Auteur : Nebelhime

Sujet : Dir en Grey

Disclaimer : Bien sûr, ces personnages n'en sont pas vraiment, les originaux appartiennent à eux-même --

Déclaration de l'auteur : Voilà l'avant dernier chapitre, le chapitre 5. Tout se concrétise, tout se noue, à peu près. Encore merci à ceux qui ont eu le courage de lire et la gentillesse de laisser une review. Les mises à jours sont trop espacées (encore plus sur les fics HP et je m'en excuse) Enfin voilà, bonne lecture à vous, et toutes mes pensées…


Chapitre 5

Kyo ne voulait pas admettre qu'il avait été trop loin. Renfrogné, il s'affala dans le vieux fauteuil défoncé à l'autre bout de la pièce. Sur le coup, sa colère lui semblait justifiée. Mais au fur et à mesure que les minutes passaient, il en doutait de plus en plus. Il se sentit tout d'un coup ridicule et éperdument fragile. D'autant plus après les coups de serres qu'il avait administrés à Shinya. Il pouvait se targuer d'être un rapace prêt à bouffer le plus mince des oisillons. Sa victoire lui semblait bien amère. Comme s'il l'avait payé au prix d'une âme, d'un rêve d'enfant délicatement recourbé dans son duvet.

C'est alors qu'il entendit le vieux piano chanter. Ce n'était que de petites notes maladroites et titubantes, une flopée d'accords morts-nés, qui peinaient à déployer leurs ailes. Comme des fleurs timides ne supportant pas assez la lumière brûlante du soleil. Elles l'émouvaient, ces pauvres notes perdues qui sonnaient un peu faux … Des orchidées délicates, prêtes à éclore et soudain cueillies pour mourir tranquillement dans un vase...

Comme mû par une force invisible et étrangère, il se leva et se vit avec horreur se diriger vers l'instrument et celui qui était à l'origine de cette étrange mélopée. S'asseoir doucement à ses côtés. Il tenta de dire un mot, ne serait-ce qu'un, d'un ton un peu plus doux, mais tout resta coincé dans sa gorge, incapable de sortir. Muet, Kyo contemplait celui qui ne cessait de jouer sans le regarder. Ses lèvres un peu serrées semblait murmurer une prière silencieuse. Une larme orpheline perlait au coin de son œil, ourlant ses cils de douleur.

Il osa avancer une main. Fit un accord en harmonie avec la petite mélodie timide qui se répétait de plus en plus, inlassablement, moins imparfaite à chaque fois. Sans chercher à croiser le regard surpris de Shinya qui se tournait vers lui. Répétant l'accord, il lui fit comprendre qu'il devait continuer. Puis osa effleurer la main gauche du batteur et la mit à la place de la sienne. Docilement, les yeux rivés sur les touches, Shinya répétait inlassablement la même phrase musicale, les doigts errant sur le piano comme à la recherche d'un peu de chaleur, de vie à glaner. Kyo se leva et recula doucement …

Des mots lui venaient aux lèvres. Des idées venues d'il ne sait où. Il devait … Sa voix s'éleva, tremblante, un peu maladroite sur les notes douces du piano.

- Hey souris, ne pleure plus d'avantage

D'ici ou ailleurs, je serais toujours avec toi,

Sur le versant de la colline, la neige tombe doucement, j'ai compris que je ne pourrai jamais t'atteindre …

La musique se tut, alors que ses mots s'évaporaient déjà, fine brume diaphane, voix d'un autre monde. Kyo ne savait plus trop ce qu'il faisait. Il se rapprocha de Shinya et posa délicatement ses mains sur ses épaules. Doucement, de peur de le briser de nouveau, il se pencha et appuya légèrement son front contre sa tête. Il ne voulait plus voir ses larmes, il ne voulait pas qu'elles le fanent.


- Je ne comprendrais jamais tes réactions, Kyo … Soupira Shinya.

Ils étaient assis, face à face, se plongeant dans le regard de l'autre, tous les deux interrogateurs. Kyo ne put s'empêcher de grimacer légèrement.

