Bonjour à tous,

Voici l'avant dernière chapitre de Noxia. Rappelez-vous, vous n'avez jamais été aussi prêt de la fin, attendez encore un peu avant de définitivement me détester...

Bonne lecture !

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Six mois plus tard.

- Je préfère le noir, décréta Hermione.

- Si tu veux ressembler au croupier d'un casino, Potter, prends le noir. Avec son gilet rouge c'est l'idéal, renchérit Drago d'un air supérieur.

Harry soupira, se tourna sur lui-même pour se regarder une nouvelle fois dans le miroir. Le noir, le gris, le bleu, peu importe, il voulait juste que ça se termine.

- Et si tu réessayais le bleu ? Il était pas mal, finalement, non ?

Drago acquiesça et Harry s'enferma de nouveau dans la cabine d'essayage. Cette journée ne se finirait-elle donc jamais ?

- Hé Harry, scanda Ron à travers le rideau, ils donnent du champagne et des mini-sandwich gratuitement.

- Ron, pesta Hermione. Tu sais bien qu'Harry a arrêté de boire !

- C'est pas une coupe de temps en temps qui…

- Ron ! le coupa-t-elle fermement. Ça suffit.

Harry ferma les yeux, planta son front contre le miroir de la cabine et apprécia la fraîcheur qu'il lui apporta, l'espace d'un instant.

Harry avait arrêté de boire, comme il avait arrêté de fumer, de se coucher tard les soirs de semaines et de dessiner des femmes nues.

Harry avait arrêté de rire seul dans la salle de bain, de s'éclipser des nuits entières et de mentir à sa petite-amie.

Et il n'avait jamais été aussi heureux et épanoui.

Voilà qui était le nouvel Harry, aux yeux de tous. Lui-même se le répétait souvent, il était un nouvel homme. Plus droit, plus juste, honnête et respectueux.

Et s'il s'emmerdait royalement dans sa nouvelle petite vie parfaite, Harry n'arrêtait plus de sourire, parlait joyeusement de ses projets bébé, de la maison en construction et du mariage à venir à qui voulait l'entendre. Il était même rendu à s'enthousiasmer sur les égouttoirs à vaisselle en bois durable et éco-responsable, allait chercher ses légumes dans un panier chez le petit producteur du coin et n'attendait qu'une chose, le vide-grenier des voisins qui lui permettrait de chiner des pièces exquises.

Harry était un trentenaire épanoui qui vivait une vie rêvée et qui, ô grand jamais, n'avait envie de se flinguer.

Harry savait dorénavant peindre des paysages de montagnes et gagnait honnêtement sa vie en retapissant de toiles insipides les salles d'attente des vétérinaires. Il avait récemment appris à cuire le tofu pour qu'il ne ressemble qu'une fois dans la bouche à une vieille éponge venant de laver les semelles d'une chaussure. Et surtout, il faisait l'amour à sa fiancé trois fois par mois, lui tenait gentiment les jambes en l'air pour augmenter ses chances de fertilité et lui apportait un jus détox pour qu'elle se remette de cet intense quart d'heure de grande folie.

Harry adorait sa vie et le sourire niais qu'il arborait. Les potions que lui refilait discrètement Drago et les gentilles poudres de Ron aidaient beaucoup à convaincre, lui et son entourage, de son bonheur ultime.

Il n'avait jamais été aussi heureux que depuis qu'il ne se branlait plus, avait appris à faire un nœud Windsor et surtout, depuis qu'un vide sidéral avait remplacé l'excitante et irremplaçable voix qui avait jadis habité son esprit.

Parkinson était partie sans qu'Harry n'ait eu besoin de le lui demander. Il avait dû faire un choix. Drago avait raison, cela ne pouvait plus durer.

Parkinson n'avait rien dit et Harry s'était d'abord senti soulagé. Il allait pouvoir de nouveau vivre une vie normale. Il allait enfin cesser d'entendre une voix se foutre de lui à longueur de journée. Il n'allait plus tromper sa petite amie, même en pensée, et deviendrait l'homme respectable qu'elle croyait fréquenter depuis le début.

Harry aimait Daphné.

Harry aimait si fort Daphné que la perte de Parkinson serait forcément surmontable.

Et elle l'avait été.

Au début.

Daphné et lui nageaient dans le bonheur. Il lui semblait qu'il redécouvrait la vie et sa saveur. Ses goûts, qui changeaient continuellement quand Parkinson était là, redevenaient ceux qu'il avait connus depuis l'enfance. Son humeur, si instable alors qu'elle était en lui, se montrait de nouveau lisse et conciliante.

Daphné était plus belle que jamais quand elle l'embrassait et Harry se sentait heureux et comblé de l'avoir à ses côtés.

