CHAPITRE SIXIÈME
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Insatisfaction : du latin "satisfactio" avec le préfixe privatif in-, état de
quelqu'un qui n'est pas satisfait, qui n'a pas ce qu'il souhaite.
INSATISFACTION
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" MARINS : ON SE FICHE DE NOUS ! "
" Les récentes disparitions maritimes ayant eu lieu aux quatre coins du monde n'ont pourtant pas
modifié le trafic des navires. Les mesures prises par les différentes nations afin de garantir la sécurité des équipages
ont été minimes, si ce n'est, dans certains pays, nettement inexistantes. Ce manque de vigilance général est aujourd'hui à
l'origine de plusieurs manifestations aux États-Unis, mais également en France, aux Pays-Bas, et dans quelques PSEM
tels que le Maroc, la Tunisie ou l'Égypte. Les marins se disent pour la majorité anxieux à l'idée de retourner en mer,
et déplorent l'inaction des gouvernements. "
Die Welt, quotidien allemand
25 mars 2008, 15 heures 06, Port de Rotterdam, Pays-Bas.
Sans retenue, Hubrecht Hermanes, capitaine du Patriarch, quarante huit ans d'ici deux mois, donnait de la voix. Lui et une centaine d'autres marins s'étaient réunis depuis midi moins le quart sur les quais du port de Rotterdam, abandonnant leurs postes sur les navires afin de pouvoir librement s'exprimer quand aux récents événements. Si les médias n'accordaient aucun importance à l'opinion d'un seul matelot, la réunion d'un grand nombre d'entre eux attirerait sans aucun doute les yeux des journalistes, puis, de fil en aiguille, ceux du monde entier. Criant tout son soul, il avait l'impression que toute son âme était en communion avec celle de ses semblables. Ici, ils revendiquaient tous la même chose : la sécurité. Sur une estrade improvisée, Lodewijk Koekelberg, un lieutenant d'une cinquantaine d'années, beuglait dans un microphone aux côtés de deux hommes appartenant au même équipage que lui. À l'origine de cette manifestation, Tobias Janssens, commandant d'un superbe porte-conteneur amarré non loin de là. Un buffet avait également été dressé pour l'occasion, et régulièrement un marin arrêtait de crier pour aller se servir un stroopwafel ou encore des speculaas. Les assiettes de frites et de moules avaient depuis longtemps été vidées.
Il avait fallu attendre quatorze heures pour que les premiers journalistes fassent leur apparition autour d'eux, brandissant leurs caméras, leurs micros ou leurs blocs-notes en direction des marins. Serrés en petit groupe, avec en tête l'idée que parler ensembles d'une même voix, et non isolé, chacun exprimant son propre point de vue, les rendrait plus puissants, ils en appelaient aux gouvernements du monde entier. Les témoignages se succédaient les uns après les autres. Les oreilles à l'affût de la moindre parole, les journalistes engloutissaient les informations comme la légende avait voulu que Chronos engloutisse ses propres enfants.
Six disparitions, c'était bien trop à leur yeux, mais visiblement pas assez pour les autorités, qui ne se démenaient pas vraiment pour y trouver une explication logique. On leur avait dit que des recherches étaient en cours sur les fragments retrouvés des navires, sur les cadavres découverts, mais aucun résultat n'était jamais parvenu aux membres du Nautilus NL, le syndicat de la Marine des Pays-Bas. On leur disait simplement de continuer leur travail, comme si de rien n'était. Pour les États, influencés par les banques, le principal était que la circulation des marchandises se fasse sans interruption aucune, au risque de faire plonger l'économie mondiale. Comme pour les transports en commun, la moindre coupure dans le domaine maritime avait des répercussions à grande échelle et le plus souvent désastreuses pour les finances des entreprises alors en charge des cargaisons. Chez les marins, les priorités n'étaient pas les mêmes. Tant que la sûreté en mer n'était pas garantie, il était fermement hors de question de naviguer. Les leaders de plusieurs syndicats dans les pays européens étaient tombés d'accord avec ceux du Nautilus NL et avaient également organisé des manifestations dans les grands ports tel que celui de Anvers, Hambourg ou encore Marseille, en France.
Hermanes était marié depuis bientôt vingt ans et avait trois enfants de quinze, huit et six ans. Deux filles et un petit garçon, ses trois plus grandes fiertés. Sa femme, Fransiska, dirigeait une entreprise de décoration intérieure. Elle avait ça dans le sang, Fransiska, et le chiffre d'affaire de son commerce était là pour l'appuyer. Ils s'étaient rencontrés alors qu'elle s'occupait de l'intérieur d'un nouveau ferry réservé à des croisières le long des côtes. Cinq ans plus tard, ils se mariaient à Utrecht. Son salaire couplé à celui de Hubrecht leur avait permis d'acheter une jolie maison à Zoetermeer, non loin de Rotterdam. En outre, à eux deux, ils réunissaient suffisamment pour pouvoir offrir à leur fille aînée, Nadia, ses études à l'étranger. Royaume-Unis, plus précisément. Elle voulait devenir enseignante. Avec des projets comme les siens, il était exclu pour Hermanes de se volatiliser au beau milieu d'un océan sans crier gare. Pour n'importe quel marin ayant des projets, autrement dit la totalité, la disparition n'avait pas sa place. Ils n'étaient pas juste des automates menant d'un bout à l'autre des chargements de conteneurs pour faire fructifier les richesses des nations. Nier que la mer était devenue dangereuse pour eux, c'était refuser leur vulnérabilité et par là même, leur humanité. Les mensonges des gouvernements, ils en avaient ras-le-bol. Si les messages individuels ne passaient pas, peut-être qu'un cri de colère unanime serait plus efficace.
- Avez-vous des théories sur ces disparitions ? Pensez-vous qu'elles pourraient être l'œuvre d'organisations internationales terroristes ?
Non. N'importe quoi. Rien de terroriste là-dessous. Hermanes n'avait pas fait des années et des années d'études mais il n'était pas con au point de penser que des hommes pouvait être à l'origine de ce genre de choses. Les membres du Nautilus NL avaient réussi à se procurer des détails quand aux corps retrouvés sur les plages et la majorité des marins s'étaient rapidement accordée sur le fait que des dégâts aussi considérables ne pouvaient pas être réalisés par un être humain, tout aussi violent qu'il fût. Prétendre le contraire, c'était se voiler la face. Néanmoins, toute cette histoire était tellement incroyable qu'on avait presque envie de fermer les yeux et d'admettre cette théorie, malgré son incohérence. Accuser un homme, c'était rassurant.
Un homme, on finit toujours par l'avoir
Mais ça, c'était quelque chose de beaucoup plus imprévisible et redoutable, et quand on abordait le sujet, le silence tombait, comme si tous savaient de quoi il était question mais n'osaient pas en parler. La vérité, c'était qu'ils avaient bel et bien une hypothèse en commun, mais qu'elle était pour ainsi dire dénuée de sens et à l'encontre de toute logique. Quoi que la logique n'eût plus grand chose à voir avec cette affaire. L'erreur des autorités était de se contenter d'images satellites trop imprécises, qui n'étaient pas en haute-définition et qui par conséquent ne permettaient pas de voir clairement ce qui provoquait les disparitions. Car dans le fond, le suivi des navires se faisait très bien par cartographie satellite, les bateaux étant alors représentés par des points mobiles. C'était une technique qui coûtait moins chère que le suivi permanent en haute-définition, également par satellite, et qu'affectionnaient les marines internationales de part sa simplicité d'utilisation. Toutefois, lors des disparitions, le point correspondant au bateau concerné s'évaporait brutalement de l'écran, et personne n'était en mesure de déterminer ce qui s'était passé.
