Anya sentait encore son cœur taper violemment contre ses tempes quand elle passa la porte de la salle de classe. Ses pas la portèrent un peu plus loin, et elle erra quelques secondes dans le couloir, reprenant son calme. Elle était secouée par un sentiment d'étrange ébriété, mêlée à la honte et la frustration. Tout s'était passé si vite, le retard, le nouveau professeur, l'interrogation surprise … Ces yeux plantés soudain sur elle, d'un bleu si intense qu'elle n'avait pu s'empêcher de s'y noyer.

Elle soupira. Pour une première impression c'était sacrément manqué.

Ses joues s'empourprèrent rien qu'à son évocation. Elle détestait les prises de parole en public, et s'était habituée aux situations embarrassantes, mais elle aurait aimé éviter de se faire ridiculiser cette fois. Elle avait toujours particulièrement aimé les cours de Défense contre les forces du mal, mais ce nouveau professeur avait suscité en elle une ardeur nouvelle. Elle avait bu ses paroles sans broncher durant toute l'heure et avait même commencé à imaginer un tout autre scenario pour leur première interaction...

« Anya ! » cria une voix familière.

Elle tourna la tête et croisa le regard de Cho Chang qui lui souriait à quelques mètres, accompagnée d'une de ses amies.

Anya les rejoignit, essayant de dénouer le nœud qui s'était formé au fond de sa gorge. Elle serra les mâchoires et sourit. Elle aurait tout le temps ce soir pour se morfondre, pour l'instant il fallait garder la tête froide.

« Ça va ? » demanda sa collègue Serdaigle, les yeux pleins de sollicitude.

« Disons que c'était pas ma plus belle prestation.. » répondit la brune, faisant la moue.

« T'en fais pas, ça arrive... et puis il est vraiment impressionnant ce nouveau professeur ! »

« En tout cas il bien plus agréable à regarder que Rogue si tu veux mon avis .. ! » rétorqua Lauren, la blonde aux côtés de Cho chang. « J'aurais bien aimé être sous le feu des projecteurs à ta place ! »

Cho chang leva les yeux au ciel, et Anya eu un sourire forcé.

La belle blonde aimait être le centre de l'attention. Si elle avait été à sa place, elle aurait sans doute moins perdu la face. Peut être même aurait elle eu la bonne réponse. Anya, elle, n'avait même pas été capable de formuler une phrase. Elle senti son ventre se nouer. Bien sûr que Lauren aurait été meilleure qu'elle.

Un groupe d'élève passa non loin d'elles et un voix moqueuse s'éleva.

« Nolein ! Je sais que je suis à couper le souffle mais quand même tu aurais pu faire un effort ! »

Malfoy était à quelques mètres et dardait sur elle son regard argenté et dédaigneux, tandis que ses amis s'esclaffaient. Draco ne manquait pas souvent l'occasion de rabaisser ses camarades, pour le plus grand plaisir de sa bande. Elle ne faisait pas partie de ses cibles principales, mais le fait qu'elle soit née-moldu n'était sans doute pas anodin. Il appréciait un peu trop la prétendue supériorité que lui conférait son sang, même si au fond il n'était pas aussi antipathique qu'il ne le laissait paraître.

Anya lui asséna un doigt d'honneur avec un sourire entendu, ce qui le fit éclater de rire de plus belle. Il s'éloigna, entouré par son attroupement habituel, mais Théodore Nott s'attarda un peu. Il s'approcha du groupe.

« L'écoute pas Anya, il est particulièrement exécrable en ce moment, pour changer ! » dit il avec un clin d'œil.

« Merci Théo.. Je sais toujours pas comment tu fais pour le supporter toute la journée !» répondit elle.

« J'ai de l'entraînement je crois ! » argua le brun en la regardant du coin de l'œil. « Allez les filles, je vous laisse.. à plus ! » lança t il avant de rejoindre sa troupe.

Anya le suivit du regard quelques instants, pensive. Théodore était un des Serpentards les plus sympathiques et contrairement à Draco, était connu pour son amabilité. Il faisait partie de ces garçons au physique ordinaire mais qui exsudait un certain charisme. Il avait le contact facile et même si leurs échanges n'étaient qu'anodins, elle l'appréciait bien.

