CHAPITRE NEUVIÈME

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Affectif : du latin "adfectivus ", qui relève des affects, de la sensibilité,

des sentiments en général.


AFFECTIF

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Message reçu le 11/4/2005 à 00h48

Il m'a dit que tu le voyais de temps à autre. Qu'une fois, tu dormais, et que tu avais

appelé son nom. Je crois que tu couves un bon truc, sérieusement. Faut que t'arrêtes

le sucre. Ça te fait halluciner à propos des morts.


27 mars 2008, 5 heures 02, Quartier Général de L, Londres, Angleterre.

- Blondie, tu veux bien lâcher ce putain d'ordinateur ? Grogna Matt depuis le lit.

Rien de plus désagréable que d'être réveillé par les tapotements incessants de son compagnon de chambre sur le clavier. Matt avait toujours eu des difficultés à trouver le sommeil depuis son enfance, et les rares fois où il parvenait à fermer l'œil le plongeaient dans une léthargie capable d'être brisée par la moindre intervention extérieure, aussi légère fut-elle. Si, à la Wammy's House, les frénésies nocturnes de Mello ne l'avaient jamais dérangé étant donné qu'elles avaient lieu ailleurs, puisque tous les ordinateurs étaient séparés des chambres par un étage, ce n'était en revanche plus la même chose désormais. Le fait de partager une piaule n'était en soi pas dérangeant mais c'était le peu de cas que le blond se faisait du manque de sommeil de Matt qui agaçait ce dernier. Ça ajouté à l'abominable éclairage agressif de l'écran d'ordinateur.

Mello n'écoutait pas. Matt ouvrit les yeux avec peine, la pupille presque immédiatement assaillie par la lumière, et vit son meilleur ami installé en tailleur juste à côté de lui, sur le lit, son ordinateur portable ouvert sous le nez. Il avait une clope au bec et un casque sur les oreilles. De là où il était, Matt pouvait entendre les hurlements rauques de ce qu'il identifia comme étant un chanteur de métal.

Il tendit le bras, et frappa sèchement le genou de Mello avec son poing fermé.

- Quoi ? Marmonna l'autre, visiblement ennuyé.

- Tu pourrais pas aller travailler ailleurs ? Tu m'empêches de dormir.

- Prends un somnifère, répliqua Mello avec une simplicité déconcertante.

L'amitié et l'entraide ?

Tout à cet instant précis laissait à croire que jamais Mello n'avait associé les deux de manière spontanée. Puis Matt se souvint que les génies de la Wammy's n'étaient en rien supposés jouer à chat ensembles dans les couloirs, et retint la remarque désobligeante qui désespérait à se faufiler entre le rempart de ses lèvres gercées.

- Ça marche pas, tu le sais très bien, lâcha t-il. Va bosser à côté, j'ai vraiment besoin de dormir.

Six nuits blanches, c'était certes moins que ce qu'il avait l'habitude de faire, mais suffisant depuis qu'il étudiait le cas en Israël. Son cerveau fatiguait plus vite que celui des deux autres, raison pour laquelle il n'était jamais arrivé second ou premier du classement. En plus d'un manque monumental d'ambition. Mello appelait ça de la faiblesse. Matt, lui, préférait le terme de nonchalance. Il se fichait bien de sa position au sein de la société, du regard des autres, de la résolution ou non d'une affaire ou même de l'avenir de la planète, tant qu'il pouvait conserver un ordinateur et un paquet de cigarettes. Son manque d'intérêt envers les choses complexes et, parallèlement, son désir de paix, avait été la raison pour laquelle L s'était intéressé à lui, au delà de sa place dans le classement. Le détective ne comprenait pas qu'un génie puisse ne souhaiter rien d'autre que la tranquillité, car celle-ci représentait à ses yeux le comble de l'ennui. Et c'était l'ennui qu'il fuyait en permanence.

Parce que l'ennui lui collait des maux de crâne.

Qu'il frustrait Mello, le métamorphosant en bête sauvage.

Et qu'il attaquait sans pitié le corps et l'esprit de Near.

Matt avait eu l'occasion de voir, une fois, les effets de l'ennui chez son camarade albinos, du temps où ils étaient encore à l'orphelinat. C'était les vacances d'été et il y avait pénurie de devoirs parce que manque de professeurs, tous envolés aux quatre coins de la planète pour se faire dorer le ventre sur la plage. Par conséquent, tous les jouets avaient été réquisitionnés par les petits du premier étage. Near s'était retrouvé coincé. Il n'avait, en outre, pas d'amis avec lesquels oublier l'absence de distraction.

Lorsque Near s'ennuyait, c'était comme le temps s'arrêtait de tourner autour de lui. Il ne bougeait plus. Du tout. Il ne faisait rien. Il n'allait même pas manger à la cantine. Matt avait été obligé d'avouer qu'il n'y avait que dans cette situation que l'albinos était véritablement lui-même, sans le masque du génie suprême flottant sur les traits de son visage. Il était le Near originel. L'orphelin pour une raison qu'aucun ici excepté L, Watari et Roger ne connaissait. Il se transformait en vide. Un néant profond qui n'avait pas de fin, un peu comme l'univers, à l'exception que l'univers était plein d'étoiles et qu'à l'intérieur de Near, rien ne brillait, et peut-être n'avait jamais brillé auparavant.

C'était seulement alors, en le voyant tout seul dans la salle de jeu, tout petit et immobile, que Matt avait éprouvé de la compassion à son égard.

Near lui avait fait pitié.

Non pas qu'il y eût une quelconque détresse à être vide chez lui, mais c'était Matt qui, brutalement, avait trouvé regrettable le fait de ne pas être davantage qu'un creux. Il avait alors comprit pourquoi L favorisait un peu Near au détriment de Mello, puis la seconde d'après avait pensé le contraire. Mello était vivant. Profondément, presque avec désespoir, avec une rage peu commune, de manière bestiale et gargantuesque. C'était cela qui le rendait si passionnant, qui faisait de lui le répulsif idéal contre l'ennui. À lui tout seul, en dépit d'une stature assez frêle, il donnait l'impression de déplacer des montagnes, de faire la guerre dans chacun de ses mouvements. Il était vivant à tel point que, lorsqu'ils étaient enfants, Matt le croyait capable de ramener à la vie des macchabées. Et encore aujourd'hui, parfois, en le voyant, il se disait qu'il devait emmener Mello dans un cimetière, pour voir s'il pouvait réveiller les morts. Dans tous les cas, il le réveillait lui, même s'il n'était pas mort.

Mello débordait là où Near n'avait rien. Pour Matt, le choix était vite fait. Le vide le faisait pleurer. Du temps où il traînait pour ainsi dire tout le temps avec Mello à la Wammy's, il n'appréciait pas beaucoup Near, puisque que ce dernier faisait toujours sortir le blond de ses gonds, laissant à Matt le soin de gérer la bête, mais ce jour de juillet, il était allé s'asseoir près de l'albinos, avec sa console. Ils ne s'étaient rien dit. Mais Matt avait, étrangement, eut la sensation que l'autre était relativement content qu'il lui ait tenu compagnie jusqu'à ce qu'un lion enragé ne fasse irruption dans la pièce en hurlant à la trahison. Ou une lionne, étant donné qu'à l'époque, Mello abordait un physique androgyne au possible, qu'il ne valait toutefois mieux pas avoir comme sujet de raillerie dans une discussion, sous peine de passer un sale quart d'heure.

- Mello, s'il te plait, insista t-il, alors que son meilleur ami n'avait pas bougé d'un pouce.

- Je ne peux pas.

- Pourquoi ?

- Near occupe déjà tout l'espace avec ses joujoux.

- Alors va dans la cuisine.

- Tout ce qui sépare la cuisine du salon, c'est un bar, Matty.

- Et alors ?

- Et alors, je ne veux pas travailler quand Near est aussi proche.

- Tu le fais bien en journée, lui rappela Matt.

