Et voilà la suite, j'espère que ça vous plaira :)

Un immense merci, Moira-chan, pour la bêta ! Comme toujours, c'est un vrai plaisir de travailler avec toi sur des corrections !

Je vous souhaite une bonne lecture...


Chapitre 2

Au fil des jours qui s'écoulèrent, Kurapika retrouva Feitan plusieurs fois dans leur classe pour réviser avec lui l'évaluation d'anglais à venir. Maintenant qu'ils avaient parlé de la salle d'arcade, Feitan semblait bien plus motivé à étudier. Une routine plaisante s'installa donc entre eux deux. Et, au milieu de toutes ces révisions, Kurapika commença à apercevoir d'autres aspects de Feitan. Il n'était pas aussi froid, ni renfrogné qu'il ne l'aurait cru. Quelques fois, il souriait même tout seul en voyant qu'il avait réussi à faire un exercice. Dans ces moments-là, Kurapika se sentait toujours beaucoup plus léger. Il devait reconnaître qu'il avait jugé Feitan trop vite. C'était l'un de ses défauts, il le savait. Il avait tendance à sauter rapidement aux conclusions. Mais il faisait un effort et les heures qu'il partageait avec Feitan en devenaient bien plus agréables.

Le mercredi, ce fut donc plutôt sereins qu'ils entamèrent le contrôle d'anglais. Kurapika fut encore plus soulagé lorsqu'il vit les questions. Il avait révisé tous ces sujets avec Feitan. Normalement, ça devrait bien se passer. Et, en effet, une heure plus tard, Feitan lui assura, dans un doux sourire, qu'il avait réussi l'évaluation. Kurapika se rendit compte, à cet instant, qu'il n'aurait pas pu être plus récompensé autrement.

Il avait maintenant hâte de connaître ses résultats exacts. Heureusement, il ne dut pas attendre trop longtemps, comme toujours avec ce professeur d'ailleurs. Le vendredi même, ce dernier leur rendit leur copie. Kurapika fit alors à peine attention au A+ qu'il posa devant lui et se tourna immédiatement vers Feitan. Ce dernier le regarda, les yeux pétillants, et Kurapika comprit tout de suite que c'était bon. Puis, Feitan lui montra sa feuille. Un B-. C'était parfait. Il avait réussi ! Kurapika se sentait fier en voyant cette note. Feitan avait fait tant d'efforts tout au long de la semaine. Il le méritait tellement. En plus, ça voulait dire qu'ils allaient passer un moment ensemble le lendemain. Et Kurapika devait bien avouer qu'il était curieux de voir ce que ça allait donner.

À la fin des cours, il ramassa donc ses affaires et se dirigea vers Feitan, Senritsu derrière lui.

« Du coup, on se rejoint demain à l'arcade ? demanda-t-il avec un sourire.

—Ok, répondit simplement Feitan.

—On dit quatorze heures ? »

Feitan hocha la tête, avant de finir de rassembler ses affaires et de s'éloigner. Kurapika le regarda partir, tout en essayant de contrôler ses émotions. Il n'aimait pas quand Feitan faisait ça. Quand il répondait à peine à ses questions et qu'il s'en allait rapidement. Mais si ça faisait partie de sa personnalité, Kurapika devait juste apprendre à faire avec. Tant qu'il venait bien le lendemain à la bonne heure, le reste n'avait pas d'importance. Du moins, c'était ce qu'il essayait de se répéter pour ne pas recommencer à s'énerver sur des détails qui, au final, n'avaient pas vraiment d'importance. Sur cette pensée, il sortit à son tour de la classe, toujours accompagné de Senritsu.

« Ça a l'air d'aller mieux entre vous, fit remarquer cette dernière tandis qu'ils marchaient dans les couloirs.

—Oui, répondit Kurapika d'une voix posée. Je pense qu'on a trouvé un terrain d'entente.

—Je suis contente pour vous ! »

Senritsu lui envoya un sourire sincère. Mais, soudain, Kurapika se sentit un peu mal. Il avait proposé ce pari à Feitan, sans penser un seul instant à sa meilleure amie. Il était, bien entendu, hors de question pour lui de l'exclure.

« Tu veux venir avec nous à la salle d'arcade demain ? lui demanda-t-il alors.

—Oh, non, désolée. Je dois m'entraîner pour mes cours de flûte.

—D'accord... Pas de souci. »

Senritsu lui lança un regard rassurant. Elle ne lui en voulait pas et Kurapika se sentit soulagé. Ils continuèrent ensuite d'arpenter les couloirs de l'école jusqu'à la sortie. Une fois dehors, Kurapika se tourna à nouveau vers son amie.

« Passe un bon week-end, Senri. Et courage pour l'entraînement.

—Merci, bon week-end à toi aussi. Amuse-toi bien avec Feitan ! »

Elle lui sourit, avant de lui faire un petit signe de la main qu'il lui rendit. Puis, ils partirent chacun de leur côté. Cette fois-ci, Kurapika n'attendit pas Gon qui devait se rendre au cinéma avec Kirua. Marchant seul sur la route, Kurapika se rendit compte qu'il se sentait vraiment bien. Cette semaine avait été loin d'être mauvaise. Tout se passait bien avec Feitan. L'énervement des premiers jours lui paraissait si éloigné. Et il avait hâte de pouvoir le voir en dehors du lycée. Oui, il en avait le pressentiment, demain serait une bonne journée.

Et il essaya de s'accrocher à ce sentiment lorsqu'il rentra chez lui. Mito lui avait laissé un mot. Comme prévu, elle était déjà au restaurant. Kurapika allait donc passer la soirée tout seul. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait, même si c'était plutôt rare. Kurapika n'avait rien contre la solitude, mais elle lui rappelait trop une période de sa vie qu'il préférait oublier.