Elle se retourna vers ses camarades. Entre temps, Cho chang et Lauren avaient entamé une discussion sur le style vestimentaire des professeur à Poudlard, et le débat semblait houleux. Anya soupira intérieurement. Elle aimait bien Cho chang, en partie parce qu'elles étaient toutes les deux studieuses et assidues, et Cho avait toujours été bienveillante avec elle. Elle partageait son attachement pour le travail bien fait et leur s longues séances de révisions nocturnes l'avaient liées d'une confiance authentique, mais elle savait au fond d'elle que ce n'était pas vraiment suffisant pour qualifier cette relation d'amitié.

Anya se surprenait souvent à emprunter des phrases toutes faites au cours de leur conversations, comme si elle jouait un rôle. Les bavardages lui demandaient un effort considérable, tant elle tentait de se glisser dans le moule qui lui était destiné. Sauf qu'elle était loin d'être l'élève modèle que son amie incarnait. Sportive, populaire et bosseuse, Cho Chang était une personne réellement solaire et attirait beaucoup d'intérêt, masculins comme féminin.

Pour sa part, Anya avait beaucoup trop d'ombre en elle pour prétendre lui ressembler. Trop de pensées, trop d'émotions, et elles prenaient une place si grande qu'elle avait toujours l'impression de déborder. Elle ressentait les choses au centuple, elle traversait la vie comme on traverse une tempête, les sens aux aguets, et c'était un tourbillon indescriptible. Tout la traversait de part en part, tout laissait des marques.

Anya vivait cette hypersensibilité comme une anomalie. Les autres discutaient d'évènements, et Anya rêvait. Pour elle, la plupart des discussions usuelles étaient impénétrables, tant elles étaient basées sur des faits, alors qu'elle ne vivait qu'en sensations. Elle se taisait souvent, étrangère, écoutant d'une oreille inattentive, l'esprit évanouit ailleurs.

Alors avec Cho, comme avec les autres, les conversations tournaient en rond, et de lieux communs en banalités, Anya donnait le change. Mais cette mascarade constante était si écrasante qu'elle sentait parfois sa poitrine capable d'imploser. Dans ces moments là, son seul souhait était d'abandonner son propre corps, et écouter, pour au moins une fois, un silence absolu.

Cho chang regarda sa montre.

« Il est bientôt midi ! » s'exclama t elle, sortant la brune de ses réflexions « On ferait mieux d'aller au banquet ! »

Anya hésita.

« Hm, j'ai quelque chose à faire avant….» glissa-t-elle « Allez y, je vous rejoins là bas ! »

Les filles acquiescèrent , absorbées par leur discussion , et s'éloignaient déjà. Anya tourna des talons et prit la direction opposée. Il y avait bien quelqu'un avec qui les conversations étaient moins pesantes.

Elle parcouru les couloirs en grandes enjambées et, une volée d'escaliers plus tard, arriva devant la salle de potions. Elle s'adossa à un mur, la porte de la classe dans son champ de vision et guetta. Quand elle vit Neville sortir de classe, elle se dirigea vers lui, soulagée. Il était si grand qu'elle n'aurait pas pu le louper, même dans la nuée d'élève. Un début de barbe naissante garnissait son visage et ses sourcils se arquèrent quand il l'aperçut.

« Hey Anya ! » dit il en agitant son bras démesuré « Ça fait un moment dis donc ! Comment vas tu ? »

Elle s'approcha avec un sourire amical.

« Ça va ! Je sors tout juste de cours.. On a un tout nouveau professeur ! »

« Ah.. Défense contre les forces du mal, c'est ça ? »

Elle acquiesça et fronça les sourcils, interrogative.

« Les nouvelles vont vite dis donc !»

« Oui.. difficile de ne pas tendre l'oreille ! » fit il en riant « J'ai entendu tout un tas de rumeurs. Il paraît que c'était un gros bonnet dans le monde moldu.. Il traînerait dans des affaire pas très nettes, et c'est en partie la raison de sa venue ici... » reprit il, songueur.

Les sourcils d'Anya s'arquèrent.

« Ce ne sont que des rumeurs ! » ajouta il.

Expert en défenses contre les force du mal, Serpentard et gangster. Sacré mélange.

« Hm.. Eh bien il ne démérite pas sa place de professeur, son cours était captivant..» fit la brune « Mais bon, j' ai encore eu l'air stupide … »

« Comment ça ? »

Elle soupira.

