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CHAPITRE VINGT-TROISIÈME

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Association : du latin "associatio", action d'associer, fait de s'associer, ou

groupement de personnes réunies dans un dessein commun.


ASSOCIATION

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Once there was a girl who thought she needed to be saved

Il était une fois une fille qui pensait avoir besoin d'être sauvée

By a white knight on a white horse in a white cape

Par un chevalier blanc sur un cheval blanc avec une cape blanche.

Maybe he's taken but you'll take him anyway

Il est peut-être pris, mais tu le prendras malgré tout.

Once there was a girl who thought shе needed to be saved

Il était une fois une fille qui pensait avoir besoin d'être sauvée

Extrait du morceau Devil Makes a Deal de The Midnight


1 avril 2008, 00 heures 25, troisième secteur des Plaines, Cathare.

Fut un temps, jadis, un temps très reculé, une éternité, une vaste fenêtre de jours, d'heures, de minutes, (de secondes) semblant à présent infiniment loin et petite comparé à ce que Misa avait enduré dans le ventre des Tunnels de Dorine, un fragment dans le cosmos qui d'un coup s'était rompu dans son harmonie, son équilibre, où elle avait éprouvé à l'égard de Light une répugnance et une hostilité avec une intensité dont la violence l'avait en partie effrayée, tant sa nature paraissait à la fois une hérésie et une illusion, avant que ne se rappelle à son bon souvenir la cause de ce bourgeonnement impétueux, et alors était revenues la rage et l'incompréhension, la déception et la souffrance, une petite couche de plus dans un océan déjà creusé par la mort de ses parents, et qu'au cours d'une longue période Kira avait si tendrement recouvert d'une prairie fertile et verdoyante, où poussaient des fleurs d'espoir et de joie, aux couleurs de satisfaction, arc en ciel, et entre lesquelles butinaient de charmantes abeilles toutes rondes et toutes pelucheuses, chacune transportant le mantra.

Kira a tué le meurtrier de mes parents Kira l'a tué Kira l'a tué Kira Kira Kira

Misa ne doutait pas alors, et ne poursuivait l'objectif de le trouver que pour lui exprimer sa reconnaissance, en se mettant à son service jusqu'à son dernier souffle. Sa propre vie ne comptait pas, sa volonté n'avait aucune pertinence, et ses désirs passaient pour si secondaires qu'ils auraient tout aussi bien pu ne pas exister.

Néanmoins, à l'époque, l'ensemble de ces choses ne rêvetait pour elle qu'une importance dérisoire, une fois placées à côté de son ambition de rencontrer le justicier de ses parents, celui qui avait accompli la vengeance dont elle avait rêvé des nuits entières, trempant d'une sueur brûlante les draps de ses lits et la peau de son corps, imaginant dîner des chairs du coupable lors des repas où on lui présentait de la viande.

Un petit verre de Chianti

Jamais Misa ne s'était posé la question de sa loyauté envers Kira, et plus généralement envers Light. C'eût été comme remettre en question la souveraineté de Dieu pour un croyant, or plus que de la foi en la personne de Light-Kira, peu importait dans le fond, car tous deux étaient les mêmes.

Non

Si.

Il fallût qu'ils soient les mêmes, sans quoi Kira n'aura pu naître, et quoi qu'il ait pu en dire, Light avait gardé en lui, durant la période où son droit de possession sur le death note s'était évaporé et l'avait laissé amputé d'une fraction de sa mémoire, de fait la plus essentielle de toutes, ces caractéristiques de tempérament ainsi que d'intérêts dont l'assemblage aurait pu, dans les circonstances adéquates, le mener droit vers les mêmes destinations que Kira avant lui avait visé.

C'était de Light dont Kira avait émergé. Du pouvoir de death note, de sa potentielle influence, Misa jugeait plus sage de ne guère se prononcer, et d'abandonner la problématique à des esprits plus affutés, ou plus passionnés par le sujet. Light avait certes subi un changement d'attitude drastique une fois le cahier hors de sa portée, mais c'était alors tout ce qui concernait l'objet issu du royaume des dieux de la mort qui avait quitté les recoins de son esprit, y plaçant en échange la conviction en sa propre innocence et la détermination de capturer le coupable, soit le Kira ayant alors repris le flambeau.

Qu'eût été Light, face au cahier, sans avoir la possibilité de recouvrer ses souvenirs ? Qu'aurait-il fait, quels choix aurait-il favorisé ? La poursuite de Kira et son travail auprès de L lui avaient fourni une source de distraction dans un univers qui, Misa le savait mieux que quiconque, car elle l'avait entendu le répéter à plusieurs reprises, l'ennuyait à mourir. Mais une fois ces évasions intellectuelles révolues et l'affaire réglée, que serait-il advenu ?

Le death note, en se nourrissant du sens aïgu de la justice que cultivait Light depuis son enfance, avait su lui apporter l'attrait suffisant pour l'amener à construire projet, stratégie, peinture complète d'un monde nouveau et dénué des criminels dont les actions en pourrissaient jusqu'à lors la moelle. Le tableau était dévoré par les mites ? Bah, ce n'était pas bien grave. Ce qui comptait était l'image finale.

Or, durant la conception, entre deux coups de pinceau, s'était dressé un obstacle face auquel Misa, pourtant confrontée précédemment au véritable visage de Light, soit celui de l'individu avide de pouvoir et de contrôle, celui qui désirait le trône et le monde, ou peut-être justement parce qu'elle avait vu cette facade dans toute sa gloire morbide, n'avait su quelle résistance opposer, et avait ainsi été poussée à concevoir pour son idole un ressentiment farouche, à défaut de pouvoir combattre avec d'autres armes.

La petite conférence ayant réuni shinigamis, leur monarque décrépit et Misa avait pris fin depuis ce qu'elle estimait être une heure, peut-être plus. Il était aussi ardu de déterminer le passage du temps dans le sable du Cathare que dans le noir des Tunnels. Sur ce point, pas de changement, et donc pas de dépaysement. Ryûk la portait toujours, car ses jambes refusaient encore de la porter. Ça passera, lui avait assuré la petite déesse de la mort, celle qui ressemblait à un enfant, en l'occurence le gosse le plus terrifiant du monde.

Du bout de ce qui paraissait être ses doigts, et qui évoquait de fait de longues aiguilles susceptible de se planter dans la chair du premier venu, elle avait touché la peau de ses cuisses, puis de ses mollets, comme un médecin vérifie les réflexes de ses patients au cours d'une consultation. Observant se former sur le front de Misa des plis de désagrément, elle s'était tournée vers le roi et lui avait annoncé que Misa serait "bientôt prête".

À quoi, elle ne l'avait guère précisé.

Misa avait alors terminé son récit de l'affaire Kira au roi des shinigamis, et avait été installée tout en bas des marches de pierre qui montaient vers son énorme carcasse de chair purulentes, ses bras minuscules, les chaînes le maintenant suspendu dans les airs, au dessus de tous ses sujets, et son visage épouvantable, une tête dans un crâne. Il était fascinant de laideur cauchemardesque. En outre, Misa préférait le regarder lui plutôt que d'autoriser son regard à traîner dans la direction de Ryûk, qui s'était affalé dans un coin du palais avec l'air de n'accorder aucune valeur à ce qui se déroulait devant lui.

Le roi l'avait écoutée tout du long, sans l'interrompre : c'était la première fois que Misa rencontrait une audience si captivée par ce qu'elle disait, ne cherchant pas à regagner par la parole en coupant brusquement la sienne ou en tranchant sur l'invalidité de ses arguments. Le phénomène l'avait d'autant plus confondue que l'apparence physique du roi tendait vers des dispositions contraires, une sévérité de caractére peu encline à prêter l'oreille aux développements de ses interlocuteurs, tout particulièrement lorsque ces derniers se trouvaient être, comme Misa, considérablement inférieurs en termes de puissance et d'autorité.

Cependant, il s'était intéressé à l'intégralité de son témoignage, réservant pour la fin quelques questions sur des points relatifs au comportement de Light à l'époque, puis, ainsi que Misa l'avait espéré, sur la nature de ses rapports avec L.

- Ce que...vois-tu..., avait articulé péniblement l'auguste mais abominable souverain, et alors Misa avait pensé à un vieillard dans une maison de retraite, ce qui avait eu pour conséquence de lui inspirer aussitôt une étrange compassion pour l'abomination qui s'exhibait sous ses yeux. J'ai envoyé Light...en tant qu'émissaire...pour traiter cette affaire de disparition...des bateaux. Le détective...est avec lui.

Depuis sa sortie des tunnels, ses retrouvailles forcées avec Ryûk, et le chemin qu'ils avaient parcouru ensembles sans échanger un mot dans les plaines désolées du royaume des dieux de la mort jusqu'à atteindre l'intérieur grandiose mais lugubre du palais royal, fermentait en Misa quelque chose dont elle était parfaitement avertie de la consistance et de l'origine, dont elle reconnaissait le fumet et la texture, le goût dans le fond de sa gorge et ses entrailles, dans les contractions de son coeur, et qui prospérait, grandissait, se propageait, marée montante ou vague de tsunami causée par la collision de deux plaques tectoniques, cyclone engendré par le rapprochement de vents trop forts, mais oh, elle sentait combien il montait montait montait, ayant déjà pris d'assaut ses réflexions à l'instant où elle avait revu le sourire déformé de Ryûk et n'ayant ensuite eu de cesse d'épanouir ses racines, ou plus exactement de les rafraîchir, car si dans les tunnels elle ne pouvait penser de façon cohérente et linéaire, toute idée étant trop vite engloutie pour aboutir, son évasion hors de ces boyaux insatiables lui avait permis de retrouver la continuité de ses capacités intellectuelles, et ainsi de pouvoir de nouveau former des raisonnements longs et complexes.

Mais avec la réapparition de ces facultés étaient revenues les mauvaises choses, les observations déplaisantes, des mots qu'elle avait surpris et qu'elle aurait voulu ne jamais entendre, ne jamais voir émerger, tant ils signaient entre elle et Light l'édification d'un gouffre dont elle se savait être incapable de rejoindre l'autre extrémité, à moins d'un miracle, et en cet instant Misa avait très certainement mis en doute toute possibilité de miracle la concernant.

De ce que le roi envisageait de faire d'elle, elle n'était pas complétement certaine. Il avait des projets à son égard, auquel cas elle n'aurait jamais été tirée hors des tunnels, et elle se doutait que l'ordre ne pouvait venir que sa royale et hideuse majesté. Aucun shinigami n'aurait eu d'intérêt à venir la chercher et à se risquer vers un lieu à la réputation si redoutable, en particulier Ryûk, dont elle connaissait sur le bout de ses ongles noircis de terre du Cathare et peut-être d'autres substances, elle n'en savait rien (après tout quelle importance ?), la tendance à l'égoïsme et à la préservation de soi.

C'était bien pour cette raison, par ailleurs, qu'il avait écrit le nom de Light dans son cahier, le condamnant ainsi dans le but d'éviter d'avoir à se sacrifier pour sa cause et ses beaux yeux, car quand bien même Light lui eût fourni de quoi se divertir à foison durant des mois, et probablement l'expérience la plus intéressante de toute son existence de dieu de la mort (non, Misa estimait qu'elle n'exagérait point sur ce sujet, car elle avait aussi régulièrement écouté Ryûk se plaindre de son monde d'origine et du manque de distraction tragique qui y régnait, tandis que Rem lui jetait des coups d'oeils accusateurs - elle ne s'était jamais véritablement trop épanchée sur le thème du royaume des shinigamis, posant ça et là une ou deux informations dérisoires pour satisfaire la curiosité de Misa, mais gardant soigneusement les lèvres closes si elle désirait approfondir la question), en aucune occasion Ryûk n'eût donné son semblant d'existence pour sauver la sienne.

Sur ce point, il avait été formidablement fidèle à lui-même, et il devait peut-être sentir que Misa, doucement, se rappelait, se rémémorait les derniers instants de Light encore et encore, remontait plus loin, et gardait une conscience aiguisée du rôle que Ryûk avait joué dans leurs deux fins, tant celle de Misa que de Light.

Tuer le premier avait été perdre la seconde.

Il n'y avait rien sans Light, tout comme il n'y avait rien eu avant, tout du moins après l'assassinat de ses parents.

Assise sur une grande struture allongée ressemblant à l'os d'une cage thoracique géante, mais disposé à l'envers, s'enfonçant dans le sable et formant ainsi une sorte de banc de fortune, les jambes pendant dans un vide somme tout assez mince, puisque ses pieds touchaient le sol et que sur eux glissaient des grains de sable et de poussières, Misa tripotait le tissu de la blouse blanche ramenée par la petite shinigami (Nenn) depuis le monde des humains.

