L. Pas besoin d'avoir un QI hautement supérieur à la moyenne pour faire le lien. L'orphelinat avait été construit en 1952, soit sept ans après la Seconde Guerre Mondiale, sous l'ordre d'un homme appelé Quillish Wammy. Il accueillait des enfants dont les capacités intellectuelles dépassaient la norme et leur fournissait un enseignement approprié. Light avait noté les coordonnés de l'établissement, puis s'était rendu dans le comté du Hampshire en train, utilisant pour ce faire la même technique que pour l'avion. Il n'avait pas d'argent, ne pouvait pas s'acheter de titre de transport et n'avait guère envie de frauder pour en obtenir, aussi voyager de cette façon, à l'air libre, ne le dérangeait pas. Il se plaisait à contempler l'extérieur. Cela lui donnait l'impression d'être mort et vivant à la fois. Vivant parce qu'il était revenu chez lui. Mort parce qu'il prenait conscience de ce auquel il n'avait plus le droit. C'était embourbé dans ce genre de sentiments contradictoires qu'il était arrivé à Winchester. À partir de la gare, il avait parcouru à pieds la distance qui la séparait de la Wammy's House.

Le portail était noir et luisant, signe d'un entretien régulier. Le bâtiment, entouré d'un grand parc, était d'une simplicité déconcertante, à l'exception de la tour de l'horloge, à l'architecture typiquement britannique, évoquant, peut-être volontairement, le Big Ben du Palais de Westminster, à Londres. Seule extravagance, la gigantesque croix chrétienne installée sur le toit sonnait comme une hérésie. C'était tenter d'introduire l'irrationnel dans un univers dominé par la logique. En somme, avait pensé Light avec un humour noir prononcé, c'était parfaitement absurde.

Il avait patienté jusqu'à une heure du matin pour se faufiler dans les couloirs vides de l'orphelinat et pénétrer dans le bureau du directeur, Roger Ruvie, un vieil homme à lunettes et aux sourcils constamment froncés, alors endormi dans une chambre adjacente. Pas la moindre trace d'ordinateur dans la pièce et encore moins dans la chambre. Le vieux fonctionnait à l'ancienne. Après une demie-heure de fouilles, Light remarqua, dans une étagère du bureau, une statuette du dieu Janus, divinité aux deux visages. Le gardien des portes, celui qui possédait les clés. Il s'était approché, avait regardé plus attentivement, ôté la statue. Un morceau de l'étagère s'était alors détaché, dévoilant un compartiment secret à l'intérieur duquel se trouvait un téléphone portable. Pas de mot de passe, un jeu d'enfant. Il avait vérifié les messages les plus récents.

Revenons au Corbeau le 12,

W.

Le Corbeau. Le nom de la demeure, probablement. Il avait quitté l'établissement et avait de nouveau patienté jusqu'au lendemain, à l'ouverture de la bibliothèque de Winchester. Là, il avait emprunté un livre sur les lieux notables de la cité ainsi qu'un plan complet de la ville, mais n'avait pas trouvé le moindre "Corbeau".

Un nom de rue alors ?

Non plus. Il avait fini par apostropher une bibliothécaire.

- Connaitriez-vous un endroit qui s'appelle "Le Corbeau" et qui se trouve quelque part en ville ? Avait-il demandé

- Non, avait-elle répondu. Je connais un livre d'Edgar Allan Poe, mais il n'y aucun lieu à Winchester, du moins à ma connaissance, qui porte ce nom-là.

Le Corbeau.

Edgar Allan Poe.

Un bouquin, bien sûr.

Il remercia brièvement la jeune femme, abandonna les précédents ouvrages qu'il pu parcourir quelques minutes auparavant pour se plonger dans le plan détaillé de la ville. Et trouva ce qu'il cherchait.

À quelques pas de l'université.

La rue Edgar.

Egdar Road.

Bon sang, ce n'était pas un nom de demeure, mais celui d'un livre. Et le prénom de l'auteur donnait la rue. Light avait laissé un immense sourire de satisfaction traîner sur ses lèvres.

