Tout le monde se tourna vers Ron, puis vers Hermione qui avait pâli lorsque son ami avait émit ses hypothèses. Luna, toute insouciante, dit :

-Quoi ? Tu es en train de nous dire qu'Hermione serait peut-être la meurtrière ?

-Non ! s'exclama Ron. J'ai simplement dit que je trouvais ça bizarre.

-Moi, intervint Malefoy, je suis sûr que la Sang-de-Bourbe y soit pour quelque chose. Après tout, parmi nous, c'était elle qui détestait le plus Londubat.

Hermione retrouva l'usage de la parole.

-Et si c'était moi, pourquoi est-ce que j'aurais été assez idiote pour tuer ce cave-là de la manière que je l'aurais décrite ? C'est comme si vous accuseriez Luna à cause de son collier !

-Mais oui ! dit triomphalement Michael en pointant Luna du doigt. Tu as raison, c'est elle la meurtrière ! Qu'on la brûle sur-le-champ !

-Michael ! soupira Ginny. Hermione vient juste de dire que Luna serait stupide de tuer quelqu'un avec son propre collier.

-On ne le sait jamais, Ginny, répliqua Harry. Ça peut être aussi bien Luna que n'importe qui, imagine qu'elle se soit justement dit : « Si je tue avec mon collier, ils vont dire que jamais je n'aurais pu me trahir à ce point ! ».

-J'avoue, admit Ginny en haussant les épaules.

-Alors, j'ai raison ! dit Michael, presque avec de la démence. C'est Luna, il faut la brûler !

-En plus, c'est Lovegood qui nous a tous invités sur son île, rappela McLaggen. Qui dit qu'elle n'aurait jamais eu l'idée de tous nous assassiner ?

-Bonne question, Cormac, affirma Luna.

-Tu es donc bien stupide, Lovegood ! s'écria Cho. C'est toi qu'on accuse de meurtre, tu devrais au contraire être en train de te défendre !

-Je le sais, mais je trouve quand même que vous avez de bonnes hypothèses, dit Luna. On ne le sait jamais, peut-être que j'ai été possédée par un Chibougawa –figurez-vous que c'est une créature qui…

-Peu importe, l'interrompit Pansy. Pour ma part, je trouve que Granger fait une meilleure coupable. En plus, même si je dois l'admettre à contrecoeur, elle est plus intelligente que Lovegood.

-C'est vrai, approuva Lavande en jetant un regard mauvais à Hermione, pour une fois, je suis d'accord avec Parkinson. Tout à l'heure, Neville a tapé sur les nerfs d'Hermione et peut-être que, sous l'effet de la colère, elle l'aurait tué. Elle a toujours détesté Neville.

-Tout le monde détestait Neville, je te ferai remarquer, répliqua Ron.

-Donc, au fond, tu es en train de tous nous accuser ? dit Harry.

-Non… ben, peut-être que oui, avoua Ron. Personnellement, Neville n'était pas mon ami préféré, mais quand Hermione n'était pas là, Neville était plutôt cool. Autrement dit, je ne peux pas vraiment avoir tué Neville.

-Si, tu peux l'avoir tué ! s'écria soudainement Lavande d'une voix perçante. Quand on sortait ensemble, tu étais jaloux que McLaggen sorte avec Hermione !

-Je n'ai jamais sorti avec lui ! protesta Hermione, mais Lavande parlait plus fort qu'elle.

-Et tu savais parfaitement que Neville tournait autour de cette fille, alors, pour avoir le champ libre, tu t'es débarrassé de lui afin de pouvoir conquérir Hermione Granger !

Ron avait étrangement rougi, mais il contredit tout ce que Lavande venait de débiter furieusement. Malgré l'atmosphère tendue, les autres avaient échangé un petit sourire entendu, même Malefoy.

-Et pourquoi vous m'accusez, hein ? finit par dire Ron. Pourquoi vous n'accusez pas Malefoy ? Lui, c'est un Mangemort !

-Ouais, il voulait tuer Dumbledore, mais il était trop mauviette pour en finir jusqu'au bout ! dit Harry avec colère.

-Justement, Potter, je suis une mauviette ! gémit Malefoy, soucieux de se faire accuser. Comment j'aurais pu tuer Londubat, surtout sans ma baguette ?

