Et la rencontre fatidique...

Bonne lecture,

L.


J'ai passé plusieurs semaines à observer les gens. J'ai vu ce que je n'avais jamais vu avant. J'ai vu des gens marcher sans but. J'ai vu des gens regarder des magasins pendant des heures. J'ai vu des gens parler et rire ensemble. J'ai vu des gens se tenir la main. J'ai vu des sourires qui étaient différents de ceux de mon maître.

J'ai passé du temps aux Trois Balais à me familiariser avec ce lieu si célèbre parmi les élèves de Poudlard.
La première fois que j'y ai mis les pieds, je n'y suis restée que deux minutes. Je suis allée vers le bar. La tenancière se tourna vers moi et me sourit. Je ne comprenais pas pourquoi elle me souriait.

-Que puis-je vous servir ?

La question me prit de cours. Pourtant, Bellatrix m'y avait préparé. Je savais ce que je devais répondre. Mais sa phrase me questionna. Pourquoi me servirait-elle ? N'obtenant pas de réponse, elle retenta sa chance :
-Que voulez-vous ?

Qu'est-ce que je voulais ? Avais-je envie de quelque chose ?

Je sortis alors sans rien demander et je retournai chez moi.
Cette question était un mystère pour moi. Je n'étais pas comme les autres alors pourquoi pourrais-je agir comme eux ?

J'y retournai le lendemain.

-Tiens, tu es revenue, dit la serveuse avec un sourire. Pourquoi les gens sourient-ils ? Alors, as-tu décidé de ce que tu voulais ?
-Que puis-je prendre ? Elle me regarda étonnée.
-Ce que tu veux. C'est le matin, tu peux prendre un thé, un chocolat, un café, une bièraubeurre, un jus de citrouille... Tiens, regarde c'est la carte.
-C'est quoi, un chocolat ?
-Eh bien, dites-moi, mais d'où sors-tu donc ? Je vais t'en faire un. Tu me diras ce que tu en penses.

J'en profitai pour regarder les environs. Tout était si clair. On aurait pu croire que mon maître n'était pas en train de prendre possession du monde. Mais quand on regardait de plus près, derrière les rires et les sourires, on voyait les gens marcher rapidement, se cacher derrière des capuches, se parler en chuchotant, feuilleter compulsivement les journaux à la recherche d'informations.

-Et voilà, ma belle. Vas-y goûte.

Je regardai le breuvage. Une odeur agréable s'en échappa. Je pris une gorgée. C'était doux et sucré. Je savais que j'aimais ça quand mes mains portèrent à nouveau la tasse à mes lèvres.

-Je savais que tu apprécierais. Alors, dis-moi d'où viens-tu ? Je ne t'ai jamais vue ici. Pourtant, je connais quasiment tout le monde.

-Je viens d'emménager dans le village, répondis-je sans vraiment répondre à sa question. Mais elle ne sembla pas le remarquer.
-Tu as des yeux étranges. Je relevai la tête. Oui, étrange. C'est comme s'ils ne reflétaient rien. Comme si tout était à découvrir.

C'était à peu près ça. Le monde m'était inconnu. Et ce village était une réplique du monde en petit. J'avais à découvrir les habitudes des gens, à découvrir les lieux. Tout.

Je revins régulièrement aux Trois Balais et Madame Rosmerta, comme elle me l'apprit, me servait toujours un chocolat chaud, si c'était le matin, une bièraubeurre, si c'était l'après-midi ou la fin de journée.
Elle me parlait de tout et de rien : les gens, le ministère, l'école. J'écoutais. J'étais là pour ça. Elle me demanda ce que je faisais. Je lui dis que je travaillais pour un projet dont je n'avais pas le droit de parler.
Ce lieu était parfait pour voir les allées et venues des aurors qui gardaient Poudlard, pour savoir si le directeur était présent ou non.

Durant le mois d'octobre, un samedi, des élèves de Poudlard envahirent les rues du village. Je regardais chacun d'eux, cherchant mes cibles. Je pourrais si facilement les tuer. Débarrasser mon maître de ses ennemis. Mais ce n'était pas ma mission.

Je m'assis à ma place habituelle et Rosmerta me servit mon chocolat chaud. Elle m'avait fait goûter le café mais ça ne me plaisait pas. Parfois, je demandais un thé. Je prenais peu à peu conscience que je pouvais demander, que j'avais le droit de demander, quelque chose de différent.
Je commençais à le boire quand une jeune fille prit place à côté de moi. Je lui jetais un coup d'œil et vit avec satisfaction qu'il s'agissait d'Hermione Granger. Harry Potter était donc présent. A son tour, elle me regarda.

-Bonjour, désolée je ne voulais pas vous déranger.
-Bonjour. Pourquoi êtes-vous désolée ? Ce lieu ne m'appartient pas. Je suis à la place que j'occupe habituellement mais elle ne m'appartient pas.
-C'est simplement… enfin, je… c'est une formule de politesse, finit-elle par dire. Je sais que certaines personnes n'aiment pas être dérangées quand elles profitent de leur boisson. Et elles se sentent dérangées dès que quelqu'un est à côté d'elles.
-Je comprends. Mais vous pouvez rester ici, si vous le souhaitez.
-Merci, mais je suis avec deux de mes amis.
Nous sommes restées silencieuses jusqu'à ce qu'elle obtienne les trois bièraubeurres qu'elle avait commandées. Avant de partir, elle se tourna à nouveau vers moi :
-A bientôt, peut-être.