Songeur, il monta dans sa chambre et décida de s'occuper de ses devoirs pour s'en débarrasser. Puis, il prit son ordinateur portable et traîna un peu sur le net. Il ne savait pas vraiment quoi faire. Dire qu'il avait dix-sept ans et qu'il ne faisait rien un vendredi soir. Il n'était clairement pas du genre populaire. Et, à vrai dire, il s'en moquait bien. Il ne voyait pas l'intérêt d'être entouré d'une tonne d'amis. Il avait Senritsu, il avait sa famille et ça lui suffisait. Enfin, peut-être que ça lui suffirait s'il avait toujours ses parents auprès de lui... Mais il ne souhaitait pas y penser. Pas quand il était seul. Il ne voulait plus ruminer sa colère. Il avait eu un suivi psychologique, il avait réussi à prendre de la distance. Un peu, juste un peu. Mais c'était suffisant pour qu'il sache qu'il ne voulait jamais retomber dans ses travers. Ne fût-ce que pour Mito et Gon, il se devait de tenir le coup.

Tentant de chasser ses pensées, il songea alors à Feitan. Il se demandait ce qu'il pouvait bien faire ce soir. Etait-il avec sa mère ? Est-ce qu'il lui parlait de ses cours particuliers, de lui ? Feitan était-il impatient d'être à demain ? Kurapika sourit doucement. Il espérait que oui. Sur cette image, il se décida à allumer Netflix. Il passa la soirée tranquillement à regarder des séries et ça lui permit, au moins, de ne plus penser à sa solitude...

Le lendemain, il se réveilla en douceur. Comme à son habitude, il ne traîna pourtant pas au lit. Une fois debout, il s'apprêta rapidement, avant de descendre prendre son petit-déjeuner. Il fut rejoint par Gon, quelques minutes plus tard, tandis que Mito était de service au restaurant. Malgré l'heure matinale, Gon était excité comme une puce. Il lui parla longuement du film qu'il avait vu la veille avec Kirua. De ce que Kurapika comprit, il s'agissait d'un film d'action. Et, apparemment, Kirua avait passé la séance à se plaindre des facilités scénaristiques et des incohérences dans les scènes de combat. Gon lui répéta tous ses arguments et Kurapika ne put s'empêcher de sourire en les entendant. Gon semblait si heureux d'avoir pu retrouver son ami et ça lui faisait chaud au cœur.

Lorsque l'après-midi commença, Gon était déjà parti retrouver Kirua pour aller faire du skate avec lui. Kurapika, quant à lui, avait remis quelques-unes de ses notes au propre avant de se rendre dans le hall afin de mettre sa veste et ses chaussures. Il était de particulièrement bonne humeur quand il partit ensuite pour se rendre à la salle d'arcade. Il n'y avait plus qu'à espérer que Feitan viendrait bien. Le contraire serait étonnant, mais Kurapika ne l'excluait pas totalement. Heureusement, dès qu'il fut face à la salle d'arcade, il aperçut rapidement Feitan qui se tenait près de la porte. Comme toujours, il était habillé tout en noir et dégageait une aura sombre. Il devait sans doute paraître étrange pour les autres personnes. Mais Kurapika, lui, trouvait qu'il avait quelque chose... quelque chose d'attirant. Il avait juste envie de lui tendre la main et de l'emmener dans la lumière. À cette pensée, Kurapika se surprit à sourire. Il s'emballait un peu trop sur les métaphores, là... Enfin... Tout ce qui comptait, c'était que Feitan était bien venu. Kurapika n'aurait même pas à l'attendre. Il s'approcha de lui et vit aussitôt les yeux de Feitan se poser sur lui. Il semblait complètement détendu.

« On rentre ? » lui proposa alors Kurapika après l'avoir salué.

Feitan hocha la tête et le suivit à l'intérieur. L'endroit était assez vaste et plaisant. D'habitude, Kurapika y venait avec Gon et Kirua. C'était étrange de ne pas être avec eux, pour une fois. C'étaient toujours eux qui décidaient des jeux. Kurapika, lui, ne savait pas vraiment par où commencer. Il observa Feitan du coin de l'oeil.

« Tu veux jouer à quoi ? demanda-t-il ensuite, soucieux de lui faire plaisir.

—Ça. »

Feitan lui montra la borne d'un jeu de combat. Ce n'étaient pas ses préférés, mais d'accord, si c'était ce qu'il voulait. Ils s'approchèrent de la machine. Feitan sortit alors de sa poche un nombre de pièces assez impressionnant et commença à les compter. Voyant le regard surpris de Kurapika, il haussa juste les épaules.

« J'ai volé. »

Kurapika fut pris de court. Il ne s'attendait clairement pas à ça.

« ... Quand ça ? finit-il par demander.

—Maintenant. »

Kurapika cligna des yeux, abasourdi. Il n'avait absolument rien vu. C'était... surprenant. Mais, en même temps, il n'approuvait pas du tout son geste.

« Tu n'as pas le droit de faire ça, Feitan !

—Pourquoi ? »

Kurapika fut soufflé. Feitan osait lui poser cette question avec beaucoup trop d'aplomb. Il se sentit déstabilisé, l'espace d'un instant.

« Parce que ce n'est pas ton argent, parvint-il à lui dire. Et qu'ils en ont besoin.

— Moi aussi. J'ai besoin, je vole. »

Feitan le regardait comme si ça allait de soi. Kurapika hésita un moment.

« Feitan... Ta mère et toi, vous... vous n'avez pas beaucoup d'argent ? »

La question était clairement indélicate et Kurapika se sentit mal à l'instant même où il la posa. Mais Feitan ne sembla absolument pas touché. Il haussa simplement les épaules, avant de lui répondre.

« Non. »

Kurapika inspira intérieurement. Il n'y avait pas pensé une seule seconde. Il se doutait que ça ne devait pas être facile pour Feitan, mais il ne pouvait pas accepter ce genre d'actes. Kurapika finit alors par refermer les doigts de Feitan sur les pièces de monnaie. Sa peau était plus chaude qu'il ne l'aurait cru et ça le troubla l'espace de quelques secondes.