Et puis il y eut ce jour où il retourna dans la campagne de Loutry Ste Chaspoule. Il s'assit sous le chêne qui avait abrité son premier dessin d'elle et se demanda si, de temps en temps, elle ne pourrait pas revenir lui rendre visite ? Comme une vieille amie qui vit dans un pays étranger et que l'on ne voit que lors des grandes occasions.

Mais Parkinson n'était jamais revenue et Harry n'avait pas cru longtemps que sa perte serait finalement une bonne chose.

Mais Daphné voulait se marier, avoir des bébés et une maison de plain pied.

Alors Harry lui avait demandé de l'épouser, avait confié la moitié de sa fortune à un entrepreneur et calculait les jours d'ovulation sur le calendrier de la cuisine.

Aujourd'hui, il essayait son costume de marié, se trouvait ridicule dans chacun d'eux mais feignait le bonheur en rêvant d'une pipe et d'un verre de Chardonnay.

Harry attendait que Daphné se rende à son club de lecture, tous les mardis soirs pour pouvoir retrouver un semblant d'anormalité. Il défaisait la cravate qui lui oppréssait le col, trainait en caleçon dans l'appartement, une bouteille de vin blanc à la main et le nez recouvert de poudre blanche.

Harry se saoulait jusqu'à finir à genoux sur le coin de son lit, implorant pour qu'elle revienne. Mais elle ne revenait jamais. Il finissait par boire une potion anti-gueule de bois, se glissait sous les couvertures et ronflait bruyamment avant le retour de sa chère et tendre.

- Bon, tu nous montres ? s'impatienta Ron de l'autre côté du rideau.

Harry se regarda une dernière fois dans le miroir. Ce serait celui-ci, le costume bleu, celui qui plairait certainement le plus à sa femme.

Harry allait se marier, peut-être devenir père et il devait commencer à voir la réalité en face. Cette vie était désormais la sienne, celle qui l'accompagnerait jusqu'à ce qu'il s'éteigne. Il devait se faire une raison, arrêter de se défoncer une fois par semaine et accepter qu'il était plus sain de s'épanouir en retournant la terre de son potager qu'en se branlant sous les ordres d'une voix dans sa tête.

Dans quelques jours, Daphné retournerait à son club de lecture. Harry lui préparerait à dîner, lirait quelques chapitres du polar qu'il n'avait pas ouvert depuis des mois, laisserait un gentil dessin sur la table et se coucherait tôt.

Dans son costume de futur marié, il avait fait un choix : l'avenir commençait maintenant.


Le mardi suivant, Daphné lui avait embrassé le coin des lèvres, avait glissé une pile de livres sous son bras, attrapé une boîte de gâteaux à la cannelle fait maison et s'était éclipsée. Harry l'avait regardé partir, un sourire nostalgique aux lèvres.

Ça y est, il était devenu adulte. Ça y est, il agirait comme tel.

Fini les beuveries solitaires et les nuits de défonces. Fini les prières pour que Parkinson revienne et les maux de têtes en tentant de revivre ces moments. Fini les mensonges, la vie cachée et les trahisons.

Ce soir, Harry deviendrait un grand, pour de vrai.

Et cette idée lui donna envie de sauter par la fenêtre.

Mais avait-il réellement un autre choix ? Pouvait-il continuer ainsi ? Epouser une femme tout en implorant une autre de revenir ? Fonder une famille et se masturber en se souvenant de ce corps fantasmé ?

Non. Harry devait avancer dans la bonne direction, pour une fois.

Alors, comme promis, il se mit au fourneau. Il ouvrit les placards, regarda le tas de "légumes oubliés" que Daphné avait ramené du marché fermier et commença à comprendre pourquoi personne ne les avait déterrés ces cents dernières années.

Il eut envie de commander une pizza, se raisonna, croqua dans une pomme, fit le tour de son salon en marchant, regarda par la fenêtre, ouvrit un bouquin qu'il reposa aussitôt, refit le tour de son salon, jeta le trognon par la fenêtre, se gratta trois fois la tête, s'assit dans son fauteuil, puis sur le canapé, l'accoudoir, le tapis, se releva finalement, attrapa une veste et sortit se chercher une pizza.

Et pourquoi pas ?

Daphné ne supportait pas le gluten, c'était sa seule et dernière chance de dévorer la culpabilité à pleine dent. Une pizza, aussi juteuse qu'interdite. Une de celle qu'il n'oserait jamais manger en présence de qui que ce soit, une qui l'étiquèterait à tout jamais comme un psychopathe, le met sacré des dieux, la seule, l'unique et l'inestimable pizza hawaïenne.

