CHAPITRE QUATRIÈME
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Marteau : du latin " martellus ", outil de percussion formé d'une tête en acier dur trempé
et d'un manche ou expression servant à désigner quelqu'un de fou, d'inconscient.
MARTEAU
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" Welcome Strangers, you must be cold
Bienvenue Étranger, vous devez avoir froid
Stay a while, the day grows old
Restez un moment, le jour s'étiole
Be not afraid, no dangers near
N'ayez pas peur, pas de dangers aux alentours
Just recall, we're all mad here.
Souvenez-vous, nous sommes tous fous ici. "
Citation d'Emilia Michealov
25 mars 2008, 11 heures 45, port de New-York/New Jersey, États-Unis.
Le seul équipage ayant accepté de prendre part à l'expédition est, comment dire, un peu rustique
Rustique, autrement dit ayant le caractère ou la simplicité de la campagne. Soit. Rustique, donc, était l'équipage du Svetlana d'après Donald Winter, le secrétaire à la Marine, qui lui-même tenait ses informations de Gary Roughead, devant à son tour les avoir obtenues d'un autre. Néanmoins, à mesure que les minutes s'étiolaient dans un silence de plomb sur le quai, L Lawliet fixait la femme accompagnant vraisemblablement le commandant du navire, un grand gars vêtu de blanc de la tête au pieds, baraqué juste comme il le fallait pour entrer à l'armée, avec l'étrange certitude que le terme " rustique " était bien trop réducteur pour qualifier son entière personnalité.
Blonde. Les cheveux coupés courts, à la garçonne, avec un visage petit, un long cou et des yeux très bleus. Pas vraiment jolie. Pas vraiment laide. Mais des traits faciaux peu conventionnels, un peu secs. Une femme des pays d'Europe de l'Est, sans doute. Assez grande et visiblement musclée, elle manquait en revanche de poitrine, impression renforcée par son uniforme noir de l'US Navy. Elle l'aperçut en train de la regarder et sourit. Puis, chose aussi étrange qu'illogique, elle lui fit un clin d'œil malicieux, intercepté bien évidemment par les autres, dont la réaction fut immédiate.
- Vous vous connaissez ? S'enquit prudemment le militaire accompagnant Winter et Roughead.
Joe R. Campa, onzième représentant des Officiers Marinier Supérieur. Connu pour avoir participé à la guerre du Golf entre 1990 et 1991 et par conséquent à la libération glorieuse du Koweit, bataille qui lui avait valu deux médailles ainsi que les éloges vigoureuses et le respect de ses pairs, l'homme se faisait de plus en plus effacé au fil des années. Les mauvaises langues aimaient à dire qu'il projetait de se retirer bientôt.
- Quel dalle, répondit la femme, et son sourire s'élargit. C'est fou, quand même, c'était juste un clin d'œil, mais vous êtes déjà tous en train de soupçonner ce pauvre garçon d'avoir introduit sa bécane dans mon garage.
Le choc se peignit instantanément sur les visages des militaires, du politicien et du commandant. Light, bien moins expressif, haussa toutefois un sourcil amplement révélateur de son état d'esprit. Le pouce de L, qui avait rejoint ses lèvres quelques minutes auparavant, descendit de quelques centimètres. Pour sûr qu'on ne lui avait jamais fait ce coup-là, même au cours de ses enquêtes les plus farfelues. Le sourire de la femme prit des proportions astronomiques. On aurait dit le chat du Cheshire, bien qu'elle ne balançât guère au bout d'une branche d'arbre et ne se rendît pas invisible au gré de ses envies.
Le raclement de gorge de Winter les rappela tous à l'ordre, et on choisit de passer outre.
- Messieurs, dit-il en s'adressant à L et Light, je vous présente Olga Smirnov, le second du commandant.
Elle tendit une main. Elle souriait toujours et ses lèvres s'étaient écartées pour offrir une vue imprenable sur ses dents.
- Appelez-moi chef, déclara t-elle, avant de baisser la voix et d'ajouter : mais seulement entre nous, d'accord ? Je risque de m'en prendre plein la gueule, sinon.
Son américain comportait un accent prononcé. L, après hésitation, lui rendit sa poignée de main. Elle lui écrasa les doigts avant de se tourner joyeusement vers Light, qui d'instinct plaça une main devant lui comme pour se protéger, et par dessus tout pour éviter que tous ne voient Smirnov lui passer au travers du corps, ce qui aurait irrémédiablement entrainé la découverte de son véritable statut.
- Je suis haptophobe, prétendit-il.
Smirnov s'immobilisa.
- C'est quoi, ça ? Demanda t-elle en fronçant les sourcils.
- L'haptophobie correspond à la crainte du contact physique, répondit L. C'est une peur rare et qui s'observe communément chez des personnes ayant subi des agressions sexuelles.
Le prétexte, bien que mince, n'était pas si mauvais. Le visage de la femme se tordit en une grimace compatissante.
- Oh bin merde, alors, lâcha t-elle en direction de Light. Mon pauvre bichon.
- Je n'ai pas été...
- Bah ! Le coupa t-elle avec un geste de la main. Vous en faîtes pas, chez nous aussi, c'est gratiné. J'avertirai les autres. Licht, en particulier. Il se glisse toujours dans le lit des gens, la nuit, vous comprenez ? Nous, on est habitué, mais vous, avec votre trucophobie, là, je ne suis pas sûre que vous apprécierez.
Effectivement, non. Il y avait peu de chances pour qu'ils acceptent l'un comme l'autre un colocataire nocturne, à plus forte raison si ce dernier était opportuniste.
- Et voici le commandant Wilson, reprit Winter, non sans un nouveau raclement de gorge, en désignant l'homme se tenant aux côtés de Smirnov. Il tiendra la barre du Svetlana tout au long de l'expédition.
- C'est nouveau, ça ? Depuis quand ? S'enquit le dit commandant d'un ton surpris.
- Depuis quand quoi ? Répliqua Roughead d'un ton irrité. Vous nous avez bien dit que vous étiez commandant, non ?
Smirnov et Wilson échangèrent un coup d'œil confus.
- Y a comme qui dirait une boulette, là, déclara la femme.
- Je crois qu'il y a un malentendu. Je suis commandant, leur confirma Wilson d'un ton craintif à l'idée de la réaction des autres, mais...pas du Svetlana. Je dirige actuellement le vraquier Barbarry, qui est amarré depuis huit heures du matin dans l'attente d'un chargement de marchandises.
Les autres lui offrirent des visages sceptiques en guise de réponse. Une veine au niveau du cou de Winter se tendit. Wilson eut alors un air de ressemblance avec une petite souris prise au piège au milieu de six énormes chats.
- Et peut-on savoir ce que vous faîtes ici, dans ce cas ? Grinça Roughead.