- J'avoue que j'ai parfois du mal aussi, marmonna-t-il en se grattant la tête.

- Avoue que tu as été un peu … Excessif murmura le jeune homme en baissant les yeux.

- Oui, sans doute … Répondit l'intéressé distraitement.

Remarquant que le visage de son interlocuteur avait disparu sous quelques mèches de cheveux, il s'approcha, et en se mordant la lèvre, posa son index sous le menton de Shinya pour l'obliger à relever la tête.

- Excuse-moi … Ce sont des choses qui m'échappent …

- En es-tu sûr ?

Le regard de Shinya se fit plus accusateur. De quoi voulait-il parler ? De cette fameuse nuit qui remontait déjà à plusieurs années ? Ses pensées furent interrompues par une bourrasque de vent qui sifflait au dehors, leur arrachant un frisson. Il imagina les flocons danser leur ballet un peu macabre. Puis soudain, une idée vint lui illuminer l'esprit. Il sourit doucement.

- Shinya, tu n'en as pas assez de rester confiné ici ?

L'intéressé se tourna vers le piano où une partition gribouillée à la va-vite semblait vibrer encore légèrement.

- Si, un peu … Mais …

- Tu n'habites qu'à quelques rues d'ici, non ?

- Mais … Tu vois pas le temps dehors ? Les voitures sont immobilisées. On va être gelés avant même de faire trois pas !

- Ca ira …

D'un regard espiègle, il invita le jeune homme à le suivre, et tout en l'invitant à faire de même, il enfila son gros blouson ainsi que ses gants. Ils ouvrirent grand la porte, et ils sentirent aussitôt la morsure du froid s'engouffrant sous leurs vêtements.

- Viens Shinya, on court ! Cria Kyo en riant comme un gamin.

Sans plus réfléchir, il saisit la main du jeune homme et se mit à courir, comme un enfant fou, oublié dans ses jeux, ayant perdu le monde. Il n'avait qu'à décider qu'il était libre et il l'était. Il s'en voulait d'avoir fait souffrir Shinya, et à présent, il maintenait fermement serrée entre ses doigts la main du jeune homme. Comme s'il ne voulait plus jamais la lâcher. Comme pour le protéger du souvenir que ses propres mots avaient creusé sur sa peau. Les flocons de neige tombaient toujours, comme au ralenti, le froid ne semblait plus les attendre. En se retournant un bref instant, il crut même voir Shinya esquisser un petit sourire.


Arrivés à l'appartement, il se débarrassèrent rapidement du manteau blanc qui les avaient recouvert. Prenant distraitement Miyu sous son bras, Shinya proposa à Kyo un thé léger pour les réchauffer et entreprit de le préparer tandis que l'invité s'installait sur le canapé. Il contempla, curieux, cette demeure inconnue où il n'avait jamais mis les pieds. Shinya revint bientôt, lui tendant une tasse fumante, qui lui brûlait un peu les doigts.

Doucement il fredonnait ce qu'il avait trouvé tout à l'heure, transporté par la musique. Des paroles lui venant spontanément aux lèvres.

- Cette chanson pourrait être très belle …

Kyo se tourna vers Shinya qui le regardait, presque impassible, semblant méditer au travers des brumes qui exhalaient de sa tasse de thé. Il y réfléchit … Bien sûr, elle pouvait être magnifique, cette chanson … Mais il ne se sentait pas prêt à la montrer aux autres. Cela représentait quelque chose de trop profond, ancré au fin fond de lui, frémissant. C'était son champ de fleurs à peine écloses. Il ne voulait pas qu'ils le piétinent de leurs critiques, de leurs instruments lourds. De leurs rires, de leurs incompréhensions . C'était encore plus lui que jamais.

- Non … Finit-il par dire. Ce n'est pas un morceau pour eux.

- Pourquoi ?

- Pas dans ces conditions … Pas avec ces émotions là … Pas avec ses paroles là … Répondit-il d'un ton qu'il voulait désinvolte.