A bientôt. Voulait-elle me revoir ? Le voulais-je ? Je devais la revoir. C'était ma mission. Du moins, je devais la surveiller. Mais voulais-je la revoir ?
Soudain, je pensai à Bellatrix. Je savais que je voulais revoir Bellatrix. Et mon maître. Mais Hermione Granger ? Je ne crois pas que je le voulais alors. Plus tard, après d'autres rencontres.

Je restai à ma place tout le temps qu'ils furent à leur table. Cette place me convenait parce que je voyais l'ensemble du bar et si je me tournais je voyais l'extérieur.
Quand ils sortirent, je sortis aussi. Ils se séparèrent. Les garçons voulaient aller chez Zonko et la fille dans la librairie.
Je savais que le Seigneur des Ténèbres prenait au sérieux l'intelligence de la fille. Et il me paraissait plus dangereux de lire des livres que d'acheter des farces. J'avais jeté un coup d'œil à ce magasin. Après tout, des farces pouvaient devenir des armes. Je le savais. Je l'avais testé. Mais ils n'avaient pas cette intelligence-là.
Je me perdis dans les rayonnages de la librairie. Je n'y étais pas entrée. Je n'avais jamais vu autant de livres. Perdue dans mes pensées, je me cognais contre quelqu'un. Cette fois ce fut moi qui m'excusai en reconnaissant Hermione.

-Veuillez m'excuser, miss…
-Granger. Hermione Granger. Ce n'est pas grave. Ça m'arrive tout le temps dans les librairies. Je me perds complètement et j'oublie le monde extérieur.
-Je n'avais jamais vu autant de livres, dis-je sans pouvoir m'en empêcher.
-Vous ne lisez pas ?
-Si, mais je n'ai lu que ce qu'on me donnait.
-Vous n'avez jamais acheté un livre ?
-Non, miss Granger.
-Vous pouvez m'appeler Hermione.
-D'accord, Hermione.
Elle me fixait et semblait attendre quelque chose. Elle rit finalement.
-Puis-je savoir votre nom ?
-On m'appelle Kid. Elle continuait de me regarder. Ses yeux étaient particulièrement expressifs mais je ne savais pas lire le regard de quelqu'un. Pas quand il s'agissait d'émotions.
-Très bien, Kid. Peut-être veux-tu m'accompagner dans ma recherche de livres ?

Ce fut notre première vraie rencontre. Celle du bar ne compte pas vraiment. Comme une sorte de préambule. Nous avons passé le reste de la journée à parler des livres. Enfin, elle en parlait et je l'y encourageais afin de la mettre en confiance. Elle me parlait de ses livres préférés. Elle me parla de la bibliothèque de Poudlard. Elle me demande si j'y

-Je n'ai pas suivi de cursus scolaire. Les gens qui s'occupaient de moi ont pris en charge mon éducation. Ce qui leur semblait essentiel.
-C'est-à-dire ? Sa curiosité pouvait devenir un problème.
-La défense contre les forces du mal, les potions, la métamorphose. Ce genre de choses.

La lumière du jour diminuait ce qui me permit d'échapper à la suite de l'interrogatoire. Elle me salua et me demanda s'il était possible de se revoir au prochain week-end de sortie.

De retour chez moi, je demandai à l'elfe qui préparait à manger de demander à Bellatrix si j'avais le droit d'acheter des livres. Si c'était une bonne chose à faire. L'elfe revint à la fin de mon repas avec sa réponse écrite.

Mon amour,
Tu es libre dans ce village. Tu peux faire ce que tu veux tant que tu mènes à bien ta mission. Tu dois te faire accepter. Rends cela crédible. Ta volonté d'acheter des livres va de pair avec ta mission. Mais n'en achète pas plusieurs en même temps. Prends-en un ou deux et attends un peu avant d'en acheter d'autres. Tu peux aussi te procurer des vêtements. Je peux demander à Narcissa de t'accompagner, ma douce et naïve Kid.
Drago nous a appris que tu avais approché la sang-de-bourbe. Notre maître est content.
B.B.
P.s. : tu sais que tu dois brûler ce mot, mon amour. On se reverra. Je le veux.

Sa lettre me fit plaisir. Je voulais la garder mais je savais que je n'avais pas le droit. Je la brûlai comme demandé.

Je passai cette nuit à penser à Hermione. Elle m'avait parlé comme me parlait Bellatrix. Elle ne me fuyait pas. Elle ne se moquait pas de ce que les autres voyaient comme un manque criant d'éducation. Mais j'étais le produit de leur éducation. Ce sont ceux qui me craignent et me fuient parce que je ne corresponds pas à l'image d'un être humain qui m'ont fait devenir ainsi.