Hermanes en avait discuté avec plusieurs de ses congénères au cours de la semaine, ainsi qu'avec Janssens au début de la manifestation.
- T'en penses quoi, toi ? Lui avait-il demandé.
- J'ai bien une idée, lui avait répondu l'autre, mais c'est tordu. Ça fait trois fois que je la raconte et ça fait trois fois qu'on me dit que je déraille.
- Dis toujours.
Janssens l'avait attiré à part, un peu plus loin de leurs compatriotes qui vidaient une bouteille d'Armagnac français ramenée par l'un d'entre eux à l'occasion.
- J'ai parlé avec les mecs du syndic'. Ils sont parvenus, dieu sait comment d'ailleurs, à contacter l'un des toubibs qui bossait sur le cadavre du gosse retrouvé en Nouvelle-Zélande.
- Ils t'ont raconté deux-trois trucs ?
- Ouais. C'est encore pire que ce qu'on pensait.
- Du genre ?
- Je ne veux pas te faire gerber après un buffet pareil, mais à ce qui paraît, quand on veut arracher un membre humain, faut s'y prendre plusieurs fois, lui avait expliqué l'autre. Il n'y a que très peu d'animaux avec une mâchoire suffisamment large capable de tout choper d'un coup. Je crois que le requin blanc peut faire des trucs comme ça. Mais là, les mecs du syndic' m'ont dit que c'était parti en un coup. Pas la moindre trace d'incision avant le démembrement, contrairement à ce que ferait un homme, par exemple. Pas de trace non plus de lutte.
- De lutte ? Avait répété Hermanes.
- Ouais. T'as déjà vu des lionnes en train de bouffer ?
- À la télé, ouais. Pourquoi ?
- Tu sais, quand elles veulent arracher un gros morceau de viande, elles doivent tirer et parfois s'y prendre à plusieurs reprises. Bin là, rien. On leur a tranché les membres d'un seul coup, violemment, mais d'un coup. Normalement, quand ça résiste un peu, le prédateur laisse des traces. Là, rien du tout.
Le visage d'Hermanes, arborant jusqu'à lors une expression dégoûtée, devint franchement horrifié. Il pensa à son fils, à son tout petit corps, et à combien il aurait été facile de lui ôter le bras ou la jambe. L'image de l'enfant mutilé lui sauta aux yeux et il ne la supporta pas.
- C'est ce que le chercheur a dit aux mecs du syndic' ? Articula t-il d'une voix un peu blanche.
- Ouais. Et vu ce qui est passé aux infos ces derniers jours, ça m'a pas l'air d'être du bluff.
- Et ton idée ?
Janssens s'était approché de lui, de sorte à ce que personne n'entende ce qu'il allait lui dire.
- Honnêtement, je pense que c'est une espèce de monstre, avait-il répondu. Un truc qui se cacherait en mer et qui sortirait de temps à autre pour se remplir la panse. J'ai beau retourner l'histoire dans tous les sens, j'arrive pas à trouver une autre explication logique.
Hermanes, la vision abominable de l'enfant démembré toujours en tête, n'avait pas osé le traiter de dingue.
" Dom Juan, bas, à Charlotte : C'est en vain que vous lui parlerez ; vous ne lui ôtrez point cette fantaisie.
Mathurine : Est-ce que... ?
Dom Juan, bas, à Mathurine : Il n'y a pas moyen de lui faire entendre raison.
Charlotte : Je voudrais...
Dom Juan, bas, à Charlotte : Elle est obstinée comme tous les diables.
Mathurine : Vramant...
Dom Juan, bas, à Mathurine : Ne lui dîtes rien, c'est une folle. "
Extrait de Dom Juan, acte II scène IV, de Molière
25 mars 2008, 15 heures 12, Upper Bay, à quelques mètres du pont Verrazano-Narrows.
L'espace entre le pont et la mer était suffisamment large pour que les bateaux puissent naviguer sans avoir besoin de le soulever. Sa construction s'était achevée en 1964, et durant une vingtaine d'années, il avait détenu le titre de plus long pont existant au monde, avant d'être détrôné par le pont du Humber, au Royaume-Unis. Light l'avait déjà vu une fois, de loin, à l'occasion d'un voyage scolaire avec sa classe en Angleterre, quand il était encore au collège. Il se souvenait de leur professeur de l'époque, habillée d'un anorak vert kaki, leur apprenant le nombre de personnes ayant tenté de se suicider en sautant du pont depuis son inauguration en 1981. Si l'information ne lui revenait pas dans l'immédiat, l'expression épouvantée de ses camarades de classe, en revanche, lui apparaissait de manière parfaitement nette. En outre, il se rappelait fort bien avoir utilisé le pont dans le cadre de l'élimination des criminels par le death note : il avait effectivement fait en sorte qu'un meurtrier britannique, venant alors de s'échapper de prison, saute depuis l'un des pylônes et se fracasse la tête contre la route en contrebas, ou plus exactement sur le capot d'un automobiliste qui passait au même moment. C'était quelques jours après avoir tué les agents du FBI venant enquêter sur Kira au Japon. C'était aussi quelques jours après avoir regardé Raye Penber se tordre sur le sol, en proie à une crise cardiaque.
L- Light Yagami ?!
Adieu, Raye Penber
Ses yeux si abasourdis lorsqu'ils l'avaient aperçu dans le train, la pochette calée sous son bras.
- SMIRNOV ! ON VA PASSER SOUS LE PONT, AMENEZ-MOI DES CRACKERS, ET QU'ÇA SAUTE !
Le hurlement du commandant se répercuta tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du navire, agressant sans pitié les tympans du shinigami. En contrebas, il vit le corps de L sursauter. La porte principale s'ouvrit avec fracas et Smirnov jaillit à la vitesse d'un boulet de canon pour monter les marches en direction de la passerelle, portant un petit plateau sur lequel étaient posés des biscuits mais également une théière en porcelaine anglaise, ainsi qu'une tasse de thé dans sa coupelle.
- Oui, oui, commandant, me voilà, me voilà ! S'exclama t-elle.
Un instant, elle chancela, et Light crut qu'elle allait tout renverser. Il s'apprêtait à lui venir en aide quand, de manière surprenante, elle balança son poids sur la gauche, fit cogner son épaule contre le mur, attendit quelques instants que sa stabilité revienne, avant de repartir sec vers la cabine de pilotage, à l'intérieur de laquelle elle disparut. Light reporta alors son attention vers le pont qui, de loin, donnait davantage l'impression d'un simple fil de laine suspendu entre les deux continents, prêt à se rompre au moindre coup de vent.