« Rends ces pièces, s'il te plaît. Je comptais t'inviter aujourd'hui, de toute façon. C'est moi qui propose, c'est moi qui paie. Ça marche ? »

Feitan l'observa un moment. Rien ne transparaissait de son regard froid. Puis, sans un mot, il finit par s'éloigner. Kurapika ne le quitta pas des yeux, pourtant il ne remarqua aucun geste suspect. Feitan était vraiment doué. Et c'était autant impressionnant qu'inquiétant. Depuis quand faisait-il ça ? Pour être aussi doué, Feitan ne devait pas être à son premier vol. Cette constatation retourna l'estomac de Kurapika. Il détestait les voleurs. Mais Feitan l'avait écouté. Et ce fut là-dessus que Kurapika décida de se concentrer. Il ne voulait pas gâcher son après-midi avec de sombres pensées. Alors, lorsque Feitan revint auprès de lui et lui montra ses mains vides, Kurapika lui sourit et le remercia. Il mit ensuite ses propres pièces dans la machine et ils commencèrent à jouer.

Il suffit d'à peine quelques secondes pour que Kurapika comprenne qu'il n'avait aucune chance de gagner. Peu importe le personnage qu'ils choisissaient, il se faisait laminer. Kurapika, qui connaissait l'histoire du jeu grâce à Gon et Kirua, ne put s'empêcher de remarquer avec amusement qu'il prenait souvent les héros, tandis que Feitan préférait les méchants. Pour leur cinquième partie, Kurapika décida de changer de stratégie et choisit un personnage peu sympathique, mais qu'il savait puissant. Un homme âgé avec une coiffure improbable en forme de M. Feitan lui sourit et suivit son changement en prenant un gentil pour une fois. Il sélectionna alors un rouquin adepte de taekwondo et... il le battit à nouveau à plate couture. Il n'y avait rien à faire. Feitan parvenait toujours à maîtriser les coups spéciaux des personnages en un temps record. Et, après chaque victoire, il ne se gênait pas pour lui lancer un petit regard moqueur qui, au lieu de l'énerver, réchauffait étrangement Kurapika de l'intérieur.

Après le jeu de combat, ils se lancèrent dans une course de voiture. Kurapika espérait avoir plus de chance, mais, à nouveau, Feitan le battit à chaque fois. Cependant, ça n'avait pas d'importance pour Kurapika. Parce que le petit sourire qui se dessinait sur le visage de Feitan valait bien plus que n'importe quelle victoire. Ils enchaînèrent ensuite différents jeux avec, à chaque fois, la même finalité. Kurapika faisait pourtant de son mieux, même s'il n'était clairement pas à la hauteur. Feitan rigola plusieurs fois face à ses vaines stratégies. Son rire détendait complètement Kurapika qui ne pensait, désormais, plus à rien d'autre qu'à ce moment qu'il partageait avec Feitan. Les heures se mirent alors à tourner sans même qu'ils ne s'en rendent compte.

Et, tandis que l'après-midi touchait doucement à sa fin, Kurapika se fit la remarque qu'il y avait bien longtemps qu'il ne s'était plus autant amusé. En général, il surveillait Gon et Kirua ou il étudiait. Même avec Senritsu, il n'avait jamais vraiment lâché prise comme ça. Ici, il s'était juste amusé, sans faire attention à rien. Avec Feitan, c'était... c'était étrangement facile. Il ne savait pas pourquoi d'ailleurs, tant l'autre garçon était différent de lui. Mais peut-être que c'était ça qui changeait tout, dans le fond. Feitan le faisait un peu sortir de sa zone de confort, mine de rien, et ce n'était sans doute pas plus mal...

Lorsqu'ils finirent par quitter la salle d'arcade, ils furent accueillis par l'air encore chaud du début du mois d'octobre. Profitant de cette douce sensation, Kurapika se tourna vers Feitan et lui sourit.

« C'était sympa, on devrait remettre ça.

—Ouais, souffla Feitan. Mais tu ne gagneras pas. »

Il lui lança un regard pétillant et plein de malice. Le coeur de Kurapika se troubla à cette vue.

« Ne me sous-estime pas ! répliqua-t-il après quelques secondes. Je suis sûr que je peux y arriver. »

Feitan rigola face à sa détermination. Son rire était si doux qu'il prit de court Kurapika. Ce dernier finit, malgré tout, par se ressaisir.

« Tu sais quoi ? lui lança-t-il alors. Si tu continues à t'améliorer dans les cours, on fera une revanche samedi prochain. Ça te va ?

—Ok. »

Feitan semblait motivé. Kurapika aimait voir cette émotion sur son visage. Il ressemblait à un adolescent comme les autres. Peut-être que s'il continuait à avoir de bons moments avec lui, il n'aurait plus d'attrait pour ce groupe dangereux. Chaque moment qu'ils passaient ensemble était, en tout cas, un moment en moins où Feitan était avec eux. Et c'était toujours ça de pris.

De toute façon, avec ces sorties, ils ne pouvaient être que tous les deux gagnants. Feitan suivrait ses cours avec attention, donc Kurapika n'aurait plus l'impression de faire des efforts pour rien. Et, en échange, Feitan pourrait s'amuser ici et s'éloigner de ces gens détestables. Ça paraissait presque trop simple. Mais, pour une fois, Kurapika avait envie d'y croire...


Les semaines commencèrent alors à défiler. Leur routine était bien rodée, à présent. Après plus d'un mois et demi de cours, Feitan s'en sortait de mieux en mieux. Et, au milieu de leurs études, le samedi était rapidement devenu leur jour préféré de la semaine. Ils adoraient passer des heures et des heures à la salle d'arcade, même si Kurapika avait toujours du mal à remporter la moindre partie. Quelques fois, Feitan payait en prétendant que c'était son propre argent. Et quelques fois, Kurapika fermait juste les yeux. Il ne savait pas vraiment pourquoi. Peut-être parce qu'ils s'amusaient ensemble et que c'était le plus important, dans le fond. Peut-être aussi parce qu'il n'avait aucune preuve que Feitan ait volé cet argent et qu'il ne voulait pas le braquer.