- Tant que je t'ai avec moi, ça va, répondit Mello. Mais si jamais je me retrouve seul avec cet enfoiré, je sens que je vais le buter.

Matt ne sut pas s'il y avait là matière à se réjouir ou non. Être le calmant officiel de Mihael Kheel, si cela pouvait paraître flatteur dans un premier temps, avait de gros inconvénients, à commencer par celui-ci. L'incapacité du mafieux à tenir sans lui dans la même pièce que Near. Il fallait absolument que Mello aille étudier ailleurs pour qu'il puisse finir sa nuit tranquillement, mais la seule pièce disponible était le salon ou, éventuellement, la cuisine. Et Matt, quand bien même il adorait Mello, n'avait pas la moindre envie de se déplacer. Impossible de lui demander d'aller dans la chambre de Near. Ni dans celle de L. Elisabeth dormait à poings fermés, cette veinarde, et il n'était pas non plus question d'aller la réveiller. Quand à salle de bains et aux toilettes, ce n'était même pas la peine d'y penser. Mello était bien trop fier pour s'y retirer.

- Mel', je suis HS, grommela t-il, la voix quelque peu étouffée par la couverture qui protégeait la partie basse de son visage. Faut que je dorme, s'il te plait.

Son compagnon de chambre ne daigna pas lui répondre.

- Mello, bordel de merde, répéta Matt.

Le concerné pencha alors son visage tout près du sien, le casque toujours sur les oreilles. Il retira sa cigarette d'entre ses lèvres et lâcha :

- Embrasse-moi.

- Hein ?

De surprise, ne s'attendant guère à ce genre de remarque de la part de Mello, il avait ouvert les yeux. L'autre leva les siens au ciel avec l'air d'une diva malheureusement obligée de converser en compagnie du dernier des abrutis, avant de retirer son casque, dans lequel gueulait sans interruption le chanteur, puis de se pencher plus avant. Son souffle alla gentiment caresser le nez de son camarade de chambre. Odeur de tabac à laquelle il était habitué depuis ses onze ans.

- Bi-sou, reprit-il en articulant chacune des syllabes.

Ce fut plus fort que lui. Matt sentit des gloussements désespérés lui monter dans la gorge et au bout de quelques secondes, il se mit à rire de manière frénétique, en se tenant le ventre à deux mains comme un gosse de huit ans. Il eut même envie de battre des jambes. C'était peut-être bien la première fois depuis longtemps qu'il trouvait Mello aussi comique.

- Je croyais que tu étais fatigué, lui fit remarquer celui-ci.

- Putain...Mel...mais merde..tu te serais entendu...

Et chaque quart de phrase était ponctué d'éclats de rire. Matt se redressa avec peine sur le lit, en équilibre sur un coude. Le rire était une boisson énergisante. L ne riait jamais, rien d'étonnant à ce qu'il soit aussi peu dynamique. Tout près de lui, Mello, à genoux, attendait que son hilarité prenne fin avec une visible mauvaise humeur. Matt tendit alors les lèvres jusqu'à ce que sa bouche prenne la forme d'un cœur, puis gazouilla bêtement, les yeux plantés dans ceux de son meilleur ami :

- Bisou, bisou !

Cela eut pour unique conséquence de le faire repartir de plus belle au fin fond de sa joie. L'expression de l'autre trahissait une intense fatigue nerveuse. Dés lors qu'il était en colère, Matt avait l'impression de voir la Russie entière traverser le visage de Mello, depuis Moscou en passant par la toundra et le volcan Klioutchevskoï. Il estimait, pour sa part, que lui ne devait dégager absolument aucun signe de son appartenance à l'Irlande. Excepté éventuellement sa couleur de cheveux.

- Tu veux bien te calmer, oui ? Grogna le mafieux en se massant les tempes avec deux doigts.

- Excellent ! Ah, bordel, tu m'as tué, Blondie.

- Pas encore, mais si tu continues à te marrer, ça pourrait bien arriver.

Il sentait le calme revenir, l'hystérie refluer. Dommage. Il aimait bien rire. C'était un état qui ne lui était pas franchement familier mais qu'il appréciait. À la Wammy's House, hormis les plus jeunes qui s'épanouissaient encore dans une ignorance douceâtre, les mômes ne roulaient jamais par terre sous l'effet d'une bonne blague. Les réactions des uns et des autres étaient restreintes, rarement poussées au delà d'un sourire. On aurait pu croire que le classement affiché en permanence dans le hall central aspirait toute gaieté hors des individus qui peuplaient l'établissement. Même le personnel ne se laissait pas aller si facilement. Matt se souvenait que le phénomène s'était accentué deux mois après la disparition de Kira. Parfois, il lui arrivait de se demander si, maintenant que Light Yagami était de retour, quelques plaisanteries allaient faire le tour de l'orphelinat. Il n'irait pas vérifier. Mais il s'était promis de poser la question à Roger, quand ils l'auraient au bout du fil. Le pauvre homme était malheureusement trop occupé actuellement à tenir la maisonnée de génies en herbe pour pouvoir se déplacer. Matt avait toujours eu de la peine pour lui. L, qui l'avait nommé au poste de directeur sur les conseils de Watari, ne lui avait pas franchement fait de cadeau.

La preuve étant que la chevelure de Roger s'était éclaircie année après année.

- Matt.

- Quoi ?

- J'attends.

- Tu attends quoi, Blondie ? Soupira son camarade de chambre en se laissant retomber sur l'oreiller.

Ou plutôt, sur les oreillers. Il en utilisait deux, faute de quoi il ne parvenait pas à trouver le sommeil.

- Tu voulais que j'aille bosser dans le salon, non ?

- Ouais. Et ?

- Et je t'ai demandé quelque chose.

- Tu en as vraiment besoin ?

- Histoire que personne ne vienne nous emmerder pour meurtre sur espèce protégée d'albinos, ouais.

Matt sourit.

Near.

On en revient constamment à Near

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L'obsession de Mello pour son rival n'avait pas vraiment fléchi depuis qu'ils avaient quitté l'orphelinat. En dépit de tout ce qu'il avait pu laissé derrière lui, le blond n'avait pas complétement renoncé à sa place de second dans le classement, et le fait qu'il ait accepté de résoudre le cas en Israël malgré la présence de Near était là pour appuyer Matt dans sa théorie. En outre, Mello en voulait terriblement à l'albinos d'avoir refusé leur proposition.

Le jour même de leur départ, un an plus tôt, ils s'étaient rendus ensembles dans la chambre de Near. Celui-ci, recroquevillé sur le sol comme à son habitude, venait tout juste de recevoir la dernière demande d'enquête de L et tirait de mécontentement sur une de ses boucles blanches quand ils étaient entrés. Mello n'y était pas allé par quatre chemin.

- On se barre, N, avait-il annoncé sans cérémonie. On en a ras-le-bol des conneries de L.

Near avait daigné les regarder l'un après l'autre, et si Matt n'avait pas eu connaissance de son manque d'émotion, il aurait juré que de l'étonnement s'était logé dans ses yeux bleus.

- D'accord, avait-il répondu simplement avant de retourner à son ordinateur.

Matt, croyant que tout était dit, s'était dirigé vers la porte, avant de se rendre compte que Mello, en revanche, n'avait pas bougé, restant planté au milieu de la pièce.

- Tu viens, Blondie ?

Mais non, Blondie ne l'avait pas suivi. Il observait Near avec insistance, et comme si ce dernier l'avait perçu, il avait levé la tête vers lui, et leurs yeux s'étaient croisés. Du fond de ses entrailles, Matt avait aussitôt haï cet échange sans raison valable. Du moins, c'était ce qu'il avait cru sur le moment. Mello était alors allé s'agenouiller devant Near, sans doute à la plus grande surprise des deux autres, et peut-être même à la sienne, puis avait demandé, d'un ton presque trop doux pour lui appartenir :

- Tu viens avec nous ou pas ?

