Comme le temps passe vite! Voici déjà venir le troisième volet des chroniques de l'Unité GEIST N°1, petite cellule d'enquêteurs et commandos d'élite, opérant sous les ordres directs d'un agent Spectre pour le compte de la Citadelle. Cette sympathique équipe, aux multiples spécialités si complémentaires, fut développée au départ en support du jeu de rôle gratuit Mass Effect: Nouvelle Ère; ses aventures se déroulent donc dans l'univers dérivé tel que conçu dans ce jeu, situé vingt ans après la victoire totale sur les Moissonneurs.
Les membres de l'équipe ont quelque peu varié au fil des saisons précédentes. On y retrouve actuellement Feylin Adamas, jeune chasseresse asari aussi adorable pour ses amis que mortelle pour ses ennemis; le lieutenant N7 Damon da Costa, Sniper hors-compétition et boute-en-train attitré de l'équipe; l'Ingénieur Sudaj Lenks, vétéran du GSI galarien, hackeur et saboteur de haute volée; et Andrak Atkoso'dan, gigantesque chasseur de primes butarien forgé dans la fange des Systèmes Terminus. Dame Guerdan Qoliad, la redoutable Spectre asari qui avait été le cœur et l'âme de cette unité, a été remplacée par le capitaine Saïda Keren, Spectre humaine biotique, une légende parmi les N7 eux-mêmes, et qui semble n'en avoir pas encore fini de dévoiler toute l'étendue de son potentiel!
Leur vaisseau d'attache, la frégate de classe Normandy SSV Citadel dirigée par le commandant Joseph J. Hackett, continue à mener nos agents là où le service du Conseil les envoie...
Contrairement aux deux saisons précédentes, il est prévu de faire apparaître ici et là dans des rôles de support plusieurs personnages issus de l'univers officiel (avec vingt ans de plus!), tels que Khalisah bint Sinan al-Jilani la journaliste intrusive, Jack la biotique psychotique, Maya Brooks la manipulatrice depuis l'ombre, ou encore un John Shepard hissé au rang de sur-amiral des flottes conciliennes unifiées!
Pour une meilleure compréhension de l'univers, des personnages et de leurs passés, il reste bien sûr préférable d'avoir lu au préalable Unité Numéro 1: Saison 1 et Unité Numéro 1: Saison 2, nouvelles également publiées sur ce site.
Usual disclaimer: Les technologies, les espèces, et la plupart des mondes exploités dans les lignes qui vont suivre sont issus de l'univers existant dans les jeux vidéo développés par Bioware (suppléments téléchargeables compris), et dans les romans écrits par Mr Drew Karpyshyn.
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Épisode 1: London by night...
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Secteurs de la Citadelle, Avenue Stellargent –
Aire de combat virtuel de la Nouvelle Armax Arena –
Terrain "Ruines de Londres", en mode Duel...
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Feylin resserra sa poigne sur son fusil à pompe et s'immobilisa tout contre un pan de mur calciné, dont l'ombre la dissimulait encore davantage dans cette nuit éprouvante. La jeune Asari retint sa respiration. Tous ses sens étaient en alerte, à la recherche du moindre indice qui pourrait lui livrer la position de son insaisissable rivale. Jusqu'alors, leur affrontement n'avait encore été rythmé que par quelques contacts occasionnels à longue distance, suivis de brefs échanges de tirs ou de frappes biotiques imprécises, puis de manœuvres évasives et de nouvelles pertes de contact. Tous ces préliminaires stériles n'avaient finalement guère représenté qu'un échauffement, une escalade graduelle dans la surenchère d'adrénaline pour les deux combattantes.
Le fracas des explosions lointaines, et le mugissement intermittent des Moissonneurs dominant les ruines de Londres, empêchaient de repérer quoi que ce soit au son. Feylin se mordit la lèvre, puis risqua un œil hors de son abri: l'odeur de cendres flottant dans l'air agressa sa narine, mais rien ne bougeait dans cette faible luminosité qui projetait des ombres sinistres sur les décombres de la cité morte... Il ne manquait en fait dans tout cela qu'un seul, qu'un unique élément de réalisme: la peur – la peur authentique, s'entend, celle que l'on ne ressent que sur les véritables champs de bataille, là où c'est sa propre vie qui est l'enjeu de la partie. Car en l'occurrence, il ne s'agissait là que d'un simple combat amical, une simulation sur décor synthétiquement recréé en arène virtuelle...
Feylin Adamas avait enfin pu obtenir ce qu'elle souhaitait de plus en plus ardemment depuis quelque temps déjà: le privilège de pouvoir mesurer en combat singulier sa puissance biotique à celle de sa nouvelle cheffe d'unité, le capitaine de l'Alliance Saïda Keren – Spectre réputée, N7 illustre, et biotique plus légendaire encore! C'est pourquoi au retour de leur dernière mission, les deux guerrières avaient retenu un créneau dans le simulateur de combat terrestre le plus justement renommé de toute la Citadelle: la Nouvelle Armax Arena.