De là où il était, il parvenait à apercevoir des voitures filant à toute vitesse au dessus de l'eau. Et l'horizon qui se profilait devant lui faisait se joindre bout à bout la mer et le bleu du ciel, ramenant à la mémoire de Light une vieille légende égyptienne qui traitait de la création de la terre et du ciel. Les jumeaux Geb et Nout, fruits de l'union de Shou(l'air) et de Tefnout(l'humidité) étaient constamment enlacés, empêchant jusqu'aux rayons de Rê, le dieu-soleil, de passer au travers. Ce dernier, insatisfait, ordonna que la situation prenne fin au plus vite. Shou, le père des jumeaux, parvint à se glisser entre eux et repoussa Nout vers le haut. Elle devint la voûte céleste, tandis que Geb, allongé sous elle, devenait la terre. Toutefois, la nuit, Nout, échappant à la surveillance de son père, étreignait son frère. C'était l'obscurité. Ils conçurent ainsi Osiris, Isis, Seth et Nepthys.
La grande énéade d'Héliopolis
Le Svetlana glissa sous le pont, lentement. En dessous, le ronronnement des voitures se mêlait au bruit des moteurs du navire. Et alors, une fois le pont dépassé, le shinigami vit que la terre s'ouvrait largement, et que la végétation disparaissait pour faire place à une étendue marine d'un bleu cent fois plus limpide que celui sur lequel ils naviguaient actuellement. Là où se terminait la terre des États-Unis d'Amérique, avec ses gratte-ciel, ses lumières et ses trois cent millions d'habitants, commençait l'incroyable ondulation des vagues de l'océan Atlantique, son silence et son infinité terrifiante. Cependant, le spectacle, s'il demeurait fascinant, ne laissa pas moins à Light Yagami un arrière goût amer d'appréhension. Tout comme L, il s'aventurait sur un terrain qu'il n'avait jamais côtoyé auparavant, et s'il ne doutait pas de ses capacités intellectuelles, il n'avait en revanche aucune confiance ni en l'équipage du navire et sa folie furieuse, ni dans les remous vaporeux de l'océan, en particulier depuis que quelque chose y rôdait et s'attaquait aux embarcations. Ce n'était pas comme s'il risquait véritablement de se faire tuer, étant déjà mort depuis quatre ans, mais il éprouvait néanmoins ce qu'il aurait du ressentir en tant qu'être humain vivant, autrement dit un profond inconfort en vue des conditions dans lesquelles était réalisée l'expédition.
D'ici quelques années, ce sera terminé
Le Code des Dieux de la Mort, dont il conservait un exemplaire personnel dans une poche intérieure de son manteau, indiquait clairement que toute empathie tendait à disparaître dans un délai de dix à treize ans. Light avait rarement été la proie d'émotions véhémentes, mais toujours était-il que le peu auquel il avait été confronté lui avait irrévocablement porté préjudice. Son stress dans l'affaire Kira ne lui avait été d'aucun secours, pas plus que son attachement pour sa famille. En outre, c'était ses sentiments qui constituaient sa plus grande faiblesse dans le Cathare. Une fois débarrassé d'eux, il serait également libéré de tous les mauvais souvenirs qu'il ne pouvait s'empêcher de ressasser depuis son arrivée dans le royaume des Dieux de la Mort.
Le bateau filait droit devant à présent. L n'avait pas bougé, et il observait de ses yeux noirs et inexpressifs le tapis d'eau claire s'étendant sous la coque du navire. Ils étaient à la mi-chemin de la Gravesend Bay, et approchaient de l'île Hoffman. D'ici une dizaine de minutes, ils franchiraient la dernière ligne américaine et entreraient définitivement dans l'océan Atlantique.
Les scientifiques lui avaient fait part de leurs impressions respectives quand aux disparitions, qui très honnêtement ne valaient guère plus que les suppositions faites par les médias. Newton, Van Lunet et Deville croyaient dur comme fer à des maelströms, ce à quoi L avait répliqué que les satellites auraient probablement si ce n'était sûrement noté leurs présences. Al-Qasim quand à lui tentait désespérément de faire le lien entre la théorie de ses confrères et l'état des cadavres, sans toutefois y parvenir.
- Il est strictement impossible qu'un naufrage puisse entraîner de telles blessures, mais il est aussi strictement impossible que ce soit le travail de requins ou d'orques, puisque l'un comme l'autre ne s'attaquent pas à l'homme, lui avait-il dit d'une voix un peu tremblante sous la frustration. Et il est impossible que des bateaux disparaissent aussi brutalement sans crier gare. Toute cette histoire, assistant Ryûzaki, n'a aucun sens, et vous n'avez idée d'à quel point cela me perturbe ! Ouh, que je suis perturbé !
Sur ces mots, il avait juré en arabe, s'était massé nerveusement les temps, puis avait rejoint sa paillasse, sur laquelle étaient regroupées les photos des différents corps transmises par les autres médecins-légistes sur l'ordre d'Interpol. Antoine Deville s'était alors approché de L, un sourire bienveillant vissé sur les lèvres, et l'avait entraîné un peu plus loin.
- Monsieur Ryûzaki, avait-il déclaré, et son accent français prononcé ruinait le ton de velours de sa voix. Si j'ai bien compris, vous êtes un assistant de L, n'est-ce pas ? Vous êtes donc en contact permanent avec lui. Voyez-vous, le gouvernement américain nous a demandé de travailler sur ce cas, mais vous m'accorderez que nous disposons de peu d'éléments aidants à la compréhension des événements. Non pas que la situation ne me déstabilise, loin de là, que dis-je ! C'est merveilleux d'être perdu ainsi dans l'immensité de la méconnaissance, de patauger joyeusement dans la mare aux secrets, de se laisser porter par des hypothèses abracadabrantes sur les hommes et les choses...
- Mais ? Fit L, bien décidé à épargner à Deville un discours pompeux.
Le chercheur, interrompu dans sa tirade, parut hésiter avant de lâcher brutalement :
- Mais l'incompréhension me donne des crises d'herpès, voyez-vous. Monumentales. Ma femme m'a quitté pour un biologiste à cause de ce calvaire. Je n'ai pas de quoi juguler cette abomination et j'apprécierai, mon cher ami, que vous me mettiez en contact direct avec L. Si je recevais ses conclusions rapidement, je pense que je parviendrais à empêcher qu'advienne cette infamie.
L n'avait pas été dupe.
- Vous voulez les analyses de L pour pouvoir vous les réapproprier ensuite ?
Deville, comme un ordinateur en surchauffe, eut un moment de flottement.
- Que nenni, répondit-il, à peu près aussi convaincant que Light Yagami quand il avait affirmé ne pas être Kira. Vous avez de ces idées, mon cher. Je pensais simplement qu'un peu d'aide technique me serait bénéfique.
- Je vais sur le pont, avait alors annoncé L, aux prises avec un immense besoin d'air frais.
Il s'éloignait lorsqu'il entendit Deville s'exclamer depuis le laboratoire " Et songez à parler de moi à L, mon brave ! ".