Et Harry s'en délectait.

Il ne regrettait rien. Ni le regard hautain et jugeant du serveur, ni l'acidité baignée d'huile qui irritait sa gorge. Non, Harry était au paradis.

Il voulut rentrer chez lui, ne pas brusquer les plaisirs, ne pas, une nouvelle fois, dans cette même soirée de résolution, trahir ses propres promesses.

Mais Harry n'était qu'un homme : faible, envieux et influençable.

C'est ainsi qu'il se retrouva dans un bar moldu qu'il n'aurait jamais fréquenté en temps normal. La musique y était excessivement forte. Les lumières, exclusivement constituées de néons, lui donnaient un teint blafard entouré de toutes ces personnes à peines majeures. Mais Harry s'en foutait. Ce soir, ce qu'il voulait, c'était un verre. Rien qu'un. Un petit verre. Le dernier. Celui qu'il siroterait doucement, le savourant comme la dernière goutte d'eau douce sur une île déserte.

Harry commanda un verre de Chardonnay, comme un hommage. Et il tint promesse. Il le but lentement, si lentement qu'il prenait le temps de ressentir les moindres picotements sur le bout de sa langue.

- À toi, murmura-t-il avant d'avaler la dernière gorgée. À ma Pansy.

Harry ferma les yeux et s'accorda encore quelques secondes. Les dernières avant de se ranger. Il se serait laissé aller à un profond soupire s'il n'avait pas été interrompu par une femme, la coupe courte et la voix grave lui demandant :

- À Pansy ? Bon, très bien. Moi qui espérait ne vous avoir que pour moi ce soir.

Il rouvrit les yeux, laissa un sourire en coin glisser sur ses lèvres avant de tourner la tête vers elle. Son regard pénétrant lui couvrit le dos de frissons et ses lèvres charnues lui firent tourner la tête. Quand elle s'assit sur le tabouret à côté de lui, la lenteur de ses gestes l'ancra d'une grâce presque fantasmagorique.

- Je ne devrais peut-être pas m'asseoir ici, continua-t-elle avec un détachement feint. Pansy ne va peut-être pas tarder à arriver.

Harry eut envie de se mettre à pleurer. Sans décrocher un mot, il secoua la tête avant de la baisser pour fixer son verre vide.

- Oh, je vois. J'ai peut-être parlé un peu trop vite, n'est-ce pas ?

- Elle ne viendra pas, se contenta de répondre Harry, tentant maladroitement de chasser l'humidité qui s'accumulait au creux de ses yeux.

- Du Chardonnay, c'est ça ? demanda-t-elle en pointant son verre du bout du nez. Le prochain est pour moi.

Il aurait dû le refuser. Il le savait, c'était évident. Mais le verre était de nouveau plein devant lui et il y trempa ses lèvres avant même d'être parvenu à dire quoi que ce soit. Pour la troisième fois, il venait de se trahir, lui et ses bonnes résolutions.

- Une peine de coeur ? insista-t-elle.

- On peut dire ça, répondit Harry.

- C'est pour ça que tu bois une boisson de gonzesse assis seul au comptoir d'un bar minable ?

Et pour la première fois depuis des mois, Harry se mit à rire, d'un rire franc et véritable.

- C'était son vin préféré.

- Elle boit du vin dégueulasse et elle laisse filer l'homme le plus séduisant de la soirée, dit-elle en passant sa langue sur ses lèvres. Cette fille m'a tout l'air d'être une pétasse.

De nouveau il se mit à rire, en secouant la tête cette fois-ci.

- Je crois que vous vous seriez très bien entendues, répondit-il en souriant.

Elle haussa les épaules, but une gorgée et reposa son verre.

- Je suis pas sûre qu'elle aurait apprécié que je tente par tous les moyens de lui voler son mec.

Le petit sourire en coin revint et l'espace d'un instant, Harry oublia tout. Daphné, la maison en construction, le tofu fumé, son cycle d'ovulation, son costume bleu. Il ne vit qu'elle, le draguant outrageusement, lui rappelant fermemant la femme qui lui manquait tant.

- Finis ça qu'on passe aux choses sérieuses, dit-elle en désignant son verre.

- Aux choses sérieuses ? demanda Harry en fronçant les sourcils.

- Le vin, ça va bien cinq minutes, expliqua-t-elle. Il est temps qu'on profite vraiment de cette soirée.

Elle héla le barman, le fit servir un mètre de shots et le regarda avec une lueur de défi dans le regard.

- À la tienne, dit-elle en levant son verre devant lui.

À chaque nouvelle gorgée, le sourire d'Harry augmentait et ses yeux retrouvaient cette lueur brillante qu'il avait perdu. Celle de l'alcool, du bonheur, du désir et de la folie. Celle qui l'avait tant animé il fut un temps.