- Eh bien, voyez-vous, bredouilla l'homme, Olga et moi sommes des amis de longue date, et je m'ennuyais, alors je suis venu discuter un peu avec elle, histoire de...enfin, vous savez. Passer le temps.
Il croisa les regards menaçants de trois hommes en face de lui. Roughead, qui semblait contenir avec difficulté son mécontentement, lui fit un signe de tête sec. Wilson ne demanda pas son reste et s'en alla au pas de course.
- Et peut-on savoir où se trouve le commandant du Svetlana, second Smirnov ? Demanda Winter sur un ton dur.
Ce fut au tour de la femme d''être embarrassée. Elle baissa les yeux et se mit à tripoter son index gauche.
- Vous savez, commença t-elle, le commandant est quelqu'un de très bien, vraiment, il est gentil, aimable, ponctuel, et...
- Où-est-il ? Répéta Roughead, articulant chaque syllabe comme s'il s'adressait à une abrutie finie.
- Dans la cabine de pilotage.
- Faîtes-le venir.
- Peux pas, répliqua Smirnov d'un air penaud.
- Et pourquoi pas ? Insista Winter.
- Le commandant ne sort jamais de la cabine. Jamais. Même pas le dimanche.
Winter eut un petit rire offusqué.
- Vous voulez rire ?
Elle secoua la tête de gauche à droite et le visage du secrétaire à la Marine des États-Unis se décomposa.
- Dîtes-lui que nous voulons le voir, intervint Campa. Tout de suite.
Son passé de militaire jaillissait dans l'intonation de sa voix, là où, dans celle de Roughead, s'était installée l'hypocrisie mielleuse des accents politiques. Campa était encore un homme de terrain pur, alors que le chef des Opérations Navales s'était fait une place dans le bassin de requins que représentait le gouvernement américain. Ils n'étaient par ailleurs guère chaleureux l'un envers l'autre, se tenant à une distance respectable, comme si un mur s'était dressé entre eux, et qu'à présent ils parlaient une langue totalement différente.
- Je ne peux pas, répéta Smirnov plus fermement. Il refusera de sortir, croyez-moi.
- Vous avez bien de quoi le contacter, non ?
- Oui, mais...
- Appelez-le, ordonna sèchement Roughead. Et passez-le nous.
La femme les dévisagea l'un après l'autre, et son regard aigu s'attarda sur Light et L, aussi silencieux que des moines en prière, trop déconcertés pour dire quoi que ce fut. Puis, avec une visible réticence se traduisant par un roulement des yeux et un soupir agacé, elle extirpa de sa poche de pantalon un talkie-walkie, l'enclencha, attendit quelques secondes, et déclara :
- Commandant Diessel ? Ici Smirnov.
Un grésillement leur parvint, avant que n'explosent à l'unisson un bruit sourd indiquant clairement que l'appareil venait de tomber, et une voix particulièrement irritée s'écriant " Veux-tu venir ici, marin d'eau douce ! ", suivi immédiatement par " Reviens, sombre margoulin ! ", un tonitruant " Et qu'ça saute ! " ainsi que tout un tas d'autres injures variées qui provoquèrent la crispation instantanée du visage de Smirnov à chaque nouvelle ignominie. Et celle des autres, par la même occasion.
- Commandant ? Appela t-elle timidement.
- Tonnerre de bougre de aaaah ! Enfin ! S'exclama ce dernier, et sa voix se fit plus distincte. Smirnov ? Smirnov, vous êtes toujours là, ma chère ? Je l'ai eu ! Ce malotru ne m'aura pas échappé indéfiniment, vous avez vu ?
- Entendu, surtout. Toutes mes félicitations, commandant.
L'homme reprenait son souffle, tant et si bien que Light crut un instant avoir affaire au roi de la Mort.
- Euh, commandant ? Hésita Smirnov.
- Oui, ma chère ?
- Il y a ici des hommes qui souhaiteraient vous voir.
- Oh. Dîtes-leur d'aller là où je pense, répondit le commandant. Et qu'ça saute !
- Déjà fait.
- Et bien ?
- Ils veulent vous voir malgré tout.
- Diable ! Qui sont-ce ?
- Sont-ce des enfoi- des gens importants, se reprit bien vite Smirnov. Monsieur Campa, le patron, monsieur Roughead, le grand patron, et monsieur Winter, le très grand patron. Ah, et les assistants de L, aussi, mais ça, c'est moins important.
- Et le patron Suprême ? Et le kiki de tous les kiki des patrons ?
- Ah, ne quittez pas, je m'en vais demander.
Elle colla le talkie-walkie contre son épaule, puis se tourna vers Donald Winter, dont l'expression faciale se situait à mi-chemin entre l'exaspération, l'ahurissement, la consternation et la gêne.
- Le commandant aimerait savoir où sont messieurs Robert Gates et notre bon président.
- Absents, répondit Winter, avec autant de brusquerie que si on lui avait mis les doigts dans une prise électrique. Oui, c'est ça, ils sont...absents. Occupés. Des obligations.
Smirnov hocha la tête, puis remit l'appareil près de sa bouche.
- Absents, occupés, des obligations, répéta t-elle.
- Ah, lui répondit le commandant. Voilà qui est fort contrariant.
Roughead, ayant selon toute vraisemblance atteint sa limite, se saisit du talkie-walkie d'un geste vif, non sans de vives protestations de la part de la femme.
- Nom mais dîtes, ho ! C'est à moi, ça !
- Smirnov ? Appelait le commandant d'un ton inquiet. Smirnov, il y a un problème ?
- M'a piqué mon talkie-walkie, cet enfoi- cet homme important ! S'écria t-elle en le désignant de l'index.
Roughead l'ignora.
- Commandant Diessel, ici Gary Roughead, le chef des Opérations Navales des États-Unis, lança t-il. Je vous serais gré de bien vouloir nous rejoindre immédiatement. Nous devions avoir une discussion au sujet des conditions de l'expédition et le temps presse.
- Et pourquoi ne pas me rejoindre, moi ? Rétorqua le commandant. Si mes souvenirs sont bons, vous et vos collègues souhaitiez visiter le Svetlana avant le départ, n'est-ce pas ? Soyons astucieux, voulez-vous ? Ah, et pour l'amour du ciel, veuillez rendre son talkie-walkie au second Smirnov. Et qu'ça saute !
" Aucun dieu de la mort, de part son immatérialité, n'est en mesure d'avoir des contacts
physiques avec un être humain. Il existerait des moyens de rendre un dieu de la mort
matériel, mais ceux-ci demeurent à ce jour inconnus. "
Extrait du Code des Dieux de la Mort, article IX
Date inconnue, heure inconnue, Limbes.
Light ? Light, tu m'entends ? Li...
- ...iight. Debout, maintenant, ça fait trois plombes que je t'attend et je commence à m'ennuyer.