-Parce que Dumbledore, lui, il était plus fort que toi, en temps normal, et s'il n'avait pas bu la potion, il ne serait pas mort, ni par toi, ni par Rogue ! dit Harry. En plus, il voulait te convaincre te changer de côté. Mais Neville, c'est autre chose, les derniers mots qu'il a dit devait sûrement être quelque chose du genre : « Pourquoi Hermione ne m'aime pas ? Pourquoi, Malefoy, pourquoi ? D'ailleurs, pourquoi tu m'étrangles ? ».

-S'il vous plaît, supplia tristement Cho, sans doute apeurée qu'on n'accuse son « cher » Drago, arrêtez d'accuser n'importe qui. Il faut partir de cette île.

-Et comment ? lui demanda méchamment Pansy. On est tous coincés ici. On est douze personnes, ou plutôt onze désormais, onze élèves pris sur une stupide île perdue au milieu de nulle part avec un cadavre et un meurtrier parmi eux !

-Attendez, dit soudain Luna. Mr Lajoie.

-Qu'est-ce qu'il a, ce débile-là ? dit Ron en se tournant vers Luna. On se cherche un moyen pour sortir d'ici vivants, on ne veut rien savoir d'un débile mental qui habite provisoirement dans une ancienne cabane de trolls qui décapitent les gens !

-Non, dit Luna en secouant la tête blonde, je veux dire que Mr Lajoie est encore ici. Il devait retourner chez lui aujourd'hui, ce soir avant le souper.

-Mais… mais…, balbutia Hermione, on est le soir !

Les élèves s'échangèrent des regards paniqués.

-Mais qu'est-ce qu'on attend ? hurla Ginny, tout à coup frénétique. Qu'on aille chercher ce fou de Mr Lajoie avant qu'il s'en aille sans nous !

Ce fut une véritable ruée vers l'extérieur. Ils laissèrent le corps de Neville au milieu du couloir du deuxième étage, puis ils dévalèrent au pas de course l'escalier (McLaggen faillit même trébucher et planter face première, ce dont s'était bien moqué Hermione). Finalement, Ron, qui était arrivé le premier en bas, ouvrit la porte qui menait à l'extérieur, mais il n'eut pas le loisir de sortir en tête de la file d'élèves, car tout le monde le poussa pour qu'ils puissent passer, voulant sortir le plus vite possible. Malefoy succéda Ron en avant des autres, et tout le monde le suivit dans la nature alors que le soleil n'était pas encore couché. Luna prit les devants et alla frapper allégrement à la cabane de Mr Lajoie, comme s'ils venaient simplement lui porter des biscuits en signe de bienvenue.

-Mr Lajoie ! claironna-t-elle. Mr Lajoie, c'est moi, Luna Lovegood ! Ouvrez, nous avons besoin d'aide !

-S'il refuse de nous ouvrir, tu me permets de défoncer la porte ? suggéra McLaggen en remontant les manches d'un geste menaçant et en montrant ses muscles.

-Ce n'est pas la peine ! fit remarquer Ginny d'une voix étranglée. Il n'est pas à l'intérieur !

-Comment ça ? lui demanda Harry.

-Il est déjà en train de se sauver sur son radeau !

Ils se mirent soudainement à crier d'épouvante et ni une ni deux, ils se retournèrent vers l'océan. En effet, comme Ginny l'avait dit, un petit point était en train de s'éloigner. Tout le monde se remit à courir vers le bord de l'eau pour crier à Mr Lajoie de revenir, mais tout ce que le vieillard devait voir d'où il était devait ressembler à onze petits points qui étaient venus lui dire adieu en faisant des gestes enthousiastes et des cris d'au revoir.

-Ça ne sert à rien, dit Hermione pour ramener les autres, qui continuaient à crier « à l'aide ! », à la réalité. Il ne nous entend pas. Il est trop loin et les vieux schnocks dans son genre entendent très mal.

Les autres se tournèrent vers elle, puis vers le radeau de Mr Lajoie qui s'éloignait toujours, et ils virent qu'elle avait raison. Alors, en silence, ils le regardèrent s'éloigner tranquillement sur son petit radeau de bois, avec une petite étincelle qui scintillait encore, comme si la dent en or de Mr Lajoie brillait pour leur dire un dernier adieu.

-Ça y est, conclut Ron d'un air grave, on est fichus.