Seulement, tandis que le mois de novembre arrivait à grands pas, le rythme des cours s'intensifia. Les professeurs donnaient de plus en plus de devoirs notés. Kurapika savait qu'il allait devoir, lui aussi, se donner à fond s'il voulait rester le meilleur. Ce matin-là, donc, en salle de classe, Kurapika commença à expliquer tranquillement son programme de révision à Feitan.

« Je dois absolument avoir les meilleurs résultats possibles pour être accepté dans une grande université, expliqua-t-il. L'évaluation continue est très importante et les professeurs vont augmenter leurs exigences. Je vais d'ailleurs commencer à beaucoup plus étudier le week-end maintenant. Donc, je ne pourrai plus aller aussi souvent à la salle d'arcade. »

Feitan mâchonna un moment son crayon, avant de froncer les sourcils.

« On peut faire les deux. »

Kurapika sourit à sa phrase. Si c'était possible, il le ferait. Il aimait tant ces moments-là.

« Ce ne serait pas raisonnable, lui répondit-il avec douceur. Il faut vraiment que je mette toutes les chances de mon côté.

—... Donc... plus de jeux... ? »

Kurapika se retint de rire face à sa question.

« Plus à l'arcade. Ou en tout cas, plus toutes les semaines, précisa-t-il. Mais si tu veux, ça ne me dérange pas que tu viennes chez moi pour qu'on travaille ensemble. J'ai plusieurs consoles à la maison. On pourra toujours se faire une petite session de jeux en guise de pause. Ça te tente ? »

C'était la première fois qu'il lui reproposait de venir chez lui. Aujourd'hui, au moins, Feitan lui répondit.

« Ok. »

Kurapika mit quelques secondes avant de comprendre qu'il était vraiment d'accord. À ce moment-là, un grand sourire s'afficha sur son visage.

« Génial ! On sera bien plus à l'aise chez moi qu'ici, tu verras. »

Feitan hocha lentement la tête. La question étant réglée, ils reprirent alors le cours particulier normalement. Ils travaillèrent l'oral et Feitan s'essaya à des phrases plus complexes. Lorsque Kurapika le corrigea sur une prononciation, il l'écouta calmement. Il semblait même serein. Kurapika trouvait que son attitude s'était vraiment apaisé ces derniers temps. Les moments qu'ils passaient ensemble étaient très plaisants et Kurapika se surprit à regretter qu'il n'y en ait pas plus.

Il fallait dire qu'en dehors de leurs révisions, Feitan restait très solitaire au lycée. Il ne le rejoignait toujours pas à midi et préférait passer ses temps libres seul, à lire un livre. Personne n'osait aller vers lui. La situation ne paraissait pas le déranger, mais quand même... Kurapika se demandait si ça lui allait réellement. Ou peut-être que c'était lui que ça dérangeait, dans le fond. Parce que oui... s'il se montrait honnête envers lui-même, il devait bien reconnaître que la présence de Feitan lui manquait un peu quand il n'était pas auprès de lui. Chaque midi, il ne pouvait s'empêcher de le chercher du regard et de sentir la déception l'envahir en voyant que Feitan ne faisait pas attention à lui.

Dans le fond, c'était ça le plus difficile avec Feitan. Kurapika ne parvenait vraiment pas à le cerner. Feitan lui semblait si loin de lui lorsqu'il se mettait dans sa bulle. Il y avait un tel contraste avec son attitude lors des cours particuliers ou de leurs rendez-vous du samedi que Kurapika se posait des questions parfois. Il ne savait pas du tout ce que Feitan pensait de lui. Et si au début, il n'en avait rien eu à faire, aujourd'hui... aujourd'hui, ce n'était clairement plus le cas. Feitan s'était fait une place dans son quotidien. C'était très étrange. Parce qu'il était si différent de lui, si différent de ses autres amis. Kurapika ne savait même pas pourquoi il aimait passer du temps avec lui. Et pourtant... pourtant c'était le cas. Mais Feitan, lui... Est-ce qu'il aimait ça ? Peut-être qu'il était juste content de pouvoir jouer chaque samedi avec lui sans l'apprécier pour autant. Après tout, si Feitan aimait traîner avec de sales types d'habitude, Kurapika n'était clairement pas son style de fréquentations. Toutes ces questions n'auraient pas dû avoir de l'importance. Mais soudainement elles en avaient et Kurapika ne savait pas toujours comment les gérer.

Enfin, dans l'immédiat, il n'avait pas à s'en préoccuper. Tout ce qui comptait, c'était que Feitan avait accepté de venir chez lui ce samedi. Il espérait que Mito ou Gon ne diraient pas quelque chose d'embarrassant devant lui ! Il allait devoir les briefer un peu avant ! Oui... Oui, c'était le mieux à faire.

Le reste de la journée se déroula tranquillement et le soir même, lorsque le repas fut posé sur la table, Kurapika profita de la présence de Mito et de Gon pour en parler. Il attendit que Gon ait fini de raconter sa journée, avant de se lancer.

« Au fait, un ami viendra samedi à la maison pour étudier avec moi. Ça ne pose pas de problème ? »

Il regardait surtout Mito en posant cette question. Celle-ci lui sourit aussitôt.

« Aucun problème, ton ami est le bienvenu ! De qui s'agit-il ?

—Oh euh... De ce garçon à qui je donne des cours particuliers.

—Celui avec qui tu traînes déjà tous les samedis ? » demanda Mito avec un étrange regard.

Kurapika se sentit rougir, mais il acquiesça quand même. Mito afficha un sourire, les yeux remplis de malice. Gon, quant à lui, resta étrangement silencieux.