Même mort, il arrivait à passer outre les barrières de L.

Il s'y était rendu sur l'heure. La rue n'était pas très longue, et à peine fréquentée. Trouver la maison avait été aisé, car le nom inscrit sur la plaque de la boite aux lettres n'était autre que "W". En outre, elle était en retrait par rapport aux autres et semblait inhabitée. Exactement le genre du détective.

x

x

L l'avait autorisé à accéder au dernier message du secrétaire à la Marine des États-Unis, Donald Winter, dans lequel figurait un récapitulatif avec quantités de détails sur les disparitions maritimes. Il l'avait pour ce faire laissé utiliser l'ordinateur portable Apple qui d'ordinaire jouait les intermédiaires entre lui et le reste du monde par le biais de Watari. Le shinigami avait en complément épluché journaux ainsi que sites internet durant toute la nuit, engrangeant un maximum de données. Quand à L, il n'avait rien dit. Son indifférence glacée quand à la présence de celui qui avait été l'un des plus grands meurtriers de masse tenait du prodige.

Watari, depuis son poste de travail, jeta un bref coup d'œil au détective, qui terminait de résoudre une affaire de meurtre en Afrique du Sud. C'était la quatrième fois depuis le début du mois du mars, et L avait exprimé sa lassitude dans un e-mail particulièrement mordant à Thabo Mbeki, le président de la république d'Afrique du Sud, lui conseillant entre autre de revoir sérieusement l'organisation des forces de polices du pays(ou, comme il le lui avait si bien écrit lui-même " les institutions juridiques d'Afrique du Sud semblent se composer essentiellement de clowns, et estimant mon temps précieux, j'apprécierai grandement que vous trouviez une solution adéquate pour vous en débarrasser. "). Une fois encore, Watari était bon pour recoller les morceaux entre les politiques et le détective. Ce rôle commençait à lui peser. Depuis la fin de l'affaire Kira, le caractère de L avait empiré de manière drastique, comme si tous ses mauvais penchants étaient d'un coup remontés à la surface.

Pour sa part, la présence de Light Yagami le gênait, l'insupportait, lui faisait horreur. Il avait du mal à suivre. Ce gosse de dix-huit ans qui s'était auto-proclamé Dieu d'un nouveau monde où les criminels et opposants étaient exécutés à l'aide d'un simple crayon et d'une feuille de papier, supposé être mort depuis quatre ans, était dans leur bureau. En train de se documenter. Il avait tenté de les tuer l'un comme l'autre, mais il n'en était pas moins dans leur bureau à mener sa petite investigation personnelle, comme si tout ce qui s'était produit en novembre 2004 n'avait pas eu d'importance. Il avait certes précisé ne pas avoir le droit d'écrire le moindre nom dans son cahier jusqu'à ce que la mission que lui avait donné le roi de la Mort soit accomplie, cependant Watari n'était pas convaincu du fait que le shinigami, une fois libéré de cette contrainte, n'en profiterait pas, et ce malgré la remarque pertinente de L à ce sujet.

- Si Light-kun voulait nous tuer, il l'aurait déjà fait depuis longtemps, puisqu'il possède un death note en propre, les yeux du shinigami, et ne risque absolument plus rien.

- Ce n'est pas l'envie qui m'en manque, avait répliqué Light, agacé. Je n'ai juste pas le droit d'écrire dans mon death note le nom des personnes que j'ai côtoyé autrefois. C'est une règle du Code des Dieux de la Mort.

Cela n'avait pas franchement aidé Watari à se détendre.

Il ne voulait pas de Kira auprès d'eux, par-dessus tout en tant que shinigami, ce qui était on-ne-peut-plus compréhensible. Si cela n'avait tenu qu'à lui, il l'aurait jeté dehors, abandonnant sa légendaire contenance britannique pour la remplacer par une série d'injures toutes plus ignobles les unes que les autres. Sauf que ça n'avait pas été le cas. L'avis de L prévalait sur le sien, et le détective en avait décidé autrement. Il avait donné à Light Yagami l'accès au dossier intégral envoyé par monsieur Winter, souhaitant juste en contrepartie que le shinigami les laisse en paix dés qu'il en aurait terminé. Ce dernier avait accepté le marché d'un bref hochement de tête. Watari avait tant bien que mal exprimé son désaccord, toutefois cela n'avait servi à rien. L était têtu comme une mule, et ce depuis sa plus tendre enfance. Bien que Watari occupât dans sa vie une place toute particulière, il ne l'écoutait que rarement, ou n'enregistrait qu'une partie de ses conseils, selon que la partie en question fût utile ou non à ses intérêts.