L'équipage était atteint, les scientifiques tout autant, et travailler dans de telles conditions, avec un risque de mort somme toute assez élevé, que ce fut par ce qui provoquait les disparitions ou par la main même de Light Yagami, qui avait ouvertement exprimé son désir de l'éliminer, n'agréait que trop peu à L, attaché à la sécurité que lui offraient ses différents QG, son anonymat et la distance existant entre lui et l'extérieur. Ici, il se retrouvait presque aussi vulnérable qu'un chaton à la naissance. Un temps, son idée avait été d'envoyer Mello, Matt et Near à sa place, mais Quillish lui avait alors rappelé l'état de ses relations avec eux, ainsi que le peu d'affection qu'éprouvait le blond pour la navigation. En outre, Matt et Near auraient strictement refusé de monter à bord du Svetlana sans Mello. Matt en était inséparable, bien que ses émotions ne transparaissent pas immédiatement sur son visage. Quand à Near, l'envoyer seul aurait constitué une erreur, car il était incapable de résoudre une enquête sans intervention du blond. Ils fonctionnait à deux, et quoi qu'en dise Quillish, une enquête dirigée par Near sans que Mello ne s'en mêle ne valait absolument rien. Mello avait de la motivation. Near, aucune. La seule chose qui le poussait à donner le meilleur de lui-même, c'était Mello. Et vice-versa.
Les enfants de la Wammy's fonctionnent à trois, et les deux premiers
Tais-toi, Beyond
Ils étaient dans la Lower Bay. Là, les deux derniers pans de la terre des États-Unis, à savoir l'extrémité de Brooklyn et la Getaway National Recreation Area, non loin de Middletown, se séparaient, se dissociaient, comme deux grandes portes qui s'ouvriraient sur l'Atlantique. L'air était différent. Plus léger.
- Vous avez rencontré les experts ?
À côté de lui se tenait Olga Smirnov, les mains derrière le dos.
- Oui, répondit-il.
- Des théories intéressantes ou des conneries par paquet de douze ?
- Ni l'un ni l'autre.
- Et vous ?
- Rien de concret. Il me manque des données.
- Vraiment ? Vous les avez oublié ?
- Non. Il semblerait que Light-kun s'obstine à vouloir les garder pour lui.
Smirnov haussa un sourcil incrédule.
- Dîtes, les mecs, si vous n'êtes pas foutus de vous entendre au point de ne pas vouloir échanger vos infos, on est pas prêts de la finir, cette expédition, lâcha t-elle. Pourquoi L vous a envoyé tous les deux si vos relations sont si chaotiques ? Je rejoins Pronto sur ce point, pour un détective mondial, il fait des trucs un peu illogiques. Ou alors il est vraiment pas doué dans les relations humaines, ajouta t-elle avec un air de réflexion profonde, son index sur les lèvres.
L ne répondit pas. Mais il se mit à détester cordialement son rôle d'assistant.
- SMIRNOV ! ON VA PASSER LES PORTES DU CONTINENT ! AMENEZ-MOI UNE CARTE DES ROUTES MARITIMES, ET QU'ÇA SAUTE !
Si L sursauta et ne parvint pas à le cacher, Smirnov en revanche n'eut aucune réaction notable. L'habitude, sans doute.
- J'arrive, commandant ! S'exclama t-elle, puis elle se tourna vers L : Excusez-moi.
Néanmoins, avant d'entrer à l'intérieur du navire, elle lui lança :
- Vous et votre copain, vous devriez retourner voir les scientifiques. L'équipage et moi, on aimerait bien entendre vos hypothèses, histoire de savoir quoi faire en cas de pépin, si vous voyez ce que je veux dire.
Elle disparut. Au même moment, le Svetlana passa l'ouverture sur l'océan, et il n'y eut soudainement plus de terre, plus de bruit de voitures ou de mouettes. Les vagues se multiplièrent, entourant le navire d'écume. Le vent tiède s'insinuait sous le t-shirt de L. Dés lors que l'Amérique du Nord eut totalement disparu de son champs de vision, il jeta au coup d'œil au dessus de lui, du côté de la passerelle. Appuyé contre la barrière de l'escalier, Light Yagami lui rendit son regard. Ils se comprirent.
Ils rentrèrent à l'intérieur.
" Chaque nouveau dieu de la mort reçoit un exemplaire du Code des Dieux de la
Mort par le roi, au cours d'une entrevue spéciale de bienvenue. Cet exemplaire
devra être conservé en permanence, quelles que soient les circonstances. "
Extrait du Code des Dieux de la Mort, article XI
7 novembre 2004, heure inconnue, Palais Royal du Mont Fossoyeur, Cathare.
- C'est ici qu'il vit ? Demanda Light.
- Qu'il "vit" ? T'as de ces termes, toi. Le roi de la Mort ne "vit" pas. Il habite le palais, mais il ne vit pas. T'es vraiment rouillé, hein, Light ?
Ils avaient traversés le désert des Limbes, ses vestiges de créations humaines et le froid glacé de son air, pour atteindre un grand escalier suspendu au dessus d'un vide infini et noir. Ryûk lui avait expliqué que tous les shinigamis l'empruntaient pour se rendre aux différents niveaux du Cathare, bien que le dernier, lui avait-il fait remarquer, fut interdit d'accès dans la majorité des cas. Les Limbes étaient généralement inhabitées, car leur néant appelaient à la remémoration, processus que tous les dieux de la mort sans exception avaient en horreur absolue. Les souvenirs étaient de véritables plaies, qu'ils soient bons ou désagréables, car ils donnaient à voir une existence et donc à des possibilités auxquelles les shinigamis n'avaient plus le droit. Seuls les plus tourmentés allaient se perdre dans le sable des Limbes, et il arrivait qu'ils ne reviennent pas.
Les Plaines étaient leur lieu de regroupement, de perdition, et par dessus tout l'endroit le plus ennuyeux ayant jamais existé, dixit Ryûk. Le sol y était jonchée de structures en os, en matériaux humains, en pierres. Elle était percée d'une lumière grisâtre, et les Dieux de la Mort n'avaient rien d'autre à y faire que de jouer et de dormir. Le dernier terme avait pris Light au dépourvu, car, comme il le fit remarquer à son accompagnateur, celui-ci n'avait jamais dormi en sa présence.
- Les dieux de la mort dorment, Light, avait alors affirmé Ryûk, mais c'est rare. Quand un shinigami ferme les yeux, tout ce qu'il voit, c'est sa vie d'avant. On a tendance à éviter de le faire tant qu'on a pas perdu notre empathie.
Si le Cathare était divisé en trois niveaux distincts, les Plaines, pour leur part, se séparaient en quatre secteurs. Dans le premier, les dieux de la mort avaient accès à un portail leur permettant de se rendre sur Terre, ainsi qu'à des vortex pour observer les événements ayant lieu à sa surface. Le second espace était réservé aux maigres divertissements dont ils disposaient, entre autre au jeu , et le troisième, aménagé avec un confort relativement plus marqué, où se regroupait la quasi-totalité des arbres du royaume, offrait aux shinigamis un espace de repos. Quand à la quatrième zone, elle se composait d'une unique montagne aux appendices hargneux, le Mont Fossoyeur, au sommet duquel avait été construit le Palais Royal, résidence du vieux monarque. Un escalier taillé grossièrement dans la roche permettait de s'y rendre. Toutefois, il était strictement interdit de pénétrer dans la zone à moins d'y avoir été convié officiellement. C'était habituellement un shinigami de haut niveau appelé Armonia Justin Beyondormason qui s'occupait de faire la liaison entre les messages royaux et les Plaines, en partenariat avec une autre déesse de la mort, Nu, seconde en terme de pouvoir et d'intelligence après le souverain.