Sous son dos, le sol était rugueux, comme parsemé de milliers de cailloux, et froid. Autour de lui, aucun son, rien d'autre qu'un silence pesant. Il sentait qu'il était allongé les bras en croix, la tête sur le côté. L'intérieur de sa tête n'était qu'un incommensurable brouillard. Il avait mal à la poitrine, au poignet gauche et à la jambe, mais la douleur tenait davantage de la crampe que d'autre chose de plus lancinant. Sans ouvrir les yeux, il fit bouger ses doigts, les plia, une fois, deux fois, puis replia une jambe, tourna la tête de l'autre côté, inspira profondément, lentement. Les paupières closes, il vérifiait l'état global de son corps, et il lui fut agréable de constater que l'ensemble se portait apparemment bien. C'était déjà ça. Il n'avait pas la moindre idée de l'endroit où il se trouvait ni pourquoi il y était, mais savoir qu'il était entier représentait une maigre consolation. Sous lui, les cailloux crissaient.
- Oh, Light ! T'as entendu ? Lève-toi, t'as assez dormi comme ça.
Prononcé sur un ton railleur, l'ordre explosa dans ses oreilles et dans son crâne. C'était le genre d'effet que produisaient les cris de Sayu le matin, quand elle se rendait compte que la salle de bain était occupée par sa mère et qu'elle en avait, pour sa part, besoin dans les plus brefs délais. L'exception étant qu'ici, Light n'avait guère la possibilité de se tourner dans ses couvertures puis d'enfoncer un côté de son visage dans son oreiller afin d'atténuer la violence des plaintes de sa petite sœur. Regrettable. Il ouvrit les yeux, doucement. Et contrairement à ce qu'il avait prévu, la lumière ne les lui brûla pas.
Au dessus de lui, le noir complet, un écran de vide absolu. Il tourna la tête. Vit son bras tendu devant lui, intact. Autour s'étalait un vaste champs de ruines cendreuses, qu'entouraient des ossements, des rochers. Il parvint également à distinguer des amas d'objets ayant visiblement appartenu au monde humain. Roues. Outils de travail. Machines. Barres de fer. Chaînes. Tous recouvert d'une épaisse couche de poussière. Non, pas de la poussière.
Du sable.
Ce n'était pas des cailloux. C'était du sable.
- Light ? Tu te bouges, oui ?
Ryûk
Le shinigami se tenait juché sur un amoncellement de rocs aux extrémités aiguisées comme la pointe d'un couteau de boucher. Assis en tailleur, les mains sur les cuisses, il regardait Light sans se départir de son expression faciale clownesque. Le jeune homme, bien qu'habitué à son apparence disgracieuse, le trouva encore plus laid qu'à l'accoutumée. Une conséquence du lieu où ils étaient à présent, sans doute.
- C'est pas trop tôt, maugréa t-il en constatant que ce dernier était réveillé.
Light prit appui sur ses coudes puis se redressa en position assise. Il amena ses mains devant lui. Si elles avaient conservé leur humanité, si ses cinq doigts étaient toujours là, il nota toutefois combien sa peau était devenue blême. En silence, sans prendre garde au soupir agacé de Ryûk, il se mit debout avec prudence. Sa stabilité le surprit un peu. Il jeta un coup d'œil aux vêtements qu'il portait. Le t-shirt noir. La veste. Le pantalon. Les chaussures. Il posa les yeux sur Ryûk. Les épaules du shinigami étaient en proie à de brèves secousses. Il riait.
- Je suis mort.
- Ouais, répondit Ryûk sans compassion. Ça fait deux jours.
Light digéra la nouvelle avec autant de froideur que si on lui avait annoncé le décès d'un poisson rouge. Il avait un peu l'impression d'avoir été anesthésié, aussi bien physiquement qu'émotionnellement. Du regard, il parcourut les alentours déserts. Le sable était partout, s'étendant à perte de vue.
- C'est ça, le Néant ? Demanda t-il.
- Non. Si tu étais dans le Néant, je ne serais pas là. Réfléchis un peu, Light. Je pensais que tu réussirais à trouver tout seul.
- Le monde des shinigamis, conclut-il.
- En plein dans le mille. Plus exactement, tu es dans les Limbes. C'est ici que se réveillent tous les nouveaux dieux de la mort, lâcha Ryûk.
Le corps de Light Yagami était apparu un jour plus tôt sur le sol des Limbes, soit 24 heures après sa mort dans le monde des humains. C'était le temps réglementaire. Dés lors que la nouvelle lui était parvenue, Ryûk avait quitté le Cathare et son ennui continuel pour se rendre à la rencontre de celui que ses congénères surnommaient déjà le " petit nouveau ". Il y avait un certain temps que ce genre de choses ne s'était pas produit. Rares étaient en effet les dieux de la mort qui abandonnaient leur cahier sur Terre, en tout premier lieu par crainte que cela ne perturbe l'équilibre entre les deux univers, et ensuite parce que la plupart étaient trop stupides pour songer à faire une telle chose. D'autres, les plus fiers, refusaient catégoriquement de devoir suivre un être humain au quotidien, sans possibilité de s'en détacher une seule seconde. Dalil Guillohrtha le lui avait par ailleurs reproché à de nombreuses reprises, appelant les hommes des " esclavagistes dissimulés sous des capuches de bons samaritains ".
S'il avait attendu aussi longtemps, ce n'était que pour une seule chose : le visage de Light lorsqu'il lui apprendrait son nouveau statut. Il s'attendait à retrouver le même éclat de folie, le même flamboiement exalté, au fond de ses yeux, il s'était préparé à un discours fiévreux, bouillant, ce à quoi le jeune homme l'avait habitué lorsqu'il était en vie, mais rien de tout cela ne survint. Les traits de Light Yagami affichèrent une totale et sincère indifférence quand aux paroles de Ryûk. Il ne répondit rien, ne s'enflamma pas. Son flegme déplut au shinigami, qui avait jusqu'à lors imaginé que Light, dévoré par sa mégalomanie, intenterait une révolution contre le vieux roi afin de prendre sa place. Les coups d'État étaient divertissants. Cependant, au vue de son adynamie actuelle, il était peu probable que le nouveau dieu de la mort décide de renverser le monarque. Toute sa volonté avait été comme aspirée. Ryûk avait déjà assisté à des naissances de shinigamis, mais il ne se souvenait pas d'une telle apathie. Les premiers jours suivant leur arrivée dans le Cathare, les nouveaux étaient les plus actifs. Leur énergie redonnait un peu de vitalité à leurs semblables, raison pour laquelle les " jeunes " étaient grandement appréciés. Les naissances animaient le monde des dieux de morts, aussi les acceuillait-on avec enthousiasme. Light Yagami, bien qu'à peine réveillé, semblait déjà plus terne que l'intégralité des autres dieux de la mort, tous âges confondus.
Il y avait de quoi être déçu.