Sans comprendre vraiment comment, il se retrouva au milieu du bar, dansant avec elle. Il se vit retourner boire des shots sans pour autant prendre réellement conscience de ce qu'il faisait. À un moment, Harry se demanda s'il n'avait finalement pas vécu rien que pour ce moment. Elle était envoutante quand elle dansait autour de lui, ses yeux d'un vert profond s'ancrant fermement dans les siens.

Plus les minutes passaient, plus elle s'approchait de lui, finissant par presser sa poitrine contre son torse. Ses mains glissaient sur lui, lentement, passant de ses cheveux à son dos, de son torse à ses bras, jusqu'à finir sur ses fesses. Elle glissa sa main dans sa poche arrière, fronça les sourcils et y ressortit un petit sachet en plastique rempli de poudre blanche qu'elle agita devant leurs yeux.

- Ce n'est pas ce que tu crois, eut-il la présence d'esprit de dire.

Elle se mit à rire, lui prit la main et l'entraîna dans les toilettes des femmes. Elle ouvrit le sachet, laissa tomber quelques grammes de poudre qu'elle aggloméra en deux lignes symétriques.

- Tu ne devrais pas faire ça, l'arrêta Harry, hurlant pour surpasser le bruit de la musique.

- Ce n'est pas la première fois que je fais ça, chuchota-t-elle au creux de son oreille, laissant ses lèvres traîner jusque sur son cou.

Mais Harry était persuadé du contraire. La poudre d'épine de dragon n'avait rien de comparable avec toutes ces substances moldues qu'il connaissait bien. Il ne savait pas comment elle risquait de réagir et avant même qu'il parvienne à l'arrêter, elle venait de tout aspirer.

Ses pupilles se dilatèrent immédiatement, sa peau se mit à blanchir quelques secondes avant de retrouver un visage teinté de rouge. Sous le regard attentif et anxieux d'Harry, elle ferma les yeux un instant, les rouvrit finalement, un large sourire aux lèvres, se mit à sauter en l'air en poussant une exclamation joyeuse.

Elle lui tendit le billet qui lui avait servi de paille et Harry inspira la poudre à son tour.

Le reste de la soirée se déroula par flash. Les événements le dépassaient sans qu'il ne prenne vraiment conscience de ce qu'il faisait. Il se retrouvait sur la piste de danse, un nouveau verre à la main et, dans ce qui lui semblait être la seconde suivante, il était au fumoir, volant avec ses dents la cigarette qu'un inconnu fumait.

Elle riait si fort qu'il ne pouvait que la suivre. L'inconnu les regarda tous les deux, fronça les sourcils avant de venir les rejoindre dans leur folie.

Harry les entraina dans les toilettes, fit goûter à cet homme sa poudre d'épine, y retourna lui-même et n'eut pas le temps de comprendre qu'il venait de signer l'arrêt de mort de sa relation.

Il se vit, dans un brouillard d'images et de cacophonie, embrasser une bouche sans savoir laquelle, continuer avec une autre et glisser sa main sous un tee-shirt. Ils étaient tous les trois au beau milieu de la piste et Harry n'avait pas la moindre conscience du monde extérieur.

- Allons chez-moi, finit-elle par lui glisser à l'oreille.

Elle prit sa main, Harry saisit celle de l'homme qui les avait rejoint et tous trois partirent, ivres et défoncés, dans les rues de Londres, hurlant plus qu'il ne parlaient.

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Quand il se réveilla le lendemain matin, la lumière lui brûla la rétine. Ses paupières papillonèrent, il reconnut le plafond de sa chambre et referma les yeux. Le temps d'un instant, une vague de soulagement le submergea. Les images de la soirée lui revenaient en boucle, il se voyait avec ces deux inconnus, sur le point de franchir le point de non retour. Se savoir chez lui voulait dire qu'il n'avait rien fait, qu'il les avait laissés, sur le trottoir du bar et était gentiment rentré chez lui. Avec un peu de chance, Daphné n'en saurait rien.

Harry laissa un sourire de réconfort s'immiscer sur ses lèvres quand il la sentit venir se blottir contre lui. Peut-être avait-il finalement une bonne étoile, peut-être était-il parvenu à rentrer chez lui avant elle, s'était couché et endormi, sans qu'elle n'ait conscience des détails de sa soirée.

Mais après quelques secondes à se bercer d'illusions, son cœur loupa un battement. Une seconde tête venait de se poser sur son torse.

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- Dans son propre lit ! rugit Hermione en ponctuant la fin de sa phrase d'une violente tape contre son bras.

