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L.

"Aimer, ce n'est pas emprunter des routes toutes tracées et balisées. C'est avancer en funambule au-dessus de précipices et savoir qu'il y a quelqu'un au bout qui dit d'une voix douce et calme : avance, continue d'avancer, n'aie pas peur, tu vas y arriver"

P. Besson, Se résoudre aux adieux


La semaine passe relativement vite. J'avais surveillé les alentours, les allées et venues de Dumbledore. Il feignait la nonchalance. Mais je savais repérer les signes : les regards scrutateurs, la baguette tenue dans un poing ferme. Il était sur le qui-vive comme moi quand je l'épiais. Il était seul mais pas sans protection. Je savais qu'il était puissant mais il faiblissait et si mon maître l'avait voulu je suis presque sûre que j'aurais pu le tuer. Je n'en fis rien. Ce n'était pas ma mission. Ce n'était pas moi qui avait eu l'honneur d'obtenir cette mission.

Celui qui l'avait reçu n'avait toujours pas pu la réussir. Il ne lui restait que peu de temps. Il serait bientôt trop tard et son échec serait sûrement son dernier. Je serais sûrement celle qui mettrait fin à tout lien avec le Seigneur des Ténèbres. Cela fonctionnait ainsi depuis quelque temps. Peu importe les liens, cela me convenait. Où voulais-je me convaincre que c'était toujours le cas ? Que penserait Bellatrix si c'était le cas ? Si je le tuais ?

Je me promenais souvent la nuit dans le village. L'endroit était calme et reposant. J'aurais pu partir. Mais l'idée m'effleurait à peine. Où serais-je allée ? Je ne connaissais rien. J'avais ce qu'il me fallait ici. Une maison, de l'espace, une mission, Hermione.

Les différents points de vue sur l'amour tournaient en boucle dans ma tête. L'amour était une énigme. Une incompréhension, une anomalie. Comment quelque chose pouvait-il être bien et mal tout à la fois ? Pourquoi tant l'espérer si c'était une souffrance ?

Un bruit me sortit de ma torpeur, un bruissement de feuille. Ténu mais audible pour une personne comme moi. Je me retournai la baguette dans ma main sans pour autant la lever. La lever trop vite pourrait en révéler trop sur moi. C'était un risque que je n'allais pas prendre.

Nymphadora Tonks se tenait debout, ses cheveux roses brillants à la lumière de la lune.

-Bonsoir, dis-je.

-Bonsoir, Kid, c'est ça ? Moi c'est Tonks.

-Oui, il me semblait bien. Enchantée de vous rencontrer. Hermione m'a parlé de vous.

-Elle m'a parlé de vous aussi.

-En bien, j'espère ?

-Etrangement, oui. Rosmerta aussi. Mais, pour une raison que je n'arrive pas à expliquer, je ne peux admettre que vous soyez quelqu'un de bien. J'ai parlé avec Hermione mais elle est têtue et elle tient aux gens qu'elle aime. C'est l'une de ses plus grandes qualités : sa loyauté. Mais elle est parfois un peu trop idéaliste et j'ai peur qu'il lui arrive malheur.

-Je vois. Vous croyez que je vais lui faire du mal.

-J'en suis sûre.

-Ecoutez, je ne sais pas quoi vous dire. J'apprécie beaucoup Hermione. Je n'ai pas envie de lui faire du mal et je ne vois pas pourquoi je lui en ferai.

-Elle vous aime.

-Oui.

-Et vous ?

-Si je vous dis non, cela vous confortera dans votre idée si je vous dis oui, vous n'y croiriez pas. Quelle réponse pourrais-je donc vous faire ? Il me semble que l'attitude d'Hermione parle davantage. Si vous ne lui faites pas confiance, ce n'est pas mes mots qui changeront l'idée que vous avez de moi.

-Si jamais vous lui faites du mal…

-Une menace ne fonctionne que si on est prêt à la mettre en exécution, Miss Tonks, et je n'aime pas être menacée. Hermione ne craint rien avec moi. Dois-je prêter serment ? Demandai-je très sérieusement et calmement.

-Vous… vous seriez prête à promettre sur votre vie et votre âme de la protéger ?

-Cela semble vous surprendre ? Je ne fais jamais rien à moitié.

-J'espère sincèrement que ce ne sont pas des paroles en l'air. Hermione est sensible. C'est la personne la plus aimable que je connaisse. Elle n'est pas comme les autres.

-Je sais.

Tonks me jugea du regard puis partit. Evidemment, je n'avais dit que ce qui était nécessaire. Je n'avais pas envie de lui faire du mal durant cette conversation, je ne voyais pas pourquoi je la ferais souffrir inutilement et elle ne craignait rien avec moi du moins tant que mon maître ne donnait pas l'ordre de la tuer. L'idée du serment fait partie de ses ruses : se montrer sûre de soi est le meilleur moyen de faire douter l'adversaire. Comment douter de quelqu'un prêt à faire le vœu incassable ?