- Ça n'a pas l'air de te faire plaisir, on dirait, lança Ryûk.
Light eut un rire bref, mais l'émotion n'y était pas.
- Je ne sais pas, avoua t-il. Pour être franc avec toi, Ryûk, ça ne me fait ni chaud ni froid.
- Je croyais que tu serais content.
- Moi aussi. Les dieux de la mort ne ressentent rien, ou je suis juste une nouvelle exception à la règle ?
- Deuxième option, répondit Ryûk. Les nouveaux éprouvent encore des choses, on ne fait que perdre cette capacité au fil du temps. Mais ne te surestime pas, Light. Je crois que tu as juste un bon self-control, pas plus. Ça finira bien par péter à un moment ou un autre.
Il déplia son corps disproportionné, se massa les épaules, puis descendit de son perchoir.
- Suis-moi, maintenant, lança t-il. Je dois t'emmener voir le roi de la Mort. C'est la procédure habituelle.
" Un nouveau dieu de la mort sera encore capable d'éprouver de l'empathie dans un
délai de dix à treize ans. Cette aptitude s'atténuera année après année, jusqu'à ce que
l'indifférence l'ait définitivement remplacée. "
Extrait du Code des Dieux de la Mort, article X
25 mars 2008, 12 heures 33, port de New-York/New Jersey, États-Unis.
Le second Smirnov ouvrait la marche, immédiatement suivie par Donald Winter, Roughead, et Campa. L, Watari et Light marchaient à l'arrière. Ils traversèrent la passerelle et débouchèrent sur le pont du navire, avant que Smirnov ne pose la main sur la poignée d'une lourde porte blanche.
- C'est la porte principale, leur indiqua t-elle. Comprenez par là, celle qu'on utilise le plus souvent. En passant par là, vous tombez directement au premier niveau, et vous pouvez accéder aux cabines, aux salles de bain, à la cuisine, enfin bon, vous voyez le topo, quoi. C'est un peu l'étage confort, si vous voulez.
Le Svetlana, d'après Roughead, était un modèle relativement petit de navire océanographique. Bien moins volumineux en terme d'espace que ses aînés tels que le Ronald H. Brown de la NOAA américaine ou l'Atlantis appartenant à l'Institut océanographique de Woods Hole, la bateau était une propriété de la NSO, la Navy Ship Organisation, créé en janvier 2005 sous ordre du président de la république dans le but d'offrir davantage d'indépendance à la marine américaine, qui devait jusqu'à lors attendre la fin des expéditions organisées par la NOAA pour emprunter un navire de recherche. Si cela avait engendré une véritable polémique du côté du monde scientifique, la plupart estimant que mêler recherches et armée n'était pas de bon augure, la marine, quand à elle, avait achevé un premier bâtiment, le Navy Birthday, en 2006, grâce aux fonds accordés à la NSO par le gouvernement. Le Svetlana était son second rejeton, ainsi que le tout premier navire pluridisciplinaire. Le troisième, en cours de préparation, devait permettre de déterminer, en fonction des courants marins des différents océans, quelles types de modifications seraient à apporter aux navires de guerre pour les rendre plus rapides, et donc plus performants.
Ils se faufilèrent à l'intérieur. Smirnov les fit longer un premier couloir, s'interrompit pour leur montrer l'intérieur d'une cabine, jusqu'à ce que des hurlements de rire ne retentissent. Elle accéléra alors le pas et s'arrêta devant une porte grande ouverte sur ce qui ressemblait à un salon miniature pour y beugler :
- Oh, un peu de tenue, que diable ! On reçoit du monde, merde !
Derechef, réalisant sa grossièreté, elle plaqua sa main contre sa bouche.
- Désolée, c'est sorti tout seul.
- On espère bien, tiens ! Lança une voix d'homme depuis la salle. C'est vrai que c'est mieux que ça sorte tout seul quand tu vas aux petits coins, Olga.
Un tonnerre d'éclats de rire fit écho à la remarque. Roughead, le visage rouge, se déplaça de sorte à apparaître aux côtés de Smirnov. L'hilarité prit fin en quelques secondes, et on entendit des grincements de chaises brusquement reculées. Ils rentrèrent dans la pièce sans un mot. Elle était meublée confortablement, et séparée en deux parties distinctes. Un " salon ", comportant canapé, table basse, fauteuils, bibliothèque et télévision, et une " salle à manger ".
Ils étaient six hommes, tous installés autour d'une grande table sur laquelle étaient posées les assiettes encore fumantes de leur déjeuner. Le plus grand d'entre eux était blond, très musclé et très bronzé, avec des yeux d'un bleu électrique, un exemple parfait de surfeur australien. Trois d'entre eux portaient des uniformes élégants qui n'étaient pas sans rappeler ceux des serveurs dans les restaurants chics, quoi que le plus vieux, à l'air distingué et aux tempes grisonnant à vue d'œil, approchât davantage du maître d'hôtel dans les établissements de luxe. Quand aux deux jeunes, qui se ressemblaient comme deux gouttes d'eau, ils se regardaient du coin de l'œil puis se mordaient les lèvres pour contenir un rire. Le quatrième, outre sa bonne bedaine, avait un visage fort, une " gueule " comme disait certains, qui exprimait une certaine force de caractère, une grande honnêteté irrémédiablement doublée de brusquerie. Il portait une salopette bleue et tenait dans ses mains des gants en caoutchouc jaune. Enfin, les deux derniers, qui devaient avoir le même âge que les ébauches de serveurs, avaient dans le fond de l'œil une sorte de crépitement qui leur donnait l'air de cinglés, impression renforcée par leurs cheveux décoiffés au possibles et la façon compulsive qu'avait l'un d'eux de piquer des morceaux de viande dans son assiette pour les engloutir aussitôt.
- Smirnov, tu...hum...tu nous as jamais dit qu'on...hum...qu'on attendait de la visite, l'informa ce dernier entre deux bouchés.
- Si, je vous l'ai dit, répliqua la femme en croisant les bras. Hier soir.
- Quand ? Demanda le surfeur.
- Entre le Rhum et le Ricard, juste avant que Langlois ne se mette à chanter en français et en sous-vêtements.
Il y eut alors un " aaaah" général, comme si tous venaient de comprendre une vérité universelle. Pour la première fois depuis qu'ils avaient fait la connaissance de Smirnov, Light et L échangèrent un bref coup d'œil hésitant. Le maître d'hôtel intervint, tout sourire, les mains jointes devant lui.
- Je le savais, moi, dit-il d'un ton malicieux. Je vous ai préparé un thé et des biscuits avec l'aide de Pronto, ils vous attendent à la cuisine.
Accent anglais.
- Oh, vraiment ? S'exclama Smirnov d'une voix aigüe de petite fille. Vous avez vraiment fait des biscuits ?
L'autre hocha doucement la tête et la femme battit des mains avant de se tourner vers le reste du groupe.