Matt avait vu quelque chose poindre sur le visage de Near, quelque chose qu'il n'aurait jamais cru pouvoir voir un jour. C'était discret, guère évident à repérer, mais le roux était quelqu'un d'extrêmement attentif, sans doute bien plus que Mello et Near réunis, et il loupait rarement des détails de ce genre. On aurait dit le fragment d'une émotion ancienne, logée très profondément et qui, soudainement, avait décidé de refaire surface. Et chez une personne comme Near, cette réaction était d'autant plus incompréhensible qu'inattendue. Ses yeux s'étaient assombris tandis qu'il ne quittait pas le visage de son rival, essayant visiblement de savoir s'il s'agissait là d'un coup monté ou d'une proposition en bonne et due forme.

Matt n'en revenait pas.

Lui qui avait toujours pensé que Near était le vide et Mello le trop-plein.

L'ahurissement s'était changé en un sentiment plus dense, et beaucoup plus désagréable. Sur le coup, Matt avait tout fait pour l'ignorer. Aujourd'hui, il pouvait sans tabou affirmer qu'à cet instant-ci, il brûlait de jalousie, car était alors apparu entre Mello et Near un lien d'une toute autre forme, qu'il connaissait et qu'il se serait volontiers passé de découvrir. Il avait voulu quitter la pièce en injuriant Mello de toutes ses forces et en lui balançant que s'il désirait partir en lune de miel avec l'albinos, ce serait sans lui, mais le coup d'œil que Near lui avait jeté l'avait cloué sur place de manière aussi subite que stupide.

De nouveau, l'aigreur s'était métamorphosée en stupéfaction. Le doute subsistait encore aujourd'hui, puisqu'il ne savait pas si ce qu'il avait discerné sur les traits de l'albinos était réel ou un simple produit de son imagination. Mais quand Near avait posé ses yeux sur lui, il y avait distingué de l'envie. Vaguement, il était vrai que n'importe qui d'autre n'aurait repéré aucun changement dans l'expression faciale du premier de la classe, cependant Matt était doué d'un sens de l'observation bien plus aiguisé que celui de ses semblables. Cette nuit-là, il aurait été prêt à mettre sa main à couper pour prouver que Near l'avait bel et bien envié. Désormais, sa certitude avait perdu de sa solidité, il n'arrivait plus à estimer s'il était question d'un souvenir véritable ou simplement vraisemblable. De plus, il n'était pas parvenu à découvrir avec précision ce pourquoi Near l'avait jalousé. Seules quelques théories abstraites fourmillaient à l'intérieur de son crâne. La plus aboutie consistait à le persuader que Near avait désiré sa liberté de mouvement et de parole, irrémédiablement liée à Mello. On ne pouvait pas mettre son rival en cage, et s'il participait au classement, il conservait une indépendance prononcée qu'il avait transmis à Matt, quasi-inconsciemment. Les autres enfants de la Wammy's House, y compris Near, étaient coincés dans le système. Ou non. Near était tout particulièrement englué dans les rouages de la succession, et ce pour une bonne raison. C'était là l'unique but de son existence.

Parce que Near était vide, il ne devait sans doute avoir pour ambition que d'être rempli. Le classement lui était indispensable parce que lui seul donnait un sens à son existence. Dans ces conditions, quand bien même il éprouvait le désir de partir avec Mello, celui-ci n'avait pas la force de son besoin d'objectif, ce que son rival n'avait visiblement pas compris. Il ne pouvait pas les accompagner. Pas parce qu'il ne les appréciait pas, mais parce qu'ils ne lui offriraient aucun échappatoire à son désert intime comme L avait su le faire.

Les doigts de Near s'étaient élevés, très doucement. Puis ils avaient caressés la joue de Mello, qui n'avait pas eu de réaction de rejet ou d'approbation. Il y avait comme de la désolation dans ce geste. Matt n'avait fait aucun mouvement pour l'en empêcher, excepté baisser les yeux vers le sol par malaise d'être témoin d'une scène de ce genre. La main de l'albinos avait tracé la courbe de la joue de son rival, avant de retomber. Il était retourné à son ordinateur sans un mot. Et dans les cas, dire quoi que ce soit n'aurait rien changé.

Mello avait compris.

Tout du moins, il avait compris que Near refusait de venir avec eux, mais il n'avait probablement pas bien interprété le pourquoi de la chose. Son regard s'était durci. Matt pouvait deviner la fureur dégagée par les pores de son meilleur ami, et sa déception. De même que sa honte, par ailleurs. Il n'y avait rien de plus humiliant que de proposer l'amitié à son rival et de se voir rejeter de cette façon. Mello, qui ne pliait devant personne, n'accordait pas de pitié, avait accepté de faire l'impasse sur son immense fierté pour demander à Near de les suivre, et tout ce qu'il avait récolté était un refus. Difficile, dés lors, de ne pas être en colère.

Mello s'était redressé. Matt avait noté la tension de ses épaules.

- T'es pathétique, N, avait-il craché sans la moindre compassion.

Near n'avait rien ajouté jusqu'à ce qu'ils soient à deux doigts de franchir la porte de sa chambre.

- Au revoir, avait-il alors déclaré.

- Va te faire foutre, avait répliqué Mello.

Ils étaient partis.

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Matt prit le visage de Mello entre ses mains, se pencha vers lui, et posa ses lèvres contre les siennes. Tabac. Quand il embrassait le mafieux, il avait l'impression de fumer trois cigarettes en même temps. L'autre lui répondit sans hésitation. Il ouvrit la bouche, passa ses bras autour du cou de Matt, glissa une main dans ses cheveux. Il se pressa contre lui, provoquant les craquements de ses vêtements de cuir. Mello était mince. Pas maigre. Juste mince. Moins musclé que Matt. Avec une chute de reins à faire se damner un prêtre, sans cesse exhibée par les habits moulants du blond. La bouche de Matt descendit vers son menton, puis son cou, qu'il attaqua fiévreusement de ses dents. Le soupir de Mello tordit impitoyablement son bas-ventre.

Il me rend dingue dingue dingue dingue

- On est plus fatigué ? Le taquina le blond.

- Oh, la ferme, Mel.

Avec un sourire railleur, Mello bascula en arrière, entraînant Matt avec lui et manquant de peu d'écraser l'ordinateur portable qui traînait, ouvert et totalement oublié, sur le lit. Ses cuisses se calèrent langoureusement contre les hanches de son camarade de chambre, tandis que sans répit leurs lèvres s'embrassaient, avec avidité, fureur, mais toujours sans réelle violence. En dépit du bordel ambulant qu'était le mafieux, Matt l'aimait quand même, et d'une manière qui le surprenait constamment. Parfois, c'était d'un naturel frôlant l'automatisme. D'autres jours, il lui arrivait d'avoir l'impression que le sentiment était forcé. Il ne situait pas le moment où il était arrivé à la conclusion que ce qu'il éprouvait pour son meilleur ami n'avait rien de franchement catholique. Il l'avait su, mais pas en tant que révélation. Il savait. Tout bêtement. Cela voulait probablement dire que c'était apparu au début, non en milieu de course. De toute façon, il ne voulait pas le savoir. Il se contentait largement de la présence incandescente de son désir pour Mello, et de la confusion de ses émotions quand il le côtoyait. Parce que Mello était un trouble, un maelström, il semblait apte à en provoquer chez les autres. Matt, pour sa part, n'avait pas cherché à lutter contre. Near, en revanche, semblait le rejeter tout autant qu'il le voulait. Il était par ailleurs étonnant d'observer ce fait lorsque l'on savait que Near ne devait être qu'indifférence et Matt, non.

Alors que le roux faisait glisser des baisers dans son cou et des caresses sur son corps, Mello riait, doucement, sans méchanceté aucune. Ses cheveux blonds, autour de son visage, lui faisaient comme une auréole. Le cuir de ses habits luisait. Ses yeux bleus, adoucis, assombris, luisaient. Matt se disait qu'il n'avait pas besoin de partir à la mer, que les yeux de Mello lui suffisaient.