Je souris. Un danger écarté, pour le moment du moins. Je ne doutais pas qu'elle me surveillait et me surveillerait encore. Un nouveau jeu pouvait se mettre en place.

Hermione arriva chez moi tôt le samedi matin. J'étais à peine prête quand elle frappa à ma porte. Je lui ouvris et elle me prit aussitôt dans ses bras.

-Merci, me dit-elle. D'avoir bien voulu que je vienne, ajouta-t-elle rapidement avant que je lui demande. La semaine a été tellement difficile.

-Comment as-tu fait pour venir sans être vue ? Tu es sûre qu'on ne te cherchera pas ?

-Ne t'inquiète pas, le week-end les professeurs ne regardent pas où nous sommes et nous ne mangeons pas tous en même temps. J'ai dit aux garçons que j'avais beaucoup de travail et que je passerai le plus clair de mon temps à la bibliothèque. Il y a peu de chance qu'ils y aillent.

-Et s'ils y vont ?

-Le château est grand, répondit-elle en hochant les épaules.

Elle prit ma main et me mena dans la chambre.

-J'ai besoin de toi. Fais-moi l'amour.

Je fis ce qu'elle demanda. Nous avons passé la matinée dans mon lit à nous embrasser, à nous caresser, à plaire à l'autre. Quand nous fûmes rassasiées, elle s'installa dans mes bras.

-J'ai vu Tonks l'autre soir, dis-je sans vraiment savoir pourquoi.

-Désolée, elle ne t'a pas embêtée ? Elle se méfie de toi malgré tout ce que j'ai pu lui dire.

-J'ai pu le remarquer. Est-ce qu'elle… t'aime ? C'est pour ça qu'elle se méfie ?

-Elle me considère comme une petite sœur à protéger. Elle m'aime oui mais dans un sens fraternel. Comment t'expliquer cela ? Elle tient à moi, elle veut que je sois heureuse et en sécurité. Elle me soutient dans mes choix mais ça ne l'empêche pas d'avoir peur pour moi. Est-ce que tu comprends ?

-Je crois, oui.

-Je vais lui dire de te laisser tranquille.

Nous nous sommes tues. Elle était contre moi, sa chaleur irradiait mon corps. Je fermais les yeux bercée par le silence de nos corps nus. Je sentis sa main sur ma joue. Que ressentais-je alors ? Ma poitrine me faisait mal, ma tête brûlait, mon ventre se contractait et je n'avais pas envie de partir.

-Tu es si belle. Tu sembles apaisée ainsi. J'aimerais que tu sois toujours ainsi.

J'ouvris mes yeux, surprise.

-Tu portes le monde à l'extérieur. Tu es en alerte tout le temps. Sauf quand tu me regardes. Quand tu me regardes, j'ai l'impression d'être unique, d'être ta seule pensée. Je me fais peut-être des idées mais j'aime cette idée même si elle est peut-être fausse. J'aime ce sentiment d'être la plus importante à tes yeux.

C'était ce à quoi je voulais arriver. Qu'elle me fasse confiance, qu'elle soit proche de moi. Mais est-ce que je la regardais vraiment ainsi ? Est-ce que je regardais les autres différemment ? Est-ce qu'ils le remarquaient ? Qu'est-ce qu'ils s'imaginaient ?

-Tu es importante, Hermione.

Elle sourit et m'embrassa à nouveau. Nous avons dormi quelques heures. Je m'étais réveillée avant elle et j'en avais profité pour la regarder. Serait-ce mal de vouloir ce genre de chose ? Est-ce que j'avais le droit de vouloir ça ? Je quittai le lit et allai dans le salon.

Fais attention. La mise en garde de Bellatrix me revenait en mémoire. Il ne fallait rien vouloir. Tout était trop dangereux. Je n'étais qu'une arme, un outil. Je n'étais pas censée ressentir quoi que ce soit. Pourtant, j'avais prouvé que je pouvais désirer. Le maître était d'accord pour que je désire Bellatrix. Sinon il n'aurait pas autorisé les nuits que nous passions ensemble. Ou était-ce parce que Bellatrix était une sang pure ?

J'avais une mission et Hermione était un élément de cette mission. Je devais me servir d'elle. Si elle m'aimait tant mieux pour moi. Je ne devais pas me laisser détourner. J'avais découvert la marque : un seul maître, une mission. Ma vie se résumait à ce tatouage et à sa signification : j'étais un outil marqué par mon maître et lui appartenant. J'entendis du bruit dans ma chambre. Je cachai de nouveau le signe avant qu'Hermione arrive.