- On y va, c'est sur notre chemin, décréta t-elle.
- Des présentations seraient les bienvenues, s'interposa Winter.
L'enthousiasme de Smirnov parut retomber. Son sourire glissa sur son visage, remplacé une moue dubitative. Elle les regarda, puis regarda les six membres de l'équipage, et ainsi de suite à deux reprises, avant de lâcher, index sur la bouche :
- Z'avez peut-être pas tort.
Elle claqua théâtralement des mains. Ses collègues se mirent brusquement en ligne, mains dans le dos, droits comme des i, le menton relevé.
- De droite à gauche, lança Smirnov en les désignant du doigt l'un après l'autre, lieutenant Seashell, australien. Notre graisseur en chef, Ber, algérien. Nos officiers électriciens Luz et Licht, espagnol et allemand. Notre maître d'hôtel Tailcoat, anglais. Et enfin nos jumeaux et deux garçons de services, Pierre et Lellou, français.
Le surfeur. La bedaine. Les décoiffés. Le gentleman britannique. Les serveurs. Ils leur adressèrent un salut militaire avant d'enchaîner sur une révérence soignée, quoi que légèrement exagérée pour les deux électriciens. Gary Roughead, bien que pris au dépourvu, les gratifia d'un signe de tête, probablement par réflexe.
- On peut aller à la cuisine, maintenant ? S'enquit Smirnov.
Roughead, Winter et Campa s'entre-regardèrent, mais ne trouvèrent rien à lui objecter. Ils quittaient la pièce lorsqu'un aboiement résonna dans le couloir :
- Hé, Smirnov ! Oublie pas de ramener la bouteille !
Des rugissements de rire vinrent accueillir la plaisanterie. Smirnov continua de marcher.
- Ils me la font tout le temps, celle-là, soupira t-elle.
Elle les entraîna avec elle au pas de course vers le fond du couloir, dépassant plusieurs croisements avec d'autres allées qui débouchaient parfois sur un cul-de-sac, parfois sur une ouverture en direction de l'extérieur ou d'une cabine. Une vive odeur de nourriture encore chaude leur parvint. La mâchoire ainsi que le ventre de Winter se contractèrent. Il avait faim, et il était bientôt une heure de l'après-midi. Deux conférences avec des ministres étrangers l'attendaient à la Maison-Blanche, mais il n'était pas sûr de pouvoir tenir une après-midi entière sans avaler quelque chose.
Smirnov obliqua vers la gauche, et tira la porte qui se trouvait devant elle. Un nuage de fumée odorante leur souhaita la bienvenue. Roughead mit une main devant sa bouche. On se serait cru au beau milieu d'un incendie.
- Pronto ! Appela le second en agitant la main. Pronto, vous êtes là ?
- Si ! Si, sono qui, piccola, vieni !
Ils avancèrent à tâtons dans la cuisine envahie par le smog, en toussant et en fermant à moitié les yeux. Light, bien que ce ne fût pas le cas, eut l'esprit de paraître incommodé également, pensant régulièrement à mettre son poing devant sa bouche et à feindre des toussotements. Lorsque la vapeur se dissipa au bout de quelques minutes, L distingua les appareils électroménagers modernes, chromés, à la pointe de la technologie. Il fut obligé d'admettre que les dires de Gary Roughead la veille étaient fondés, et que la marine avait effectivement eu le bon goût d'équiper son navire afin de garantir, tant aux passagers qu'à l'équipage, un confort des plus élevés.
Une femme jaillit du brouillard. Ronde et rouge, avec des cheveux noirs frisés noués en chignon, elle portait l'uniforme blanc traditionnel des chefs cuisiniers et avait dans la main une spatule. Un jeune homme fluet se tenait à son côté, l'air timide. Il avait un beau visage aux traits androgynes et une multitude de boucles brunes sur la tête.
- Scuzi, la pasta a trop cuit, dit-elle, un fort accent italien empiétant sur son américain. C'est la colpa de Lamelemorte, il ne surveille jamais rien.
- C'est Lameloise, madame Pronto, bredouilla le garçon. Lameloise, pas Lamellemorte.
- Ah, basta, vas t'occuper un'po della pasta, si ? Répliqua séchement la cuisinière. Lascia mi parlare con la gente, bambino !
Elle lui donna la spatule d'un geste si brusque que Light crut qu'elle allait l'assommer. Le pauvre s'en saisit maladroitement puis s'éclipsa en direction des plaques, où une gigantesque casserole laissait échapper des volutes incessants de fumée.
- Qué tu veux, piccola ? Demanda la cuisinière à Olga, poings sur les hanches.
- Tailcoat m'a dit que vous aviez fait des gâteaux et du thé, répondit-elle, pas le moins du monde désarçonnée face à l'italienne. Je viens me servir. Ah, et je devais vous présenter à ces enfo- à ces hommes importants.
Elle se déplaça un peu pour que la cuisinière puisse examiner chacun des hommes qui l'accompagnaient. L'œil de cette dernière se mit à luire d'intérêt. Toutefois, si elle accorda peu d'attention aux militaires et à Winter, en dépit de leur statuts non négligeables, elle s'autorisa en revanche un peu plus pour L, Light, et enfin ouvrit des grands yeux ahuris quand elle aperçut Watari.
- Ma perché il est momifié dans du cuir, celui-là ? Demanda t-elle. Il doit avoir chaud.
Winter jugea bon d'intervenir.
- Monsieur Watari étant l'intermédiaire entre le monde extérieur et le détective mondial L, par mesure de sécurité, et à l'image de son patron, son visage doit demeurer inconnu.
Un sourcil sceptique se leva sur le visage de l'italienne.
- Et una maschera de Zorro, c'était pas plus simple ? Lâcha t-elle. M'a pas l'air si geniale que ça, il vostro détective.
Smirnov gloussa fébrilement avant de mettre sa main devant sa bouche, dans l'espoir de se contenir. Du coin de l'oeil, L vit Light pincer les lèvres tout en baissant la tête, probablement dans le même but.
- Messieurs, Donnatella Fusilli, notre chef cuisinière, annonça t-elle. On l'appelle aussi Pronto, ceux qui participeront à l'expédition comprendront très vite pourquoi. Et là-bas, poursuivit-elle, c'est son adjoint, Lameloise. Où sont les gâteaux ?
- Ne bouge pas, piccola, il bambino va t'amener i biscotti et le thé, répondit l'italienne. Bambino !
- J'ai entendu, madame Pronto.
Le gamin ramena un plateau argenté sur lequel reposaient un service à thé en porcelaine, ainsi qu'une assiette de crackers. Smirnov s'installa sur un tabouret tandis qu'il remplissait une tasse pour elle, puis en proposa aux autres, en vain, bien que le thé dégageât un fumet exquis. L identifia les vapeurs fruitées du Darjeeling. Smirnov tendit l'assiette de crackers tout en trempant le sien dans son thé, et Winter capitula, n'ayant rien avalé d'autre depuis sept heures du matin qu'un café serré et une petite part de brioche en guise de petit déjeuner. Roughead semblait nerveux.