Rebâtie sur une base bien plus ambitieuse après les ravages subis par la Citadelle en 2186, la Nouvelle Armax Arena disposait désormais de pas moins de quatre aires d'affrontement virtuel, pouvant accueillir simultanément des meutes de joueurs enthousiastes. En outre, elle proposait depuis plusieurs années de nombreuses innovations, toutes plus attractives les unes que les autres: nouveaux terrains et nouveaux adversaires disponibles, bien sûr, nouveaux modes de combat, nouvelles fonctionnalités telles que des éléments de décor virtuel entièrement destructibles... Mais la trouvaille qui emportait le plus d'adhésions était sans aucun doute le mode Terrain étendu, qui par un jeu d'émulateurs optiques et cinétiques, parvenait à dilater artificiellement les distances visuelles et physiques entre les participants réels ou virtuels, et entre les éléments de décor reconstitués: on parvenait ainsi, sur un box de taille modeste, à recréer des zones de guerre de plusieurs hectares, propices à l'emploi d'armes lourdes à longue portée!
Feylin et sa supérieure avaient choisi de se confronter l'une à l'autre sur l'un des terrains les plus populaires du moment, "Ruines de Londres", où des équipes en mode Coopération affrontaient habituellement des hordes de troupes des Moissonneurs restituées par IV et modélisateurs cinétiques. Mais aujourd'hui, pas d'adversaire virtuel: en mode Équipe contre équipe, ou bien comme ici en mode Duel, seuls des combattants de chair et de sang s'affrontaient sur le terrain jusqu'à ce qu'un vainqueur émerge. En mode Terrain étendu, "Ruines de Londres" couvrait la surface de tout un quartier urbain noyé dans les ténèbres, dans l'état même de désolation que présentait la malheureuse cité terrienne lors des tous derniers jours de la Guerre contre les Moissonneurs. Par privilège de Spectre, le capitaine Keren avait également obtenu une option privative, sans enregistrement ni visibilité du public sur le déroulement du combat: les agents du Conseil tenaient autant que possible à préserver le secret sur leurs méthodes de terrain... Une fois équipées, Feylin et Saïda étaient donc entrées chacune par une extrémité du terrain, ce qui avait donné le signal du début des hostilités.
Fidèles à leurs habitudes, les deux athlètes biotiques avaient choisi de privilégier la fluidité de leurs mouvements à la lourdeur des protections et de l'équipement. Outre leurs armures légères, elles n'avaient donc amené sur le terrain, chacune, qu'une seule et unique arme à feu. Pour Feylin, il s'agissait bien sûr de son cher fusil à pompe Disciple, fierté des industries d'armement de la République asari, une merveille de légèreté, aussi précis à moyenne distance que meurtrier à bout portant. Quant à Saïda, elle s'enorgueillissait à juste titre de détenir une arme plus rare et plus dangereuse encore que le fusil Chasseur d'Andrak Atkoso'dan, une prise de guerre arrachée à Cerberus qu'entretenait jalousement le gigantesque Franc-tireur butarien de l'Unité N°1. La Spectre humaine portait en effet en permanence à la hanche, à l'exclusion de tout autre armement, un redoutable pistolet Silencieux M-11, une arme de poing capable d'enchaîner à une cadence hallucinante, avec une déviation minimale, des tirs plus précis et plus dévastateurs encore que ceux de la plupart des fusils d'assaut!
Naturellement, les duellistes pouvaient tout de même aussi compter sur l'Omni-lame de poing que générerait leur Omnitech, si le moment devait venir d'engager le combat au contact. Et toutes deux emportaient également un petit assortiment de grenades diverses, peu encombrantes, et indispensables en milieu urbain – même simulé! – pour gérer les emplacements sur lesquels elles ne pouvaient obtenir une vue directe.
Et justement, Feylin entendit brusquement derrière elle le cliquetis caractéristique d'une poignée de ces micro-charges rebondissant au milieu des gravats. Elle n'en fut pas autrement surprise, ayant déjà perçu une demi-seconde auparavant l'ébranlement de l'air correspondant à la poussée biotique qui venait de démultiplier la portée du lancer de son adversaire. Mobilisant en un éclair ses propres ressources biotiques, Feylin s'élança hors de sa cachette à une vitesse surhumaine, devançant d'une courte demi-seconde le moment où l'abri précaire fut noyé dans un torrent de flammes rugissantes. Ce magma infernal éclaira d'une vive lumière la chasseresse asari, désormais exposée à découvert au milieu des ruines nocturnes.