Les nouveaux dieux de la mort devaient obligatoirement rencontrer le monarque dés le jour de leur naissance. Celui-ci leur souhaitait alors la bienvenue, leur fournissait un livre intitulé " Code des Dieux de la Mort ", que possédaient tous les shinigamis et regroupant toutes les règles de conduites que ces derniers se devaient d'appliquer, avant de donner au nouveau venu sa forme finale, son rang ainsi que son nom définitif. Light avait grimacé.
- Il n'y a pas moyen de garder sa forme humaine ?
Il n'avait aucune envie de ressembler à Ryûk, tout simplement grotesque avec ses bras et ses jambes trop longs et trop fins. En outre, le peu de shinigamis qu'il avait pu apercevoir en chemin l'avait conforté dans l'idée de rester tel qu'il était actuellement.
- Sais pas, avait répondu Ryûk. Faudra voir ça avec le vieux, Light.
Ils parvinrent au sommet. Le Palais se dressait devant eux, entouré d'une voûte à la fois majestueuse et morbide en os. Light, pour la première fois depuis qu'il avait posé le pied dans le royaume des dieux de la mort, ne sentit pas la pointe de la déception percer le creux de son estomac. En effet, le roi avait eu le bon goût de faire de sa résidence un endroit digne de son statut.
La façade de la demeure royale était semblable à celle du Panthéon de Rome. En pierres grises et craquelées par endroits, luisantes à d'autres, elle exhibait néanmoins une vingtaine de colonnes évoquant celles de l'ordre ionique, dont les plus beaux modèles soutenaient l'Érechthéion de l'Acropole d'Athènes. Les hautes et lourdes portes ouvragées s'ouvraient sur une salle large, froide, au plafond situé à une hauteur incommensurable, tout comme l'était celui de la basilique Saint Pierre, au Vatican. Le sol, sur lequel claquaient les chaussures de Light, avait tout l'air d'être en marbre noir, et sur les murs, que parsemaient des torches, des figures occultes se dessinaient, telle une fresque racontant l'histoire des dieux de la mort. Ryûk le mena tout au fond. Là, une dizaine de marches le séparaient d'un trône où était posé une sorte de grosse balle rougeâtre, que tenaient des chaînes. Puis, en s'approchant, Light prit conscience que la balle en question émettait des sifflements réguliers, et il déglutit, véritablement écœuré.
Ryûk l'avait prévenu que le premier entretien avec le roi de la Mort était rendu difficile de part l'apparence de celui-ci, plutôt malaisée à supporter visuellement parlant. Light avait les nerfs solides, mais il ne parvint toutefois pas à dissimuler sa répugnance vis-à-vis du divin monarque, et ses lèvres s'étirèrent en un rictus dégoûté. Car le roi, tout aussi puissant et intelligent qu'il fût, était épouvantable de laideur, et parvenir à le regarder plus de deux secondes constituait une épreuve en soi. Les yeux de Light Yagami, accoutumés à la beauté et à l'élégance, ne devaient pas s'en remettre avant plusieurs jours.
Le corps du monarque était rond, rond comme un globe terrestre. Sa chair rouge à un endroit, rosée à un autre, chutait à la moindre occasion. Des chaînes y étaient directement implantées et maintenaient le souverain dans une position stable. Il n'avait pas de jambes, mais des bras minuscules, au nombre de quatre, plus fins que des brindilles, avec des doigt crochus. Son visage était à l'intérieur de la bouche d'une première et énorme tête de mort. Ses yeux étaient minuscules, jaunâtres, profondément enfoncés dans leurs orbites. Sa bouche s'ouvrait sur une série de dents aiguisées, et dés qu'il l'ouvrait, un filet de bave en dégoulinait. Il ressemblait à un gros insecte croisé avec une éponge.
Répugnant
- Light Yagami, votre Majesté, annonça Ryûk.
Le ton du shinigami était un peu ironique. Il lui avait révélé durant le trajet qu'il n'aimait ni le roi, ni le protocole qui l'accompagnait.
Le monarque ouvrit la bouche - répugnant - et prit une lente inspiration.
- Light...Yagami, articula t-il finalement.
- Votre Majesté, répondit ce dernier en s'inclinant légèrement, appliquant de manière quasi automatique le protocole humain face à un membre d'une famille royale quelconque.
Il avait été prévenu par Ryûk des difficultés respiratoires du vieux roi, mais il n'aurait jamais imaginé combien celles-ci pouvaient se révéler irritantes. À cela s'ajoutait le fait qu'un tel problème sur un corps de cette envergure était assez ridicule.
- Je suis...absolument ravi...de faire ta connaissance, affirma le monarque. Bienvenue dans les mondes des...dieux de la mort. Rûyk t'a t-il...fait une visite ?
- Non. Je verrais par moi-même, déclara Light.
Ce n'est pas comme si je manquais de temps
Le vieux roi émit un rire étranglé, semblable à un raclement de gorge.
- J'ai entendu...parler de toi, lui apprit-il. De tes petits exploits...sur Terre...en particulier. Toutes mes félici...tations...pour ton travail.. acharné. Tu nous as...posé des problèmes...tu sais ?
- J'en suis désolé, dit Light, bien qu'il pensât tout à fait le contraire.
- Ne le...sois pas. C'est un grand d'honneur d'accueillir...ici quelqu'un...comme toi.
Les éloges, Light en avait eu toute sa vie, et de la part de tout le monde. Celle-ci ne lui fit pas plus d'effet qu'une autre.
- Ryûk t'a...expliqué la procédure...j'imagine ? Je vais te donner...ta nouvelle forme...avec un nouveau nom...et un rang.
Light sauta sur l'occasion.
- Avec votre permission, votre Majesté, j'aimerais conserver ma forme humaine, lança t-il sans ombrage. Et mon nom.
Nouveau rire étouffé de la part du roi.
- Et pourquoi ? Demanda t-il, d'une voix trop mielleuse pour être honnête. La tête de tes...nouveaux petits camarades...ne te revient pas, Light Yagami ?
- Non. C'est juste un caprice, avoua t-il.
- Tu n'as pas à...décider si tu veux...garder ton joli minois...ou pas.
- Je sais, répliqua Light. Mais j'ai cru comprendre que vous jouiez beaucoup, ici.
L'œil jaune du roi brilla, et son éclat le rendit plus immonde encore. Light sentit qu'il avait capté son attention. C'était facile. L'ennui était partout au Cathare, et même si le roi était au dessus de tous, il n'y échappait guère plus que les autres.
- Choisissez un jeu. Si vous gagnez, vous me donnerez la forme que vous voulez. Si je gagne, je garderai ma forme humaine.
Le monarque le considéra d'un air amusé.
- Tu n'as pas...ta langue dans ta poche, Light Yagami, lâcha t-il.
- C'est toujours plus intéressant de cette manière, répliqua t-il.