Les tunnels avaient tout autant amputé son esprit que ses sensations physiques : celles-ci lui revenaient par brides, lentement, s'éveillant de part et d'autre de son corps fatigué, et lui donnant une impression de lourdeur face à laquelle elle aurait souhaité pouvoir se coucher et dormir. Auprès d'elle était Ryûk, mais aussi Nenn, et quelques autres dieux de la mort étaient également passés depuis leur installation sur place, parfois les observant de loin, comme des visiteurs dans un zoo admirant les animaux derrière les vitres de leurs enclos, mais aussi s'approchant d'eux et liant la conversation, le regard cependant fixé sur Misa.

Nenn se montrait froide et sèche, aussi peu bavarde que Rem jadis. Ryûk avait la répartie plus cynique, toutefois il paraissait moins ennuyé que sa compagne par les interruptions de leurs semblables, et acceptait généralement d'échanger quelques mots avec eux.

- C'est la première fois qu'ils voient un humain vivant dans le Cathare, et qui plus issu des tunnels de Dorine, se sentit-il obligé d'expliquer à Misa, mais elle l'avait déjà deviné, et une vague d'irritation la gagna en interprétant cette remarque comme une preuve que Ryûk continuait de la considérer en tant qu'écervelée. Ils sont tous émoustillés. Ça leur passera.

- Dans ce cas, que ça leur passe vite, répliqua Nenn, d'un ton aussi exaspéré que l'exprimait son attitude générale avec les autres dieux de la mort. Ce n'est pas une attraction.

- Tu ne peux pas les blâmer, gamine. Ça ne s'était jamais vu auparavant, et aucun ne sait exactement pourquoi. Ils veulent comprendre.

- Ils feront sans. Ils n'ont pas à réclamer d'explications, ni de justifications. Le roi n'a rien dit à ce sujet, et Nu...

- Ça va, ça va, la temporisa Ryûk, et dans sa voix perça comme un relent de lassitude. Je sais que Nu nous a ordonné de la boucler à propos de ce qui a été décidé au palais, et de garder les autres aussi éloignés que possible de toute l'affaire. Mais réfléchit donc un peu, gamine. Tu ne crois pas que le manque de réponse va attiser chez les autres le besoin d'en apprendre plus ?

Les yeux jaunes de Nenn posèrent sur Ryûk un regard méprisant.

- Ne confonds pas les nôtres avec les humains, asséna t-elle. La curiosité compulsive n'a jamais été un attribut des dieux de la mort.

- Qu'est-ce que tu en sais ? Protesta Ryûk. Tu ne t'es jamais penchée sur la question. Moi, je suis curieux. Nu et le roi aussi, sous leurs grands airs. Même toi, quoi tu puisse prétendre, tu es curieuse. Qui te dit que les autres ne le sont pas ? Certaines choses persistent, même après des années dans le Cathare. Elles sont simplement dormantes, et attendent une bonne occasion.

Il tendit un doigt décharné vers Misa, qui n'avait pas bougé ni prononcé un seul mot.

- Comme celle-ci, reprit-il. Ça, c'est une très bonne occasion. Excellente, même. Du genre à pouvoir mettre tout le royaume sans dessous dessous, si tu vois ce que je veux dire.

La réponse que lui renvoya Nenn ne contenait pas plus de chaleur que de sympathie, et ils parlaient et parlaient et parlaient tous deux, faisant peu de cas de sa présence ou de ses ressentis, ce qui en soi ne la dépaysait guère, car à l'époque de Kira déjà se dessinait un schéma du même acabit, dans lequel L s'était montré étrangement plus prévenant que Light, lui fournissant des appartements, ce qu'elle désirait, se pliant à ses exigences de rendez-vous avec le second.

Light n'avait été ainsi avec elle que du temps où Kira s'était accroché à un hôte différent, à cet Higuchi dont le visage lui revenait en mémoire de façon quelque peu indistincte, et auquel elle, non pas Light, ni L, ni aucun autre membre des forces de police associés à l'enquête, avait arraché les aveux regardant son identité meurtrière.

Mais comme les shinigamis s'écharpaient verbalement à côté d'elle, l'un prodiguant des boutades tout aussi incisives que l'autre, ils ne prêtaient pas la moindre attention à ce qui pourtant aurait dû attirer leurs intérêts et les inquiéter, tout du moins les préoccuper, car à présent que les tunnels n'exerçaient plus leur emprise, la mémoire de Misa retrouvait sa linéarité, sa cohérence, et elle se souvenait, oh, elle se souvenait de plus en plus nettement, avec une précision toujours plus affutée, autant de lames de poignard plongeant dans sa tête et dans sa poitrine, lui perçant le coeur et les entrailles, elle se souvenait désormais de ce jour où elle avait été témoin involontaire d'une scène l'ayant ensuite amenée à développer cette rancoeur envers Light dont elle n'avait pu se départir, et qui encore aujourd'hui, alors même qu'elle avait été ramené d'entre les spectres d'un enfer indéfinissable, s'obstinait, avait gardé ses racines profondément ancrées en elle, avait refusé de la laisser en paix.

Tu vivras avec pour toujours pour toujours pour toujours ce sera ta punition

Punition, le terme était de circonstance, et Misa jugea qu'il était approprié pour désigner la douleur et la rage que lui inspirait le souvenir, jusqu'ici demeuré bien au chaud dans le fond de son esprit, dans ses profondeurs abyssales, là où dormaient les choses désagréables et pénibles, malveillantes et tordues, comme le sourire de Ryûk alors que Light se mourrait, les corps de ses parents et leur sang sur le parquet de sa maison, le visage du tueur qu'un policier avait fait glisser sous ses yeux, en lui disant "c'est lui, on l'a retrouvé".

Cet endroit était tel un grenier, ou une cave, un emplacement où s'accumulaient les objets dont on ne voulait pas, dont on ne savait que faire, dont on ne voulait plus, ou que l'on désirait cacher.

Il sentait la poussière, le renfermé, la pourriture et la décomposition.

Un corps caché dans la cave

L'idée la traversa à la manière d'une ligne de foudre dans le ciel d'orage et durant un fraction de seconde, elle faillit rire, la prenant comme une plaisanterie du plus mauvais genre, mais une plaisanterie malgré tout, pendant que le reste de ses réflexions prenaient la tangente et tombaient d'une hauteur vertigineuse, poussées par ce souvenir abject, ses implications, ce qu'elle en avait extrait et découvert.

Elle n'aurait su en recouvrer la date exacte, mais elle se souvenait d'une journée grise, froide, voilée d'un brouillard épais.

Novembre ou décembre non peut-être novembre

Higuchi était mort, après avoir été arrêté par la police, et son death note, elle en était à peu près sûre, avait été récupérée par la cellule d'enquête, amenant avec lui la découverte de Rem et de l'existence des dieux de la mort, ainsi que, dans la foulée, les souvenirs de Kira, dont chacun d'eux avait réintégré la mémoire de Light comme autant de coups de poignard lacérant chaque portion de son esprit et y creusant des tranchées pour mieux s'y blottir, l'inondant comme un raz-de-marée, détruisant tout ce que Light avait été jusqu'à lors, ou plus exactement les principes sur lesquels il avait construit sa philosophie, sans savoir que le cahier de la mort les avait une première fois anéanti.

Ou exacerbé

Toujours l'incertitude à ce propos, bien qu'il fut trop tard pour en vérifier le bien-fondé.

Elle se rappelait s'être rendue de manière non annoncée au quartier général, par désir de voir Light, de le toucher, de lui parler, de l'entendre évoquer ses projets d'application de la justice par le biais du death note et d'élimination des principaux obstacles à ces ambitions, en d'autres termes L et Watari, les seuls que son masque de jeune homme propre sur lui ne parvenait pas à convaincre.

Elle lui avait déjà fait une première visite, immédiatement après avoir déterré le cahier mis à l'abri par Light avant son emprisonnement par la cellule d'enquête et regagné l'ensemble des souvenirs relatifs à l'époque où elle lui était venue en aide en tant que second Kira. Ses yeux avaient alors récupéré les particularités de ceux des dieux de la mort, car elle avait réalisé un autre pacte avec Ryûk, oui, elle se souvenait aussi de cela, du sourire énorme qui s'était inscrit sur son visage grotesque lorsqu'elle lui avait demandé de procéder à l'échange une nouvelle fois, de la moquerie ouverte qui se trouvait là, dans ce rictus affreux, dans ses yeux jaunes, dont les coins paraissaient vouloir s'exclamer "ce que tu peux être idiote".

Mais Light l'en avait félicité, s'était montré fier d'elle, de son sacrifice, et rien d'autre ne comptait, rien excepté lui, la faveur qu'il lui avait faite en exécutant le meurtrier de ses parents, la joie qu'il lui avait apporté, rien d'autre.

Elle avait repris l'activité de Kira, Light étant coincé par sa présence au quartier général, mais n'avait cependant pas résisté au besoin d'être près de lui un instant encore. Elle ne demandait pas grand chose. Elle était donc venue, ainsi qu'elle lui en avait fait la promesse (je viendrais te voir tous les jours), sans le lui dire, car elle avait pensé que le prévenir pourrait sembler suspect aux yeux de Ryûzaki, et les exposer davantage.

Le bâtiment, truffé de caméras de surveillance, l'avait repéré dès son entrée dans le vestibule, et on l'avait accueilli au sein de la cellule d'enquête avec un enthousiasme lui ayant fait d'autant plus chaud au coeur qu'elle avait recommencé à écrire des noms de criminels dans le cahier, et était donc devenue leur nouvel ennemi sans qu'ils en eussent conscience. Pour cette visite, elle avait pris soin d'appporter à tous des douceurs, afin de mieux gagner leur confiance et de prouver sa bonne foi, notamment auprès de L, dont elle connaissait le goût pour les sucreries.

Le masque de Kira sous une boîte de confiseries. La chose aurait pu être drôle, n'eût-elle comporté cet aspect effroyablement tragique d'une condamnation sur le point d'aboutir.

- L et Light ne sont pas là, l'avait informé Matsuda, en se servant copieusement dans la boîte de gourmandises. Je crois qu'ils sont encore à l'étage, dans leur appartement. On fait une petite pause. C'est qu'on a travaillé toute la nuit, ou presque, avec ce nouveau Kira dans les parages.

Une crispation au niveau de sa nuque, à la mention de "leur appartement", dont elle n'avait rien laissé paraître.

À la remarque de Matsuda, elle avait souri, puis décrété qu'elle monterait les voir. Il avait des cernes sous les yeux, prodigieusement semblables à celles de L, et le teint cireux, conséquences certaines de leur labeur nocturne. En vérité, tous semblaient au ralenti, presque K-O, sur le point de s'effondrer sur la moindre surface un tant soit peu moelleuse pour y dormir tout le reste de la journée, des roseaux sur le point de se rompre sous la force du vent. Misa ne les avait jamais vu ainsi, même du temps où Higuchi possédait le cahier.

Après avoir distribué sourires, encouragements et friandises, elle avait emprunté l'ascenseur non sans s'être assurée d'avoir obtenu l'accord de tous, par simple précaution, s'étonnant en parallèle de ne pas croiser Watari, mais soupçonnant que le vieil homme devait être occupé à servir L dans les quartiers qu'il partageait avec Light.

Lui était revenu en tête le terme "leur appartement", et froidement elle l'avait rejeté, piétiné, réduit en miettes lettres par lettres, tant elle ne pouvait le souffrir.

Elle avait laissé Ryûk chez elle, et donc le cahier. Trop risqué de l'amener avec elle, surtout face à une équipe dont les nerfs étaient plus à cran que jamais, et la vigilance à un niveau sans doute plus élevé que celui de l'Everest. En outre, elle craignait que Light ne puisse lui reprocher d'avoir pris un risque aussi inconsidéré, aussi avait-elle décrété plus raisonnable de ne pas tenter le diable et de venir les mains vides, mais ainsi merveilleusement innocentes.

Elle avait songé que Light pourrait lui dévoiler de nouvelles phases de son plan, l'avertir de son déroulement, lui demander de réaliser d'autres tâches, ce pour quoi elle aurait été ravie et presque avide, car dans son amour pour lui, où jaillissaient des étincelles de piété, elle n'avait pour souhait que d'être à son service, et de lui permettre d'accomplir la mission qu'il s'était confié de purifier le monde des meurtriers, des tortionnaires, des coupables trop heureux d'échapper au système, lui même débordé, si ce n'était complétement et irrémédiablement submergé, et dépourvu de moyens suffisants pour faire en sorte de remplir efficacement son rôle.