Harry n'avait pas besoin qu'elle le lui rappelle, il se sentait suffisamment méprisable comme ça.

- Je pensais que c'était terminé, soupira Hermione. Je t'ai cru quand tu m'as dit que tu arrêterais tes bêtises, que tu allais te ranger. J'étais heureuse quand tu l'as demandée en mariage, quand tu m'as parlé de vos projets d'avenir. J'étais fière de toi, soulagée de voir que tu rentrais dans le droit chemin, que tu allais arrêter d'être un enfant capricieux que je ne comprenais plus. Je pensais que tu étais heureux, Harry. Heureux dans cette vie de rêve où tout te souriait, où tu avais une femme formidable à tes côtés. Pourquoi est-ce que tu as tout gâché ?

Parce que je ne le suis pas, voulut-il répondre. Parce que je ne suis heureux que dans le désordre. Parce que cette vie de famille bien rangée m'oppresse plus qu'elle ne me comble. Parce que Daphné est le choix de la raison et qu'il y a bien longtemps que ma raison m'a quitté. Parce que je suis un connard.

Parce que je suis triste à en crever d'avoir perdu Parkinson. Parce que rien n'a plus de saveur quand elle n'est pas avec moi. Parce que Daphné est insipide. Parce que je suis un connard. Parce que cette femme me rappelait Pansy. Parce que cet homme portait le même parfum qu'Hunter. Parce que je voulais tout foutre en l'air. Parce que je suis un connard.

- Tu ne vas pas me répondre ? insista Hermione.

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? s'énerva Harry. Que je suis désolé ? Que je n'aurais pas dû me défoncer la gueule avec deux inconnus dans un bar minable ? Que j'ai merdé ? Qu'en plus de les avoir baisés tous les deux, je l'ai fait dans la chambre de ma fiancée et que c'était certainement la goutte d'eau ? Je sais tout ça, Hermione. J'ai pleinement conscience que je viens de foutre mon futur mariage en l'air. Qu'est-ce que tu veux de plus ?

Hermione se prit la tête entre les mains et la secoua de gauche à droite.

- Je n'imagine même pas ce qu'elle a dû ressentir en vous voyant tous les trois.

Harry grimaça. Il avait honte, c'était certain. Il ressentait aussi de la peine pour Daphné et s'en voulait de lui avoir fait subir ça. Mais le plus dérangeant n'était pas là. Ce qui le travaillait le plus c'est qu'au delà de toutes ces émotions, celle qui prédominait restait du soulagement.

En brisant Daphné, il s'était retrouvé. En détruisant leur vie, sa confiance et son mariage à venir, Harry s'était libéré. Et plus que tout autre chose, cette réalité lui permettait à nouveau de respirer.

Un connard.

Harry était un connard. Un connard conscient de ses erreurs et du mal qu'il faisait. Mais avant tout, un incroyable connard.

- Je ne te comprends plus, Harry, dit Hermione d'une voix grave. Daphné est chez nous depuis une semaine, elle est inconsolable. Elle ne fait que répéter qu'elle ne comprend pas ce qu'elle a fait de mal, comme si la faute venait d'elle. Et toi, tu n'essayes même pas de la contacter, de t'expliquer ?

- Mais qu'est-ce que tu veux que je lui donne comme explication ?

- La vérité, Harry. Je crois que c'est tout ce qu'elle attend.

- Je ne peux pas lui dire la vérité, grommela-t-il.

- Mais pourquoi ? s'étonna Hermione.

- Ça la détruirait.

Elle voulut répondre mais préféra marquer une pause. Le regard qu'elle lui servit lui glaça le sang. Il avait l'impression qu'elle tentait de sonder son âme, de lire en lui pour connaître tous ses secrets.

- Qu'est-ce que tu lui caches, Harry ? Qu'est-ce que tu nous caches à tous ?

Peut-être qu'il était temps de lui dire la vérité. Après tout, Pansy ne reviendrait pas, Harry en était convaincu. Il avait tout essayé, les pleurs, les supplications, l'indifférence, la menace, rien n'y faisait. Et aujourd'hui qu'il était de nouveau seul et qu'il l'implorait de revenir, elle ne laissait que du vide derrière elle.

Parfois, Harry se demandait si cela valait vraiment la peine de tenter de l'appeler. Était-elle toujours en lui mais feignait-elle de ne rien entendre ou était-elle réellement partie ? Et dans ce cas, comment était-elle apparue ? Il n'avait jamais eu de réponse à cette question. Avait-elle la faculté de voyager d'esprit en esprit ? Mais pourquoi s'être installé dans le sien ? Était-elle réellement prisonnière chez lui ? Et comment n'était-elle devenue qu'une voix que lui seul pouvait entendre ?