« Bon, mais par contre, vous ne lui dites rien de bizarre, reprit Kurapika. Pas d'interrogatoire. Pas d'anecdote ridicule, d'accord ? »

Mito ne put s'empêcher de rire devant son air aussi sérieux.

« Ne t'en fais pas, Kurapika. On se comportera normalement, n'est-ce pas, Gon ? »

Elle tourna son regard amusé vers ce dernier. Gon regardait toujours bizarrement Kurapika. Mais il finit par acquiescer.

« Bien sûr ! assura-t-il ensuite avec un large sourire. Tu peux compter sur nous, Kurapika ! »

Son ton était assuré, mais Kurapika avait quand même l'impression que quelque chose le travaillait. Il l'observa un moment tandis que Gon recommença à manger. Il semblait même éviter son regard. C'était définitivement louche. Kurapika se demandait comment il devait réagir. Finalement, il préféra ne pas insister et reprit également son repas. Lorsqu'ils eurent tous fini, ils rangèrent la table et la cuisine, puis Kurapika remonta dans sa chambre.

Il prit son ordinateur et tâcha de se concentrer, mais l'attitude de Gon l'intriguait toujours. Il se posait des questions sur son comportement quand on frappa à sa porte.

« Oui ? »

Gon entra alors. Il referma la porte derrière lui, avant de s'avancer. Il avait cette lueur dans son regard. Cette lueur qui montrait qu'il n'était pas là pour rigoler. Kurapika le regarda avec attention, se demandant bien ce qu'il allait lui dire.

« Dis, Kurapika, commença-t-il alors, tu le connais bien ton ami à qui tu donnes des cours particuliers ? »

Kurapika fut surpris par sa question. Où voulait-il en venir, au juste ?

« Oui, répondit-il, sûr de lui. Enfin, je le connais de mieux en mieux. Pourquoi ? »

Gon plongea son regard dans le sien, sans faillir une seule seconde.

« Je m'inquiète pour toi, Kurapika. Kirua et moi, on l'a suivi et-

—Attends, le coupa Kurapika. Vous avez fait quoi ?

—Ben, Kirua m'a dit que ce serait une bonne idée. Comme ça, on pouvait vérifier si c'était quelqu'un de bien pour toi, tu vois ? En plus, il m'a assuré que ce serait un bon exercice pour ne pas se faire repérer. »

Kurapika fronça les sourcils. Il n'aimait pas du tout ce qu'il entendait, là. Depuis quand Kirua et Gon suivaient des gens ?

« Vous n'avez pas le droit de faire ça. Et si on vous avait remarqué ?

—Eh ben... pour être honnête, je crois que ton ami nous a repérés, ha ha. »

Gon se gratta l'arrière de la tête et Kurapika poussa un long soupir. Non mais ce n'était vraiment pas possible !

« Il n'avait pas l'air de s'en préoccuper, le rassura aussitôt Gon. Il ne nous a jamais rien dit !

—... Bon et donc ? Qu'est-ce que tu voulais me dire par rapport à ça, Gon ?

—Ah oui ! Ton ami traîne tout le temps avec ce groupe dangereux dont tu nous as souvent parlé. Je me suis dit que tu voudrais le savoir. »

Kurapika sentit son estomac se contracter en entendant cette phrase. Naïvement, il avait espéré que Feitan change ses fréquentations ou, en tout cas, qu'il les voie moins souvent... Cette phrase lui fit le même effet qu'un coup de fouet. Il s'était vraiment montré stupide. Mais il avait quand même du mal à y croire...

« Tu l'as vu récemment avec eux ? » demanda-t-il alors.

Gon hocha la tête. Contrairement à la dernière fois, ce ne fut pas la colère qui envahit Kurapika. C'était bien pire. Il ferma les yeux un instant, avant de se forcer à regarder Gon. Il allait falloir qu'il le rassure.

« Ne t'en fais pas, lui sourit-il. Je l'ai déjà vu avec eux, moi aussi. Enfin, merci de me prévenir, mais ne t'inquiète pas, il ne me fera rien. »

Gon l'observa longuement, comme s'il le sondait. Puis il acquiesça.

« Très bien, je te fais confiance, Kurapika ! »

Gon lui sourit, semblant soudain plus soulagé.

« Cependant, reprit Kurapika, tu ne dois pas espionner les gens. C'est une très mauvaise habitude et ça aurait pu mal tourner !

—Ah, je suis désolé ! Mais il fallait qu'on soit sûrs que c'était quelqu'un de bien, tu comprends ? »

Gon avait l'air si tracassé de sa réaction que Kurapika préféra laisser tomber. Ses épaules s'affaissèrent quelque peu et un sourire sincère s'afficha sur son visage. Gon n'était pas croyable quand même.

« C'est bon pour cette fois, souffla-t-il alors. Mais ne recommence plus, d'accord ?

—Promis ! lui répondit aussitôt Gon. On ne le fera plus ! »

Ça, Kurapika demandait à le voir pour y croire. Même si Gon le pensait, il avait la fâcheuse habitude de faire n'importe quoi avec Kirua. Enfin... C'était attendrissant quelque part.

« Bien. Merci Gon », répéta-t-il.

Malgré tout, il était touché que Gon fasse autant attention à lui. Gon afficha alors un sourire jusqu'aux oreilles.

« De rien ! C'est normal ! »

Kurapika ne savait pas si c'était si normal que ça, mais ça lui faisait plaisir. Seulement, lorsque Gon finit par quitter sa chambre, il ne resta pas longtemps dans cet état d'esprit. Dès qu'il fut seul, il se laissa tomber sur le lit et soupira profondément. Ses émotions tourbillonnaient en lui. Il ne supportait pas ça. Pourtant, il n'était pas en colère, non, il était... il était déçu. Et... il se sentait trahi. C'était ridicule. Feitan ne lui avait jamais rien promis. Il avait le droit, en soi, de continuer à les voir. Cependant, Kurapika s'était mis à penser que... peut-être qu'à force de passer du temps avec lui, Feitan n'aurait plus éprouvé le besoin de les fréquenter. Il s'était trompé sur toute la ligne. Savoir que Feitan continuait à traîner avec eux, ça le rendait dingue. Il ne supportait pas cette situation.