Kira était nécessaire, impératif. Sur les forums, les réseaux sociaux, Misa s'était infiltrée aussi discrètement que possible, et lisait fréquemment les commentaires de soutien envers les actions punitives commise par celui-ci, l'impression marquée de légitimité qu'avaient pris ses jugements auprès du grand public, une majorité par ailleurs, qui lui vouait une fidélité sans bornes et clamaient la droiture de ses verdicts.

Les silhouettes distordues des deux shinigamis s'effacèrent peu à peu, les détails du Cathare se firent moins prononcés, à mesure qu'elle s'immergeait toujours davantage dans le souvenir de ce jour-là, qu'elle se sentait y piquer une tête, piscine de sa mémoire ayant retrouvé son eau et ses plongeoirs.

Les portes de l'ascenseur s'étaient largement ouvertes, béantes comme celles d'une créature inhumaine, sur le couloir menant à l'appartement de L, ainsi que vers d'autres pièces et habitations dont Misa n'avait jamais vu les contours, car son propre appartement avait été situé au dessus, accaparant l'étage tout entier, et ne s'était guère présentée à elle l'occasion de descendre chez L alors qu'elle vivait encore au quartier général.

Le couloir faisait une ligne droite, qui s'arrêtait devant une immense baie vitrée et fourchait ensuite vers la gauche, dévoilant une série de portes dont, parmi elles, celle du logement où résidaient L et Light, et comme elle marchait dans ce corridor assombri par une météo fort maussade, un ciel cousu de nuages opaques et orageux, ayant arraché à Mogi l'observation qu'une tempête devait se préparer et leur tomber dessus d'un jour à l'autre.

- Mauvais présage, avait-il ajouté d'un ton lugubre, ce à quoi Soichiro Yagami avait répliqué en lui signalant de ne pas commencer à donner dans le superstitieux, sous peine de voir tous ses raisonnements biaisés.

De là s'était enchaînée une discussion animée sur les signes et les avertissements divins, conjuguée à la révélation de l'existence des dieux de la mort par le biais de Rem, dont la présence visible avait singulièrement modifié les croyances et convictions de chacun des membres de la cellule d'enquête. Misa les avait quitté sur cette thématique, supputant qu'elle n'avait rien à y ajouter, et plus particulièrement qu'il était plus prudent qu'elle évite de se lancer dans un débat où elle était bien capable de trahir son identité de même que celle de Light en divulgant trop d'informations. Comme il serait en colère alors, comme il lui en voudrait, et Misa ne pourrait le supporter, aussi se tenait-elle à carreaux, lui obéissant en tous points et ne cherchant pas à se montrer plus que de mesure.

Cette fois-ci avait peut-être bien été l'unique où elle avait quelque peu trangressé cette dernière règle, non sans en éprouver une forme de culpabilité, mais il y avait alors un certain temps déjà qu'elle n'avait pu voir Light, et elle n'avait en outre pas prévu de rester très longtemps, car elle le savait tout entièrement dédié au déploiement de sa manoeuvre et focalisé sur cette dernière. En aucune façon elle n'eût désiré gâcher ses plans, en abîmer l'architecture. Rien lui aurait été plus insoutenable que de le décevoir. En conséquence, elle avait préparé une visite courte, basique, durant laquelle elle envisageait de prendre de ses nouvelles et, si l'occasion le leur permettait et si L venait à les laisser seuls, de l'informer du bon déroulement des jugements qu'elle rendait via le death note retrouvé sous la terre humide de la forêt où Light l'avait dissimulé, ou de l'écouter lui transmettre d'autres instructions si tel était son besoin.

Elle était de nouveau dans ce couloir, marchant droit devant elle, confiante en l'avenir, en Light, en la parole et les décisions de Kira. Si elle voyait L, ses yeux de shinigamis lui révéleraient son nom véritable, et elle pourrait ainsi, le cas échéant, en avertir Light et lui demander l'usage qu'il souhaitait la voir en faire. Elle ne portait pas de talons, mais des petites chaussures plates à semelles souples : son pas était ainsi étouffé, coussinets de chat se posant sur le sol (miaou).

Elle en avait eu un quand elle était plus petite, mais il était mort, écrasé par une voiture. Elle croyait se souvenir qu'il s'appelait Mimi, ou Mio, et qu'il était aussi noir que les cheveux et les yeux de L. C'était elle qui l'avait trouvé, ses entrailles répandues sur le goudron de la rue, tout comme elle avait découvert les cadavres de ses parents quelques années plus tard, tout comme elle avait appris que Light était mort. Là s'édifiait une sorte de schéma glauque, une tendance du plus mauvais effet. Mais elle se rendit compte qu'en continuant vers cette idée, elle se dirigeait vers une poche d'eau glacée, vers un ensemble de sensations abominables, et elle dévia aussitôt sa route, nageant vers le corridor du quartier général, vers la baie vitrée, le ciel gris, le silence qui régnait.

Ils ne l'avaient pas entendue arriver, auquel cas jamais elle n'aurait vu ce qu'elle avait vu alors, et jamais ce flot de rancune ne se serait répandu dans son coeur contre Light. Elle marchait confiante, tout entière enveloppée par le cocon des retrouvailles qu'elle avait imaginé, esquissé dans ses pensées à coups de crayon soigneux et délicats. Ses nerfs chantaient "Light Light Light", refrain devenu habituel, mais dont elle ne se départait pas.

En approchant de l'angle que formait le couloir en déviant vers la gauche, les sons feutrés de voix lui étaient parvenus, et elle avait eu le réflexe de ralentir son pas, de se faire plus silencieuse encore. Elle demeurait incapable d'expliquer la raison pour laquelle elle avait agi de la sorte, quand dans les faits rien ne l'y obligait.

Une intuition

Un signal électrique dans son cerveau, une subtilité neuronale à laquelle elle avait accordé une attention distraite, trop absorbée par (Light Light Light), puis qu'elle avait finalement écouté pleinement à l'instant où les voix s'étaient manifestées.

Se plaquant alors contre le mur froid et lisse, elle avait avancé vers l'endroit où bifurquait le couloir, atteint sa limite, et là s'était immobilisée, comme elle avait reconnu le timbre de voix de Light qui parlait bas, doucement, d'une manière langoureuse mais aussi, et c'était cela qui l'avait estomaquée plus que le reste, presque suppliante. De sa vie elle ne l'avait entendu s'adresser à quelqu'un ainsi, avec tant de déférence mais également de tendresse, et comme elle se posait la question de son interlocuteur, s'apprêtant à émerger de sa cachette pour le découvrir, l'intonation traînante de L avait répondu, la clouant sur place d'un coup de marteau bien placé, lui ôtant toute habilité de mouvement ou de parole.

Soudainement, tout son environnement immédiat s'était réduit à ces deux voix, celle de Light, implorante et aimante, et celle de L, plus distante, plus froide.

Les murs, le sol, les portes, la baie vitrée offrant une vue splendide de Tokyo sur le ciel obscurci, plus rien de tout cela n'importait. Misa, petite souris protégée dans son trou, était restée paralysée, incapable de se dévoiler, ayant peur également de le faire, car dans ce cas elle s'exposerait à deux énormes matous dont la férocité était équivalente, et l'appétit bien aiguisé. Rendue invisible par le mur, elle entendait cependant la conversation se tenant entre le détective et celui qui était, à cette époque de l'investigation, redevenu Kira, et par conséquent l'adversaire du premier.

En plus d'une occurence, Light avait répété vouloir la mort de L, tant celui-ci contrecarrait ses ambitions et se mettait en travers de son chemin vers la purification du monde et l'élimination de criminels que la Justice au sens large du terme n'avait pas les capacités de prendre en charge. À Misa, il avait notamment affirmé que sa victoire ne serait complète qu'une fois L définitivement écarté et envoyé six pieds sous terre, seul endroit où il estimait que ce dernier ne serait plus en mesure de lui nuire.

mais les fantômes reviennent toujours toujours toujours

Misa s'était bien gardé de l'en avertir. Il n'avait pas besoin de l'entendre et, en outre, ne le désirait sûrement pas.

Leur première tentative d'envoyer L au tombeau s'était soldée par un échec cuisant, toutefois à présent que les cahiers se trouvaient de nouveau entre leurs mains et que Misa avait récupéré les yeux de shinigami, elle s'était étonnée de ce que Light ne la fasse pas venir dans les plus brefs délais afin de voir le véritable nom du détective et de le supprimer l'instant suivant, ou presque, car le passage de quelques jours serait probablement jugé indispensable par Light pour éloigner de sur elle les soupçons des policiers, et de pouvoir reprendre le pouvoir tranquillement.

Tout le temps où il avait été Kira, il n'avait jamais parlé de L qu'en des termes insultants et moqueurs, ou bien se laissait aller à la colère et enrageait de l'impact que les actions du détective avait sur ses desseins. Jamais Misa ne l'avait entendu user, aussi bien avec lui qu'en lien avec son nom, de paroles aussi doucement prononcées, d'un ton aussi soumis et demandant.

C'est impossible, se disait-elle, mi-horrifiée, mi-incrédule, c'est impossible à la fin, Light est trop fier, et c'est de Kira dont il s'agit, il ne ferait jamais ça, jamais.

Mais tout comme elle essayait vainement de se convaincre, elle gardait sa place derrière le mur, et écoutait attentivement la conversation se déroulant tout près d'elle. Elle ne devait faire aucun bruit, ne surtout pas révéler sa présence. Il était fort possible que, pour avoir été témoin d'une telle scène, le détective comme Light le lui fasse payer au centuple, et elle n'avait aucune envie de découvrir ce que cela impliquait.

Figée telle une statue (en proie à une crise cardiaque), elle avait tendu l'oreille, veillant à ne pas se montrer, car elle soupçonnait que tous deux se trouvaient relativement proche de sa position, pour qu'elle puisse si nettement percevoir la teneur de leur discussion, et cela malgré le fait qu'ils parlaient bas.

- Tu auras tout, murmurait la voix de Light, et chacun de ses mots creusait une tranchée dans le coeur de Misa. Tout ce que tu désires, tout ce que tu veux, tu l'auras. Je te le donnerais. Je te donnerais tout.

Il y eut un bref moment de silence, puis Light reprit avec encore plus de révérence :

- Je te donnerais le monde.

À cela, le timbre monotone de L avait répliqué :

- Tu me donneras seulement la moitié. Tu es incapable de partager.

Misa l'eût-elle moins connu, elle aurait juré que sa voix contenait une pointe de tristesse, de déception amère.

Un froissement était parvenu aux oreilles de Misa, frémissement de vêtements les uns contre les autres. Elle avait été prise du besoin désespéré de jeter un coup d'oeil, de regarder comment se tenaient L et Light, mais la peur d'être remarquée l'avait maintenue dans sa stagnation.

- Avec toi, je pourrais, avait affirmé Light. Tu sais que je pourrais. Nous aurons deux trônes, et nous rendrons la justice ensembles. Ils nous vénéreraient. Nous serons leurs dieux. Toi, et moi.

- Mais tu garderais le cahier, objecta L une nouvelle fois. Quel intérêt d'être une déité sans posséder le pouvoir ?

Light avait été aussi prompt à répondre que lors de sa première protestation.

- Non, avait-il prétendu, sa voix tirant vers l'agitation. Nous partagerons. Tu auras le cahier de Misa.

- Tu crois sincèrement qu'elle accepteras de me le donner ? Ou que Rem te laissera la dépouiller de ce qui lui était préalablement destiné ? Sois sérieux, Light-kun.

- Je me débarasserais d'elle.

Oh, oui, c'était à ce moment-là que la fureur l'avait enlacée, vieille compagne des jours au temps où le tueur de ses parents foulait encore le sol de Tokyo de ses pieds assassins, et qui dans un sens ne l'avait jamais véritablement quittée, se lovant au contraire dans les gouffres de son ventre, de ses nerfs, faisant profil bas jusqu'à ce qu'une occasion se présente pour elle de reparaître avec fracas.

C'était cette même tempête, prenant place en elle et se préparant à l'extérieur, dans les nuages qui surplombaient la capitale, qui lui avait donné assez de cran pour regarder ce qui se trouvait derrière le mur.

À cet instant, elle avait regretté de ne pas avoir emmené son cahier.

L, debout contre le mur, faisait face à Light, mais la posture de celui-ci avait manqué de lui arracher une exclamation d'affolement, car Light n'était pas haut sur ses jambes, à l'image du détective, mais tout au contraire, agenouillé devant lui, si bien qu'à première vue, ils ressemblaient à un de ces couples plongé dans une déclaration de mariage.