Le roi sourit. On l'avait informé du caractère peu conventionnel de Light Yagami, dont la progression avait été suivie par plusieurs dieux de la mort, dont Justin Beyondormason, aussi s'était-il donc attendu à ce que le nouveau shinigami fasse preuve d'excentricité, bien que sa défaite ait été consommée sur Terre.
- Après tout...pourquoi pas ? Dit-il finalement. Ryûk, viens ici.
- Votre Majesté ? Maugréa ce dernier.
- Va nous chercher...le Prométhée, ordonna le souverain. Il est posé sur l'autel de pierre...à côté de la pile de death note.
Ryûk se dirigea vers la droite, et Light aperçut l'autel en question, recouvert d'une riche nappe rouge brodée de motifs dorés, détonant au centre de cet univers gris et monotone. Dessus étaient entreposés, outre les cahiers de la mort, une faux dont la lame argentée et polie luisait sous la lueur des torches murales, un livre volumineux qui, d'après la couverture en cuir usée, avait déjà de nombreuses années derrière lui, un crucifix, mais également un coffret en bois sombre de petite taille. Ryûk s'en saisit, l'ouvrit, s'empara de son contenu, et lorsqu'il revint vers eux, Light découvrit dans sa main un paquet de cartes.
- Le Prométhée, commença le roi, est un jeu que...j'ai inventé...il y a longtemps. Ce n'est que...du hasard. Il n'y a pas...de risque de tricherie...et c'est...beaucoup mieux...tu ne trouves pas...Light Yagami ?
Mouais
Light lui offrit un visage à peine convaincu.
Il s'installa sur les marches, tandis que Ryûk, après avoir amené une petite table de pierre avec lui, leur distribuait six cartes à chacun, étalait une autre ligne de six sur la table, puis aidait non sans réticence le vieux souverain à se mettre à la bonne hauteur, de sorte que ses bras atteignent la surface du meuble.
- Nous allons piocher...une carte...chacun notre tour...et en jeter une autre...de sorte à toujours avoir six cartes...en main, expliqua le roi. Le premier qui obtient le...Prométhée...gagne la partie.
- Ce sont les vraies règles ?
Le rire du divin monarque résonna une nouvelle fois dans tout le palais.
- Tu te...méfies, hein ?
- J'ai de bonnes raisons, fit Light.
Sa réputation le précède avec justesse
- Ne t'inquiètes pas, le rassura t-il. Ce sont...les règles officielles.
Le roi tendit sa petite main décharnée, et piocha dans la ligne de cartes devant eux. Light l'imita.
Hadès.
La représentation des dieux grecs était sophistiquée, ce qui était encore plus surprenant que la nappe rouge avec ses broderies dorés ou le palais en lui-même et sa splendeur discrète. Pour Light, la moindre beauté présente dans le royaume des shinigamis était un miracle.
Nyx.
Ryûk était allé s'asseoir dans un coin, en tailleur. Le menton dans la main, il observait la partie d'un oeil attentif.
Arès.
Hestia.
Athéna.
La mythologie grecque, avec ses dieux et déesses, ses monstres, ses légendes tâchant d'expliquer la venue au monde de l'homme et ses comportements, avait passionné Light du temps où il était enfant. À sept ans, il avait demandé à sa mère un ouvrage aussi complet que possible sur le sujet. Dés lors qu'il l'avait eu entre les mains, en tant que cadeau de Noël, il l'avait pour ainsi dire appris par cœur, retenant des expressions, des descriptions entières, parfois même des pages complètes. Il s'était amouraché du mythe de la boîte de Pandore, des récits des douze travaux d'Hercule ou encore de l'histoire de Jason, parti chercher la Toison d'or. À huit ans, un voyage à Athènes réalisé avec sa famille lui avait permis de compléter ses connaissances rendues déjà très vastes par un nombre infini de recherches et de lectures.
Éros.
Hébé.
Héraclés.
Prontos.
Il lui fallut quatre autres essais infructueux avant que n'apparaisse un homme enchaîné à une montagne, le bec d'un aigle lui perçant le flanc.
Prométhée.
- Votre Majesté...
- Je sais ce que tu vas me dire, dit le roi.
Il jeta ses cartes sur la table de pierre d'un geste agacé. Le peu de fierté qui restait à Light depuis que L l'avait battu crépita alors dans le fond de son ventre.
J'ai gagné
« La mer est un espace de rigueur et de liberté. »
Citation de Victor Hugo, écrivain et poète français
25 mars 2008, 19 heures 15, quelque part dans l'Océan Atlantique, non loin de la Caroline du Sud, États-Unis.
Ils étaient revenus ensembles au laboratoire, et, tout comme L l'avait fait auparavant, Light avait patiemment écouté les théories des experts une à une. Parfois, il haussait un sourcil en se rendant compte de l'absurdité de l'hypothèse proposée, mais jamais il ne fit la moindre remarque, contrairement au détective. Le visage emprunt d'indulgence, il attendit que toutes les propositions se soient succédées avant de donner son opinion personnelle, mais au lieu de réfuter sèchement les visions des chercheurs, comme L s'était attendu à ce qu'il le fasse, il les complimenta d'abord pour leur travail puis suggéra ensuite avec douceur quels pouvaient être les points incohérents dans les différents raisonnements. Si, dans le fond, ses remarques menaient à la même conclusion que L, à savoir la profonde irrationalité des idées, la forme n'était pas la même. Là où L était abrupt, franc et légèrement dédaigneux, Light se faisait tout sucre tout miel, lissant d'abord la surface du miroir avant d'y faire quelques tâches qui devaient s'effacer bien vite. Et s'il asseyaient tous les deux leur domination intellectuelle, il n'en restait pas moins que la méthode du shinigami eut davantage de succès que celle du détective, trop peu habitué aux contacts humains pour faire preuve de tact.
En fin d'après-midi, ils avaient rejoint leur cabine, et Light avait tendu à L la clé USB contenant les informations dissimulées par les Étas-Unis au sujet des disparitions. Le détective était plongé dans les dossiers depuis bientôt deux heures, les yeux rivés sur son écran d'ordinateur. Il récapitulait.
Treize disparitions de navires, donc, au total, dont sept qui n'avaient pas été rendues publiques. Deux dans l'océan Atlantique, la première le 6 novembre 2007, la seconde le 18 mars 2008. Trois dans l'océan Pacifique, respectivement le 4 janvier 2006, le 15 mai 2006, et le 28 février 2007. Une dans l'océan Arctique le 12 décembre 2007. Trois dans l'océan Indien les 17 octobre 2005 et 24 juillet 2007. Deux en pleine mer méditerranée, à deux jours d'intervalle, les 9 et 10 août 2005. Deux dans le golfe du Saint-Laurent le 21 mars 2008 puis le 22 mars 2008.
Accélération des disparitions en 2008.
Les navires les plus touchés étaient les ferry, et on comptait plus de cinq cent disparus, mais jamais jusqu'à aujourd'hui l'attention du monde ne s'était réellement portée sur le phénomène. En outre, les bateaux disparus avant l'année 2008 n'avaient pas été retrouvés par morceaux, comme actuellement. Il était également écrit qu'aucun cadavre n'avait été découvert à cette période.