- Je croyais que nous étions ici pour rencontrer l'équipage et visiter le navire, pas pour prendre le thé, maugréa t-il.
- Hum...détendez-vous, déclara Smirnov, la bouche pleine de crackers. Je termine ça et je vous emmène voir le commandant, promis juré. Vous êtes sûr que vous ne voulez pas de crackers ?
- Non.
- Dommage.
Lameloise, profitant de l'inattention de la chef cuisinière, trop occupée à décoller les pâtes au fond de la casserole, tendit une main pour s'emparer discrètement d'un biscuit qu'il mena bien vite à sa bouche. Un sourire, plus tendre que les précédents, naquit sur les lèvres de Smirnov.
- Je vous serais gré de vous dépêcher, second Smirnov, lança sèchement Campa. Mon collègue et moi-même devons assister à une réunion d'ici une heure, et monsieur Winter doit rentrer à la Maison-Blanche pour rencontrer plusieurs ministres.
- Hum...fallait le dire tout de suite. Vous n'avez donné aucune limite d'horaire au téléphone, hier, alors évidemment, moi, je prends mon temps.
Elle engloutit son dernier biscuit, avala d'une traite ce qui lui restait de thé, remercia chaleureusement la cuisinière ainsi que son adjoint, puis sauta sur ses pieds. L'instant suivant, ils crapahutaient de nouveau dans le couloir. Smirnov les fit sortir à l'extérieur, sur le pont. Le vent leur fouetta le visage. Ils continuèrent en direction de la proue, atteignirent l'extrémité du bâtiment du premier niveau, avant de bifurquer immédiatement sur la gauche. Ils empruntèrent ensuite un escalier menant à la passerelle.
- Smirnov ! Entendirent-ils en entrant à l'intérieur. Il est treize heures et nous ne sommes toujours pas partis, c'est une honte ! Ordonnez qu'on lève l'ancre. Et qu'ça saute !
Le commandant était vêtu de l'uniforme réglementaire des capitaines de navires, consistant en une chemise blanche, un pantalon de toile de la même couleur et des chaussures assorties. La soixantaine à première vue, il exhibait une moustache torsadée qui lui donnait l'air d'un aristocrate du XIXéme siècle. Il se tenait parfaitement droit devant la barre, les yeux fixés vers l'horizon. Smirnov se détacha du groupe pour s'incliner respectueusement, les mains dans le dos.
- Commandant Diessel, messieurs Roughead, Winter, Campa, et les assistants de L, annonça t-elle.
Le visage qui se tourna vers eux présentait des yeux d'un bleu profond mêlé à une légère touche de brun, comme des îlots entourés d'un océan qui se seraient introduits dans le cerveau de l'homme et qui, à défaut de pouvoir en sortir, se seraient incrustées en lui à tout jamais. Creusé de quelques rides, les traits en étaient nobles, presque majestueux. Si le commandant avait un comportement pour le moins insolite, il conservait toutefois un port altier, et son allure était des plus superbes. Le trouble pouvait se lire dans les expressions confondues des militaires et de Donald Winter. Tous semblèrent à court de mots, tant ils avaient imaginé un capitaine à la mesure des abominations qu'ils avaient pu entendre sur les quais. Light, s'il admirait la carrure, n'en laissa rien paraître. Il avait depuis longtemps appris que l'habit ne faisait pas le moine, et attendait de voir les compétences en matière de pilotage du commandant. Les quelques membres de l'équipage du Svetlana leur ayant été présentés n'avaient cessé de le consterner par leur balourdise. Il était depuis sur ses gardes, et n'allait pas changer d'avis sous prétexte que le chef de cette assemblée de fous avait belle prestance.
Il y avait par ailleurs fort à parier que L pensait la même chose. Le regard qu'ils avaient échangé quelques minutes auparavant était là pour confirmer leur état d'esprit similaire. Le détective était tout aussi médusé et catastrophé que le shinigami à l'idée de partir en compagnie de cette bande d'échappés des petites-maisons.
- Bienvenue à bord, messieurs, les salua le commandant. Veuillez m'excuser pour m'être emporté tout à l'heure, ce bougre de talkie-walkie m'avait échappé des mains.
- Nous avions compris, commandant, lui assura Roughead d'un ton bienveillant mais ne correspondant guère à l'expression de son visage. Nous aimerions discuter avec vous de l'expédition.
- Ah, oui. Avez-vu pu visiter le navire ? Demanda t-il en pivotant vers Smirnov.
- Ils n'ont pas vu l'intégralité du Svetlana, commandant, seulement le premier niveau, répondit cette dernière. Nous manquions malheureusement de temps.
- Je comprends. Et, euh, les assistants de ce L, - les trois autres se reculèrent pour laisser apparaître Light et le détective - , ah, enchanté, messieurs.
Il tendit la main pour serrer celle de L, qui se présenta en tant que Ryûzaki, mais alors que Light ouvrait la bouche pour l'empêcher de faire de même avec lui, Smirnov le dévança.
- Commandant, ne touchez pas celui en noir, il a de l'apnéphobie !
- Pardon ? Fit Diessel.
- C'est de l'haptophobie, soupira Light.
Le commandant le regarda sans comprendre.
- La peur d'être touché, reprit alors Smirnov, ça arrive aux gens qui ont subi un viol.
- Oh, mon pauvre garçon, lâcha Diessel d'un ton navré. Je suis confus, puissiez-vous m'excuser, je n'en savais rien.
- Mais je...
- Il faudra prévenir Licht, surtout, continua le commandant en s'adressant à son second. Qu'il n'aille pas les embêter tous les deux ainsi que ces messieurs les chercheurs.
- Je m'en chargerai, commandant, lui promit Smirnov.
L'attention de ce dernier se concentra à nouveau sur Roughead et les autres.
- Les experts sont arrivés ? S'enquit Winter.
- Depuis deux bonnes heures au moins, déclara Diessel. Ils se sont installés dans leurs cabines et ont depuis disparu dans le laboratoire avec des échantillons récoltés sur les carcasses des bateaux. Nous n'attendions plus que vous pour partir.
- Et qu'en est-il de l'hélicoptère ? Renchérit Roughead.
- Pardon ? Quel hélicoptère ?
- Lorsque je vous ai téléphoné hier soir, il a été convenu que le Svetlana disposerait d'une hélisurface pouvant accueillir des hélicoptères, expliqua le militaire d'un ton sec. C'était un dispositif supposé éviter toute prise de risque aux passagers ainsi qu'à l'équipage au cas où le navire serait à même de disparaître à son tour.