Les mains de Light enveloppaient celle du détective, aux longs doigts fins et décharnés, et paraissaient les tenir dans une étreinte ferme, implacable. L ne faisait rien pour se dégager de son étau. Il baissait les yeux vers Light, son visage n'exprimant presque rien, alors que les traits de Light hurlaient son dénuement ainsi que sa volonté de voir le détective lui accorder des points, au lieu de tous les réfuter les uns après les autres. Misa lui trouva même l'air triste, désemparé.

Elle ne se souvenait pas qu'il ait jamais regardé quelqu'un ainsi, avec tant de vulnérabilité si ouvertement affichée.

Au début, elle s'était efforcée de se rassurer, en se persuadant que c'était là un jeu, une énième mascarade, une manoeuvre pour rallier L à leur cause et mieux le mettre à mort par la suite. Puis, comme elle suivait l'évolution de leur conversation, de ses thématiques, de sa nature-même, passant de la proposition pour ainsi dire commerciale à la prière, ce qui n'avait pas manqué de lui sembler un comble de la part d'un être s'étant jusqu'ici toujours proclamé Dieu, Misa n'avait eu d'autre choix que d'admettre ce qui se déroulait devant elle, d'en reconnaître la composition, la structure, et comme la forme s'imposait à elle, cherchant à labourer son coeur, à lui mettre les chairs à vif, l'amour au pilori, progressivement s'était modelée un orage d'indignation, une incompréhension carnassière.

Pourquoi pourquoi pourquoi après tout ce que j'ai fait pour toi TOUT CE QUE J'AI FAIT

Devant elle, sous ses yeux, ignorants de sa présence et n'ayant que faire d'elle, après tout, Light promettait la couronne à L, la lui donnait sans que le détective ait eu le moindre besoin de la réclamer, la déposait à ses pieds tel un fidèle apportant une offrande.

Misa se remémorait ses mains entrelaçant celles du détective comme si elles étaient de verre et que les lâcher représentait un danger, ses genoux à terre, ses yeux levées vers le visage blafard de L, et elle se souvenait, tiens, voici qu'il revenait à présent, elle se souvenait de son nom apparu en lettres écarlates au dessus de sa tête, ce patronyme dont Light avait tant souhaité la conquête mais qui, mis bout à bout avec l'offre d'union qu'il venait d'exprimer, perdait tout son sens et son utilité.

Mais je pourrais m'en servir, se rappelait-elle avoir envisagé, je pourrais l'écrire et L mourrais et je serais alors la seule la seule à règner avec lui la seule dans son coeur la seule et unique.

Le fait qu'elle n'ait pas amené avec elle le cahier ce jour-là avait joué pour beaucoup dans la survie du détective, ainsi que dans la sort de Light.

Le Cathare exhalait des odeurs de poussière, d'os réduits en fragments si infimes qu'on eût dit de petites larmes, d'ennui implacable et d'autre chose, une autre odeur que Misa ne parvenait à identifier, mais qui ressemblait étrangement à celle de l'orage qui gonflait dans les nuages de cette journée, avant d'éclater le lendemain, tonnerre et pluie mêlée, pour pleurer la mort de Light et se mettre à la plage avec la détresse que la nouvelle lui avait causé. Elle avait certes déjà souffert, auparavant, avec ses parents, avec son chat, douleurs différentes mais douleurs malgré tout, qui étaient demeurés avec elle et s'étaient glissé sous ses muscles, sous son crâne, pour infléchir ses décisions et la transformer. La souffrance était l'un des processus de métamorphose les plus fructueux.

Sans elle, Misa ne serait probablement jamais devenue le second Kira, pas davantage qu'elle n'aurait vénéré Light pour avoir satisfait ses désirs de vengeance. Et le jour où Light était mort, où on le lui avait annoncé, au travers d'un coup de fil de la cellule d'enquête, elle avait compris qu'ils viendraient la chercher, l'emprisonner, la faire payer pour ses choix, et lui était aussi revenu en mémoire Light aux pieds de L, vision qu'elle avait fui sans un bruit, ne pouvant en supporter davantage, et ne la comprenant pas.

La mort de Light avait sonné le glas de cette image : il y avait eu au moins une douceur à cet événement. Du reste, avant que les policiers ne débarquent, Misa avait revêtu sa plus jolie robe, saisi une photo de Light qu'elle gardait chez elle, l'avait placé sous son corsage, là où battait son coeur, et avait ensuite emprunté l'ascenseur de son immeuble pour monter sur le toit.

De là, elle gardait le souvenir de ses pieds dépassant légèrement du rebord, du vide immense, attirant, de l'absence de Light, et enfin, du nom de L, les lettres rouge sang flottant au dessus de sa tête, sa tête si proche de celle de Light.

L Lawliet

Comme elle aurait dû l'écrire alors, malgré tout. Seule la peur que tous deux se retrouvent dans le Néant l'avait finalement retenue.


"C'est étrange de constater que des gens croient encore que les humains sont de nobles animaux avec un seul bon côté et refusent de croire que chacun de nous a un côté obscur."

Nanno, Girl From Nowhere, Kongdej Jaturanrasamee


1 avril 2008, 01h05, Quartier Général de L, Londres, Angleterre.

De ses parents, tout du moins des deux individus ayant engendré sa venue au monde, Near n'avait jamais rien su. Il était de ces orphelinats qui, une fois les résidents devenus plus âgés, ou plus curieux, se faisaient une joie de répondre à leurs interrogations et de leur fournir les informations qu'ils réclamaient pour, ensuite, dans certains cas rares mais existants, leur permettrent de remonter la trace de leurs géniteurs et d'en retrouver un sur deux. Dans la majorité des situations toutefois, en apprendre davantage n'offrait guère aux enfants la possibilité de remettre la main sur leurs parents. Tout au plus, elles étaient une porte d'ouverture vers une origine plus précise, une histoire, des détails oubliés, mais souvent s'arrêtaient là leur rôle et leurs effets.

La Wammy's, en revanche, était de ce deuxième type d'établissement dans lequel la devise était "moins vous en savez, et mieux ce sera". Les parents, présents ou non, morts ou pas, représentaient une part identitaire que les enseignements, le classement, les réunions avec L, mettaient un point d'honneur à effacer, comme un professeur passe sur le tableau la brosse à tête de bois raide pour y effacer des mots inscrits à la craie blanche. Et à chaque fois qu'un gosse s'avançait avec un petit bâton couleur d'ivoire dans la main, prêt à écrire quelque chose pour donner à sa forme générale des contours mieux définis, aussitôt surgissaient les enseignants, Roger, n'importe quel adulte ayant conscience du système et de la nécessité de le maintenir tel qu'il avait été conçu après le passage du premier L.

Son niveau de célébrité était à peu près le même à tous les niveaux de l'orphelinat, mais l'admiration et l'affection que lui portaient les enfants, à l'inverse, suivait un continuum très spécifique sur lequel Near, en tant que premier de la liste, avait une vue plongeante et panoramique. En outre, il n'y échappait pas plus que ses camarades, ou plutôt les autres enfants que peuplaient la Wammy's, car pour les qualifier de "camarades", il eût fallu que Near fut proche d'eux d'une manière ou d'une autre, même de façon minime, et il n'était proche d'aucun d'eux, en dépit de leurs tentatives pourtant de l'inviter à jouer en leur compagnie ou de participer avec eux à des entrevues avec L.

Mais Near avait toujours refusé, comme il avait jadis rejeté la proposition de Mello de les accompagner, lui et Matt, à l'extérieur, de fuir le système et d'en créer un autre, un où ils auraient existé tous les trois, ensembles, indépendamment et en même temps, sans chercher à s'annuler ou à se détruire.

T'es pathétique N

Il était resté N, mais malgré leur départ de l'orphelinat, Mello et Matt n'avaient pas véritablement échappé à l'emprise de L et de ce que Watari avait façonné dans son sillage. Quoi qu'il puisse en dire, Mello avait gardé du M en lui. Matt, par son statut de troisième du classement, avait été relativement protégé, et avait pu se construire avec davantage de liberté, mais il demeurait le Matt de la Wammy's, celui qui passait son temps sur les ordinateurs, vivait dans ses jeux vidéos, ses BD, fumait trop de cigarettes et regardait les gens sous ses lunettes de mouche.

Les enfants de l'orphelinat se répartissaient généralement de la sorte, en fonction du classement, car tout avait toujours à voir avec le classement : les premiers et les derniers partageaient une même aversion envers L, envers la pression qui pesaient sur leurs épaules pour lui succéder ou devenir aussi bon que lui, en venaient parfois à le haïr avec une rare et néanmoins persistante intensité. Les gamins qui occupaient les places en milieu de classement étaient, à l'opposé, ceux qui éprouvaient le plus d'attachement pour le détective, et qui avaient le plus de respect pour le système. Ils étaient trop loin de la fin pour en subir les désagréments, et trop loin du début pour ressentir le besoin de devenir L.

Ainsi sortait chaque année toute une génération plus stable que ses deux extrémités, se dirigeant vers des postes avantageux et bien positionnés, mais jamais trop voyants, et gardant le plus souvent contact avec la Wammy's. Ils étaient aussi ceux qui venaient aux réunions d'anciens élèves, qui amenaient les gâteaux et plaisantaient au sujet du "bon vieux temps". Les derniers s'évanouissaient dans l'ombre, partaient dès qu'ils en avaient l'occasion, et terminaient généralement par des carrières beaucoup plus satisfaisantes que leur scolarité au sein de l'orphelinat. Quant aux premiers, ils suivaient la route de L, ou ne s'en écartaient jamais trop, car on leur faisait toujours sentir le besoin de rester dans les parages, par simple sécurité.

L'affaire Kira eût-elle été achevée autrement, Near aurait repris le flambeau sans que son opinion véritable présentât la moindre importance. Pas qu'il l'ai jamais exprimée ouvertement, mais il s'était dans tous les cas débrouillé pour la conserver dans un endroit suffisamment reculé pour qu'elle ne se dérobe pas à son contrôle. Mello, qui plus est, avait joué ce rôle pour deux. En claquant les portes de la Wammy's, il avait emporté avec lui cet amas de convictions et de ressentiment que Near avait jusqu'à lors gardé en son sein, enfermé dans une petite boîte de Pandore à double-tours, mais gigotant parfois, surtout lorsque M était là. Une portion s'était attardée, mais la majorité avait suivi Mello et Matt, laissant Near presque vidé, proche d'une apathie que Roger avait jugé avec appréciation comme ressemblant à celle de L, tout en se trompant dans le processus d'analyse, car l'indifférence de L était un faux-semblant, auquel cas Mello n'aurait jamais pu devenir son successeur après Near.

Avec Mello de nouveau à proximité, la créature dans la boîte s'était remise à frétiller, et Near goûtait sur sa langue d'anciennes certitudes, de vieilles théories et croyances, tandis que tout autour se dégélait lentement la forteresse de glace établie avec les années passées à l'orphelinat, sans feu pour empêcher ses murs de s'élever trop haut.

La veille, après des délibérations étendues, ils avaient communiqué ce qu'ils avaient appris de leurs échanges avec Joe Campa à Watari, mais depuis affrontaient un silence radio, digne d'un cimetière, et si la chose commençait à doucement troubler Near, faute de terme plus adéquat pour décrire son ressenti, ni tout à fait de l'inquiétude ni tout à fait de la colère, elle tapait en revanche avec beaucoup plus d'insistance sur les nerfs de Mello, dont le tempérament par nature supportait mal de devoir attendre sans agir, et préoccupait Matt, dont les doigts effleuraient avec régularité le clavier de son ordinateur, et par ce moyen l'occasion d'aller inspecter les fichiers du Pentagone.

Pour le moment, concentrez-vous sur l'affaire en Israël, avait écrit Watari en réponse au mail de Near, signé toutefois de leurs trois initiales, je m'occupe de L et je reviendrais vers vous si la situation l'exige.

Un problème, cependant, venait mettre à mal le respect de ces consignes. Avec la plongée dans l'ordinateur de Campa et les découvertes que Matt y avait fait, l'enquête en Israël s'était vue brutalement reléguée au second plan, tant les informations dévoilées étaient capitales et appelaient à une investigation plus poussée, envers laquelle chacun d'eux, Near compris, éprouvait davantage d'intérêt que pour le cochon mort et le corps brûlé dans l'église du Saint-Sépulcre.

Ils avaient ressorti les dossiers dans le courant de la journée, mais leur impatience commune vis-à-vis d'une éventuelle réponse en provenance de L les avait empêché de se pencher convenablement sur l'affaire.

- Vous oubliez le Jésus crucifié, leur avait signalé Matt depuis le balcon, où il terminait sa quatrième cigarette depuis le début de matinée.