Une fenêtre de dialogue s'afficha sur l'écran de son ordinateur.

" New message "

Il appuya sur la touche "Entrée" du clavier.

" Dear sir,

Yesterday, you received a first message from Mr. Winter, the United States Secretary of the Navy, who was asking to L to give his opinion about the recents ships disappearances. He never got it and was very disappointed about L's lack of interest. This morning, the United-States sent a expedition in order to find elements to explain the latest disappearance in the Gulf of Saint Lawrence. The ship disappears in the Ontario, like the others. From now, we're not asking for L's point of view. The United-States and the entiere world want him to investigate. This is a international request.

Yours faithfully,

Mr Robert M. Gates, United States Secretary of Defense "

- L ?

- Que se passe t-il, Watari ?

- Les disparitions de navires, répondit le vieil homme. Je crois qu'il va falloir que tu enquêtes.


" Un dieu de la mort n'est en aucun cas autorisé à écrire dans son death note le nom des

êtres humains qu'il a connu lorsqu'il était en vie. De même, il ne peut demander à un

autre dieu de la mort de s'acquitter de cette tâche. "

Extrait du Code des Dieux de la Mort, article V


Indications :

- Oui, L laisse Light faire son business chez lui, même si Watari n'est pas content :) (pas content ! Pas content ! Pas content !). Les explications quand à son indifférence arriveront plus tard.

- Les noms des shinigamis sont extraits du How To Use It, le chapitre d'explications de Death Note. Quand aux noms des hommes politiques en contact avec George W. Bush, ils existent tous.

- J'espère que mon anglais ne vous fera pas fuir.

- Vous aurez l'apparence du Roi de la Mort bientôt. Pour cette fanfiction, je conserve un maximum le suspens. Et non, avant que vous ne posiez la question, il ne porte pas de grande armure noire qui le fait ressembler à une boite de conserve, n'a pas de sabre-laser rouge et ne va pas balancer au beau milieu d'un chapitre " Light, je suis ton père. ". Le côté asthmatique, c'est juste pour l'ambiance ;).

- Il fallait que Light gagne le Prométhée. Disons qu'il a un pot de cocu ;). Par ailleurs, le nombre de cartes correspond au nombre de chapitres du manga Death Note(sans compter le chapitre spécial avec Near et le How To Use It).

- Dur dur, d'écrire les retrouvailles ! Par contre, j'aime délirer sur le Code des Dieux de la Mort et le Cataclysmes de la Mythologie Grecque.

- Faîtes très attention aux dates ! Je sais qu'elles sont dans le désordre, c'est justement fait exprès, ne vous inquiétez pas : je suis toujours dans l'optique du " un max de suspens ".

- "Récidive", c'est pour le retour de Light, et la reprise du cycle des disparitions maritimes.


Premier chapitre, donc, et j'ai jamais autant écrit pour une fanfiction ! Je le poste aujourd'hui étant donné que je pars jeudi pour Berlin(yayayaya), et que je ne reviendrais pas avant le 16 août minimum. En tout cas, les deux semaines de délai sont parfaites. J'ai pu revoir autant que je le voulais ce chapitre, changer des tas de trucs parce que ça ne me plaisait pas ou que c'était incohérent. Juste génial !

Je tiens à vous dire un très grand merci pour vos reviews sur le prologue de DA, pour l'avoir mise en favorites et la suivre. J'espère que vous accrocherez sur ce chapitre, bien qu'il ne s'y passe rien de bien concret pour le moment(ça va venir, vous bilez pas, mes agneaux, ça va venir XD).

Negen