Si L avait accepté de participer à l'expédition, c'était notamment pour cette raison. La perspective d'une échappatoire en cas de danger avait été proposée par Robert Gates au cours de leur entretien à la Maison-Blanche avec le président des États-Unis et communiquée un peu plus tard à Roughead, qui avait pris les dispositions nécessaires. Toutefois, sur le Sveltana, ne se profilait aucune plateforme hélicoptère, pour le plus grand désarroi de L.
- Ah, oui, l'hélicoptère, répéta le commandant. Monsieur Roughead, sauf votre respect, croyez-vous vraiment qu'un navire océanographique de cette taille puisse posséder une hélisurface ?
- Avec des travaux...
- Nous en aurions eu pour des mois et vous auriez payé des millions, le coupa Diessel. Mais ne vous inquiétez donc pas : Smirnov et moi-même avons été parler à notre supérieur hiérarchique, et il a été prévu deux choses. La première, que le Svetlana disposerait d'un émetteur permanent afin qu'une unité spéciale, venant tout juste d'être créée, puisse suivre tous ses déplacements. Il a été posé ce matin. La seconde, qu'un satellite américain réservé par l'armée le filmerait tout au long de l'expédition. La vidéo sera retranscrite sur les écrans de la nouvelle unité, et la marine pourra intervenir rapidement si danger il y a.
- Quand débutera la vidéo ? Demanda Campa.
- Dés que nous partirons.
- C'est bien moins performant qu'un hélicoptère, maugréa Roughead.
- Certes, mais c'est plus rapide, répliqua Diessel. Dans le pire des cas, nous disposons de six canots de sauvetage, de fusées de détresse, de gilets, d'une radio et de deux ou trois morceaux de jazz. Cela devrait amplement suffire à garantir notre survie, n'est-ce pas ?
" Amphitrite donna naissance à deux filles, Benthésicymé et Rhodé, épouse d'Hélios,
dont serait issu le nom de l'île de Rhodes, mais aussi à un garçon, Triton, dieu marin
à buste d'homme et ayant une queue de poisson en guise de partie inférieure du
corps. Poséidon ne s'arrêta cependant pas à une seule épouse et accumula,
à l'image de son frère Zeus, les femmes et les enfants, fruits de ses nombreuses
conquêtes. Les plus illustres furent Gaïa, la Terre, Démeter, sa soeur, ou
encore la gorgone Méduse.
Poséidon aida les hommes à prospérer. Des villes situées dans l'ancienne Grande Grèce
(côtes italiennes et Sicile) portent encore aujourd'hui son nom. Il créa le premier cheval, participa
à la Guerre de Troie, construisit des murailles pour Troie. Maître des océans, il n'hésita pas non
plus à s'approprier des kilomètres de terre. On raconte par ailleurs qu'il entra en possession
d'une île dans l'actuel océan Atlantique, qui jusqu'à aujourd'hui demeure introuvable. "
Extrait des Cataclysmes de la Mythologie Grecque, de William Fauster
25 mars 2008, 15 heures 48, aéroport de Londres Heathrow, Londres, Angleterre.
Mesdames et messieurs, votre vol en provenance de Miami vient d'atterrir à l'aéroport de Londres Heathrow. La compagnie vous remercie et vous souhaite un excellent séjour.
- M, on y est, marmonna Matt, le nez plongé dans sa console.
Mello détestait l'avion. Viscéralement. Il détestait l'avion presque autant qu'il détestait Near, du moins aujourd'hui en particulier. Les babillages mièvres mais ininterrompus au sujet d'un possible mariage et de possibles enfants du jeune couple assis juste devant eux l'avaient écœuré. Sûrement davantage encore que les nuages, dont la couleur lui rappelait sans cesse celle des cheveux de Near. En outre, il était terriblement à l'étroit, car la connasse devant lui, Brittany d'après ce qu'il avait pu comprendre, avait reculé son siège à tel point que celui-ci lui compressant à présent les jambes. Il n'avait sans doute jamais autant regretté son colt King Cobra, une petite merveille qu'il s'était procuré à New-York, quelques jours avant de partir pour la villa de Schnell à Miami.
Pour résoudre l'affaire des meurtres en Israël, L avait voulu que ses trois successeurs se retrouvent au QG de Londres, acheté en 2002 et occupé depuis 2006 par Near. Mello avait protesté, affirmant qu'il était hors de question qu'il côtoie de nouveau son rival, mais L avait écarté la moindre de ses plaintes à grands renfort de " Kira peut frapper n'importe quand ", " affaire classée plus rapidement si vous êtes trois ", " plus facile pour vous " et ainsi de suite. Il avait fallu se débrouiller avec les livraisons de drogues et autres marchandises illégales à la villa. Matt s'était occupé de tracer un autre itinéraire passant par le quartier Upper Eastside et utilisant un îlot à proximité pour décharger le matos. Mello, pour sa part, s'était chargé de prévenir Schnell et d'organiser le rapatriement de l'ensemble jusqu'à New-York à partir de l'Upper Eastside. Il avait également prévu de suivre le développement des choses par le biais de son ordinateur, et, tout comme Schnell l'avait fait avec eux, le blond avait prévenu les hommes travaillant pour lui que la moindre erreur ne serait pas acceptée.
Ils avaient embarqué à six heures du matin à l'aéroport international de Miami, après avoir une dernière fois vérifié le système d'échange mis en place durant leur absence. Ils n'avaient presque pas de bagages, hormis leurs ordinateurs portables respectifs et quelques vêtements de rechange. Ils seraient logés au QG, sous la direction de Roger Ruvie, le directeur de la Wammy's House.
- Il est toujours vivant, lui ? S'était étonné Matt.
Si le geek avait dans un premier temps été surpris par la décision du blond, il avait fini par en comprendre l'origine. Mello lui avait rien caché au sujet de sa conversation téléphonique avec L. Bien qu'il ne le détestât pas autant que son meilleur ami, Matt n'appréciait pas vraiment l'idée de travailler à nouveau en collaboration avec Near. Il énervait considérablement Mello et le poussait toujours à accomplir des folies dans l'unique but de le surpasser, l'ennui étant que Matt se voyait obligé de participer à ces plans tordus. Le blond avait toujours besoin de lui à un moment ou à un autre. Toujours. Comme une éponge, Matt aspirait toute la haine suintant par les pores de Mello. Ce n'était pas ses compétences en informatique que recherchait véritablement son meilleur ami, mais plutôt sa capacité à lui remettre la tête à l'endroit, là où Near la lui retournait à l'envers.
Ils pénétrèrent dans l'aéroport bondé, lunettes de soleil sur les yeux. Simple mesure de prudence. L'Angleterre était le territoire de L. Dés lors qu'on y posait un pied, on se pliait à ses règles sans discuter. Et la règle d'or était l'anonymat. Toutefois Mello, vêtu de cuir de la tête aux pieds, tablette de chocolat à la main, passait bien moins inaperçu que Matt, qui, contrairement à la plupart des génies de la Wammy's, était capable de se fondre dans la masse sans la moindre difficulté. Un don peu commun chez tous les héritiers potentiels de L.