Harry aurait rêvé d'avoir finalement une réponse à ces questions. Une réponse qui l'aurait rassuré, qui lui aurait permis de s'assurer qu'il n'était pas tout simplement devenu fou. Mais avant tout, il voulait la revoir. Même si elle ne lui révélait jamais son secret, même si ce n'était que pour l'insulter en permanence. Le manque devenait insupportable et il aurait tout, absolument tout donné pour qu'elle revienne auprès de lui.

- Rien, je ne vous cache rien.

Mais pour l'heure, il n'avait pas la force de tout lui révéler. Cela voulait peut-être dire qu'il n'avait pas totalement perdu espoir. Cela voulait peut-être dire qu'il courait à sa perte.

Hermione ne semblait pas convaincue, gardait sa mine sérieuse en fronçant les sourcils.

- Tu sais que je serai toujours là pour toi, Harry. Peu importe les mauvais choix que tu as fait par le passé, je ne t'abandonnerai pas, le rassura-t-elle. Tu peux tout me dire, tu sais.

Il hocha la tête mais continua de garder le silence. Harry voulait que tout ça s'arrête. Les questions, les remords, tout.

- Ce n'est pas la première fois que tu lui fais ça, n'est-ce pas ? demanda Hermione avec douceur.

Harry se redressa, les yeux écarquillés. Que savait-elle ? Est-ce que Drago lui avait dit pour les dessins ? Est-ce qu'à eux deux, ils avaient fini par reconnaître Parkinson ? Est-ce qu'ils savaient où elle était ?

La lueur brillante qui s'anima dans son regard laissa Hermione perplexe.

- Est-ce que tu as une double vie ? insista-t-elle.

Alors elle ne savait rien. Mais d'ailleurs, comment aurait-elle pu ?

Harry secoua la tête, soupira.

- C'était la première fois que je touchais quelqu'un d'autre, répondit Harry, choisissant intelligemment ses mots.

Il avait suffisamment dit de mensonges jusqu'ici et ne souhaitait plus continuer. Pas avec Hermione.

- Mais il y a quand même quelqu'un, n'est-ce pas ?

Elle le connaissait trop pour tomber dans le piège et Harry n'eut d'autre choix que de hocher la tête. Hermione ne parut pas surprise. Harry se demanda même si elle ne l'avait pas toujours su.

- Lequel des deux était-ce ?

- Des deux ? Harry fronça les sourcils, ne comprenant pas sa question.

- Il n'y avait pas un homme et une femme avec toi dans ce lit ?

- Oh… ça…

- Est-ce que tu es amoureux ?

Cette question le terrifia. Jusqu'ici, il s'était toujours arrangé pour ne pas se la poser. Harry aimait Daphné, c'est tout. Bien sûr qu'il était amoureux, c'était la femme qui partageait sa vie.

Mais pouvait-on réellement faire autant de mal à la personne qu'on aime ?

Était-ce vraiment pour elle qu'il ressentait des sentiments si forts ?

Etait-il possible de tomber amoureux d'une personne qui n'existait que dans sa tête ?

Peu importe. Dans tous les cas, Harry n'était pas prêt à l'admettre. De toute façon, à quoi bon admettre quoi que ce soit ? Parkinson était partie. Elle l'avait lâchement abandonné à son triste sort et il lui en voulait.

- Je crois que j'ai besoin de réfléchir. Seul, ajouta Harry.

Hermione hocha la tête, lui souhaita une bonne journée et utilisa sa cheminée pour rentrer chez elle.

Harry n'avait plus envie de penser à Daphné, ni à Parkinson et encore moins au mal qu'il avait pu leur faire à toutes les deux. Harry voulait dormir et se réveiller neuf, sans soucis, sans peine. Il voulait revivre sans affronter ses démons et oublier, tout oublier.

Alors, il choisit le meilleur remède, celui qui lui permettait toujours d'évacuer ses souvenirs : l'alcool.

Il n'y avait que dans la boisson qu'il parvenait à trouver un semblant de réconfort. Il buvait, parfois seul chez lui, parfois dans les bars de Londres. Il buvait tellement qu'il en venait à insulter les passants, provoquait des bagarres et vomissait sur le balais des Aurors.

Hermione venait chez lui le lendemain, furieuse, un exemplaire de la Gazette du Sorcier à la main.

Le Sauveur retrouvé ivre sur la voie publique.

Une nouvelle frasque du Sauveur lui fait passer la nuit au Ministère.

Harry Potter, héros de la nation, devenu la préoccupation numéro un de la brigade des mœurs.