Il lui donna un nouveau baiser, et il sentit, tout contre lui, le corps souple de son meilleur ami se presser contre le sien, et il repensa à Near et à sa main contre la joue du blond.

Ses lèvres quittèrent celles de Mello avec un bruit terriblement excitant de succion. Il écarta les jambes. Mello se mordit la lèvre, les joues un peu roses, la respiration irrégulière. Il était terriblement beau, comme une panthère prête à l'assaut.

Pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi tu me fais toujours ça ?

Matt se redressa et, sans rien dire, alla se réfugier sous les couvertures de son lit. Mello ne fit rien pour le retenir, quand bien même le roux l'eût-il souhaité. Il avait toujours trouvé plus facile de désobéir à sa libido qu'aux ordres du blond, tout simplement parce que les directives de Mello n'étaient pas faîtes pour être discutées, ce qui était une impression aussi irrationnelle qu'universelle, car rares étaient les individus qui s'opposaient au bon vouloir du mafieux.

Son corps tremblait sous les poussées de luxure, et son érection lui rappelait douloureusement combien il avait envie du russe, plus qu'il ne l'aurait vraiment voulu. Il essaya de penser à quelque chose de désagréable. Le cadavre de l'affaire, par exemple. Oui, parfait, les cadavres. Il entendit les froissements des draps du lit, puis sentit que le blond se saisissait de son ordinateur portable. Il perçut le son de la poignée de la porte abaissée et celui qu'elle émit lorsqu'elle se referma. Il en fut presque soulagé.

La lumière était toujours allumée.

Autant y voir la revanche de Mello pour avoir mis fin à leurs ébats.

Et son érection qui ne voulait pas foutre le camps.

Le surnommé " Jésus " par l'ensemble des fidèles ne l'était évidemment pas. Le premier homme ayant été tué et dont le cadavre avait été placé à l'intérieur du Saint-Sépulcre était en réalité connu sous le nom d'Alef Mohammedir. Son dossier leur avait été transmis par les autorités israéliennes. La trentaine pile. Pas de maladie notable ni de dégénérescence psychique, aucun ennui avec la justice, diplômé en sociologie des religions après une thèse brillante sur les sectes chrétiennes dans les pays arabes à 28 ans. Un type normal, en somme, qui n'avait rien en particulier à se reprocher ayant pu, éventuellement, mener à un assassinat. Matt visait davantage sur son physique très particulier, en tous points semblables à celui du fils de Dieu. La barbe, la longueur et la couleur des cheveux, jusqu'à la forme du visage. Un temps, certains avaient cru que ces métamorphoses avaient pour origine des opérations lourdes de chirurgie esthétique, mais le rapport d'autopsie avait démontré le contraire, ce qui n'avait fait qu'accentuer la folie furieuse qui s'était emparé des croyants. On avait même été jusqu'à demander que le corps soit exposé dans un cerceuil ouvert à tous pour pouvoir être admiré. On voulait le toucher, s'en imprégner, en ramener des morceaux. Les médecins légistes travaillant sur le cadavre avaient remarqué un bout de peau ayant été arraché sur le moment par un fanatique.

Les marques de crucifixion, car c'est bien ce qu'avait été le malheureux, dataient pour leur part de deux jours. Le plus surprenant était que Mohammedir avait passé une journée sur la croix, qui n'avait pas été retrouvée par ailleurs, vivant, à saigner comme un porc de ses blessures, avant d'être empoisonné au cyanure le lendemain, au cours de l'après-midi. Dans cette mise en scène se dessinait une cruauté subtile, car en ne tuant pas immédiatement sa victime, le meurtrier avait fait naître en elle de l'espoir. C'était la souffrance qu'il visait, et avant tout, la déception. Autre chose, sûrement, mais pour l'instant, ni Matt, ni Mello, ni Near n'avait mis le doigt dessus. Le blond était admiratif face à la technique utilisée. Near, lui, avait dans le fond de l'œil cet intérêt pour le peu commun qui parvenait à lui redonner un semblant d'humanité. Là encore, les réactions des rivaux étaient en contradiction. Near retrouvait un peu de sensibilité là où Mello en perdait. Quand à Matt, c'était l'indifférence qui rythmait ses recherches. Il n'était pas vraiment là pour enquêter et en avait parfaitement conscience. Ce pourquoi L avait exigé sa présence, c'était parce qu'il était la seule personne en mesure de maîtriser Mello. Au cirque, un fauve n'était jamais pleinement apprécié qu'avec son dresseur. Or L avait besoin que Mello soit sous contrôle.

Mais pas totalement. C'était également pour cette raison que Near était présent. Poussé par l'ambition mais avec des émotions quelque peu tenues en cage, Mello se révélait bien plus brillant que lorsqu'il était libre de ses excès ou emprisonné totalement.


" C'est un rêve. "

" Alors c'est un très beau rêve. "

Aragorn et Arwen, Le seigneur des Anneaux : Les Deux Tours, Peter Jackson


Date inconnue, heure inconnue, lieu inconnu.

- Tu n'es pas venu depuis longtemps. Je croyais que tu m'avais oublié.

- Comme si je pouvais.

- Oh, tu pourrais. Je connais beaucoup de gens qui voudraient bien m'oublier.

- Bonne chance à eux, ils en auront bien besoin.

L'autre rit et ça lui fait du bien, comme le mouvement des feuilles sur le sol, berçées par le vent.

- Tu trouves que je suis si inoubliable ?

- Dans un sens. Tu aimerais bien l'être ?

- Ce serait drôle.

- Tu l'es.

- Non, réplique l'autre en secouant la tête. Certains ne savent même pas que j'existe, tu sais.

- Certains sont des abrutis.

L'autre bouge tout près de lui, doucement, il se cale un peu mieux sur la méridienne, ses vêtements se froissent comme les feuilles sur les dalles brunes du sol. Il voudrait bien baisser la tête pour le voir, mais il est fatigué et il n'a pas envie de faire le moindre geste. Il le sent, ça suffit. Tant qu'il parvient à le deviner, tout va bien.

- Ne pas savoir, ce n'est pas nécessairement être abruti.

- À d'autres.

- Tu ne sais pas tout non plus, ça ne fait pas de toi un abruti.

- Si.

- Tu n'es pas un abruti, murmure l'autre, et sa voix est tellement, tellement, tellement douce.

Il se tourne sur la méridienne, s'allonge sur le flanc. Ils sont visage contre visage, à présent. Il ne se demande même pas comment ils peuvent tenir à deux sur un support aussi étroit. La logique, il l'a laissé tombé au moment même où il l'a vu allongé à côté de lui. Et puis il n'en a strictement rien à foutre.

- J'ai l'impression d'en être un, avoue t-il.

Les traits de l'autre sont nets, ce qui n'a pas toujours été le cas. Parfois, plusieurs détails demeuraient flous, et il était en proie à la frustration, parce qu'il n'arrivait pas à se le représenter correctement alors qu'il en crevait d'envie.

- Tout le temps ?

- Non.

- Quand ?

- Maintenant. Et quand je te regarde aussi. Je me sens idiot.

- Alors ne me regarde pas.

- Là, c'est toi qui es idiot.

- Tu compliques les choses, soupire l'autre.

- Elles étaient déjà compliquées de base.

- Et tu trouves que c'est compliqué, maintenant ?

Il se tait. Il se remet sur le dos et évite les yeux de l'autre, qui seraient bien capable de dénicher la réponse rien qu'en observant une légère modification de son expression. L'autre se redresse un peu, et quand il se penche vers lui, c'est pour l'embrasser, l'embrasser, l'embrasser, et ça a l'air réel, trop réel, tellement qu'il en vient à penser que ça l'est et que ça l'a toujours été, parce que les lèvres de l'autre ont la douceur de l'atmosphère dans laquelle ils sont plongés et que son corps est pressé si langoureusement contre le sien, parfaitement, et oh ça a l'air si réel et il pourrait bien y rester une éternité.

- Oui, il répond, le visage de l'autre tout proche du sien.