Aucun n'avait véritablement envie de dormir, et n'avait dormi la nuit précédente. Elisabeth, tout en leur servant le petit déjeuner au cours de la matinée, n'avait pu s'empêcher de souligner combien ils avaient tous mauvaise mine, mais avait récolté pour sa peine un regard si noir de Mello, rendu plus sombre encore par l'amplitude de ses cernes, qu'elle n'avait plus osé s'aventurer à commenter l'état de leurs figures.

Elle aussi, ils avaient tendance à l'oublier. Il fallait lui reconnaître qu'elle était merveilleusement effacée, et tendait à leurs besoins tout en s'appliquant à se faire remarquer le moins possible. L'appartement était ainsi gardé propre, le frigo rempli, les produits de toilettes changés, la vaisselle et la lessive faites, sans qu'ils eussent besoin de s'en charger. Mello et Matt allaient de temps à autre faire quelques courses, davantage pour sortir Mello et faire baisser la température de sa mauvaise humeur que pour acheter des aliments manquants, ou Matt prenait parfois en main la vaisselle, spontanément, sans qu'on le lui ai demandé, mais dans l'ensemble, Elisabeth continuait de prendre soin pour eux de toutes les tâches ménagères afin que leur temps soit uniquement consacré à la résolution de l'enquête.

Au cours de cette journée-ci, néanmoins, étaient apparues dans toute leur splendeur les limites de la technique, comme tous trois piétinaient, ou plus exactement se montraient réticents à porter leur attention sur les meurtres en Israël.

- Un fanatique, à tous les coups, avait lâché Mello, étendu de tout son long sur le canapé dont la couleur et la forme évoquaient un chou à la crème, jurant avec ses habits de cuir noir.

- On ne l'a pas déjà dit, ça ? Était intervenu pour la seconde fois Matt, relâchant dans l'air un nuage de fumée. Si, je crois qu'on l'a déjà dit.

- De toute façon, c'est une évidence, avait reprit Mello. Ça ne peut être qu'un fanatique, étant donné la manière dont les meurtres sont thématiquement orientés.

- Ça aussi, on l'avait déjà dit.

Le regard de Mello se fit aussi chaleureux qu'un volcan en irruption.

- Matty, quand j'aurais besoin de ton opinion sur la répétition éventuelle de nos déductions, je te ferais signe, maugréa t-il, craquant entre ses dents un morceau de sa tablette de chocolat noir. En attendant, contente-toi de fumer ta clope, tu seras gentil.

- Décidément, Blondie, tu sais tout de suite comment détendre une ambiance.

- Tu veux que je te détende autre chose ? Les os, par exemple ? Pour ça aussi, j'ai mes méthodes.

Bloch

- Bloch.

Ainsi qu'il en avait été en d'autres nombreuses occasions, la remarque de Near mit fin aux chamailleries de vieux couple que se plaisaient à alimenter Mello et Matt.

Il garda pour lui, de même qu'au cours de toutes les précédentes occurences, le fait que ces mêmes escarmouches de pacotille, par ce qu'elles révélaient de la camaraderie entre les deux M, lui étaient déplaisantes, car il ne se sentait jamais plus exclu que lorsqu'elles se déroulaient sous ses yeux, tandis que Mello semblait n'avoir pour lui que de la colère à l'état brut, peu susceptible de déclencher une petite dispute joueuse de la sorte mais plutôt de taille à engendrer une altercation d'un genre bien plus véhément et brutal.

Mello mordit dans sa tablette, Matt écrasa sa cigarette au fond du cendrier déposé sur le balcon par voie de nécessité. Near était parvenu à éveiller leur intérêt : restait à savoir s'il réussirait à le conserver durant une période de temps assez étendue pour les empêcher de revenir à l'affaire des bateaux disparus, et plus largement à la question de Light Yagami et de L rassemblés dans un même endroit, qui sous-tendait chacune de leur discussion sur le sujet.

- Tu dis, N ? Lança Matt, car il fallait bien que l'un d'eux se dévouât pour relancer le débat, et Mello était visiblement trop à cran pour s'acquitter de cette tâche.

- Bloch, répéta celui-ci. Carl Heinrich Bloch.

- Un pote à toi ?

- Matty...

- Ça va, Blondie, ça va, le temporisa ce dernier en levant une main dans un geste d'apaisement. J'ai mis la main sur des infos capitales pour l'enquête de L, j'ai bien le droit à deux ou trois blagues un peu nulles.

Mello tourna vers lui un visage peu enclin à la tolérance.

- Mais bien sûr, Matty, reprit-il d'un ton aussi douceureux que celui d'un serpent prêt à sortir les crocs. Et dans la même lignée, N et moi avons le droit à des quotas d'acceptation.

- Le principe, M, il te manque le principe.

- Sur le principe que si tu continues, tu prends mon poing dans la gueule.

- Très utile pour faire avancer l'enquête.

Sans tierce personne pour les interrompre, ils étaient capables de s'éterniser dans leurs bisbilles pendant des heures. Near en avait déjà fait les frais à la Wammy's, des années plus tôt.

Il profita de ce que Mello l'avait intégré dans l'échange pour revenir sur le sujet de départ, alors que Matt rentrait dans le salon et refermait derrière lui la porte vitrée coulissante, mettant un terme au courant d'air frais provenant de l'extérieur qui se faufilait dans l'appartement depuis qu'il avait rejoint le balcon.

- Le peintre Bloch, reprit-il avant que l'un d'eux ne trouve de quoi répliquer à l'autre. Le cadavre de l'homme retrouvé crucifié au Saint-Sépulcre était décrit comme ressemblant à ses représentations du Christ.

Le salon était baignée d'une lumière tendrement dorée, provenant de luminaires répandus aux quatre coins de la pièce et de lampes à abat-jour postées sur des guéridons. Deux d'entre elles encadraient le canapé sur lequel Mello était allongé de tout son long, et renvoyaient dans sa chevelure des éclats de soleil, tout en faisant reluire le cuir de ses vêtements.

Au dehors, la nuit était claire, le ciel dégagé, mais les lueurs persistantes de Londres, témoignant de la vie continue de la capitale anglaise, empêchaient tout aperçu des étoiles.

Sans doute L devait-il les voir plus aisément, isolé à bord du navire océanographique de toute cité humaine et de ses flamboiements, au milieu du détroit de Magellan.

Avec Light Yagami

Il y avait fort à parier que la pensée traversait Mello comme Matt, et les amenaient vers les mêmes appréhensions que Near, soulevées un peu plus tôt et s'étant depuis enracinées profondément dans leurs décisions et leurs réflexions.

Near enroulait autour de son doigt l'une de ses boucles, s'escrimant à trouver une manière de relancer la conversation, quand la voix de Mello s'éleva de derrière son dos :

- On avait établi qu'il pouvait s'agir d'une coincïdence. Le Christ a toujours plus ou moins la même gueule.

- M marque un point, Near, observa Matt, en venant s'affaler dans un des fauteuils entourant le canapé. Quoi qu'en disent les médias, le Jésus crucifié a toujours les mêmes caractéristiques. La ressemblance avec Bloch est probablement tout ce qu'ils ont trouvé pour rameuter l'attention du public.

- Et si ce n'en est pas une ?

- Tu y crois sincèrement, N ? Lui demanda Mello, sur un ton quelque peu moqueur.

Sur la table basse du salon, l'ordinateur de Near, grand ouvert, déployait les différents documents constitutifs du dossiers, analyses des corps, descriptions de leur positionnement et des conditions de décès, recherches d'ADN, hypothèses établies par la police sur les lieux après examens, que tous trois avaient balayés dans le but de faire table rase et de reprendre l'enquête sous un jour neuf, au cas où certains éléments s'étaient vus omis par les autorités.

Jusqu'à présent, leurs conclusions ne donnaient guère de résultat franchement encourageant. Aucune trace d'ADN n'avait été retrouvé sur les cadavres, aussi bien celui du cochon que des deux hommes, impliquant que leur meurtrier devait très certainement utiliser des gants pour protéger son identité.

- Si c'est le cas, ça veut dire qu'il planifie un minimum les meurtres, observa Mello.

- Ou pas, le contredit Matt. Il peut très bien porter des gants simplement par plaisir.

- Sérieusement, Matty ?

- Pourquoi pas ? Regarde-toi. Tu ne vas pas me dire que tu planifies des meurtres à longueur de journée ?

S'installa un silence prolongé et avant tout éloquent, au cours duquel le visage de Mello afficha une grimace d'indécision presque comique.

- T'exagères, Blondie, soupira Matt, rejettant la tête en arrière par dessus l'accoudoir de son fauteuil.

- Le visage était considéré comme très ressemblant, les interrompit Near, revenant au sujet initial de la comparaison avec les peintures de Bloch.

Un craquement derrière lui, la morsure des dents de Mello dans sa tablette de chocolat. Il entendait aussi le grincement du papier d'alluminium.

À l'autre bout de la table, le portable de Matt trônait également en compagnon de celui de Near. Seul manquait à l'appel l'ordinateur de Mello, qu'il n'avait pas jugé utile de ramener au salon. Deux ordis, ce sera largement suffisant, avait-il décrété en guise d'argument. Au cours de l'après-midi, il était sorti avec Matt se racheter du chocolat à la petite supérette du quartier, une dizaine de tablettes qu'il avait laissé étalées sur la table de la cuisine, comme les ingrédients d'une recette mystère, ainsi qu'autant de paquets de cigarettes, si ce n'était plus, puisqu'il partageait l'amour de la nicotine avec le second M.

À son retour, il avait déposé sous les yeux de Near une boîte de puzzle.

C'était un modèle à mille pièces représentant très certainement un défi pour la très grande majorité des gens, mais que Near était capable de terminer en une heure ou deux, peut-être moins. À la Wammy's, il avait désespéré Roger en vidant toutes les boîtes disponibles en l'espace de quelques jours, le forçant à investir par la suite dans les exemplaires les plus compliqués qu'il existât dans le pays, et au delà des frontières géographiques de l'Angleterre.

Que Mello ait pensé à lui acheter de quoi se distraire était tout à la fois une surprise et une évidence, compte tenu des événements ayant pris place entre eux à l'orphelinat, de combien Mello lui en voulait encore d'avoir refusé leur invitation de quitter l'endroit pour devenir indépendants et cesser d'être au service de L, mais également du fait qu'il ait pris le temps de venir le voir pour le lui demander, et de ce qu'il y avait dans ses yeux bleus ce soir-là, la supplication furieuse et aimante dans les profondeurs de son regard.

- Une barbe et des cheveux longs, se souvint Matt, yeux levés vers le plafond, lunettes repoussées sur son front et couvertes de mèches de cheveux roux. N, sans vouloir être désagréable, tous les Christs du monde, peu importe le peintre, ont des cheveux longs et une barbe.

- Les traits du visage, précisa alors Near.

- Pas assez de souvenirs de Bloch pour confirmer ou infirmer, répliqua Matt. On en a pas vu passer dans nos petites affaires, des fois, Blondie ?

Mello se redressa sur le canapé, coudes enfoncés dans ses coussins.

- Non, répondit-il. Mais on peut toujours procéder à une comparaison visuelle avec les photos du cadavre qu'on a reçu dans le dossier.

- Deal, fit Matt, et il reprit paisiblement sa place assise afin d'accéder à son ordinateur et d'afficher les différents clichés pris par les autorités du visage de l'homme crucifié, ainsi que des portraits de lui du temps où il vivait encore, avant de s'adresser à Near : N, tu pourrais rechercher des extraits de peintures de Bloch avec le Christ ? Histoire qu'on les mette côte à côte et qu'on fasse le point.

- Je m'en charge, le devança Mello, et ses deux bras encerclèrent les épaules de Near tandis que ses doigts atteignaient le clavier de l'ordinateur et tapait le nom de Bloch sur celui-ci, et que ses cheveux blonds effleuraient les boucles blanches des siens.

Bientôt, les deux ordinateurs furent placés l'un à côté de l'autre, chacun s'ouvrant sur des images assez larges pour leur permettre de repérer les points communs entre les deux profils. Matt rejoignit Mello sur le canapé, et tous deux se tinrent à l'arrière de Near, chacun au dessus d'une de ses épaules.

Near songea qu'ils devaient présenter alors une illustration remarquablement symbolique du trio en tête du classement de la Wammy's, et que L aurait peut-être craint de les voir ainsi unis, même brièvement et de façon purement allégorique, étant donné que dans les faits Mello était toujours en colère contre lui, et Matt jaloux, bien qu'il n'en laissât voir aucun signe.

- Tiens, le nez, fit ce dernier, tendant l'index pour montrer le rapprochement entre les deux attributs des peintures et du cadavre. Long, assez large. Ça fait au moins un.