- Je croyais que ces choses-là t'échappaient … Murmura Shinya en un soupir.

Il avait insisté sur ces trois mots qui, Kyo le savait, l'avaient blessé à nouveau. Il poussa un soupir. Il était de plus en plus indécis. Des doutes quant à Dir en Grey, il sombrait dans quelque chose d'encore plus sombre et plus inquiétant. L'océan de ses propres inquiétudes, de ses rêves inexploités, de ses peurs les plus enfouies. Pour quelqu'un comme lui, le fragile derrière l'insensible, le sensible, l'émotif derrière le cruel, on ne s'improvise pas amoureux comme ça. Kyo s'était déjà forcé à enfouir ces évènements compromettants, à ensevelir, à oublier ces idées étranges et inhabituelles. Pour pas avoir à changer, à renier tout ce qui avait fait sa vie. Parce que tout le monde pouvait bien l'être, ça lui était bien égal. Mais que c'est dur de se l'admettre à soi-même. Peut-être sa vie n'était-elle qu'un songe jusqu'à maintenant ? Peut-être avançait-il aveuglément dans son illusion, les mains devant les yeux, pour pas voir la réalité qui s'annonçait, surtout pas.

- Que veux-tu ? Je n'ai jamais pu comprendre …

- Même pas maintenant ?

- Je ne sais pas, je ne sais plus …

- Alors si tu laissais aller, si te relâchais les rênes, un peu … Si tu suivais ton instinct, en cessant de te torturer … Essaie de ne plus réfléchir, juste ce soir, il neige, toutes les lignes sont brouillées. C'est comme si le temps s'était arrêté … Si tu as fait une erreur tu pourras tout aussi bien tout effacer dès demain. Dès que la neige aura fondu …

Kyo baissa les yeux à son tour. Ce discours semblait séduisant, et il s'en méfiait d'autant plus. Shinya continuait à parler, lentement, posément, mais il ne l'écoutait plus, parcourant le vaste salon en quête de réponses. De n'importe quel signe … Son regard s'arrêta sur trois fleurs élancées dans un vase sur la table principale. L'une était presque morte. L'autre s'élevait encore fièrement, tandis que la dernière se décomposait légèrement. Elle semblait au faîte de sa beauté, mais à l'aube de mourir, on risquerait le lendemain de la trouver fanée, la tête tristement baissée sur son sein. Il ramena son regard vers Shinya, qui s'était tu et le regardait lui aussi, silencieux. Il se souvint de cette ébauche de chanson qu'ils avaient crée à partir de leurs douleurs, du sentiment du batteur, de son ressentiment à lui.

- Tu as des orchidées …

- Oui, pourquoi ?

- Je sais pas, ce sont des fleurs qui te ressemblent.

Après un silence, il ajouta d'une drôle de voix :

- Ce serait peine perdue entre nous …

- Tu crois ?

- J'ai l'impression de vivre un amour mort-né …

Shinya se recroquevilla de nouveau sur lui-même, sous l'impact des derniers mots qu'avait prononcé Kyo. Ce dernier, bouleversé, regarda le jeune homme lutter contre de nouvelles larmes, honteux, désemparé. Un amour mort-né. Parce qu'il l'avait déjà perdu, depuis ce matin où il l'avait repoussé, depuis les mots qu'il lui avait jetés à la figure, depuis toujours, parce qu'il voulait pas le faire souffrir davantage. Il voulait, il préférait devenir un fantôme … Emu, il ne put que murmurer ces paroles tristes qui lui restaient au fond de la gorge :

- La façon dont nous marchions tous les deux est maintenant perdue,

Nous marchions toujours ensemble, pourrais-je te revoir un jour ?

Sur le versant de la colline, la neige tombe doucement, j'ai compris que je ne pourrai jamais t'atteindre …

Encore maintenant dans ta chambre, il y a une fleur de l'espèce que tu aimais …

Et sans comprendre son geste, il se pencha vers le jeune homme et déposa un timide baiser au goût de sel au coin de ses lèvres.