Les gros titres s'enchainaient mais Harry n'en avait que faire. Il n'y avait que saoul qu'il était bien. De toute façon, il n'était plus jamais vraiment sobre. Sa vie n'était qu'un savant mélange d'alcool, de poudre et de pilules.

Trois mois après sa rupture avec Daphné, il était de notoriété publique qu'Harry Potter était devenu un alcoolique notoire.

Ron avait arrêté de lui vendre de la poudre d'épine de Dragon que rapportait son frère. Il avait voulu le sortir de là, lui avait proposé de passer quelque temps au Terrier pour se mettre au vert. Mais rien n'y avait fait. Harry avait trouvé un fournisseur pas trop louche dans l'Allée des Embrumes, n'était jamais allé au Terrier et titubait dans les rues, la chemise débraillée et le nez poudreux en plein après-midi.

Hermione avait essayé de le traîner de force en cure de désintoxication mais Harry était toujours parvenu à s'en sortir, séduisant les membres du personnel pour qu'ils baissent leur garde ou s'évadant sournoisement une fois la nuit tombée.

Même Daphné était venue le voir. Daphné qu'il avait tant blessée, Daphné qu'il avait humiliée dans sa propre chambre. Cette femme était vraiment une perle rare, s'inquiétant tellement pour son ancien amant qu'elle avait voulu l'aider à se sortir de cette mauvaise passe. Se sentait-elle coupable ? Pensait-elle qu'il était tombé dans l'alcool parce qu'elle l'avait quitté ? Harry n'en savait rien mais ces derniers temps, Harry ne savait plus grand chose.

Plus le temps passait, plus son état se détériorait. Son compte chez Gringotts, jadis si rempli, ne se limitait désormais qu'à quelques malheureux centaines de galions. Harry ne dessinait plus, avait récupéré toutes ses toiles de chez les galeristes pour les détruire à coup de couteau de cuisine.

Sa vie n'était qu'un misérable enchaînement d'heures, toutes plus brumeuses les unes que les autres et Harry le savait, aujourd'hui, plus rien ne pourrait le sauver.

Ni Ron en tentant de l'éloigner de la drogue, ni Hermione en l'enfermant de force. Personne ne pouvait plus rien pour lui. Harry ne voulait pas guérir, pas dans un monde sans Pansy Parkinson.

Un jour où sa consommation ne lui avait pas fait perdre toute trace de lucidité, il prit sa décision. Tout ça ne pouvait plus durer. Si Parkinson ne revenait pas avant la fin de la semaine, c'est lui qui viendrait la rejoindre.

Et Pansy n'était pas revenue.

Cette pétasse n'en avait plus rien à foutre de lui. Elle savait ce qu'il allait faire, elle le savait mieux que quiconque mais rien. Pas un mot, pas une apparition. Strictement rien.

Elle était partie sans même lui dire au revoir. N'était-ce pas la moindre des choses après s'être introduit de force dans son cerveau que de dire au revoir ?

Par moment, Harry était révolté mais très vite, la tristesse reprenait le pas sur la colère et il se retrouvait, assis par terre, une bouteille de vin entre les jambes, pleurant à chaude larme comme l'ivrogne qu'il était.

Ce matin-là, Harry avait commencé sa journée par un verre de Chardonnay. Avant de l'avaler, il avait pris une grande inspiration et avait prévenu Parkinson.

- C'est ta dernière chance pour revenir, tu le sais, ça ? Si ce soir à minuit tu n'es pas réapparue, c'est moi qui partirai, lui avait-il dit avant de prendre une gorgée.

Il était midi et Parkinson n'était toujours pas là. Harry en était à ouvrir sa deuxième bouteille de la journée.

Il regardait par la fenêtre les passants vaquer à leurs occupations. De sa moue dédaigneuse, il se moquait de leur existence triviale. Rien n'avait plus d'importance. Et si elle ne revenait plus, ce soir, plus rien n'existerait.

Le soleil commençait à dépérir et l'air glacial de novembre lui brûlait les lèvres. Harry était assis sur les marches de son péron, baragouinant à voix haute des menaces que Parkinson ne venait toujours pas saisir.

Il finit par se lever, marcha un peu pour se réchauffer. Il s'arrêta dans un pub qui refusa de lui servir à boire, son état étant déjà trop entamé au goût du barman. Harry se fâcha, l'envoya se faire voir chez les gobelins et repartit avec sa bouteille de vin à moitié vide entre les mains.

Il continua de marcher, pestant à la fois contre le barman, les passants, les pigeons et Parkinson. Ce soir, plus rien n'avait grâce à ses yeux. Ce soir, il se dégouterait définitivement de ce monde qu'il avait l'intention de quitter.