Elle était belle, à n'en pas douter. Un jour, je la blesserais ou je la tuerais ou les deux. Ce jour-là je la détruirais, elle et les autres. Elle n'aurait pas sa place dans le monde de mon Seigneur. Je resterais à ses côtés avec Bellatrix. Hermione n'était que de passage. Pourtant, je me surpris à l'imaginer près de moi dans ce nouveau monde. J'étais confuse. Nous étions ennemies et elle ne le savait même pas. Je n'éprouvais plus la même satisfaction à la tromper. J'avais hâte que la mission prenne fin que je puisse me dévoiler et que nos vies reprennent séparément.

Mais elle était là et je voulais qu'elle passe le reste de la journée avec moi. Qu'elle dorme avec moi ce soir-là. Que je me réveille avec elle le lendemain.

-Kid ? Tu vas bien ?

-Oui, Hermione.

-A quoi pensais-tu ? Ton regard s'est troublé.

-A toi, Hermione. Je voudrais comprendre…

-Comprendre quoi ?

-Ce que je ressens.

Elle me regarda et posa sa main sur ma joue qu'elle caressa. Elle sourit doucement.

-Je peux peut-être t'aider.

-Plus tard. Je ne saurais pas t'expliquer. Parle-moi plutôt de ta semaine.

Elle se lança alors dans un récit détaillé de la semaine. Son inquiétude pour Ron, les heures passées à son chevet, les mises en garde répétées de Tonks et Ginny, les révisions pour les examens, l'agitation des professeurs.

-Je dois garder confiance. Je dois rester forte. Mais parfois, c'est dur. Parfois, j'ai envie d'abandonner. Qu'est-ce que je suis censée pouvoir faire contre Voldemort ? Mais je me dis que c'est comme ça qu'il l'emportera et je ne le veux pas. Un monde contrôlé par Voldemort ne vaudra pas mieux que la mort. Je veux aider à rendre le monde meilleur. Je dois me battre pour ça. Même si je ne peux pas faire grand-chose, je veux en faire le plus possible pour aider. Mais parfois, tout ça est écrasant et je veux aussi garder un semblant de vie normale : réviser mes examens, rire avec mes amis, être amoureuse.

-De ce que j'ai compris tu en as déjà fait beaucoup : la pierre philosophale, le basilic, le ministère.

-C'est Harry qui a fait le plus dur.

-Avec toi.

Je voulais la réconforter. J'ai appris que le potentiel était essentiel, je n'aimais pas qu'on le gâche ni qu'on le rabaisse. Elle n'avait pas le droit de se rabaisser comme ça. Surtout pas pour Potter.

Le soir arriva.

-Es-tu sûre que tu peux rester cette nuit ? Les professeurs ne vont rien dire ?

-Ne t'inquiète pas, ils ont autre chose à faire que de surveiller le rat de bibliothèque que je suis.

-Personne ne va te chercher ?

-Kid, je ferai face aux conséquences s'il le faut. Si tu essayes de me dire que tu ne veux pas de moi ce soir, dis-le.

-Pourquoi ne voudrais-je pas de toi, ce soir ?

-Tu veux que je reste ?

-Oui, Hermione.

Nous avons dormi ensemble pour la première fois. C'était agréable de rester près d'elle. L'image de Bellatrix s'interposa de nouveau. Je ne savais pas pourquoi je pensais à elle. Ce n'était pas la même chose de dormir avec elle et de dormir avec Hermione, n'est-ce pas ? Je m'agitai dans le lit. Cette question me restait en tête et je ne pus m'endormir qu'après de longs instants à y réfléchir sans y trouver de réponse.

Aux premières lueurs de l'aube, Hermione se réveilla et me dit au revoir. Elle sortit de la maison. Sur le pas de la porte, elle s'arrêta.

-Tu ressens ce calme dans le village et entre nous ? Tu ressens cette envie de me voir rester ? Tu ressens cette anticipation à nous revoir ? C'est ça l'amour, Kid.

Je la suivis discrètement. Je devais savoir d'où elle venait, cela pouvait servir au Seigneur des Ténèbres. Elle se dirigea vers la boutique de Zonko. Elle ouvrit la porte et ferma simplement le loquet à l'intérieur. Quand je ne la vis plus, j'ouvris à mon tour la porte et la referma. J'entendis des bruits venant de la cave. Je descendis les premières marches et la vis soulever une trappe. Je repartis chez moi.

Je ne prévins pas immédiatement mon maître. J'attendis pour le faire. Je sais maintenant pourquoi. Sur le coup, je m'étais convaincue que c'était parce que je réfléchissais à l'intérêt réel de cette information. L'intérêt était réel : une entrée directe dans le château sans être vu. Pourtant, j'hésitais. Je dévoilai mon tatouage et les mots de Bellatrix me revinrent : fais attention. J'avais ressenti le calme, dans le fond je savais que je voulais qu'elle reste, je voulais la revoir, mais c'était ma mission. Rien d'autre. J'envoyai le message.