- Deux avec les yeux, continua Mello. Sur sa photo d'identité, il a exactement les mêmes que le Christus Consolator ou le Christ et le Jeune Enfant, avec les pupilles presque bleues et les sourcils bien dessinés. D'ailleurs, j'ai l'impression que la bouche est aussi la même.

- C'est le cas, lui confirma Near. La lèvre supérieure est assez pleine, mais celle du haut plus fine. Les joues sont aussi creusées de façon similaire, et la couleur des cheveux et de la barbe sont très proches.

Matt se renfonça dans le dossier du canapé.

- Bon, soit, dit-il. On a une ressemblance. Mais est-ce que pour autant, il faudrait la limiter à Bloch ?

- Tu veux dire chercher des correspondances avec toutes les autres représentations picturales du Christ ? On en a pour des mois de travail, Matty, si ce n'est des années, lui signala Mello. On ne connait même pas tous les artistes qui l'ont peint, et rien que les lister nous prendrait un temps fou.

- Pas si on utilise un logiciel.

Near comme Mello tournèrent vers lui une expression interrogative.

- Tu en as un ? Lui demanda le second, arrachant à sa tablette un nouveau morceau.

Matt secoua la tête, réduisant leurs espoirs à néant.

- Non. Mais je pourrais bidouiller un petit quelque chose, remarqua t-il ensuite. Avec ça, d'ici un jour ou deux le temps de paufiner le processus, on pourra lancer des comparaisons et voir si c'est vraiment une coïncidence ou le boulot d'un fanatique de Bloch en plus de religion.

- Tu en penses quoi, N ?

Mello le regardait, sollicitant son point de vue, le ramenant au soir où il s'était présenté à la porte de sa chambre.

Tu viens avec nous ou pas

- Si Matt parvient à établir un logiciel qui peut effectuer les comparaisons rapidement, je suis d'accord pour essayer, annonça t-il. Il semble aussi me rappeler que la Bible faisait un lien entre démons et porcs, ce qui pourrait expliquer la présence du cochon mutilé au Saint-Sépulcre.

-" Les démons priaient Jésus, disant: Si tu nous chasses, envoie-nous dans ce troupeau de pourceaux. Il leur dit: Allez! Ils sortirent, et entrèrent dans les pourceaux.", récita Mello de manière laconique, comme s'il faisait un bilan de la météo environnante.

- Tu connais tes classiques, Blondie, nota Matt avec une ironie latente.

- Évangile selon Saint-Mathieu, chapitre huit, les informa Mello, mordant dans sa tablette avec plus de décontraction que précédemment. Tu te doutes bien que le chapelet, ce n'est pas pour faire joli, Matty.

- Non, et puis ce n'est pas comme si on les avait étudié à la Wammy's et que tu avais une excellente mémoire, ajouta celui-ci, sa voix tirant encore davantage vers la raillerie faisant glisser du visage de Mello son expression auparavant satisfaite.

- Tu deviens chiant, Matty.

- À ton service, Blondie. N, au passage, toujours pas de nouvelles de L ?

- Rien, répondit Near.

Sa boîte mail demeurait tragiquement déserte, tout autant que l'avait été l'orphelinat une fois Mello et Matt partis, forêt d'enfants devenus effroyablement silencieuse comme après une catastrophe, une Terre réduite au mutisme après la chute de la météorite ayant décimé les dinosaures.


" LES GOUVERNEMENTS NOUS MENTENT (ET NON, CE N'EST PAS NOUVEAU)"

" Loin de constituer un scoop, de récentes avancées dans l'affaire des disparitions de navires, parmi lesquelles - entre autres - la

découverte d'une dent géante sur l'un des cadavres retrouvés dans le golfe d'Aden, sur le territoire de la république de Djibouti, et le silence

absolu des autorités au regard de ce nouvel élément, nous amènent à conclure que de nombreuses informations pourraient être maintenues

soigneusement confidentielles par l'ensembles des états concernés, et ce à des fins de préservations de leurs intérêts personnels, mettant

ainsi volontairement en danger la vie de plusieurs milliers d'individus travaillant sur les océans et mers de la planète ainsi que de passagers empruntant

ces voies pour se rendre d'un endroit à l'autre. Le refus notamment catégorique d'interrompre l'activité des navires en dépit des risques toujours

très importants de disparitions et des grèves de marins dans plusieurs pays, tout particulièrement aux Pays-Bas où a débuté par ailleurs la contestation,

est considéré comme une non assistance à personne en danger par les associations de travailleurs des mers, ainsi qu'une volonté de privilégier le maintien des échanges

commerciaux et des bénéfices financiers au détrimants de vies humaines. (Suite de l'article en page 3)"

Politiken, quotidien danois


1 avril 2008, 01h36, détroit de Magellan, Cabo Cooper Key.

Noir était le ciel au dessus du Svetlana, s'étendant à perte de vue comme un océan renversé, et l'absence des éclairages habituels du navire déployés durant les soirées offrait aux étoiles assez d'obscurité pour briller et rester visibles. Light, venu chercher la tranquillité du pont ainsi que son silence, avait entrepris de les compter. Pour une fois, il appréciait de se perdre dans ses mesures, de ne plus savoir par laquelle il avait débuté et s'il en avait dénombré une à deux reprises. L'exactitude de ses additions lui était parfaitement égale, tant que le spectacle des scintillements délicats le long de la voûte céleste lui était assuré toutes les nuits, et qu'il pouvait s'amuser à cet exercice indéfiniment.

Le ciel du Cathare était d'un gris noirâtre peu engageant, d'une tristesse à faire pâlir d'envie Baudelaire et Edgar Allan Poe, dépourvu en outre de tout astre susceptible d'y ajouter une touche de lumière. Depuis ses premières nuits écoulées sur le pont du Svetlana, Light avait repéré la grande ourse, énorme joyau dont l'éclat absorbait celui de tous ses voisins, et lors de discussions informelles avec Langlois et Seashell, se relayant pour des tours de garde nocturne, avait appris à localiser quelques-unes des constellations, telle que celle de Cassiopée et Orion, mais aussi des planètes, parmi lesquelles Vénus (l'étoile du Berger, avait affirmé Seashell en la désignant du doigt, et avec dans la voix une affection toute paternelle dont Light hésitait encore quant à l'origine, le lieutenant n'étant à sa connaissance ni père ni en mesure de concevoir des planètes), Jupiter, Mars et Saturne, les deux dernières lui ayant été indiquées par Langlois durant l'une de ses rondes d'un geste de la main évasif et un brin exaspéré, comme tout ce qu'elle faisait et disait, ou presque.

Il avait laissé L dans leur cabine commune, en pleine réunion avec Watari. Le restant de l'équipage était, au choix, en train de dormir, au beau milieu d'une surveillance de couloir et de pont relativement distraite, ou accaparé par d'autres activités. Light savait, par exemple, que Lameloise et Bear avaient tendance à consulter les rapports des médias en ligne, le premier car il le lui avait avoué tandis qu'ils admirait l'oeuf au laboratoire, et le second en raison des renseignements qu'il lui avait transmis au sujet des perceptions mondiales à l'égard de L et de ses agissements.

Pour les autres, il avait entendu parler vaguement de jeux d'alcool ou de société, plus spécifiquement d'un Monopoly qu'ils trimballaient visiblement de navire en navire en fonction de leurs missions, sans jamais s'en séparer, et pour lequel ils avaient un amour proche de l'adoration dévote, car Light les avait vu se lancer dans des parties frénétiques à plus d'une reprise depuis leur départ du port de New-York/New Jersey et y rester pendant des heures et des heures, totalement captivés par le plateau et ses règles au point d'en oublier leur environnement immédiat, posant ça et là leurs hôtels verts et rouges et se passant les faux billets de banque de main en main, avec la joie d'un héritier s'étant vu concéder une fortune soudaine et gigantesque.

Au cours de l'après-midi de la veille, lui et L étaient revenus au laboratoire après leur discussion dans le salon du bateau, retrouvant là les quatre scientifiques tournant autour de l'oeuf et de l'écaille comme des prédateurs affamés, les yeux brillants et pour ainsi dire la bave aux lèvres. Van Lunet et Deville en particulier leur accordaient une attention excessive, que leur spécialité venait justifier, tandis que Al Qasim venait d'établir le contact avec l'équipe de médecins légistes de Djibouti et reçevait leurs rapports portant sur la dent et les cadavres remontés à la surface du golfe d'Aden, demandé expressément par L un peu plus tôt en fin de matinée.

Seul, Newton se sentait visiblement dépassé et incapable d'apporter davantage de données à ses confrères, car la physique démontrait des limites pour identifier des formes de vie auxquelles les domaines de ses collègues pouvaient pallier sans difficultés. La conséquence de son impossibilité directe à leur venir en aide et à produire des résultats concrets favorisant l'avancement de l'enquête avait été de concentrer toute son énergie et sa motivation sur l'étude d'une pomme gardée après leur repas avec l'équipage, et d'en examiner les phénomènes de chute à défaut de pouvoir travailler sur quelque chose de plus attractif. Son expression abattue, en revanche, trahissait son désir de se joindre aux recherches de ses collègues.

Il eut cependant un regain de bonne humeur une fois sonnées 15h, car lui et Van Lunet avaient été désignés pour effectuer une seconde plongée à l'endroit même où avaient été trouvé l'oeuf et l'écaille. Deville estimait que ses capacités d'observations étaient grandement amputées dès lors qu'il était sur le terrain et ajouta à cela qu'il était terriblement balonné, excuse relativement maigre lui évitant néanmoins de prendre place à bord d'un sous-marin pouvant potentiellement être attaqué par un représentant de l'espèce I, tandis que Al Qasim possédait visiblement un sens très aigu de sa propre survie et s'était arrangé avec ses trois autres collègues depuis les premières discussions au sujet d'une exploration dans les abysses pour ne pas y être inclus, jugeant qu'il serait beaucoup plus utile dans le cadre de l'observation à distance que sur place.

Auparavant, Van Lunet n'avait quitté des yeux l'oeuf, l'avait tâté du bout des doigts avec une précaution exagérée, comme si la coquille eût été en verre et non aussi solide qu'un mur de béton armé. Il avait tenté, malgré ses connaissances de son épaisseur, d'en prélever un minuscule morceau, afin de procéder à des analyses plus poussées, mais s'était heurté sans surprise à sa résistance considérable, qui au lieu de le déprimer avait au contraire décuplé son intérêt et ses intentions d'en apprendre plus sur sa constitution.

- Dans la majorité des cas, avait-il expliqué aux autres, s'emparant du tableau précédemment réquisitionné par L pour y inscrire ses notes, les coquilles d'oeufs sont des enveloppes destinés à protéger des oeufs qualifiés "d'amniotiques", impliquant la fusion entre une gamète mâle et un ovule pour créer une nouvelle cellule qui, au fil des jours, se transformera en embryon. Il existe également des coquilles associées aux mollusques, mais il s'agit alors de squelettes externes, observés entre autres chez les huîtres et les moules, ainsi que les escargots, en plus de certaines espèces de céphalopodes, tels que les nautiles ou les os de seiche. Je doute que notre oeuf appartienne à cette catégorie.

- Si tel était le cas, ce ne serait plus un oeuf, avait objecté Deville, qui, très probablement en résultante miraculeuse des découvertes réalisées au cours des jours précédents, n'avait pas débuté son discours par une loghorrée sur son herpès ou le naufrage de sa vie conjugale.

- En effet, vénérable confrère, lui accorda Van Lunet tout en redressant imperceptiblement sa paire de binocles, comme pour mieux appuyer la suite de son discours. Mais nous avons établi désormais qu'il s'agissait bien d'un oeuf, et par conséquent, nous pouvons rejeter l'hypothèse d'une structure externe constituant une part de son organisme.

Pour mieux illustrer ses propos, il avait écrit la chose en toutes lettres sur la surface du tableau blanc, avant de la barrer d'un geste pompeux qui ne fut pas sans rappeler à Light sa propre façon d'inscrire les noms de criminels dans le death note, du temps où il vivait encore.

Il conservait toujours son cahier dans la poche intérieure de son manteau, agité d'une hantise qu'un membre de l'équipage ne tombe dessus en fouillant un peu dans la cabine ou en la nettoyant, d'autant plus qu'ils avaient confirmé la présence de la taupe à bord, mais n'y avait rien noté à compter de son départ du Cathare en tant qu'émissaire du roi. Plus généralement, s'il avait fallu évaluer ses performances en tant que dieu de la mort, Light était forcé d'admettre qu'il était loin d'atteindre le peloton de tête, et qu'il avait toujours renaclé à la tâche, ne griffonnant des noms que par nécessité, lorsqu'il le fallait absolument, que le roi l'exigeait pour maintenir les quotas de décès humains sur Terre et ainsi l'équilibre entre vie et mort.