« Tu me connais... Je bosse beaucoup et une fois le moment, je flingue tout en quelques secondes.. » fit elle en riant.

Elle sentit Neville l'observer du coin de l'oeil. Il s'était adossé avec elle contre le mur, tandis que les dernières personnes vidaient le couloir. Il la connaissait sans doute assez pour savoir que malgré la légèreté dans sa voix, elle cachait un chagrin plus intime . Il tourna la tête et regarda le plafond.

« Je sais que c'est facile à dire mais.. tu devrais te faire plus confiance. »

Facile à dire oui. Mais elle appréciait l'intention.

« Je sais.» Elle marqua une pause. « J'ai juste parfois l'impression d'être complètement .. »

Insignifiante.

«... transparente. » souffla t elle.

Neville baissa le regard sur elle.

« Tu es loin d'être transparente, Anya. » asséna t il.

Elle leva les yeux vers lui. Son regard était bienveillant, et elle sentit une chaleur rassurante monter dans sa poitrine.

Ils avaient mis fin à leur liaison il y avait déjà quelques mois, bien qu'ils n'aient jamais vraiment été ensemble. Ils s'étaient liés d'amitié dès leurs début à Poudlard, et les années passant, les hormones avaient appelé à un peu plus. Ça n'avait été qu'occasionnel, mais toujours sincère.

Anya baissa les yeux.

« Bon, et toi alors, toujours avec Hannah ? » demanda t elle.

Il y avait quelque mois, il avait fallu lever l'ambiguïté de leur relation, pour ne pas qu'elle empiète sur le reste. Ils avaient toujours été de très bons amis, et l'étaient restés. Neville enfonça un peu plus profond ses mains dans ses poches.

« Oui, on s'est remis ensemble ce week- end... » dit il en grimaçant. « J'avoue ne plus vraiment y croire mais bon, on se donne toutes les chances »

La poitrine d'Anya se serra. Bien qu'elle ne se l'était pas avoué, elle y avait pensé. Si elle tirait un peu d'apaisement d'une simple conversation avec Neville, elle savait que son effet s'estomperait vite. Une fois le soleil couché, l'angoisse finissait toujours par revenir, et la chaleur humaine était un épatant moyen pour la chasser. Mais pas cette fois..

« Allez, il faut qu'on file au banquet avant qu'il ne nous reste plus rien » reprit il en souriant.

Elle acquiesça, lui emboîtant le pas. Son esprit divaguait déjà.

Ce soir, elle devrait trouver un autre subterfuge.


Il était déjà la fin d'après midi, les cours avaient filé à toute vitesse, offrant un peu de répit à Anya. Elle aimait occuper son esprit, et les cours de magie avaient l'avantage d'être réellement intéressants, contrairement à ce qu'elle avait expérimenté dans le monde moldu. Son cerveau pouvait s'absorber complètement, et ce faisant, oublier le reste.

Sa scolarité avait été quelque peu chaotique. Elle avait fait ses quatre premières années à Poudlard sans problèmes particuliers, mais arrivé en cinquième année, ses parents moldus n'avaient plus voulu qu'elle poursuivre ses cours de sorcellerie. Ils souhaitaient qu'elle intègre le lycée moldu de leur choix, qu'elle poursuivre des études classiques et une "vraie carrière". Ils avaient toujours imaginé cette histoire de sorcellerie plutôt comme un hobby que comme un vrai avenir.

Elle avait essayé de se battre, mais ses parents avaient été inflexibles et elle avait été obligée d'interrompre son cursus. Après un an de lycée moldu et de travail à mi temps, elle était parvenue à se faire des économies suffisante pour s'émanciper. Elle louait un appartement minable mais se débrouillait seule à présent. Après plusieurs échanges avec Dumbeldore, était parvenue à ré intégrer l'école, avec un an de retard.

De ce fait, elle était légèrement plus agée que ses camarades. Cet intervalle avait été remarqué, et elle se sentait toujours un peu intruse. Le sang qui coulait dans ses veines étaient pourtant de la même couleur que celui des autres, et son esprit était tout aussi brillant, mais une voix dans sa tête rassassait toujours le meme discours. Tu n'as pas ta place ici.

Pourtant, elle n'avait jamais été aussi éxaltée que par la magie. Sa baguette en main semblait un prolongement de ses propres doigts, et quand elle la tendait pour un sortilège, elle sentait ses poils se hérisser chargés d'une electricité inommable. La magie l'emplissait, résonnait en elle comme un écho.