Pourquoi est-ce qu'ils disparaissent comme ça ?
Ce n'était définitivement pas la cause de tempêtes, ni de naufrages contre des récifs ou encore des icebergs. En rencontrant des dieux de la mort, les convictions de L avaient été suffisamment ébranlées pour que la situation présente ne le plonge pas dans une incompréhension totale, mais les experts, eux, n'avaient guère eu cette aubaine. Et ce n'était pas Light Yagami qui irait leur signaler son véritable statut.
Ils s'étaient mis d'accord une fois dans la cabine. Si Light avait tout avoué à L, il refusait strictement de dévoiler le pot-aux-roses à l'équipage siphonné du Svetlana ainsi qu'aux scientifiques, qui par ailleurs étaient presque aussi cinglés. Le roi de la Mort, bien qu'il n'y eut aucune règle dans le Code à ce propos, lui avait vivement conseillé de se faire discret, au risque d'avoir des difficultés à résoudre l'affaire. L'équipage ne lui inspirant de plus aucune confiance, il était persuadé que ses membres, s'ils venaient à être au courant, iraient tout répéter à gauche et à droite, attirant sur eux les yeux du monde entier.
- Ce n'est pas ce que tu souhaites non plus, j'imagine, avait-il fait remarquer à L.
Le détective était on-ne-plus averti du fait que Light Yagami connaissait désormais son véritable nom grâce aux yeux de shinigami, et qu'il détenait par là une arme de choix. Leurs buts se rejoignant naturellement(garder l'incognito et boucler l'enquête, le plus rapidement possible pour L dans tous les cas), ils en étaient venus à partager leurs informations respectives.
Vers 19 heures 30, on frappa à la porte de la cabine.
- Entrez, lança Light en rabattant par prudence l'écran de son ordinateur.
La porte s'entrouvrit, et une tête brune passa dans l'entrebâillement. L reconnut l'un de deux garçons de service leur ayant été présentés dans la matinée, mais impossible de déterminer s'il s'agissait de Pierre ou de Lellou, les deux étant jumeaux et quasiment indissociables.
- On ne va pas tarder à manger, annonça t-il d'une petite voix timide. Le dîner est servi dans le salon, et je vous conseille de venir parce que Pronto risque de se mettre très en colère, sinon.
- Jusqu'à quel point ? S'enquit Light.
- Vous saviez qu'une poêle à frire en pleine figure, ça faisait très mal ? Vraiment très mal ?
Il n'en fallut pas davantage.
- On vous suit, déclara Light.
Ils éteignirent leurs ordinateurs avant d'emboîter le pas au garçon(lequel des deux, bon sang ?) dans les couloirs du premier niveau, avec une impression de déjà-vu. Des éclats de rire ne tardèrent pas à leur parvenir, et lorsqu'ils s'engouffrèrent dans le salon, ce fut sous un torrent d'exclamations joyeuses et d'applaudissements.
- Joder ! Lança l'un des électriciens, Luz. C'est bien que vous soyez venus, les gars !
Lui et Licht devaient avoir la vingtaine, pas plus. Licht avait des cheveux châtain en bataille ainsi qu'une barbe légère, et il portait encore son casque de travail jaune vif, tandis que Luz, dont la chevelure brune bouclée était attachée en queue-de-cheval, avait la peau mate typique des pays chauds.
Sur les cinq tables disponibles de la pièce, trois étaient déjà occupées par les membres de l'équipage. Les six qu'ils avaient eu l'occasion de voir au cours de la matinée étaient présents, et dix autres s'étaient ajoutés à la bande, dégageant le même parfum de folie douce que leurs congénères. Ils se levèrent à tour de rôle et se présentèrent, de manière plus ou moins originale.
- Karim et Adel, graisseurs, enchantés les mecs.
- Ping et Pong, matelos.
Tous deux enchaînèrent sur une courbette parfaitement synchronisée.
- Maître d'équipage Zarka, à votre service, et voici Da Costa et Jacot-Descombes, respectivement maître de manœuvre et chef de bordée.
- Chef mécanicien Wankel. Je meurs de faim, pas vous ?
- Maître-machine Piston, ravi de faire votre connaissance, messieurs.
- Lieutenant Langlois, et désolée de ne pas me lever, j'ai terriblement mal aux pieds à force de arpenter le pont de long en large.
C'était la seule femme du lot, et l'exact opposé de Smirnov. Noire, ses cheveux frisés coupés court entouraient sauvagement son visage, et ses yeux de la même couleur étaient aussi froids que les glaces de l'Antarctique.
Light et L donnèrent à leur tour leurs noms, puis l'un des scientifiques, Van Lunet, leur fit signe de les rejoindre à leur table. Ils obtempérèrent. L s'accroupit sur sa chaise tandis que Light prenait place entre lui et Deville, qui ne tarda pas à lui exposer son problème d'herpès nerveux tout comme il l'avait fait avec L. Au bout de quelques instants surgit Smirnov, chantant l'hymne national russe, et suivie par la cuisinière italienne qui beugla dés son arrivée :
- Sortez i piatti, bambini !
Elle portait entre ses mains un large plat de risotto aux champignons. On l'applaudit avec ferveur comme si elle était une divinité descendue sur Terre pour apporter les bienfaits de sa cuisine. L et Light, qui conservaient encore un minimum de rationalité pour ne pas trouver formidable un plat de riz, quand bien même celui-ci dégageât une odeur subtile, ne se joignirent pas aux réjouissances. Les membres de l'équipage se jetèrent par paquet de trois ou quatre en direction des étagères qui parsemaient la pièce et en sortirent assiettes, couverts, serviettes et verres, qu'ils disposèrent de manière quelque peu hystérique sur les tables. Les chercheurs trépignaient d'impatience et humaient l'air, félicitant Pronto pour le fumet délicat du plat.
- Ah, mais ça sent l'Italia, dit-elle. C'est le più bello parfum del mondo, vous savez.
À Lameloise qui se glissait derrière elle en tout discrétion, elle tendit le plat.
- Tiens, commence à servir, bambino, moi je vais chercher le reste. Qu'ils mangent, mes piccoli navigatori !
Elle quitta le salon d'une démarche dandinante. Sur la dernière table vide, Lameloise déposa le plat fumant, avant de se tourner vers les autres.
- Qui en v...
La quasi totalité des assiettes fut brandie dans sa direction, si vivement que le garçon eut un moment d'hésitation.
- Je crois que je vais vous laisser vous servir, lâcha t-il finalement
- Te bile donc pas, Lameltruc ! Fit Langlois, bondissant sur ses pieds et lui arrachant des mains la louche qu'il comptait utiliser pour servir le riz. On va faire péter le rissoto tout seuls, tu sais, pas besoin de nous materner. Vas donc en cuisine voir si Pronto n'a pas besoin d'aide.
Et comme il disparaissait dans les couloirs, Langlois fit volte-face, la louche en main, un sourire gigantesque planté sur le visage.
- Qui veut à bouffer ?