Les longs doigts de l'autre caressent sa joue, il a l'air triste. Il tend la main et trace la courbure de la joue de l'autre, parce que c'est vrai que c'est compliqué, mais il n'a pas spécialement envie de lui faire de la peine, en tout cas pas ici. Sa peau est fraiche sous ses doigts, il en ressent chaque millimètre, et il en apprécie la particularité. La peau de l'autre a une toute autre saveur que celles qu'il a pu connaître auparavant et dont il conserve des souvenirs confus, ne l'ayant guère marqué. Il se doute de la bêtise d'une telle réflexion, puisqu'en soit une peau est commune à toutes les autres dans ce sens qu'elle est construire d'une façon similaire, et à l'exception de données biologiques, impossible de les différencier. Mais ça fait longtemps qu'il a arrêté de penser scientifique pour expliquer les choses. Il les laisse advenir et tente au mieux de les accepter, parce que la peau de l'autre lui fait quelque chose que des peaux extérieures n'ont jamais fait, et c'est ça, par dessus tout, qui la rend si singulière. Au lieu de prendre appui sur son intellect, il privilégie l'affectif, bien moins concret mais plus profond, et tellement plus adapté à la situation.

- C'est toi qui rends les choses compliquées, souffle l'autre contre son cou, et il l'embrassait. Tu sais très bien que je


" Je suis une petite folle sans cervelle, à la tête pleine de caprices et

de lubies ; mais, par amour pour toi, je parlerai comme un sage. "

Extrait des Carmilla, de Sheridan Le Fanu


29 mars 2008, 10 heures 34, quelque part dans l'Océan Atlantique, non loin des côtes de l'Uruguay

- Ah, finalement ! S'écria Langlois, les poings sur les hanches, lorsque Light pénétra dans la cabine de pilotage. On hésitait sérieusement à venir vous secouer la couenne, vous savez ?

Sa voix rêche agressa sans la moindre compassion les oreilles du shinigami, dont l'irritation ne fit que croître. Ces deux derniers jours, l'impatience qu'il éprouvait à atteindre le premier lieu de disparition lui donnait la sensation d'être comme une bouilloire sur le point d'exploser. Quand à l'équipage du Svetlana, on ne pouvait pas franchement dire qu'il se démenait pour lui rendre l'attente véritablement agréable.

- Désolé, grommela t-il en se frottant l'arrière du crâne. Je dormais.

- Oh, ça, on s'en doutait vaguement, mon brave, lui fit remarquer Smirnov avec un petit sourire moqueur. C'était prévisible. Vous avez passé trois jours non-stop à veiller pour travailler sur les disparitions, alors forcément, vous deviez bien vous écrouler à un moment ou un autre. Du moment que ce n'est pas dans votre assiette, tout va bien.

Il y avait un certain temps maintenant qu'il n'avait pas dormi aussi profondément et surtout aussi longtemps. Les dieux de la mort, ainsi que le lui avait expliqué Meadra, étaient tout à fait capable de se reposer et de faire des rêves ou des cauchemars, mais cette capacité avait tendance à s'atténuer considérablement avec le temps. Light, s'il était assailli dans ses premières années en tant que shinigami par des songes dans lesquels il revivait indéfiniment sa défaite ou modifiait le cours des choses, avait pu constater une baisse à la fois de son temps de repos mais aussi du nombre de manifestations de son inconscient. Si les souvenirs ne disparaissaient pas, ils le tourmentaient moins. Les rêves, également cautionnés par des émotions, se faisaient discrets dés lors que le manque d'empathie commençait à faire son œuvre dans l'esprit des dieux de la mort.

- Bientôt, tu ne rêveras plus de rien, lui avait assuré Meadra. Tu ne pourras même plus dormir, parce que le sommeil est lié aux rêves. Tu apprendras à avoir une partie de l'esprit vide.

Light avait tenu à se renseigner davantage sur le sujet, et avait été questionner quelques uns de ses semblables dans le Cathare. La plupart lui juraient que les rêves étaient des abominations et que leur disparition permettait d'avoir l'esprit tranquille, mais tous étaient bêtes comme leur pied et leurs avis n'agréaient que trop peu à l'ancien meurtrier. Il s'était par la suite adressé à Ryûk, Justin Beyondormason, ainsi qu'à Dalil Guillohrtha, et enfin à Nu, qui étrangement ne semblait pas être contre avoir une discussion avec lui, probablement à cause de son rang. Il occupait celui que Rem avait laissé à l'abandon, autrement dit le quatrième. Le roi de la Mort avait longtemps hésité entre celui-ci et le deuxième, juste derrière Nu, mais la jeunesse de Light en tant que shinigami l'avait poussé à lui confier le quatrième rang par souci d'expérience. Il lui avait par ailleurs précisé qu'il était extrêmement rare qu'il accorde des places de haut niveau immédiatement après l'arrivée au Cathare d'un nouveau dieu de la mort, et l'avait mis en garde contre toute plainte éventuelle.

- Tu as...un statut...non négligeable ici...Light Yagami. C'est...tout à fait...exceptionnel. N'en abuse pas...ou je...me verrais contraint...de me montrer moins...conciliant.

Ryûk lui avait raconté que le roi de la mort était libre de décider de la position dans le classement des dieux de la mort comme bon lui semblait. Si l'un d'eux avait le malheur d'émettre un avis négatif et désirait monter en grade en influençant le monarque, c'était à ses risques et périls. Certains shinigamis, poussés par l'arrogance, s'étaient rendus à plusieurs au Palais du Mont Fossoyeur sans avoir reçu la moindre autorisation et avaient apostrophé directement le vieux souverain au sujet de leur place dans la hiérarchie.

On ne les avait pas revus.

Depuis, les dieux de la mort se tenaient à carreaux, tout particulièrement en présence de Nu, qui était officiellement la porte-parole et plus proche associée du monarque. Les discours étaient surveillés lorsque celle-ci passait dans les plaines du Cathare, puis se remplissaient d'insultes à son égard et contre le roi dés lors qu'elle s'éloignait. Light, qui ne s'intéressait pas le moins du monde à la politique du Cathare, ne prenait pas part à ce genre de discussions. Ryûk non plus, en général. Il préférait rester en sa compagnie et geindre au sujet de ses pommes.

Light était persuadé que Nu était au courant de la véhémence des dieux de la mort vis-à-vis de sa personne, mais dire pour quelle raison elle semblait passer outre ne lui était pas aussi aisé. La réponse la plus probable était l'habitude. Nu était là depuis un " bon bout de temps " d'après Sidoh, et il y avait fort à parier que son haut rang ainsi que sa proximité avec le roi avait dû en agacer plus d'un. Dans ses premières années, elle avait dû sévir avec une fermeté implacable, mais le temps avait fait diminuer son empathie et par conséquent sa fougue, aussi n'y accordait-elle plus vraiment d'importance aujourd'hui. Elle errait plus qu'elle ne punissait. De même, à mesure que le temps s'écoulait, les insultes allaient decrescendo, puisque les shinigamis perdaient leur faculté de ressentir quoi que ce fût. Or, c'était précisément leurs émotions qui donnaient naissance à leur jalousie, raison pour laquelle les jeunes dieux de la mort étaient bien plus irrespectueux vis-à-vis de Nu et du roi que les seniors. Raison également pour laquelle plusieurs clans regroupant des mêmes générations s'étaient formés dans le Cathare.

On avait plusieurs fois demandé à Light son avis sur la question, mais il répondait habituellement que cela lui importait peu, ce qui était la vérité. À Ryûk, qui le voyait déjà menant une révolution contre le souverain pour prendre sa place avant qu'il ne se réveille dans les Limbes, il avait causé une incommensurable déception. Light lui-même s'était surpris à ne pas avoir envisagé la chose, alors qu'il en possédait très largement les capacités.

Les capacités, certes, mais pas l'appétence.