Anya se dirigea vers la bibliothèque. La théorie aussi la passionnait, et elle était bien décidée de maintenir sa tête affairée. Les bouquins étaient un de ses échappatoires favoris et à peine la porte passée, elle ressentit un sentiment d'apaisement familier. La pièce de la bibliothèque avait des plafonds immenses, faits d'un bois de couleur sombre, d'où semblaient dégringoler des livres poussièreux de toutes sortes. Les nombreux lampadaires semblait à peine suffisants pour éclairer l'emsemble de la pièce, et les quelques élèves attablés aux tables d'études avaient alumé leur lumière de chevet personnelle. Le tout donnait une ambiance tamisée et rassurante à l'endroit, dont l'odeur si distincte fit esquisser un sourire à Anya.

Les yeux leveés, elle entreprit de déambuler entre les rayons, empoignant ça et là des ouvrages. Elle s'assit pour les feuilleter quelques minutes, affalée sur un des fauteuil de la grand e bibliothèque, avant de les reposer. Elle répéta l'opération un nombre incalculable de fois, passant des bouquins sur l'Astrologie aux romans à l'eau de rose dans une déléctation peu commune. L'idée qu'elle n'aurait jamais assez d'une seule vie pour tous les dévorer était à la fois effrayante et rassurante. Elle pourrait lire de tout son soûl sans jamais en voir le bout.

Elle atteignit la section dédiée aux créatures magiques . Elle y apperçut Luna Lovegood, qui semblait contempler une étagère presque vide. Son visage était rêveur et ses cheveux blonds descendaient en cascade sur ses épaules. Anya l'observa. Elle connaissait peu mais admirait beaucoup Luna. Bizarre et féérique à la fois, elle cachait à peine sous son air indolent une fabuleuse sagacité. Elle assumait pleinement son excetricité, malgré les moqueries et l'adversité.

« C'est curieux » fit la blonde, et sa voix carillonna.

Anya s'approcha doucement, bien consciente à qui Luna s'adressait.

« Tous les manuels sur les Kelpys ont été emprunté en quelques heures.. » continua t elle en se retournant.

Anya lui sourit en silence. Luna pencha sa tête sur le coté et lui sourit en retour. Son regard était nébuleux.

« Je me demande d'où peut venir cet intérêt soudain pour une telle créature.. »

Anya avait une petite idée, mais avant qu'elle ne puisse lever le mystère, Luna avait déjà tourné les talons. Ses pas légers se perdirent dans la grande bibliothèque.

Anya s'étira, contemplant le pan d'étagère vide, puis attrappa sur la rangée voisine un ouvrage sur les loups garous et le parcouru quelques instants, adossée contre le bois massif. Quand elle fut ennuyée par la description beaucoup trop détaillée des particularités du pélage des lychantropes, elle reposa le livre, puis jeta un coup d'oeil à l'horlogue murale.

Les quelques minutes passées noyée dans les bouquins s'étaient distendues pour devenir quelques heures et elle avait loupé le moment du souper. En traversant la bibliothèque elle remarqua tables vidées, et pressa le pas. Elle ferait mieux de se depêcher si elle ne voulait pas dépasser le couvre feux. Elle s'avança vers la sortie et poussa la lourde porte de la bibliothèque.

Quand celle ci se referma par son propre poids, elle attira l'attention de deux personnes qui discutaient dans le couloir. Marchant dans leur direction, Anya reconnut immédiatement son professeur de sortilège et celui de défense contre les forces du mal, et son sang se glaça. Elle continua à avancer, les yeux fébrilement fixés dans le vide, mais sentit son corps s'enraidir à mesure que ses pas se rapprochait. Un regard était planté sur elle, si palpable qu'elle fut parcourue d'un long frisson.

Quand elle arriva enfin à leur hauteur, le Pr Flitwick lui accorda sa première oeillade distraite. Le Pr Shelby ne l'avait pas lâchée des yeux.

« Mademoiselle Nolein ! » s'exclama le directeur de la maison Serdaigle « Que faites vous encore dehors ? Il est bientôt l'heure du couvre feu ! »

Anya consentit à regarder dans leur direction.