Il était arrivé que Light se demande si le monarque obéissait lui-même à des entités plus puissantes et plus abstraites, et comme il s'en était ouvert un jour à Ryûk, celui-ci avait affirmé que le souverain devait très certainement recevoir des ordres venus de plans situés beaucoup plus haut que le royaume des shinigamis, car il lui semblait autrement impossible qu'un être dans son genre eût accepté une situation aussi barbante et répétitive par pur plaisir.

- Et par appât du gain ? Avait suggéré Light, alors que passaient devant eux des shinigamis à l'air hagards, au pas traînant, qui se mouvaient d'un côté ou de l'autre des plaines sans rien avoir à y faire et cherchant désespérement une activité quelconque qui pût les sortir de leur ennui généralisé. Y avait-il un roi, avant lui ?

Ryûk s'était levé, dépliant sa carcasse disproportionnée et sans le moindre égard pour l'esthétisme.

- Qu'est-ce que tu veux que j'en sache, Light ? Avait-il grincé, mais avec dans la voix une forme d'impertinence. Le vieux était déjà en place quand je suis arrivé, et pour être tout à fait franc avec toi, je n'ai jamais eu l'envie de lui poser des questions sur le pourquoi du comment il s'est retrouvé là. Je me souviens que d'autres avant toi étaient curieux sur le même sujet, et je mettrais ma main à couper qu'ils ne sont pas plus avancés aujourd'hui qu'à l'époque.

Light avait toutefois saisi de quoi continuer à nourrir ses doutes à l'encontre du monarque dans les observations de Ryûk, et ne s'était pas privé pour le lui faire remarquer.

- Mais tu penses qu'il aurait pu avoir un prédécesseur ?

Le sourire beaucoup trop large pour être honnête s'était tourné vers lui et s'était agrandi.

- À ton avis ? Avait-il répondu, et c'était à partir de cet instant que Light avait commencé à remettre en cause l'ensemble du système du royaume des shinigamis, le monarque en lui-même, la hiérarchie des dieux de la mort, avant de décider d'aller faire un tour du côté des Limbes, où il avait espéré trouver quelques réponses à certains de ces questionnements.

Mais il était revenu bredouille, avec dans le crâne les échos des appels de L depuis le gouffre dans lequel plongeaient les méduses géantes, et avec le recul supposait que Rem aurait peut-être pu lui apporter des éléments intéressants, car elle avait été placée haut dans le classement et avait, d'après les dires de Ryûk, toujours eu la confiance du roi. Nu était une autre option, mais beaucoup plus complexe.

Quand à la petite Nenn, qui avait gravi les échelons de la classification des dieux de la mort à une vitesse spectaculaire, il ne pouvait décemment l'envisager, puisqu'elle lui était de toute évidence hostile.

La petite Nenn que le roi t'a envoyée pour te surveiller

Le roi que tu vas trahir trahir trahir

Par appât du gain ?

(je te donnerais le monde)

Et la blouse blanche. La blouse que Nenn avait ramené au Cathare, et qui ne faisait aucun sens, puisque les shinigamis n'avaient cure de l'habillement.

Le détail refusait de le lâcher, s'accrochait à ses réflexions avec autant de détermination qu'un noyé à une corde, et inlassablement il déviait dans sa direction, interrogeant encore et encore la requête de sa semblable shinigami, la lueur moqueuse dans le fond de ses yeux jaunes lorsqu'elle l'avait formulé et qu'elle avait été témoin de sa réaction, entre étonnement et incompréhension.

Light suivit l'expédition sous-marine en compagnie de L, Al Qasim et Deville ainsi que Langlois et Seashell depuis la salle informatique. Smirnov avait été désignée pour piloter le Vladimir (si je ne reviens pas, effacez mon historique internet, avait-elle déclaré solennellement comme le treuil déplaçait le submersible vers les eaux du détroit, sous l'oeil soucieux de Zarka et de l'ensemble de ses septs matelos, du maître de manoeuvre Da Costa et du chef de bordée Jacot-Descombes, venus assister à l'immersion et essentiellement encourager Smirnov en lui promettant des verres de vodka à son retour, ainsi que de Wankel et des mécaniciens, vérifiant chaque mouvement du portique et le bon fonctionnement du mécanisme), et il était apparu que Van Lunet comme Newton auraient sans doute préféré avoir Langlois à leurs côtés, non pour son tempérament impulsif qui tendait à les effrayer, mais parce que les autres membres de l'équipage l'avaient indiquée comme la meilleure pilote des six d'entre eux capable de diriger le sous-marin, et qu'ils n'auraient pas été contre sa présence et ses compétences dans le cadre d'une mission où leur survie était potentiellement en jeu.

Il leur fallut cependant admettre de retour à bord que Smirnov s'en était sortie avec brio, faisant fi des inquiétudes préalables des deux scientifiques et en profitant pour tenter de les divertir par des anecdotes sur la Russie, ou, comme elle aimait la nommer, la "mère patrie". L et Light eussent-ils participé à la descente, ils auraient très certainement ignoré ses récits, mais Van Lunet comme Newton montrèrent un sincère intérêt pour tout ce qu'elle déblatéra alors qu'ils s'enfonçaient dans l'obscurité de la fosse marine pour la seconde fois, et lui répondirent par des questions et des observations bienveillantes qui résultèrent en un rapprochement significatif entre eux et Smirnov, au point qu'ils riaient aux larmes une fois le Vladimir de nouveau en sécurité sur le pont du navire et comme ils en ouvraient la porte pour s'en extirper.

- C'est qu'elle est très drôle, vous comprenez, prétendit Van Lunet, essuyant ses yeux sous les verres ronds de ses lunettes.

Ni L, ni Light n'avait compris, mais ils avaient vaguement hoché la tête pour témoigner du contraire, tandis que Newton rapportait à Al Qasim et Deville quelques-uns des jeux de mots produits par leur pilote durant le trajet, et s'esclaffait de bon coeur avec eux, en particulier Deville, qui avait pour les calembours et les contrepétries une affection qu'il qualifiait d'entièrement patriotique.

Du reste, la plongée n'avait donné aucun résultat : pas la moindre nouvelle trouvaille d'importance n'avait été faite durant l'exploration des fonds marins, et après une heure et demie de recherches dans le noir, il avait été décrété que l'équipe du sous-marin devait remonter, et ce afin de réduire les risques de subir une attaque d'un spécimen de l'espèce I de taille adulte, probablement venu récupérer son oeuf ou veiller à son développement. Van Lunet et Newton, s'ils éprouvèrent une quelconque déception vis-à-vis de cette absence de découverte majeure, se gardèrent d'en trahir les signes, et s'appliquèrent à l'inverse à faire un bilan complet de tout ce qu'ils avaient observé jusqu'au plus petit détail, espérant y trouver là des informations pour enrichir ce qu'ils savaient déjà de l'oeuf et de l'écaille.

Au dîner, le capitaine Diessel, le tout sans quitter son poste et par le biais des hauts-parleurs, fit savoir que le Svetlana mettrait dès le lendemain en fin de matinée le cap vers la république de Djibouti, en vue de rejoindre l'équipe ayant travaillé sur les cadavres retrouvés dans le golfe d'Aden. Il avait reçu des ordres du gouvernement américain un peu plus tôt, et l'existence de la dent massive ayant déjà fait le tour de l'équipage par le biais du bouche-à-oreille, aucun n'eut de difficulté à en deviner le contenu.

S'en suivit un grand débat sur la durée du voyage, estimée à plusieurs jours, la possibilité d'escales éventuelles (et pourquoi pas le Cap ? lança Ber, avant de poursuivre avec une argumentation d'une solidité à toute épreuve : c'est sympa, le Cap, et puis on l'a déjà fait, rappelez-vous, les gars !, ce qui engendra une vague de souvenirs attendris chez ses camarades), et tout un ensemble d'autres éléments qui tinrent les membres de l'équipage autour des plats de Pronto jusque tard dans la soirée. On évoqua en outre la Réunion, Madagascar et les Maldives. Lorsque L et Light quittèrent la salle à manger, ils étaient tous occupés à voter selon leurs préférences, et paraissaient avoir complétement mis de côté l'histoire de la dent géante, de l'espèce à taille monstrueuse à laquelle elle appartenait, l'oeuf et l'écaille. Les quatre scientifiques se joignirent au référendum, Deville affirmant que la Réunion serait extrêmement bénéfique à ses aptitudes intellectuelles de part son rattachement à la France, tandis que Al Qasim s'imaginait parfaitement se dorant la pillule sous le soleil des Maldives. Van Lunet penchait lui aussi vers la Réunion, reconnue pour son endémisme extraordinaire. Newton fut pris à parti comme lors d'un débat politique, et tiré de tous les côtés sans pitié pour déterminer quelle destination serait la plus favorable.

Ni L, ni Light ne connurent les conclusions du scrutin. Ils rejoignirent leur cabine bien avant, L pour consulter ses mails et organiser un échange avec Watari, Light pour consigner leurs progrès dans son propre ordinateur. Ces derniers ayant été peu nombreux, il avait ensuite abandonné la cabine au détective, afin qu'il puisse parler avec Watari en toute liberté, et s'était rendu sur le pont, contemplant l'heure bleue recouvrir le ciel et annoncer l'approche de la nuit.

Dis-moi ce que t'a dit Lameloise, avait exigé L des heures plus tôt, et Light s'était exécuté de bonne grâce, lui rapportant les réflexions de l'assistant-cuisinier sur la particularité de celui qu'il avait nommé son patron, son intérêt pour son enquête en Israël, et le fait très probable qu'il ne l'appréciait pas beaucoup, ainsi que l'avaient souligné certaines de ses remarques abordant la tendresse générale de l'équipage pour le détective, mais auquel il ne s'était pas inclus.

- Ce sont tes propres déductions ou quelque chose qu'il t'a confirmé ? Lui renvoya L sur un ton incisif, oubliant comme toujours de perdre le nord et éveillant chez Light le désir puissant de parvenir à détraquer sa boussole, tout aussi conceptuelle fût-elle.

- Sur les deux options, laquelle te semble préférable ? Ne put s'empêcher de l'asticoter Light en retour, sachant que c'était un peu puéril, mais au fond s'en fichant royalement.

- Réponds simplement à la question, Light-kun.

- Difficile de savoir. Il a dit aimer ce que tu fais, mais pas t'aimer toi. Conclus-en ce que tu veux.

- Et tu auras bien sûr orienté la discussion de sorte à obtenir ce verdict, je me trompe ?

- Loin de moi l'idée d'entretenir une quelconque aversion à ton égard chez les membres de l'équipage, se défendit-il aussi innocemment que possible, mais jamais assez pour que L accepte de croire à ses affirmations. Le sujet s'est présenté naturellement sur la table après une remarque de Lameloise. J'ai suivi le mouvement, voilà tout.

- Évidemment, répliqua L, qui n'avait pas l'air "évidemment" du tout. Ton opinion sur Lameloise ?

C'était la deuxième fois que la thématique se fondait dans leur conversation, et que le détective l'interrogeait à propos de l'aide-cuisinier.

Ils avaient finalement déménagé du salon pour retourner dans leur cabine, où les chances d'être entendues étaient réduites. Le peu d'espace entre leurs couchettes exposait le noir d'encre des yeux de L, et tous les soupçons vivotant sous l'os de son crâne, autant de poissons lumineux traversant le sable des abysses.

- Beaucoup plus intelligent qu'il n'y paraît, mais tu le savais déjà, répondit-il patiemment. Beaucoup moins doué en cuisine que son poste ne le requiert. Très intéressé par tes enquêtes et les suit visiblement de près, ce qui tranche nettement avec les autres membres de l'équipage, pour ce que j'ai pu en voir.

Il s'était targué d'une courte pause, avant d'ajouter :

- Vraiment intelligent.

L s'était précipité sur le mot avec autant de vivacité qu'un charognard sur une carcasse, ainsi que Light l'avait prévu.

- Assez pour être une taupe ?

- Probablement. Cela dit, je n'ai pas autant discuté avec les autres pour confirmer totalement l'hypothèse. Sur ce point, il serait plus judicieux d'attendre les notes de Seashell.

Ils les avaient reçu en début de soirée, au moment du dîner, comme tous les membres de l'équipage venaient de débuter leur accrochage sur les possibles escales et que le lieutenant avait profité de leur inattention pour faire glisser au détective ainsi qu'à Light ce qu'il avait pu observer en termes de réaction chez ses camarades.

- J'espère que ça pourrra vous être utile, avait-il dit avec une candeur que n'importe qui d'autre eût trouvé touchante.