Que faisait Feitan, à la fin ? Pourquoi continuait-il à les voir ? Ça n'avait aucun sens... Mais surtout, ça le mettait dans une situation compliquée. Kurapika inspira profondément, tout en passant ses mains sur son visage. Il avait vraiment été bête sur ce coup-là, à faire semblant de rien. Comme si de simples après-midi dans une salle d'arcade pouvaient tout arranger. Il aurait dû en parler plus franchement avec Feitan au lieu de ne plus jamais évoquer le sujet. Il ne savait même pas pourquoi il avait agi comme ça. Ça lui avait juste semblé... évident. Seulement, maintenant, il était bien obligé de regarder la réalité en face.

Kurapika avait une grande conscience morale. Il ne supportait pas la violence. Pas depuis que ses parents s'étaient fait tuer par une bande de délinquants qui était parvenue à fuir. Kurapika ressentait toujours une rage intense en y pensant. Feitan ne se rendait donc pas compte des conséquences de ses actions ? D'accord, ces abrutis n'avaient probablement jamais tué personne, mais ils commettaient des actes si horribles. Des actes qui pouvaient bien vite mal tourner. Kurapika ne voulait pas que Feitan ait du sang sur les mains. Il ne pourrait jamais accepter ça. Mais que pouvait-il faire, au juste ? Kurapika savait qu'il ne devait pas se voir en sauveur. Feitan faisait ses propres choix et Kurapika ne détenait pas la bonne parole. Malgré la mort de ses parents, il avait toujours été dans une situation privilégiée. Comment même pourrait-il prétendre comprendre Feitan ? Sa vie, son quotidien étaient à des dizaines de milliers de lieues de ce qu'il connaissait. Mais alors quoi ? Devait-il juste se taire et laisser Feitan de côté ? Ne pas s'emmêler, ne pas s'investir ?

Kurapika ne s'en sentait pas la force. Parce que Feitan... Il avait le sentiment profond que Feitan méritait vraiment plus que ça ! S'il avait d'autres cartes en main, Feitan pourrait avoir un tout autre avenir. Kurapika avait l'impression que s'il ne faisait rien, Feitan continuerait simplement son propre chemin dans l'illégalité. Ce ne serait pas son problème, techniquement. Une fois à l'université, Kurapika ne devrait plus avoir à s'en soucier. Mais il s'en rendait bien compte. Il s'en souciait maintenant. C'était important. Il inspira alors profondément. L'information le touchait bien trop pour qu'il n'en fasse rien. Il fallait au moins qu'il essaye d'en parler une nouvelle fois à Feitan. En tâchant de garder son calme, peut-être qu'il arriverait plus facilement à lui faire comprendre son avis. Peut-être, oui... En tout cas, c'était un coup à tenter.

Kurapika s'accrocha à cette pensée au cours des jours qui suivirent. Il tâcha de garder un comportement normal avec Feitan lors de leurs leçons particulières, ne tenant pas à avoir cette conversation au lycée. Mais lorsque le samedi arriva, Kurapika commença à se sentir nerveux. Tout se mélangeait à nouveau dans son esprit. Au-delà de la discussion qu'il voulait avoir avec lui, ça lui faisait toujours étrange de se dire que Feitan allait être dans sa maison...

Pourtant, Kurapika attendait impatiemment sa venue. Assis au salon, il pouvait entendre les cris de Gon et de Kirua qui jouaient dans le jardin. Lorsque la sonnette de la porte d'entrée retentit, il ne put s'empêcher de sursauter légèrement. Aussitôt, avant qu'il ne prenne l'envie à Mito de s'en charger, il se releva et alla lui ouvrir. Comme toujours, Feitan était entièrement habillé de noir. Et Kurapika était bien forcé de reconnaître que ça lui allait à merveille. Il lui sourit alors et l'invita à entrer.

Lorsque Feitan eut retiré sa veste et ses chaussures, Kurapika lui proposa de monter dans sa chambre. Feitan le suivit sans rien dire. C'était tellement étrange de le voir chez lui, mais c'était loin – très loin, même – d'être désagréable. Kurapika avait préparé deux chaises près de son bureau. Feitan s'installa donc sur l'une d'elles et sortit ses affaires, tout en observant la chambre.

« Où est ta console ? demanda-t-il de son habituelle voix douce.

—Oh, au salon. Je te montrerai les jeux tout à l'heure, ça te va ? »

Feitan acquiesça. Pour ne pas perdre de temps, Kurapika et lui commencèrent ensuite à réviser. Après tout, c'était pour ça qu'ils étaient là. Kurapika prit quand même la peine de regarder quelques fois les exercices que faisait Feitan. Il n'y avait quasiment pas de fautes. Kurapika sentit la fierté l'envahir. Il était vraiment content des progrès de Feitan. Il se demandait parfois si ce dernier s'en rendait compte. Il s'appliquait tellement. En ce moment, il était profondément concentré sur l'énoncé d'un de leurs devoirs. Ses sourcils étaient légèrement froncés. Il était juste... adorable. Kurapika se sentit rougir à cette pensée. Il retourna alors bien vite sur son propre exercice.

Ils travaillèrent de cette façon pendant presque deux heures. Feitan lui posait de temps en temps des questions et il ne se déconcentra pas une seule fois. Kurapika décida, malgré tout, qu'une pause serait la bienvenue. Ayant terminé son devoir, il se tourna vers Feitan.

« Tu veux manger quelque chose ?

—Ouais. »

Feitan afficha un petit sourire qui le fit flancher aussitôt. Tentant de cacher son trouble, Kurapika se releva et quitta la chambre, suivi par Feitan. Ils descendirent alors pour se rendre dans la cuisine. En chemin, ils croisèrent Mito. Cette dernière regarda Feitan, un doux sourire sur le visage.