C'était aussi simple que cela : il ne voulait pas régner. Sa défaite sur Terre, là où son désir tendait justement vers cet objectif, l'avait comme découragé. Il ne savait pas encore vraiment si c'était par peur de commettre les mêmes erreur ou simplement par lassitude qu'il ne cherchait pas à obtenir la place du roi. Celui-ci, avec qui il avait pris l'habitude de faire des parties de Prométhée pour tromper son ennui, lui avait par ailleurs fait remarquer un jour combien son acceptation de la dominance d'un autre était inaccoutumé venant de sa part. Lui qui avait effectivement voulu devenir un dieu vivant sur Terre semblait désormais vidé de tout désir et de toute volonté, comme si un trou noir avait soudainement aspiré son énergie.

- Tu sais...je m'attendais...à ce que tu essaies...de me supplanter.

- Ça ne m'intéresse pas, avait-il répondu.

Sa sincérité brutale les avait surpris tous les deux.

La cabine de pilotage était peuplé du commandant, qui restait accroché à la barre avec une obstination extraordinaire, de Smirnov, qui grignotait un cracker tout en buvant une tasse de thé, de Langlois, qui tapotait impatiemment du pied et devait très probablement taper sur les nerfs de tout le monde pour cette raison, des quatre chercheurs, ainsi que de L. Les cernes du détective étaient devenues gigantesques, à tel point que Deville n'avait rien trouvé de mieux à faire que soupçonner qu'on l'avait croisé avec un panda, et il semblait avoir des difficultés à tenir debout. Il n'en était pas juste à trois nuits blanches, mais plus. Light savait que L pouvait tenir jusqu'à cinq jours sans sommeil, mais pas au delà. Il avait eu l'occasion de découvrir les faiblesses physiques du détective au cours de leur période d'enchaînement, ce qui lui avait apporté un certain réconfort à l'époque, puisqu'il ne pouvait pour sa part que tenir trois jours sans dormir. Maintenant, bien sûr, les choses étaient différentes. Ou presque. Il n'aurait jamais cru qu'il s'endormirait et, à vrai dire, ne s'en était même pas rendu compte. Ce devait être sa présence sur Terre qui lui causait des modifications biologiques. Dans le Cathare, nul doute qu'il était éveillé en quasi-permanence. Il lui arrivait parfois de s'endormir, mais c'était devenu extrêmement rare, et cela allait très certainement le devenir de plus en plus.

Je me suis endormi

Si les membres de l'équipage et les experts n'étaient en rien pris de court par sa réponse, L, en revanche, n'était visiblement pas dans un état d'esprit similaire. Il connaissait la condition de Light et il devait effectivement lui être difficile d'envisager qu'un mort, dieu ou non, puisse dormir. Les yeux noirs du détective le passaient au scanner, pour vérifier si les dires du shinigamis étaient vrais ou non. Light lui rendit son regard.

Tu m'expliques ?

Plus tard

Le dieu de la mort avait appris, de la bouche de Pierre(ou Lellou, ces deux-là étaient à jamais non différentiables) qu'il était attendu auprès du commandant à 10h30 afin de communiquer les résultats des recherches effectuées sur les disparitions par lui-même, L et les scientifiques. Ils n'étaient à présent plus très loin du lieu de la première disparition et là-bas les attendaient les médias, qui avaient été avertis de leur progression par la même personne ayant mis en lumière l'expédition au reste du monde. Les familles des disparus, dés lors qu'elles avaient été au courant, s'étaient ruées sur le président des États-Unis et sans cesse le noyaient de questions par le biais de courriers ou d'interviews accordées à la presse mondiale. George Bush, incertain quand à la démarche à adopter, les avait rencontré pour les prier d'attendre les résultats des observations dans le détroit de Magellan. Or, ces résultats seraient irrévocablement rendus communicables aux familles par les médias. Le commandant Diessel avait donc reçu comme ordre de transmettre les informations essentielles aux journalistes, tandis que les compte-rendus complets seraient d'abord envoyés à L pour analyse, puis au président ainsi qu'à ses collaborateurs principaux sur l'affaire, à savoir Donald Winter, Gary Roughead, et Robert Gates. Le reste des ministres, tel que l'avait indiqué Winter dans son dernier message à l'attention du Svetlana, ne devaient en aucun cas être tenus informés des données récoltées sur le terrain. Tous partageaient effectivement la conviction que les disparitions étaient fort peu communes, et ne savaient pas ce qu'ils allaient trouver. En aucun cas la population ne devait être plus inquiétée que nécessaire, auquel cas l'enquête serait rendue bien plus difficile qu'elle ne l'était déjà. La préservation de certains éléments devenait donc indispensable.

Si l'ensemble de l'équipage était craintif en pensant à ce qu'ils allaient découvrir, Light n'éprouvait pas la moindre angoisse pour une raison toute simple. Il était déjà mort, et c'était la perspective de perdre la vie qui était la cause de toutes les inquiétudes. Il lui arrivait de se demander si L craignait pour sa propre existence, mais étrangement, quand il travaillait avec lui, il avait l'impression que les préoccupations du détective était à mille lieux de ce type d'anxiété. Il trouvait L moins malaisé à lire qu'auparavant. Ses émotions transparaissaient bien plus clairement qu'au cours de l'affaire Kira, sans pour autant qu'elles soient complétement apparentes. Le détective n'avait pas perdu son self-contrôle, mais semblait plutôt l'avoir un peu relâché, une transformation qui était déjà prodigieuse chez quelqu'un comme lui.

On a vraiment changé

S'ils se côtoyaient le moins possible dans la cabine qu'ils partageaient, ils s'étaient toutefois habitués à être de nouveau ensembles dans un même environnement. Light en était arrivé à la conclusion que s'éviter n'avait aucun intérêt, et quand bien même il demeurait des points de tension entre eux, ces trois jours à bord du Svetlana passés à mettre leurs données en commun et à réfléchir de concert à des théories sur les disparitions, malgré des piques désagréables en cas de désaccord, avaient fait fondre une partie de la défiance qui régnait en début d'enquête. En outre, la situation n'était si différente du temps où ils étaient enchaînés ensembles. De manière globale, ils s'entendaient alors déjà aussi bien que des ours des cavernes et se reprochaient à peu près les mêmes défauts qu'à présent, si ce n'était que la fin de l'affaire Kira avait attisée la haine de Light à l'égard de L et vice-versa. Mais à ce sujet, c'était l'affectif qui était en jeu, or on ne leur demandait pas de régler en compte personnels à bord du Svetlana. Ce qui devait primer était l'intellectuel, et de ce point de vue, tous deux fonctionnaient plutôt bien ensembles. De plus, ils étaient parfaitement capable de mettre de côté leur discorde générale pour résoudre un cas de cette envergure, ainsi qu'ils l'avaient déjà fait en 2004. L'un comme l'autre n'étaient pas à l'aise avec les émotions et leur préféraient de loin la logique, la raison et la précision. Ils savaient manier la barre avec. Le sentimental avait plutôt tendance à les faire se noyer.

- Messieurs, annonça Diessel d'un ton solennel. Je vous ai réuni ici pour une bonne raison, ah ça oui, et vous devez savoir laquelle.

Il y eu un grand moment de silence, pendant que les autres attendaient la suite du discours du commandant.

- Eh bien ? Siffla t-il après un temps. Vous ne savez pas pourquoi je vous ai demandé de venir ?

Smirnov leva timidement la main et Diessel l'aperçut dans la gigantesque vitre de la cabine, lui donnant vue complète sur l'océan.

- Smirnov, je vous écoute.

- Euh...pour faire un topo sur le travail des chercheurs ? Proposa t-elle.

- Bravo, excellent ! Deux points pour vous, ma chère ! Je ne m'en souvenais plus, vous comprenez. Langlois, soyez une bonne petite et allez donc noter ça sur le tableau, voulez-vous ?