Ses notes étaient remarquablement bien tenues pour un individu ne s'étant alors jusqu'ici peu illustré par ses prouesses intellectuelles, et faisaient état des réponses faciales et verbales des autres membres de l'équipage soigneusement retranscrites et détaillées, dont l'écriture nette indiquait que le lieutenant avait très certainement été reprendre ses compte-rendus au calme et les avait consigné sur de nouvelles pages de son calepin de sorte à ce qu'elles puissent être lues aisément par la suite.

Aucune ne traduisait d'attitude inhabituelle ou louche, mais l'examen qu'en firent L et Light l'un après l'autre les amenèrent à envisager le cas de figure selon lequel Seashell aurait volontairement falsifié ses annotations, soit pour protéger la taupe s'il connaissait son identité, soit par loyauté envers l'équipage contre des étrangers n'appartenant pas à leur petite tribu, et pouvant de ce fait représenter une menace pour leur bonne cohésion.

- Je ne pense pas qu'il soit ingénieux à ce point, avait remarqué L.

- Tu les sous-estimes, lui avait opposé Light. Encore.

Ce à quoi le détective n'avait rien riposté, par bouderie peut-être autant que par manque d'argument, et lui avait à la place demandé de raconter ce qu'il avait vu dans le Cathare, et dont il souhaitait lui parler tantôt.

- Des méduses géantes, lui avait expliqué Light. Elles flottaient dans le ciel du Cathare, dans une région qu'ils appellent les Limbes et dans lesquelles la plupart des shinigamis se rendent pour se perdre et oublier leur condition, tout du moins essayer.

- C'était ce que tu étais venu y faire, Light-kun ?

Foutue boussole

- En partie.

- Tu ne parles jamais du royaume des shinigamis, avait reprit L, mais cette fois sa voix s'était faite plus douce, plus caressante

La voix du gouffre où plongeaient les méduses

Ne pouvait-elle le laisser en paix cette réverbération extraite du néant, résonance insolente qui se posait tout à la fois en énième moquerie et exploitation par les rouages du monde des dieux de la mort de ses infirmités, mais aussi en appel cajoleur, en tentation, en remémoration d'une alternative dans laquelle L aurait accepté, aurait outrepassé son statut de symbole et broyé les barreaux de la cage construite autour de lui au fil de deux dizaines d'années de service en vue d'exploiter des aspirations et des idées alors préservées fermement sous clé, notamment par les soins de Watari.

- Il n'y a pas grand chose à en dire, avait-il déclaré sèchement, se souvenant du couloir, des yeux sombres de L baissés vers lui, le jugeant de haut comme une déité impitoyable, de la pluie et de l'orage. C'est la même chose avec tes héritiers.

L ne répondit pas, mais hocha la tête, lui concédant le point.

Light n'en tira aucune satisfaction.

Il se sentait régresser vers un état proche de celui qui l'accablait dans le Cathare, colère, amerture et abattement mêlés, jusqu'à ce que le roi l'appelle pour jouer son retour sur Terre, et ainsi ses possibilités de faire de nouveau face au détective. Dès qu'il en était ainsi, il ressentait le besoin pressant de quitter la pièce et de s'isoler, de préférence très loin de L.

- Tu mentionnais des méduses ? Avait reprit ce dernier. Quelle taille faisaient-elles ?

- Elles étaient gigantesques. Assez pour détruire des bateaux sur Terre, avait-il précisé, anticipant la prochaine question de L. Je les ai suivi jusqu'à découvrir qu'elles se dirigeaient vers une sorte de gouffre, dont elles ne remontaient pas. Le roi a refusé de m'en révéler la destination quand je suis revenu, mais j'ai pensé qu'il pouvait éventuellement mener vers la Terre, et que par conséquent ces méduses pourraient être les créatures responsables des disparitions de navires.

L, assis les jambes repliés contre son torse sur sa couchette, avait amené son pouce contre ses lèvres, et Light avait presque pu entendre le grincement de ses dents contre sa peau.

- C'est une hypothèse intéressante, avait-il reconnu. Mais les méduses ne pondent pas d'oeuf, et elles n'ont pas d'écailles. Pas plus qu'elles ne possèdent de dents.

- J'en ai conscience, avait admit Light. J'avais envisagé l'éventualité d'une mutation une fois dans les océans terrestres, ou quelque chose dans le genre qui pourrait justifier ces deux paramètres.

En guise d'assentiment, L avait eu un geste bref du menton, et le simple fait de le voir en accord avec ses théories avait, sans faillir, fait éclater en Light une sensation de victoire bien trop éperdue à son goût.

- Conservons le postulat dans l'attente d'autres confirmations, avait-il tranché. Si l'oeuf éclot, nous pourrons la valider ou, au contraire, l'infirmer. Pour le moment, nous en savons encore trop peu pour accréditer définitivement cette option, et qui plus est, la défendre auprès du reste de l'équipe scientifique sera tout sauf une mince affaire.

Puis il avait signalé à Light qu'il comptait s'entretenir avec Watari, en particulier sur les dernières mesures prises par le gouvernement américain au regard de l'enquête, et Light avait refermé sur lui la porte de la cabine, ne discutant pas le besoin de secret du détective et ne cherchant pas à prendre part à une discussion portant sur un sujet auquel il était officiellement rattaché en tant qu'assistant secondaire du détective, supposé être demeuré dans sa tour d'ivoire et garder un oeil sur la progression de ses adjoints à distance.

S'appuyant contre la rembarde du Svetlana, il garda presque toute la nuit les yeux au ciel, croyant y voir gonfler gentiment les ombrelles de méduses transparentes guidant ses pas vers un abyme impénétrable, et entendre la voix de L l'appelant depuis les profondeurs, encore et toujours.

Light-kun


" Méduses, malheureuses têtes

Aux chevelures violettes

Vous vous plaisez dans les tempêtes,

Et je m'y plais comme vous faites. "

Poème titré La Méduse, de Guillaume Apollinaire, poète et écrivain français


Indications :

- Si certain.e.s d'entre vous se demandent, oui, la cage thoracique sur laquelle Misa est assise est celle d'une baleine.

- Autant vous dire que Misa en a gros (comme dirait notre seigneur et maître Perceval dans Kaamelott) et qu'elle va avoir tout un tas de projets une fois sortie du royaume des dieux de la mort (ou, comme le dit le proverbe « ça va chier dans le ventilo »). Sur ce point et pour ajouter au débat un argument inutile, je n'aimerais être ni Light, ni L.

- Je ne vous présente plus Charles Baudelaire et Edgar Allan Poe, qui sont connus pour leurs univers relativement sombres et mélancoliques, expliquant de ce fait la référence de Light.

- Le nom « Mio » signifie « belle fleur de cerisier ».

- Bloch est un peintre du XIXéme siècle justement très connu pour ses représentations du Christ, extrêmement réalistes et très détaillées.

- Les blagues dans ce chapitre sont affreusement médiocres (d'ailleurs, j'ai l'impression globale que la qualité générale est moyenne) et je vous prie d'excuser ce manque totale de subtilité et d'esprit (si vous voulez me jeter des parpaings, je comprendrais).

- Toute la partie sur l'astronomie et l'observation du ciel nocturne est vraie.

- Alors, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais j'aime les méduses. Bon, soit, je me suis faite piquer par l'une d'entre elle quand j'étais gamine et ça m'a fait un mal de chien, mais autrement, à regarder, c'est fascinant et vachement relaxant. Voilà, c'était la minute « Mes Hobbies un peu spéciaux ». N'hésitez pas à partager les vôtres, d'ailleurs !

- Association, c'est pour l'accord qui s'établit entre Misa et le roi (enfin, implicitement), pour le duo Van Lunet et Newton qui retournent en plongée sous marine avec Smirnov, pour le vote avec tous les membres de l'équipage sur les lieux d'escales, mais aussi pour la mise en commun de ce que Light a vu au Cathare et entendu de la part de Lameloise avec les réflexions de L.


*prends une grande inspiration* Nom de nom de sainte mère de Dieu de...ahem, oui, soit, j'arrête de suite avant de tomber dans l'hérésie, ce serait mal venu, et pas franchement la meilleure manière d'exprimer ma joie d'avoir pu terminer ce chapitre et le publier (sachant que celui-ci a tout de même UN AN de retard, et qu'à chaque fois que j'y pense, j'ai comme une vague envie de m'auto frapper la figure contre la surface de mon bureau de sorte à ce qu'elle finisse par ressembler à celle de Ryûk - tous les copyright de cette blague vont aux "Résumé Foireux de Death Note" par CrazyBombWorld, que j'ai regardé bien trop de fois pour ne pas en subir l'influence (amour éternel sur eux et Re:Take, ils ont produit des chefs d'oeuvre). Pour débuter ces notes de fin de chapitre (enfin, haha, "débuter", fait la nana qui a déjà écrit un demi-paragraphe juste avant - oui, oui, je reviens à nos moutons, pardon), je vous souhaite à toutes et à tous une très belle année 2022, et j'espère que vous aurez pu prendre du repos ainsi que du bon temps malgré le contexte toujours un peu (beaucoup) déprimant.

Un point également important, que dis-je, prioritaire de ces notes, sont la reconnaissance et les remerciements chaleureux que je vous adresse pour votre patience face à ce chapitre qui aura pris son temps pour arriver (puis-je me fendre d'une blague "délai SNCF" à ce sujet ?), la gentillesse de vos reviews sur le précédent et de vos messages. Sérieusement, vous êtes des merveilles, des splendeurs, et vous méritez que je vous envoie des chocolats par paquets de quinze mille (ou autre chose si vous n'aimez pas le chocolat, je peux aussi faire dans le saucisson et les patates) et des fleurs en quantité équivalentes - dans le style "jardins de Versailles", tout à fait, chers .s. Pour vous, rien de moins que le meilleur.

Pour revenir sur ce chapitre, moi qui me lamentais que le précédent était un peu planplan, je crois hélas que le qualificatif s'applique aussi pour le nouveau venu, dans le sens où il joue presque un rôle de bilan rappelant les différents éléments (mais en apportent quand même deux-trois jusqu'ici inconnus, notamment dans la partie consacrée à Misa - douce Misa, tendre Misa, qui risque de nous faire un Deus Ex Machina dans les chapitres à venir). Si tout se passe bien, le prochain devrait donc sortir cet été, très certainement en août : sur ce point, au moins une bonne nouvelle, car j'ai - ENFIN (pardon, c'est l'émotion) - terminé ma thèse de doctorat, que j'aurais soutenue en décembre, et achevé les publications reglémentaires pour pouvoir postuler à la qualification de Maître de Conférence, ce qui fait qu'une bonne partie de la charge de travail qui me pesait dessus jadis s'est envolée. En revanche, je donne toujours mes cours à l'université, mais en plus de cela s'est ajouté une difficulté supplémentaire, si je puis l'appeler ainsi, puisque comme certain.e.s d'entre vous l'auront peut-être lu dans les updates de l'introduction, j'ai dû faire face à d'importants soucis de santé à compter de septembre qui, malheureusement, me talonnent encore de très près et ont fait que j'ai dû réduire mon temps d'écriture. Je devrais avoir un traitement d'ici la fin du mois, mais du coup, ça aura aussi joué dans le délai de publication de ce chapitre, et dans le ralentissement global de mes activités au cours des derniers mois.

Au fait, vous vous vous souvenez quand je vous disais que je pouvais tenir mes deux longues fanfics sans problèmes ? Eh bien, oh surprise (ou pas), ce n'est point le cas du tout, et je me suis retrouvée à faire limite un burn-out avec les délais de publication extrêmement courts de mon autre histoire, en plus de celui que je faisais déjà à cause de ma thèse (j'allais dire jamais deux sans trois, mais non, pas dans ce cas-là, heureusement). En conséquence, j'ai énormément levé le pied sur ma deuxième histoire afin de me préserver un peu quand même, et je publie les chapitres avec plus de temps entre chaque, ce qui fait qu'elle ne s'est pas terminée en cette fin d'année, mais si tout se passe bien, la fin 2022 sera la bonne (ou pas...haha, parfaitement, oui, ceci est un rire d'angoisse) !

Pour finir, et parce que ces notes de fin sont déjà assez étendues (comme la surface de l'océan et oui promis, je me tais), je croise les doigts de toutes mes forces pour que vous ayez apprécié ce nouveau chapitre et que vous alliez bien ! Permettez-moi une seconde fois de vous remercier de tout mon coeur pour votre soutien sans faille et votre bienveillance, qui me gardent à chaque fois motivée et inspirée pour continuer cette histoire, et sur-ce, je vous dis donc à cet été (en priant très fort pour que rien ne s'y oppose *insérez ici la réplique de Shrek "Je m'y oppose !") pour le vingt quatrième chapitre de DA !

Negen