« Bonjour, tu dois être Feitan ? »

Ce dernier se contenta de hocher la tête.

« Je suis enchantée de te rencontrer. Fais comme chez toi, surtout.

—... Merci.

—Oh, au fait, Kurapika, reprit-elle en se tournant vers son filleul. Je vais chez grand-mère. Si tu as besoin de quelque chose, tu m'appelles, d'accord ?

—Très bien. »

Mito s'en alla ensuite en leur souhaitant une bonne fin d'après-midi. Kurapika et Feitan, quant à eux, reprirent leur chemin jusqu'à la cuisine. Kurapika sortit des armoires toutes sortes de biscuits pour les proposer à Feitan. Ce dernier prit du chocolat blanc et commença à le manger. Kurapika, lui, préférait clairement le chocolat bien noir. Cette différence l'amusa.

« Je te propose qu'on étudie encore une heure et après, on joue, ça te va ?

—Ok.

—Ça ira pour le temps ? Ta... Ta mère ne t'attend pas à une heure précise ?

—Elle s'en fiche. Elle le remarque pas. »

Kurapika hésita un moment. Il ne voulait pas se montrer trop indiscret, mais quand même... Il se sentait en colère. Comment ne pouvait-elle pas remarquer son absence ? Seulement poser cette question à haute voix allait juste mettre mal à l'aise Feitan. Mito le lui avait rappelé tant de fois. Kurapika savait qu'il avait tendance à être bien trop direct. Parler avec tact n'était pas toujours facile, mais depuis que Mito s'occupait de lui, il s'était quand même bien amélioré.

Il préféra alors garder le silence. Ils mangèrent tranquillement leur chocolat avant de remonter dans la chambre. Au passage, Kurapika jeta un coup d'oeil aux grandes baies vitrées. Il pouvait apercevoir Gon et Kirua jouer au ballon ensemble. Il sourit doucement, avant de poursuivre sa route.

L'heure suivante se passa sans trop de souci. Mais Kurapika n'était pas mécontent lorsqu'elle fut enfin terminée. Feitan et lui avaient vraiment bien avancé. Ils avaient largement mérité de se faire plusieurs parties. Ils redescendirent alors au salon et Kurapika laissa Feitan choisir le jeu qu'il voulait. Ce dernier observait longuement les différents coffrets lorsque Gon et Kirua rentrèrent dans la pièce. Feitan leur lança un regard qui se fit rapidement plus froid. Kurapika put voir que Kirua se tendit aussitôt. Mais avant que quiconque n'ait dit un mot, Gon embarqua Kirua dans la cuisine et Feitan retourna son attention sur les jeux. Bien sûr... Gon avait dit que Feitan avait dû les remarquer lors de leur filature, ce ne serait donc pas étonnant qu'il s'en souvienne. Mais Feitan ne fit aucun commentaire et finit par tendre un jeu vers lui.

« Celui-là. »

Kurapika regarda ce qu'il avait choisi et sourit. C'était un jeu de survie très immersif. Le jeu en solo n'était pas des plus marrants, mais en équipe, il avait un vrai intérêt. Ils le lancèrent alors. Kurapika s'amusa des émotions qui traversaient les yeux de Feitan. Ce dernier était totalement détendu. Ça se voyait qu'il était dans son univers et qu'il s'amusait. Kurapika adorait le voir comme ça. Il ressemblait tant à un adolescent de son âge. Et Kurapika préférait de loin cette version-là de lui. Surtout que, pour une fois, ils ne se battaient pas l'un contre l'autre, mais ils devaient coopérer afin d'empêcher la horde de zombies d'avancer. Feitan lui donna plein de conseils. Il était complètement dans le jeu et il prit un malin plaisir à tuer tous ceux qui se présentaient sur sa route. Très clairement, ce fut grâce à lui qu'ils réussirent leur mission. À la fin de la partie, Feitan se tourna vers lui, le regard malicieux.

« Tu t'améliores. C'était pas mal. »

Il était clairement taquin, mais ça amusa Kurapika. Seulement, lorsque Feitan lui proposa une deuxième partie, Kurapika sut qu'il était temps pour lui de prendre son courage à deux mains. Mito n'allait pas rentrer de sitôt et Gon et Kirua étaient retournés jouer dehors. Ils étaient donc tranquilles. C'était le bon moment pour se lancer. Surtout que Kurapika en avait vraiment besoin. En plus, la courte interaction de tout à l'heure lui donnait un parfait prétexte pour lancer cette conversation. Il inspira alors profondément.

« Avant, je voudrais juste te parler de quelque chose.

—Ok, répondit tranquillement Feitan.

—En fait, j'ai l'impression que tu as un problème avec Kirua, non ?

—Qui est Kirua ? »

Feitan semblait sincère. Il le regarda, une lueur de curiosité au fond des yeux.

« Le garçon aux cheveux blancs que tu as croisé tantôt. »

Feitan ne lui répondit pas tout de suite. Contre toute attente, un léger sourire finit par orner ses lèvres.

« Il est pas discret.

—... Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

—Il m'a suivi. Avec l'autre garçon. Je sais pas pourquoi. Mais il est pas discret. »

D'accord. Donc, Feitan amenait de lui-même le sujet. Parfait.

« Oui, Gon m'en a parlé. »

Feitan ne semblait pas vraiment intéressé par cette information. Son attention se reporta sur le jeu qu'il avait très envie de reprendre, mais Kurapika, lui, avait besoin d'aller plus loin.

« Il parait que tu traînes toujours avec cette fameuse bande... »

Feitan resta silencieux, tandis que ses yeux se plissèrent légèrement. Visiblement, il n'appréciait pas sa phrase. Pourquoi ? Après tout, Kurapika ne faisait que dire la vérité et il n'avait pas encore émis le moindre jugement. Bien que ça le démange sérieusement.