Le lieutenant poussa un gros soupir d'exaspération, puis se dirigea vers le fond de la cabine. Là, Light et L distinguèrent, trônant fièrement sur le mur, un tableau comportant tous les noms des membres de l'équipage, les leurs ainsi que ceux des experts, suivis par des petits bâtons tracés au marqueurs. Le nombre de bâton différait selon le nom et celle en ayant le plus, en comptant ceux que Langlois venait de lui rajouter, était Smirnov. Celle-ci et le lieutenant se suivaient par ailleurs de très près. Sous tous les noms, en lettres majuscules, était inscrite la mention suivante ;

" Celui qui arrivera jusqu'à dix aura le droit à une assiette de cookies ! "

Smirnov en était à huit, Langlois à sept. Light ne jugea même plus utile de se dire combien tout cela était stupide. Ce devait être la millionième fois depuis qu'il avait posé le pied sur le pont du navire.

- Bien ! Reprit le commandant lorsque Langlois eut terminé sa besogne tout en grommelant. Qui peut me dire qui a découvert l'Amérique ?

- Je vous demande bien pardon ? Fit Van Lunet en réajustant ses binocles.

Smirnov se pencha vers Diessel avec un air ennuyé.

- Commandant, je crois que vous vous êtes trompés de public. Ce ne sont pas les enfants des petites classes qui viennent visiter les bateaux, mais l'équipe de scientifiques qui travaille sur les disparitions.

- Ah ? Bigre.

- Un type espagnol, mais c'est très pénible, je n'arrive pas à me souvenir de son patronyme, lança Al-Qasim, qui semblait passionné par la question.

- Ah, vous aussi ? Intervint Deville avec un sourire soulagé. Je sais juste que ça commence par C.

- Il y a beaucoup de choses qui commencent par C, mon ami, lui fit remarquer le médecin-légiste. Tenez, le mot " choses " par exemple.

- Certes, mais pour ce qui est des prénoms, le choix est déjà plus limité.

- Christine ?

- Non. C'est un prénom féminin, mon cher, et nous parlons d'un individu de sexe masculin.

- Ça dépend. Un homme peut tout à fait s'appeler Christine, vous savez ?

- Je ne sais pas. Ça ferait de notre homme un transsexuel, et je ne suis pas certain que la découverte de l'Amérique est été orchestré avec une robe à froufrous et une perruque blonde.

- Blonde ? Pourquoi blonde ?

- Je suis navré, ça m'est venu spontanément.

- Ah.

Plus près de toi mon Dieu, plus près de toi

L s'était révélé un athée très précoce, mais dans ces moments-là montaient toujours en lui des vagues de prières suppliant une divinité quelconque de le sortir de ce foutoir.

- Chers collègues, trèès chers collègues, par pitié, gardons notre sérieux, les supplia Van Lunet en tripotant nerveusement ses binocles. N'allons pas perturber le commandant plus qu'il n'est nécessaire.

Light se mordit la langue pour ne pas ajouter qu'en terme de perturbation, le commandant Diessel ne pouvait pas faire pire. Il se mordit la langue très fort.

- Commandant, reprenez, je vous prie, le pria Van Lunet.

- Merci. Je disais donc...

Il se tut. Langlois lui vint charitablement en aide.

- Vous ne disiez rien, commandant. Vous alliez commencer.

- Parfait, c'est merveilleux, parce que je ne me serais pas souvenu de mes dires précédents. Messieurs les chercheurs, vous n'êtes pas sans ignorer qu'une cohue de journalistes nous attend dans le détroit de Magellan dés demain, et le président des États-Unis m'a autorisé à leur fournir quelques éléments de l'enquête. J'aimerai savoir ce que donnent vos recherches pour le moment, afin que nous puissions tous nous mettre d'accord sur les informations à transmettre. Smirnov et Langlois se chargeront de faire passer le message au reste de notre équipage. À présent, je vous écoute.

- Vous aimeriez entendre l'un de nous en particulier ? Lui demanda Deville.

- Les assistants de L, dans la mesure du possible, répondit le commandant. Qu'avez-vous à nous dire sur ces disparitions ?

- Pas grand-chose, soupira Light. Nous avons principalement fait des regroupements, à défaut d'avoir matière sur quoi travailler. Il semblerait que les navires les plus touchés soient ceux contenant une population importante, autrement dit majoritairement des ferrys. Il y a eu très peu de disparitions de bateaux de petite taille et près des côtes, toutes ont lieu en mer et principalement dans les océans, donc dans des espaces de grandes envergures. Il y a une augmentation nette depuis 2008, mais c'est un phénomène qui a l'air annuel et qui en général se produit le soir.

- La plupart des disparitions ont lieu en pleine nuit ?

- Oui, répondit L. Nous n'avons que trois exceptions à la règle.

- Vous avez des horaires précis ou bien ? Les interrogea Langlois.

- Pas vraiment. Ça tourne assez fréquemment autour de 20 heures, mais on ne peut pas dire que c'est systématique. Mieux vaut rester sur nos gardes en permanence.

- Il y a un océan en particulier qui est visé ?

- Là aussi, impossible d'être sûr à 100 pour 100. La fréquence des disparitions est à peine plus élevée dans les océans Pacifique et Indien.

Smirnov et Langlois échangèrent un coup d'œil inquiet.

- Il y a un risque élevé que nous aussi, on disparaisse ?

- Compte tenu du grand nombre de disparitions de ferry, disons qu'on a plus de chance que les navires transportant plusieurs centaines de personnes, dit Light. Mais c'est trop imprécis pour évaluer nos chances réelles. Tant que nous n'avons pas plus d'exemples ou de données, nous sommes à égalité avec tous les autres.

- Mon dieu, je ne vais pas en dormir de la nuit, marmonna Langlois. Dire qu'on peut crever n'importe quand et n'importe où...

- Faîtes comme moi, déclara Deville. Prenez des somnifères, c'est très efficace !

- Tu sais, ma poule, intervint Smirnov en passant son bras autour des épaules de Langlois, qui eut un mouvement de recul, c'est comme à terre. On peut mourir à tout moment, et pourtant on dort quand même.

Light fut relativement étonné d'entendre une remarque aussi cohérente s'échapper de la bouche de la russe, qui jusqu'à lors s'était illustré par l'absurdité de la plupart de ses propos. Comme l'ensemble de l'équipage, par ailleurs.

- Le second Smirnov a raison, Langlois, lança le commandant. Ça ne change pas de d'habitude. J'ajouterai à cela que nous sommes extrêmement surveillés par la SU et ce, 24 heures sur 24. Je vous demanderai de ne paniquer qu'en cas d'extrême urgence, me suis-je bien fait comprendre ?

- À vos ordres, commandant, maugréa Langlois.

Le commandant se tourna à nouveau vers L et Light.

- Et en ce qui concerne les disparus ?

Les deux génies jugèrent bon de laisser la parole à Al-Qasim, qui était resté penché constamment sur le sujet tandis qu'eux travaillaient davantage sur les détails techniques et géographiques.

- Oh, rien d'humain dans cette boucherie, commandant, lui répondit le médecin-légiste. Certains de mes collègues persistent à croire que c'est l'œuvre d'un psychopathe, mais dieu merci, ils sont très peu. Tout laisse à penser que c'est un animal qui est à l'origine des blessures observées sur les corps, et je dirais même que c'est un animal de grande taille, si l'on s'en tient à la gravité des stigmates. Les rapports d'autopsie indiquent un ouverture du ventre brutale mais facile, ce qui pourrait suggérer une mâchoire puissante.

- Un requin ? Proposa Smirnov.

- Non, ma pauvre amie, non ! Les requins peuvent s'attaquer à l'homme, certes, mais ils ne laisseraient jamais des blessures de ce genre, leur affirma Al-Qasim. C'est un animal bien plus costaud qui a produit ces résultats, quelque chose qui serait en mesure de déchirer de la chair humaine aussi facilement que nous déchirons une feuille de papier.

- Un cachalot ?

- Nom d'un petit bonhomme, Deville, vous imaginez vraiment qu'un cachalot puisse s'attaquer à un être humain ? Ces bestioles sont aussi douces que les baleines, mon vieux !

- Je faisais simplement avancer le débat, c'est tout, se justifia le français en plaçant ses mains en l'air, comme pour dire " je ne suis pas armé ".