Des yeux azurs se vérouillèrent aux siens. En un centième de seconde elle sentit un gouffre se creuser au fond de son ventre, que seul le magnétisme de ces pupilles semblaient pouvoir remplir. La lumière blafarde des couloirs projettait sur le visage du Pr Shelby des ombres qui soulignaient sa machoire masculine et ses pomettes d'une hauteur princière. Il était d'une impeccable beauté, d'autant plus frappante qu'elle le voyait pour la prmère fois de plus près. Son cœur s'accéléra, et une effervescence grandit sous sa peau. Elle dût user d'une force surhumaine pour détourner le regard.

« Désolée professeur, j'ai été distraite à la bibliothèque… » répondit elle, et sa voix frémit.

« Très bien, mais vous feriez mieux de regagner rapidement votre dortoir ! » lui conseilla le professeur « Aurevoir mademoiselle. » finit il avant de retourner son attention à nouveau vers son interlocuteur.

Celui ci ouvrit enfin la bouche. Anya s'était déjà avancée de quelques pas, mais elle entendit sa voix grave retentir.

« Bonsoir Mademoiselle Nolein. »

Elle s'éloigna, accélérant la foulée, sentant déjà le sang monter à son visage. Ses oreilles bourdonnaient et elle eut tout le mal du monde à se retrouver dans le dédale des couloirs tant son esprit semblait chaotique. Comment pouvait elle se concentrer alors que tout se corps se souvenait avec une précision acerbe de l'humillation matinale ?

Elle atteignit enfin la Tour où logeaient les Serdaigles, et traversa rapidement la salle commune, tandis qu'une sensation sourde montait au fond de sa cage thoracique. Il y avait la honte, l'efferversence d'un désir, la curiosité, la frustration mélées. Enfin dans sa chambre, elle referma la porte et s'y adossa, le souffle court.

Bonsoir Mademoiselle Nolein.

Elle ferma les yeux, mais ses paupières n'étaient pas suffisantes.

Il y avait une voix qui criait au fond d'elle, qui prenait de l'ampleur, secouant chacun de ses membres. Cette voix qui avait attendu toute la journée durant, tapie dans un coin de sa tête, émergeait enfin des recoins de son inconscient. Elle était familière et assassine, et l'enveloppait chaque soir de son manteau glacial. ****T'es vraiment pathétique.

Tétanisée, elle sentait son cœur battre sourdement tandis que l'angoisse montait, telle une vague ravageuse et inéluctable. Et si l'anxiété était un monstre qu'elle avait l'habitude d'endurer, un autre grondait au fond de son ventre.

Bonsoir Mademoiselle Nolein.

Elle laissa son corps glisser contre la porte. Le désir l'envahit pleinement. C'était enivrant. C'était stupide. C'était divin. C'était l'excitation qui lézardait sous sa peau, l'envie qui frappait contre ses tempes. C'étaient ses pulsations erratiques et l'électricité dans chaque pore de sa peau.

Les iris du Pr Shelby se matérialisaient maintenant si clairement dans son esprit, qu'ils dissipaient tout le reste.

Bien sur que ce n'était qu'un pur fantasme. Mais leur couleur était bien trop cristalline, et la tentation beaucoup trop forte.

Transie, elle rouvrit ses yeux. La pièce était baignée par la lumière blafarde de la lune. Elle regarda ses mains, et écarta ses doigts, les détaillant un à un. Elle glissa lentement les pulpes de sa main droite sur sa paume gauche puis les descendit sur ses poignets. Un long frisson la parcourut. Elle avait perdu le contrôle, maintenant toute sa chair n'était perception.

Elle avait l'habitude de se pincer la peau, dans les moments où l'angoisse était trop forte. Juste pour sentir le courant électrique remonter de synapse en synapse jusqu'aux profondeurs de son cerveau. La douleur était vive, et la soulageait quelques instants.

Ce soir, elle n'aurait pas besoin du tranchant de ses ongles pour s'oublier.

Il y avait cette voix râpeuse si vive dans ses souvenirs, ce visage olympien baigné de lumière. Il y avait ce bleu océanique qui la toisait.

Bonsoir Mademoiselle Nolein.

Elle posa une main sur son bas ventre et haleta. Si le désir pouvait chasser l'angoisse, si le plaisir lui accordait ne serait-ce qu'une trêve..

Elle glissa ses doigts plus bas, plus profond, et céda.

Le silence, qu'elle avait si longtemps cherché, se fit.