« On en parle pas. »

La phrase de Feitan claqua alors dans l'air, surprenant Kurapika. Il avait déjà vu l'autre garçon se montrer froid, mais c'était la première fois qu'il l'était envers lui. Kurapika fronça les sourcils, sentant la colère monter aussitôt en lui.

« Et pourquoi ça ?! »

Feitan se tourna vers lui, plantant son regard d'acier droit dans le sien.

« Pour ça. »

Sur ces mots, il prit la liberté de relancer le jeu. Kurapika se sentit déboussolé et il eut besoin de quelques minutes pour réaliser ce que Feitan voulait réellement lui dire... Ce dernier l'avait bien cerné. Il savait que si la discussion continuait, ils allaient se disputer. Oui, sans aucun doute, c'était ce qui ce serait passé. Mais Kurapika n'aimait quand même pas la réponse de Feitan. Il avait tant besoin d'en parler ! Seulement comment continuer le sujet maintenant que Feitan lui avait fermé la porte ? C'était rageant ! Kurapika sentait bien qu'il ne pouvait rien y faire. Ce n'était clairement pas le bon moment pour insister. Enervé, il soupira alors pour bien faire comprendre à Feitan qu'il n'était pas content. Puis, de mauvaise grâce, il décida de se joindre à la partie. L'ambiance resta tendue, tandis que les bruits des zombies se mirent à remplir la pièce.

Kurapika avait beau tenter de se concentrer sur le jeu, ses émotions tourbillonnaient en lui. Il était agacé que Feitan refuse net d'en parler. Il avait quand même le droit de donner son avis ! Cette situation allait être de plus en plus insupportable s'ils ne pouvaient pas avoir une bonne conversation à un moment. Feitan s'en rendait-il compte ? En avait-il seulement quelque chose à faire ? Après tout, tant qu'il avait son jeu, c'était tout ce qui comptait, non ?!

Kurapika inspira profondément. Il savait qu'il devenait un peu injuste là. Mais rien à faire, s'il parvenait péniblement à se plonger dans le jeu, il avait, en revanche, beaucoup plus de mal à se montrer chaleureux. Feitan devait bien sentir qu'il était toujours fâché, pourtant il ne lui fit aucune remarque.

Ils finirent donc leur partie dans un silence total. Puis, Feitan reposa la manette sur le sol et se releva. Sans lui accorder un regard, il monta à nouveau dans la chambre. Kurapika le suivit et vit qu'il rangeait ses affaires. Kurapika se sentit alors mal. D'accord, il était fâché et il ne passerait pas aussi facilement à autre chose. Mais il n'avait jamais voulu que cette journée se termine comme ça. Il ne souhaitait pas être en froid avec Feitan...

« Tu peux rester si tu veux, lui souffla-t-il alors. Mito va bientôt revenir, tu pourrais manger avec nous.

—Non. Je dois rentrer. »

C'était un mensonge, ils le savaient tous les deux. Kurapika ne voyait pas quoi lui répondre. Il pouvait s'excuser, oui, mais il n'avait pas envie de le faire parce qu'il estimait qu'il n'avait rien fait de mal ! Il avait besoin de réponses et c'était légitime qu'il ait abordé le sujet.

« Bien, répondit-il malgré tout. C'est toi qui vois. »

Feitan hocha simplement la tête, avant de passer son sac en bandoulière et de retourner en bas pour récupérer sa veste et ses chaussures. Lorsqu'il fut prêt, son regard croisa à nouveau le sien. Feitan l'observa alors avec une rare intensité, ce qui perturba un peu Kurapika.

« ... À lundi, finit par murmurer Feitan de sa voix douce.

—À lundi. »

Jusqu'au bout, Kurapika hésita à le retenir. Et pourtant, il ne fit rien pour l'arrêter. Il referma même la porte dès l'instant où Feitan quitta l'allée. Il inspira alors et remonta rapidement dans sa chambre. Il ne tenait pas à croiser qui que ce soit maintenant. Une fois en haut, il se laissa tomber sur son lit. Et le malaise l'envahit en même temps que la solitude. Ah, mais qu'est-ce qui lui arrivait à la fin ? C'était n'importe quoi ! Il ne devait pas se prendre la tête avec tout ça ! Il n'y avait pas de raison qu'il se sente coupable ! Et pourtant, il n'arrivait pas à faire autrement. Ce n'était vraiment pas comme ça qu'il avait imaginé cette fin de journée.

Dire qu'il s'était tant rapproché de Feitan... Il espérait quand même que l'attitude de ce dernier ne changerait pas. Ceci dit, il devrait songer lui aussi à la façon dont il se comporterait dans les prochains jours. Il voulait garder un bon contact avec Feitan malgré tout, mais il se connaissait bien. Il savait qu'il n'arriverait jamais à passer au-dessus des fréquentations de ce dernier. Le sujet allait donc bien devoir être de nouveau abordé.

Mais comment ? Kurapika aurait aimé trouver immédiatement une solution. Si seulement il ne se sentait pas aussi fatigué par cette situation... Dans un soupir las, il passa une main sur son visage. Pourquoi fallait-il que Feitan complique tout ? C'était vraiment pénible. Et pourtant, Kurapika savait déjà qu'il ne lâcherait rien. Il ne ferait rien ce soir, il était trop épuisé pour ça, mais, dès le lendemain, il y réfléchirait sérieusement. Il finirait par réussir à prouver à Feitan qu'il méritait bien mieux que cette vie de délit à laquelle il semblait s'accrocher... Il trouverait un moyen de lui parler, même si ça allait sûrement amener des tensions. Parce qu'il en avait besoin. Mais, surtout, parce qu'il s'inquiétait pour Feitan. Ils auraient donc cette conversation, il n'en démordrait pas. Ça, oui, Kurapika n'avait pas de doute là-dessus. Parce que, d'eux deux, c'était clairement lui le plus obstiné et il était hors de question qu'il cède cette place à Feitan...


Et voilà pour ce chapitre. Merci de m'avoir lue.

À bientôt pour le troisième et dernier chapitre !