Alors qu'elle accélérait encore sa course, Feylin put entendre six balles s'écraser tout autour d'elle en succession rapide – SPAK!-SPAK!-SPAK!-SPAK!-SPAK!-SPAK! –, en projetant à l'impact éclats de pierres et volutes de cendres. L'un des tirs fendit les restes d'un bloc de béton devant son genou, tandis qu'elle en sentit nettement un autre frôler l'épaulière gauche de son armure; mais aucun n'atteignit sa cible de manière décisive. Le pistolet M-11 de Saïda était équipé d'un suppresseur de son et d'un cache-flamme, qui empêchaient l'Asari de repérer précisément la tireuse dans la nuit artificielle. Mais la trajectoire d'arrivée des tirs suffit à lui donner une idée approximative de leur point d'origine...
Sans ralentir, Feylin poursuivit une course apparemment erratique, d'abord destinée à lui permettre de sortir du plan de tir de la Spectre humaine, mais également à la ramener sur les arrières de la position estimée de celle-ci. Saïda avait bien évidemment déjà percé à jour les intentions de son adversaire asari, car cette dernière ne trouva plus sur place qu'une cartouche thermique abandonnée au sol, encore fumante. Feylin parvint pourtant à repérer le nouveau poste de tir vers lequel s'était dirigée l'Humaine: le nuage de cendres que celle-ci avait levé dans sa course reflétait encore un peu de la faible luminosité régnant sur ces ruines. Cette piste providentielle menait droit vers un angle de mur plutôt bien placé – une position d'embuscade idéale, que l'Asari elle-même aurait également choisie, dans la même situation.
Déloger à la grenade Saïda de sa cachette aurait été un prêté pour un rendu, mais c'est une idée plus originale qui vint à l'esprit de Feylin: étendant le bras, elle ouvrit brusquement une Singularité sur l'angle même du mur derrière lequel se dissimulait son adversaire. Un juron de surprise étouffé fusa depuis cet emplacement: le capitaine Keren avait pu se dégager de justesse du rayon d'attraction de ce minuscule trou noir, mais le pistolet Silencieux qu'elle tenait alors en main au-dessus de son épaule n'avait pu échapper à ce sort. Et pas question pour la biotique humaine ni de se rapprocher de ce dangereux paradoxe gravitationnel pour y récupérer son arme, sous peine de s'y retrouver elle-même emprisonnée, ni de faire détoner la Singularité au risque d'endommager définitivement le précieux pistolet...
-–- Bien joué! cracha la Spectre entre ses dents.
Feylin compléta aussitôt sa manœuvre en expédiant une poignée de micro-charges incendiaires droit sur la position de son adversaire, forçant celle-ci à se précipiter à son tour à découvert. Saïda esquiva vivement l'aire d'effet de la Singularité, avant de s'éloigner d'une roulade au moment même où son abri se changeait en volcan. Feylin était hélas trop éloignée de sa cible pour conclure l'engagement à l'aide de son fusil à pompe, aussi choisit-elle l'alternative où elle excellait le mieux: surchargeant en un instant l'ensemble de son organisme de pure puissance biotique, l'Asari se rua à l'assaut de son adversaire à une vitesse démentielle, ne laissant entrevoir de sa silhouette que le sillage d'un missile bleu... Inutile même d'en venir à l'Omni-lame, estima Feylin: le poing avec lequel elle s'apprêtait à porter le coup décisif aurait sans doute déjà pu traverser de part en part un méca YMIR! Tout juste l'ancienne chasseresse de la Garde de Serrice eut-elle le temps de voir l'Humaine chétive debout devant elle tenter de se charger également d'énergie biotique, en concentrant cependant tout son potentiel sur ses seuls avant-bras.
-–- Que la meilleure Asari gagne! pensa rapidement Feylin, encore pleine d'optimisme...
Mais à sa grande surprise, Saïda croisa en un éclair ses avant-bras en X devant elle, poings serrés, produisant à l'endroit où se rejoignaient ses membres crépitants d'énergie noire un véritable arc électrique, un écran d'autant plus impénétrable qu'il se concentrait sur une très faible surface. Décontenancée, Feylin ne put dévier l'angle de son coup, qu'elle plaça au point précis que l'Humaine avait justement prévu de protéger. Ce bouclier aussi imprévisible qu'inédit parvint à amortir entièrement la frappe de l'Asari. Et ce fut celle-ci qui subit tout le contrecoup du surcroît de puissance qu'elle avait voulu apporter à ce punch décisif: le choc en retour lui donna l'impression d'avoir ébranlé l'ensemble de ses articulations, et la fit tituber sur deux pas en arrière.