- Mais ça pourrait être un individu de l'ordre des cétacés ? S'aventura Van Lunet.

- Pourquoi pas, mais j'en doute très fortement, répliqua Al-Qasim. Les cétacés sont réputés pour leur douceur de tempérament et ne s'attaquent pas à l'homme. Or nous avons ici une espèce qui visiblement se nourrit de l'homme et qui est très agressive.

- Des orques ? Lança Langlois.

- Ma fille, les orques sont des cétacés dits " à dents ". Réfléchissez un peu avant de parler !

- Eh oh, Darwin, change de ton, tu veux ? Gronda le lieutenant. J'ai pas fais des études de biologie, moi.

Al-Qasim grogna dans sa barbe.

- Auriez-vous une théorie, cher collègue ? S'enquit Newton.

- Pour ma part, je pense très sérieusement qu'il s'agit là d'une nouvelle espèce marine, répondit le médecin d'un ton catégorique. Bien sûr, il me faudrait davantage d'informations, ce que j'espère obtenir avec les observations dans le détroit de Magellan et aussi, éventuellement, avec un nouveau cadavre, mais je suis prêt à parier que le type d'animal qui s'attaque aux navires, si encore on peut le qualifier d'animal, n'a pas été répertorié dans nos bases de données.

- Ça se tiendrait, déclara Light. Nous avons éliminé toutes les possibilités au cours de ces derniers jours et c'est la seule qui soit un tant soit peu plausible.

- Qu'en pense l'assistant numéro deux ?

- Je suis assez d'accord avec cette théorie, déclara L. Ça ne peut définitivement pas être la cause de mauvaises conditions météorologiques, et aucune des espèces animales découvertes et décrites jusqu'à aujourd'hui ne présentent les caractéristiques requises.

- Une nouvelle espèce, donc, répéta Smirnov, qui caressait son menton de ses doigts. Agressive, suffisamment puissante pour s'attaquer à l'homme et qui en ferait son casse-croûte.

- Et grande, surtout, grande, ajouta Al-Qasim. Pour pouvoir faire disparaître les bateaux.

- Nous n'en sommes pas complétement sûrs, leur rappela L. Considérons cela comme une théorie parmi d'autres et attendons de voir les résultats des observations.

- Tout à fait d'accord avec vous, cher collègue, mais n'est-ce pas merveilleux d'avoir enfin une piste et ne plus patauger dans l'ignorance la plus totale ? S'exclama Deville, qui pour un peu battait presque des mains.

L'enthousiasme des autres était plus éblouissant que tout ce que L avait pu voir auparavant. Il n'avait jamais travaillé avec des individus capables de se réjouir à la moindre occasion et pour la moindre petite avancée, aussi avait-il un peu de mal à comprendre ce qui pouvait bien pousser l'équipage et les chercheurs à apprécier de manière aussi extrême une simple hypothèse qui n'avait pas de base véritablement solide. Pour lui, qui avait l'habitude de tout découvrir en un temps record, une seule idée n'avait rien d'extraordinaire. Il ne s'était jamais mis à danser dés lors qu'une thèse au sujet d'une affaire se construisait dans son esprit.

Les idiots sont contents pour tout, les gens intelligents n'en sont plus capables

- Messieurs, je sollicite votre attention, intervint le commandant Diessel. J'aimerai savoir si je dois dire demain aux journalistes tout ce que je viens d'entendre ou si nous devons filtrer ?

- Très franchement, commandant, vous imaginez la réaction du public si on lui apprend l'existence éventuelle d'une espèce de monstre marin ? Fit Langlois d'un ton railleur.

- Non, bien sûr que non. Ce serait l'apocalypse.

- Nous contacterons L dés ce soir, l'informa Light en glissant un coup d'œil au détective. Il enverra ses analyses à monsieur Winter. C'est lui qui, avec le président, se chargera de nous indiquer quelles informations nous devons rendre publiques.

- Eh bien faîtes, messieurs, faîtes. En attendant, vous avez gagné trois points sur le tableau.

Et Langlois alla les inscrire en grommelant de plus belle.


" Le palais de Poséidon dans l'Océan Atlantique était un immense bâtiment

réputé pour ses colonnes de marbre bleu, dotées de chapiteau en forme de

coquillages. Sur les murs du palais s'étendaient quantités de fresques et de

mosaïques à la gloire du dieu, qui pour la plupart racontaient ses exploits.

Le palais ne disposait que d'un niveau, mais il était si large qu'on avait l'impression

d'entrer à l'intérieur comme dans une ville. Les écuries pour les chevaux de mer

de Poséidon étaient aussi luxueuses que spacieuses, et les bêtes étaient

traitées de la meilleure des manière. On raconte que les hommes, voulant

accéder au palais, avaient creusé un tunnel sur l'île d'Hécate avec l'aide

de Déméter, la déesse de l'agriculture."

Extrait des Cataclysmes de la Mythologie Grecque, de William Fauster


Indication :

- Cétacés, wouhou, baleines, dauphins, orques, cachalots ! Enfin bref.

- J'aime vraiment bien travailler sur le trio Mello-Matt-Near.

- J'ai galérééééé pour écrire le demi-lemon entre Matt et Mello ! Ça passe bien dans la tête, mais à l'écrit, c'est la catastrophe, je ne trouve plus les expressions adéquates. Pô juste.

- Oui, je sais. La citation du Seigneur des Anneaux, c'est très, très, très, très niais. Mais ça collait très, très, très, très bien :P.

- Mais qui a fait le rêve, et à propos de qui ? Non, bon, d'accord, je me tais. Tout le monde a déjà trouvé. Bouhouhou, je sais pas installer du suspeeeens !

- Je m'étais jurée de faire un chapitre sérieux. Je suis arrivée à quelques paragraphes de la fin, j'étais contente parce que jusqu'ici, c'était vachement classe, et puis je suis partie en live avec Deville et Al-Qasim. Mes personnages veulent me décrédibiliser, c'est officiel.

- Carmilla ? Hu hu hu, quelle merveille.

- Oui oui, les dieux de la mort peuvent dormir. Sinon, ce serait pas drôle.

- Plus j'écris avec, plus j'aime Al-Qasim. C'est le côté médecin légiste hystérique, je crois.

- Affectif, c'est pour Matt et Mello, mais aussi pour la façon de penser de Light et L.


Bon...tout d'abord, je voulais vraiment m'excuser pour ce retard d'une semaine, et aussi pour l'abandon de ma dead-line. Maintenant, le rythme de publication risque de devenir irrégulier, quand bien même je vais faire de mon mieux pour rester dans le temps de quatre semaines. Je me suis vraiment sur-estimée en croyant que j'arriverai à tenir le rythme même avec la fac. A pas possible, c'est moi qui vous le dit. Tenir les deux de fronts, ce n'est pas dans mes compétences, ce que j'aimerai bien hélas. Enfin, dans tous les cas, je suis contente d'avoir pu finir ce chapitre, c'est déjà ça. J'avais vraiment peur de ne pas y arriver, et puis au final j'ai tout bouclé cet après-midi. Tiouuuf !

Je voulais remercier ma " Guest " du 5 janvier qui m'a laissé une très gentille review, et qui malheureusement a eu le droit à une auteur en retard(je suis désolée !). J'espère que ce chapitre te plaira, et ne t'en fais pas pour la review constructive, tu en as laissé une, c'est déjà génial :D !

Juste pour changer de sujet, z'avez vu toute cette neige ? C'est pas merveilleux ? Avec ça, on va économiser des litres et des litres de pétro...les transports en commun ? Euuuuh, ouais, bon, j'ai rien dit. C'était la page météo de Negen.

Je vous présente encore toutes mes plus plates excuses, et du coup, je ne vous donne pas de date précise pour le dixième chapitre. Je vous informerai comme promis chaque dimanche sur la page d'introduction de Downtown Abyss de l'état d'avancement. En attendant, merci infiniment pour votre patience, tout le monde !

Negen