Ni une, ni deux, ils se précipitèrent sur elle.
x
x
Si Pronto en tenait une bonne couche et s'exprimait dans un anglo-italien approximatif, elle n'en restait pas moins une excellente cuisinière. Light, qui jusqu'à lors n'avait jamais touché à la cuisine de Rome, s'était resservi à deux reprises, pour son plus grand étonnement, et en avait eu à chaque fois les papilles exaltées. Incapable de déterminer si son appétit était la cause du manque de nourriture dans le royaume des dieux de la mort ou non, il ne s'était toutefois guère privé. Vivant, il avait toujours eu un palais exigeant, et sa mère avait été jusqu'à prendre des cours de cuisine pour le satisfaire, au risque de le voir jeûner.
L n'avait rien mangé, ou presque. Durant l'affaire Kira, Light ne l'avait jamais vu prendre un repas complet, mais jusqu'à ce qu'il soit enchaîné à lui, il s'était imaginé que le détective n'aimait simplement pas manger en public. Ce n'était pas le cas. En réalité, ses repas ne se composaient que de sucreries. Il semblait atteint d'une allergie viscérale à la viande, aux légumes, aux laitages, ainsi qu'aux féculents. Son manque d'appétit avait inquiété l'un des chercheurs, Newton, qui lui avait poliment demandé s'il allait bien. À cela, L avait répondu avec sa franchise habituelle :
- Je ne mange que des choses sucrées, ça m'aide à réfléchir.
L'autre avait hoché la tête, comme si ce que venait de lui dire L était une information des plus banales. Lorsque Pronto, en venant chercher les plats pour les rapporter à la cuisine, s'était rendu compte que l'assiette de L était aussi propre qu'au début du dîner, elle était venue le voir. Face à elle, le détective, recroquevillé sur sa chaise, avait eu l'air extrêmement vulnérable.
- Vous ne mangez rien ? Lui avait-elle demandé.
- No, perché mi piacono solo le cose zuccherate.
L'accent italien de L était fluide, et Pronto, en l'entendant user de sa langue natale, s'était radoucie.
- Lei è diabetico ?
- No, pero il zucchero mi aiuta a riflettere.
- É un'po bizzarro, bambino.
Elle avait refusé qu'il quitte le salon sans avoir mangé et lui avait amené une part de tiramisu. L l'avait englouti sous ses yeux.
Le détective avait rejoint leur cabine pour continuer de regrouper leurs données respectives et en tirer une conclusion plausible, mais Light avait préféré aller prendre l'air. La nuit était tombée, et un air frais lui balayait doucement le visage. Seule transparaissait la lumière émise par le Svetlana au beau milieu de l'océan Atlantique plongé dans l'obscurité. Au dessus de lui, les étoiles étaient nettement plus visibles qu'en agglomération. Le dîner s'était achevé vers vingt heures trente, et à la table des chercheurs, on avait échangé les points de vues sur les dernières découvertes en biologie. Light avait beaucoup écouté, peu participé. Mort depuis quatre ans, il n'avait guère eu l'occasion de s'informer sur les derniers progrès faits en sciences et n'avait donc pas matière à discourir. Quand à L, il avait fait quelques brèves remarques, la plupart du temps pour s'opposer à une théorie dont il expliquait l'illogisme en une seule phrase.
Au cours du dîner, Smirnov avait voulu savoir quelles étaient leur hypothèses. L et Light avaient laissé parler les chercheurs, avant d'annoncer qu'ils feraient un regroupement général des informations possédées par chacun d'eux le lendemain. Et visiblement, aucun des quatre scientifiques n'était au courant du nombre réel de disparitions.
" Les sources s'accordent pour dire qu'Écamété naquit sur l'île de Crète, dans l'actuelle
grotte d'Ellinospilios, près du Golf de La Canée. Sa mère demeura cachée trois jours
avec lui avant de le confier à sa fille Médée, qui le laissa au centaure Chiron afin
qu'il reçoive son enseignement. Lorsqu'Écamété atteignit ses vingt ans, il
tomba amoureux de la naïade Ephyra, qui tressa pour lui une couronne de coquillage
blancs.
Toujours en Crète, il l'épousa et eut d'elle un fils, Tétramété, qui devait lui succéder
dans sa tâche de gardien des Portes. Il mourut toutefois trop tôt pour ce
faire, foudroyé par Zeus sous l'impulsion de la jalousie. En effet, tous deux
s'intéressaient de près à la pléiade Maïa, et lorsque celle-ci envoya à Tétramété
une boucle de ses cheveux, Zeus, pour se venger, le tua alors qu'il chassait en
compagnie d'Artémis. "
Extrait des Cataclysmes de la Mythologie Grecque, de William Fauster
Indication :
- Bouhou, mon nombre de mots a de nouveau baissé ! Je sais, j'ai des préoccupations juste un peu dérisoires :P.
- La nymphe Ephyra n'existe pas, je l'ai inventée. Le centaure Chiron, en revanche, était réputé pour sa sagesse(il a été le mentor de nombreux héros de la mythologie grecque), et Artémis était la déesse de la chasse, sœur jumelle d'Apollon.
- Je vous confirme que "Don Juam" s'écrit comme ça dans la version de Molière. Même chose pour le "vramant" qui provient en fait du patois.
- J'ai l'impression d'avoir cité beaucoup plus de dieux que d'habitude, dans ce chapitre, moi.
- Ouais, au Prométhée, Light a un pot du diable. Pour le moment ;).
- Je martyrise Lameloise, c'est officiel.
- Traduction de l'italien ci-dessous :
Sortez i piatti, bambini = Sortez les plats(ou la vaisselle), les enfants !
Più bello parfum del mondo = le plus beau parfum du monde
Piccoli navigatori = petits navigateurs
No, perché mi piacono solo le cose zuccherate = Non, parce que j'aime seulement les choses sucrées.
Lei è diabetico ? = Vous êtes diabétique ?
No, pero il zucchero mi aiuta a riflettere = Non, mais le sucre m'aide à réfléchir.
É un'po bizzarro, bambino = C'est un peu bizarre, gamin.
- Pour les noms de famille des nouveaux membres, je me suis un peu amusée aussi. Wankel = nom d'un moteur à piston rotatif. Piston = pièce qui permet de transformer une pression en énergie mécanique ou inversement(merci Wikipédia XD). Langlois = personnage du roman Un roi sans divertissement qui se fait sauter le caisson à la fin avec une barre de dynamite, d'où l'expression " On va faire péter le rissoto !". Ping et Pong = vous avez déjà lu les BD " Lili" ? Dans l'une d'elle, il y a deux japonais qui s'appellent comme ça, j'ai trouvé ça très bien trouvé, sauf qu'ici, ils sont chinois.
- Insatisfaction, c'est pour les problèmes que Light et L éprouvent quand à l'équipage, mais ça concerne également les scientifiques et leur frustration, ainsi que le roi de la Mort lorsqu'il perd contre Light.
- Bande-son : fin de la seconde partie du chapitre, Grand Movements de Trevor Morris(BO des Tudors).
Arf, il est 23 heures et je vous avoue que j'ai pas vraiment le courage d'ajouter quoi que ce soit d'autre :). Je tiens à remercier chaleureusement les revieweuses et les lecteurs, j'espère que ce chapitre vous plaira, et sur-ce, à dans deux semaines !
Negen