Harry arriva alors au bord de la Tamise. Quelques péniches, sur le fleuve, laissaient flotter les orbes colorées de leurs guirlandes lumineuses sur l'eau. Le reflet, brouillé et en perpétuel mouvement, hypnotisa le regard de Harry. Il s'accrocha à la rambarde du pont, se pencha en avant et sentit son cœur se serrer.

C'est à ce moment-là qu'il le vit. Son propre reflet.

Et Harry, après toutes ces semaines de descente aux enfers, se rendit finalement compte d'à quel point il était devenu pathétique.

- Tu vois ce que tu m'as fait ? lança-t-il à voix haute. Je ne suis plus rien, Park's. Plus rien. Tout fout le camp dès que tu t'en vas. Plus rien, répéta-t-il à voix basse cette fois.

Les yeux brillants de larmes, Harry prit une grande inspiration. Il avait pris sa décision et si s'y tenir incarnait la dernière once d'humanité qui lui restait, il n'y dérogerait pas.

Lentement et avec maladresse, il passa une jambe, puis l'autre, de l'autre côté de la rambarde. Dans son dos, ses mains s'accrochaient toujours fermement au métal en fer forgé mais son visage restait résolument fixé sur la surface de l'eau.

Big Ben venait d'avertir tout Londres que minuit était là et Harry savait qu'il était temps de sauter.

Il ferma les yeux, rien qu'une seconde, pour se donner du courage ou le temps de faire demi-tour.

En tête, il n'avait qu'une idée : Pansy Parkinson.

Il se remémora son arrivée, le jour du retour de mariage de Drago et Hermione. Il se souvint qu'il pensait qu'elle n'était qu'un contre-coup de cette saleté d'absinthe. Le lendemain, il pensait devenir fou, comme le jour suivant. Aujourd'hui, il n'était toujours pas certain de son état de santé mentale.

Après-tout, n'était-il pas suffisamment tordu pour se créer une détestable présence, finir par s'attacher et se faire lâchement abandonner ? Il aurait voulu se persuader que non mais au fond de lui, Harry savait qu'il en était capable.

Il se souvenait du jour où il l'avait détestée si fort qu'Hunter en avait fait les frais. De la première fois qu'il l'avait insultée, la main sur son sexe. De sa voix rauque et suave à la fois lorsqu'elle lui répondait, le poussant toujours plus loin. Il se souvint de chaque dispute, de chaque éclat de rire, de chaque instant à ses côtés.

Harry garda avec lui le souvenir de son premier dessin, celui sous le chêne, celui qui, pour la première fois, la révéla. Il se souvint de cette journée comme celle qui aurait dû être le déclencheur de sa nouvelle vie. Comme celle où, bravant la peur et l'inconnu, Harry aurait dû lui avouer, pour la première fois, qu'il n'y avait qu'elle.

- Je crois que tu l'as su bien avant moi, se mit-il à murmurer. Peut-être même depuis le début. Je crois aussi que c'est ce qui t'a brisée, c'est ce qui t'a éloignée, petit à petit, de moi. Tu avais besoin de te protéger et moi je te mettais toujours en difficulté. Je n'étais qu'un abruti, Pansy. Un putain d'abruti pas même capable d'admettre ses propres sentiments. Le chemin, c'est toi qui l'a fait, depuis le début. Il est temps pour moi de te reconquérir, de venir te chercher et de te garder, pour toujours, serrée entre mes bras. Je t'aime, Pansy.

Harry ferma les yeux, prit une grande inspiration et sans attendre plus longtemps, sauta. Sa chute sembla durer des heures. Il voyait l'eau se dresser devant lui mais rien ne l'en approchait. Il sentait le vent dans ses cheveux, la force de l'air qui comprimait ses poumons, pourtant, sa chute n'en finissait pas.

Et puis, doucement, l'eau vint finalement se dresser à quelques centimètres de lui. Harry sentit sa fraîcheur glaciale qui, plus que de l'angoisser, le soulagea.

Ça y est, dans quelques instants, tout serait terminé.

Et cette pensée plus que les autres, lui permit de prendre une dernière bouffée d'air.

Il savait qu'il allait s'écraser sur la surface de l'eau. Il savait tout autant qu'il ne se réveillerait pas. Mais son esprit était libéré, vide de toute angoisse, de toute pensée. Harry était serein.

Et l'impact arriva.

Fort, destructeur, indélébile.

Mais dans le vacarme de l'eau, Harry n'entendit qu'une voix. Celle qui lui répondit, le coeur lourd :

- Je t'aime, Harry.

Quand la mort l'emporta, Harry avait ce petit sourire sur les lèvres, celui qui disait, avec arrogance, qu'il savait pertinemment que son destin l'attendait ailleurs, main dans la main avec sa voix.