L'instant d'après, la Spectre décroisa vivement les bras, dispersant ainsi toute la puissance biotique accumulée en une violente onde de choc circulaire, qui balaya l'espace entre les deux combattantes. Le phénomène rejeta brutalement l'Humaine et l'Asari en arrière, les écartant l'une de l'autre. Tandis que Feylin rétablit instantanément son équilibre, Saïda, elle, tira parti de l'élan imposé par son propre recul pour le compléter par une agile pirouette arrière, qui lui permit de prendre encore davantage de champ. À quarante ans passés, cette Humaine svelte et légère comme une brindille faisait décidément encore preuve d'une souplesse digne d'une gymnaste virtuose!
-–- Par la Déesse! songea Feylin, à demi sonnée. Je n'avais encore jamais vu une telle façon de canaliser l'énergie biotique! Décidément, j'en apprends tous les jours, avec elle...
À ce moment, Feylin Adamas commença réellement à se sentir en difficulté. Puis elle se souvint de ce que Saïda elle-même lui avait rappelé lors de leur première mission commune sur Sur'Kesh: à forces à peu près égales, c'est lorsque l'une des deux parties commence à prendre l'ascendant psychologique sur l'autre, à l'acculer dans une posture défensive teintée de désespoir, qu'elle peut considérer la bataille comme à moitié gagnée. Cette seule pensée suffit à remotiver l'Asari. Et lorsque son regard déterminé croisa celui de l'Humaine devant elle, elle put y lire la satisfaction de celle-ci de voir que ses leçons avaient porté leurs fruits.
Les péripéties du combat avaient placé les deux adversaires face à face en terrain découvert: d'une manière ou d'une autre, cet affrontement était donc sur le point de prendre fin. Celui-ci durait de toute façon depuis si longtemps, et avait drainé tant d'énergie chez les deux guerrières biotiques, que la fatigue n'était plus très loin de les plaquer au sol l'une comme l'autre, en un pitoyable match nul...
Encore secouée par le contrecoup inattendu de sa dernière attaque, Feylin allait avoir besoin d'une ou deux secondes de plus pour récupérer; l'initiative de la frappe suivante revenait donc à Saïda. Ceci dit, l'Humaine avait déjà perdu son unique arme de poing, et l'Asari se sentait encore assez vive pour esquiver toute attaque biotique à distance que pourrait tenter son adversaire – Projection, Déchirure, ou même une Singularité: Feylin savait d'expérience comment échapper au rayon d'attraction d'une telle anomalie gravitationnelle, dès qu'elle la sentirait se former... Une dernière éventualité lui vint cependant à l'esprit un quart de seconde plus tard – un quart de seconde trop tard, lorsque l'Humaine étendit le bras vers elle: Feylin éprouva aussitôt l'étrange sensation que chaque fibre de ses muscles venait d'être scellée dans une chape de plomb, sans pourtant qu'elle s'en retrouvât elle-même écrasée au sol: non, elle demeurait toujours debout, mais totalement immobilisée! La chasseresse aguerrie comprit immédiatement ce qu'il venait de lui arriver:
-–- Oh, par la Déesse! Une Stase! Non, c'était pourtant tellement évident...
En combattante biotique avisée, Saïda Keren venait de déployer instantanément, sur l'emplacement même où se tenait son adversaire asari, un champ gravitationnel localisé assez puissant pour priver de toute latitude de mouvement celui ou celle qui s'y retrouvait emprisonné. Feylin devinait à présent très bien ce qui allait suivre: ce cocon de Stase la protégeait certes de toute attaque physique ou cinétique, pour l'instant; mais comme pour tout champ gravitationnel, il suffisait d'une puissante attaque biotique pour le faire détoner violemment, infligeant ainsi des dégâts critiques à quiconque demeurait piégé dans son aire d'effet. Et Saïda, le bras replié vers l'arrière, était justement en train de se concentrer sur la charge d'une Déchirure qui faisait luire son poing dans la nuit, d'une flamboyance bleutée de plus en plus inquiétante:
-–- Oh non! songea la prisonnière, totalement paniquée. Non! Nonononononon...
Impuissante, incapable d'esquisser le moindre mouvement de réaction, Feylin eut le temps de voir arriver le flux incandescent, droit sur elle, avant de ressentir sur l'ensemble de son corps une douleur fulgurante, inconcevable, comme si la moindre parcelle de ses os, le moindre lambeau de sa chair, venait d'être arraché des autres et projeté par relais cosmodésique vers l'autre extrémité de la galaxie! La malheureuse Asari sombra instantanément dans une inconscience libératrice... Mais juste auparavant, elle avait eu le temps d'entrevoir la Spectre humaine lui adressant un sourire des plus troublants. Pas un sourire sadique, ni cruel, ni même supérieur, non, rien de tout cela: juste le sourire d'encouragement d'un professeur de génie à une élève certes douée, mais qui viendrait seulement de réaliser tout le chemin qu'il lui reste encore à parcourir...
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