Ils atteignirent le grand hall, puis s'engouffrèrent à l'extérieur. Roger, prévenu de leur arrivée, les attendait dans une cox coccinelle. Là aussi, la marque de fabrique de L en Angleterre. Dans les autres pays, il utilisait des véhicules plus modernes. Roger, en les voyant s'approcher, s'extirpa de la voiture. Il avait pris quelques rides, et ses cheveux, gris du temps où ils étaient encore à l'orphelinat, tiraient sur le blanc.
- Salut, Roger, lança Mello.
- Content de vous revoir, les garçons, déclara t-il. Mettez vos bagages dans le coffre, et ensuite je vous conduirais au QG.
- Tu as laissé la Wammy's sans son directeur ? Tu vas avoir le droit à une émeute, Roger, plaisanta Matt en s'exécutant.
Il grimpa à l'arrière, rejoint aussitôt par Mello. Roger démarra, et ils dépassèrent la chapelle de Saint George puis le grand panneau d'accueil " Welcome to Heathrow ". Retrouver l'Angleterre et sa discrétion élégante après avoir pris l'habitude de l'extravagance américaine était un peu pertubant. Il pleuvait.
- Vous avez reçu le dossier de l'affaire ? S'enquit le directeur.
- Oui.
Deux meurtre et un cochon au ventre découpé. À cela, Matt n'avait fait que demander si l'on pouvait réellement employer le terme d' " assassinat " concernant un cochon, étant donné qu'il était question d'un animal et non d'un être humain. Réflexion à laquelle Mello n'avait pas répondu, trop occupé à lire les informations que L leur avait envoyé. Ils passèrent devant le parc Cranford.
Le QG était un appartement du district Southwark, dans le quartier homonyme. Connu pour abriter le théâtre de Globe de Shakespeare, il avait subi une véritable révoluation architecturale. Des immeubles modernes s'étaient implantés. C'était dans l'un d'eux que L s'était installé, avant de laisser la place à Near.
Les jardins du château de Lambeth.
Le British Film Institute.
Le King's College.
Matt commençait à se sentir un peu nerveux. Mello avait presque terminé sa tablette, et ses dents cognaient férocement chaque fois qu'il en arrachait un bout.
Southwark Street.
Redcross Way.
Les doigts gantés de Mello se mirent à tripoter le chapelet à perles rouges qu'il portait constamment autour du cou.
Park Street.
La Tamise juste derrière .
Un immeuble de briques rouges avec balcon, grille et interphone.
- Entrez.
La voix mécanique de Near et la crispation de mâchoire de Mello.
C'est pas gagné
" Le génie est un flot baigné par la folie. "
Citation d'Emile Augier, auteur dramatique français
Indications :
- Merci à Xanara pour l'idée des hélicoptères :).
- J'en profite aussi pour remercier Spades 44, ce que j'aurais dû faire dans le chapitre précédent, pour m'avoir fait découvrir la narration à la seconde personne avec sa fanfiction " Second Chances ".
- Je vous avais bien dit, dans l'intro, qu'il y aurait des dingues. Les voilà. Mais alors ils sont dingues, dingues, dingues. Bien comme il faut. Ils ne tiennent pas une couche, mais deux. J'ai pas lésiné, en espérant que ça plaise. Mais ne vous en faîtes pas, je ne vais pas virer dans la parodie pour autant ;).
- Les noms des membres de l'équipage ? Jamais du hasard. J'explique, dans l'ordre. Smirnov = Smirnoff, une marque de vodka russe(d'où la blague). Seashell = " coquillage " en anglais, pour le côté surfeur. Ber = à une lettre près, ressemble à " bear", " ours" en anglais, ou à " bière ". Luz et Licht = " lumière " en espagnol et en allemand, avec Light, ça fera juste trois illuminés(hahaha, riez). Tailcoat = " queue-de-pie " en anglais, un vêtement de cérémonie. Pierre et Lellou = " Pierre et le loup ", le conte russe, et je tiens juste à vous prévenir que ce sont des prénoms, pas des noms de famille. Lameloise = vient de Jacques Lameloise, grand chef cuisinier français. Fusilli = type de pâtes italiennes. Pronto = " vite " en italien. Diessel = vient de " moteur diesel ". Tous de nationalités différentes, ou presque, mais pour discuter, ils parlent anglais. Sinon, bonjour la galère.
- Je vais vous dire un truc : si j'étais L ou Light, c'est pas compliqué, je fuirai. Sérieusement.
- J'étais censée expliquer pourquoi L accepte de participer à l'expédition mais j'ai oublié. Je ferais ça au prochain chapitre :).
- J'ai fait italien en troisième langue, donc je vous préviens, donc vous aller en chier :P. Lameloise aussi, d'ailleurs. Pronto ne s'arrêta pas de parler dans sa langue natale, mais vous bilez pas, je vous refile les traductions. Voir ci-dessous :
Si ! Si, sono qui, piccola, vieni ! : Oui ! Oui, je suis là, petite, viens !
Scuzi, la pasta... : Désolé, les pâtes...
Colpa : faute
Vas t'occuper un'po della pasta, si ? : Va t'occuper un peu des pâtes, oui ?
Lascia mi parlare con la gente, bambino ! : Laisse-moi parler avec les gens, gamin !
Ma perché... : Mais pourquoi...
Una maschera : un masque
Il vostro : vôtre
I biscotti : les biscuits
- Moui, fallait que je me moque de l'accoutrement de Watari au moins une fois ;).
- Non, Smirnov ne va pas se farcir l'un de nos génies. Elle leur fait trop peur pour ça XD.
- Oui, L et Light sont fort mal barrés. Ça va pas s'arranger avec le temps.
- J'avais prévu dix chapitres pour cette fanfic, mais à mesure que j'écris, je me rends que j'aurais besoin de plus. Je passe le nombre à treize, pour être sûr.
- Le chat du Cheshire : référence à Through the looking glass.
- La NSO ? N'existe pas :).
- Marteau, c'est l'adjectif parfait pour désigner l'équipage du Svetlana, mais aussi pour qualifier Near, qui tape sur le système de Mello.
C'est horrible, le nombre de mots par chapitre se réduit au fur et à mesure. Flippant. Je vous remercie tout plein pour vos reviews, de même que je remercie les lecteurs. Je souhaite que vous vous tapiez une bonne poilade. Attention, cependant, je le répète, ceci n'est pas une parodie de Death Note. Je vais alterner rigolade et sérieux au fil des chapitres. De toute façon, j'ai toujours trouvé que l'histoire originale, en dépit de sa virtuosité, manquait un peu d'humour.
Negen
